Enfin seule... Ou presque | Lareless

Bleu sur bronze et vert, Lareless se promène tranquillement dans la forêt jouxtant Aleandir. Elle n'est pas entrée avec l'elfe des nuages, l'idée de mettre un pied dans la cité de pierre al rebute, sachant que là-dedans, elle se sent prise comme un poisson hors de l'eau. Il n'empêche que ses soeurs végétales ont autant besoin d'elle qu'ailleurs. Et en ce moment, c'est un cerisier qui recquiert son attention.

La druidesse tourne autour de celle-ci, essayant de définir quel parasite peut courir dans son tronc en plein hiver. Doit elle essayer de sauver l'arbre et ainsi condamner ce qui prolifère en son bois tendre ou essayer de rendre le trépas doux et sans douleur pour que ce qui sommeille cet hiver puisse s'en nourrir au printemps et ainsi donner un terreau fertile pour une jeune pousse? Ces êtres s'attaqueront t'ils à toute la forêt ou sont ils les nettoyeurs d'une flore malade, purifiant la forêt pour la garder saine?

Délaissant l'arbre malade, elle interroge doucement les autres autours. Chêne et Orme lui répondent volontier d'un ton ensommeillé. Elles vont bien. Mais bien beau ausculter les arbres, il se fait tard et il est maintenant temps de dormir. C'est ainsi que la druidesse se met en frais de trouver un lieu confortable pour acceuillir son repos nocturne. Il y avait une pierre couchée non loin... Ca serait parfait pour un petit dodo d'Estoniel.

Emergeant des frondaisons, la druidesse s'immobilise complètement à la vue le la rousse assise sur la pierre. Elle se rappelle comment les elfes de pierre l'ont traitée. La Mare Noire est un souvenir vif, une plaie pas encore cicatrisée en elle. Comme un animal sauvage, elle s'immobilise à la vue de l'elfe, qui tourna les yeux vert elle.

Ellaïn pouvait voir une elfe étrange, à la peau de bronze lumineuse sous al lumière nocturne. Le masque d'os relevé, dévoilant un visage tatoué. Vêtue d'un pagne et d'un serre sein, les épaules couvertes par une superbe veste de soie d'un bleu clair, une corne de soixante centimètre au moins à sa hanche, à laquelle pend une multitude de breloques qui ne font aucun bruit.

Incertaine, Lareless garde l'immobilité absolue des chats attentifs et alertes, prête à bondir dans les fourrés à la moindre menace. C'est qu'ils ne sont pas tendre à Aleandir. Si ce n'était de Lissesùrë, elle ne serait même pas dans la région, mais au plus profond des forêts.

Belle nuit pour les rencontres, finit elle par dire Je suis Lareless

L'elfe se redressa immédiatement, sans même qu'elle puisse les contrôler, ses jambes prirent leurs appuis, prête à se défendre dans une noirceur qui ne la dérangeait plus qu'à moitié tant elle y était maintenant habituée. Elle ne distingua pas tout de suite la nature de la nouvelle arrivante, cela ressemblait à une elfe tout en y étant très différent, plus bestiale et sauvage. Celle-ci se présenta des plus poliment et Ellaïn, crispée dans sa posture défensive, lui répondit d'une voix aussi claire qu'étonnée, créant un contraste comique.

- Heum... enchantée ?... Je m'appelle Ellaïn.

Elle n'était plus très sûre de la marche à suivre. Peu à peu, son corps relâchait sa tension musculaire. Les yeux grand ouvert, elle observait Lareless du mieux qu'elle pouvait afin d'en discerner le plus d'informations utiles, mais finit par succomber à la tentation de laisser sa réflexion de côté en cette nuit et d'opter pour la solution la plus simple. La voix hésitante, passant sa main sur son visage :

- Ex..cusez-moi mais... Vous ne ressemblez pas aux autres elfes que j'ai pu voir jusqu'ici... Vous êtes qui, au delà de votre nom ?

Cela lui semblait naturel, mais la manière dont la question était tournée trahissait le fait qu'Ellaïn ne s'incluait pas encore complètement dans ce qu'elle appelait "les autres elfes"... et visiblement, son interlocutrice n'appartenait pas à ce groupe non plus. Deux êtres solitaires qui se rencontrent en cette nuit, il était pourtant impossible de dire qu'elles étaient similaires.

Pour autant, était-elle effrayé ? Non, certainement pas. Curieuse, assurément, elle conservait cette attitude analytique de toutes les situations, ces années dans les profondeurs du Puy avait empli ses veines de sang froid. Pour un peu, elle tournerai presque autour de Lareless comme un prédateur, l'observant avec la plus grande attention.

Ellaïn souriait sur son visage fatigué.

Elle était donc une Noss, une de ces elfes qui vivaient en autarcie des cités d'Anaëh. Un sujet peu souvent abordé parmi les citadins, était-ce dont si honteux, si méprisable, ou bien avaient-il simplement peur d'en parler ? Il est vrai que l'apparence de la druidesse se démarquait des citoyens elfiques ordinaires. Le plus marquant visuellement étant bien sûr ce demi masque, qui bien que levé restait des plus notable. Un demi masque formé d'un crâne, une représentation de la mort, mais également un demi visage découvert, de chair et de sang, en vie.

La vie, la mort.

La mort, la vie.

Le renouveau. Était-ce là la symbolique de son rôle de druide ?

- Cette pierre ne m'appartient pas, je te la laisse si tu le souhaites... Je trouves les pierres bien froides et trop silencieuses pour être honnête.

Le temps passant, Ellaïn s'aperçu qu'elle dépréciait profondément la roche. Elles leur rappelait les profondeurs obscures, l'isolement, le silence oppressant... la mort.

- ... tes... sœurs ? Vous allez avoir besoin d'une plus grande pierre.

Ce n'est pas parce que nous ne les entendons pas qu'elles ne s'expriment pas. Elfe des nuages dit qu'elles chantent et il est sourd à la symphonie, pourtant j'ai rarement vu un elfe plus attentif.

Dit Less en s'étendant de tout son long sur la pierre froide à côté d'Ellaïn, semblant insensible au changement de température.

Qui sait? Elles se réchauffent à notre contact. Peut-être est-ce  leur façon de nous faire savoir qu'elles apprécient notre présence? Merci de me laisser m'installer. La nuit est claire et les lunes sont tellement belles 

Laissant le silence s'installer, Lareless finit sur le dos, le masque sagement posé sur sa poitrine, la belle veste bleue étendue en plis souples autour d'elle, mettant en valeur ce corp de bronze à la peau ornée des tatouages de sa Noss,  lumineuse et douce sous la lune, simplement vêtue de cuir. Ses boucles de bronzes éparpillées un peu partout autour d'elle, mettant en valeur ces yeux de mousse au regard placide. A sa hanche, une corne brisée ornée de breloques. Tranquille, elle laisse le silence s'installer. L'absence de paroles ne la pèse pas du tout. 


- ... tes... sœurs ? Vous allez avoir besoin d'une plus grande pierre.

Un sourire étire le visage de la Terlàno.

Mes soeurs sont tout autour de nous, de sève et de bois. Je ne crois pas qu'elles aient besoin de cette pierre dans un avenir rapproché... Je suis dévolue à leur pérennité à leur bien-être entre autre. Certains parlent de métier ou de mandat. Je parle plutôt de mode de vie. C'est exigeant certes, mais l'Oeuvre le mérite bien... Même si tu n'entend pas, tu dois sûrement ressentir le calme naturel de cette clairière pour y avoir trouvé refuge. Dans les environs, c'est mon coin préféré.  

Son regard se perdit un moment dans les profondeurs de la forêt, souriant légèrement.

- J'entends bien plus de choses que je n'en comprends. C'était un peu comme arriver dans un pays étranger, où les gens parles tout autour de vous et qu'il vous est impossible d'y donner le moindre sens, et à moins d'en apprendre la langue, il est restera ainsi.

- A vrai dire, ça m'agaçait au début... je croyais réellement devenir folle. Ellaïn souffla par le nez comme étouffant un léger rire. Mais le temps passant, c'est devenu plus... agréable. Un regard du coin de l'oeil vers cette elfe tout aussi sage que sauvage. Mais ça n'en reste pas moins étrange.

Elle se mis à marcher quelques pas, observant les arbres les plus proches, puis se retourne vers la druide.

- Je n'ai jamais trop osé demandé, est-ce que tout les elfes entendent ces voix ? ces chants ?  J'imagine que c'est quelque chose de normal après tout mais... Il m'arrive d'en avoir des doutes. Sa jambe d'appui change et ses bras se croisent. Son aura ne reflétait que très mal sa nature d'elfe. Quand on la regardait, quelque chose sonnait faux, bien qu'il soit toujours difficile de mettre exactement le doigt dessus. Son attitude, sa manière de se tenir, son langage, un tout qui faisait d'elle une elfe à l'allure bien rustre par rapport à ses pairs. Et donc... qu'est-ce qui vous amène à vous promener ainsi en pleine nuit ? l'Oeuvre ? Elle pourrait au moins attendre qu'il fasse jour. Dit-elle avec une touche d'humour et de désinvolture.

Silencieuse, caressant son masque, Lareless écoute Ellaïn. Quand elle s'éloigne, elle se tourne sur le ventre, investissant sans vergogne le bout de pierre préalablement réchauffé par le séant de l'elfe. Le visage posé sur son masque, lui donnant un air de chat indolent.

Elle a de ces questions étranges et incongrues. Les prunelles de mousse se plissent de curiosité. C'est intéressant. La rousse devant elle a une histoire. Elle est comme une jeune elfe qui découvre le monde. Et pourtant, elle semble être femme faite à la voir bouger. Un fait demeure, Ellaïn est. Ni plus ni moins.

Tu as déjà de l'avance sur certaines personnes. Tu l'entends, tu commence à être à l'aise... Avec le temps, tu va devenir familière avec le rythme et les sonorités pour finir par la comprendre. Certains l'entendent, d'autres non. Mais tous, nous tous, nous y sommes sensibles.

A la dernière phrase de l'elfe, Lareless a un petit rire.

Ellaïn. Je dors et je mange quand j'en ai envie. Tu aurais pu venir cet après-midi et tu aurais pu me trouver profitant du soleil, tu aurais pu rencontrer Estoniel au coucher du soleil, il avait faim. Le fait est que je n'ai pas d'heure et la Symphonie non plus. Il y a toujours une veilleuse parmis mes soeurs.

Elle marque une pause, son oreille fine se tourne et écoute attentivement les murmures des végétaux entourant la belle rousse. Les sons sont apaisants. Elle n'a rien à craindre.

Et toi, qu'est ce qui t'a amenée ici cette nuit? Tu me semble... La végétaliste cherche le bon terme. avoir un décalage entre ton corp et ton esprit. Kyriä a des façon de veiller sur ses enfants. Peut-être puis je essayer de t'aider?

- Je... ne dors pas très bien ces temps-ci.

C'était peu de le dire, en réalité les cauchemars se faisaient de plus en plus fréquent, et de plus en plus percutant. Ellaïn traversait de nouveau un vraie crise dans son esprit déraciné. Son corps était en paix, mais il cherchait la guerre, à tout instant il était prêt à frapper, à riposter, une arme qui ne demandait qu'à sortir de son fourreau pour déchaîner sa rage et sa fureur. Son esprit, lui, cherchait la paix, une paix qu'il ne trouvait pas, tiraillé de toutes parts, en guerre contre le monde mais avant tout en guerre contre lui-même.

A mesure qu'elle s'éloignait de son passé, les échos s'en faisait de plus en plus fort. Elle aimait bien s'isoler dans un endroit propice à écouter la Symphonie, ça l'aidait à penser à autre chose. D'un certaine manière, elle formait comme une force d'opposition, créant des interférences agréables à ces sinistres fantômes qui la poursuivent.

- Vous pensez que Kyriä veille même sur quelqu'un comme moi ?... Le sang des siens était sur ses mains, mais quelque chose l'empêcha de l'avouer à cette inconnue. On me dit bénie d'Isten, mais les miroirs que je regarde ne reflètent aucune beauté.

Lareless l'écoute patiemment. On pourrait presque la voir battre indolemment de la queue.

Isten...Mais qu'est ce qu'Isten? Les murmures se font un peu inquiet. Mais s'apaisent vite. La terlàno soupire intérieurement. Ce n'est pas son mandat de donner les réponses toutes faites. Mais soit.

Tu sais, dit elle de sa voix calme, si Kyriä ne veillait pas sur toi, je ne serais pas là. Je ne peux te donner de réponse, je ne sais rien de toi et, de plus ce n'est pas mon mandat. Ce que je vois par contre. C'est que les gens veulent te montrer plein de sentiers, mais aucun ne te convient. Ils veulent t'aider... Je ne sais pas qui est cette Isten, elle m'est étrangère... Ce que je sais par contre c'est que tu as vécu des choses qui entrent en conflits avec ce que tu voudrais être. Je me trompe?

Elle a quand même une petite idée Lareless...

Veux tu m'en parler? Je n'aurai que le choix d'être objective, je ne connais rien d'au delà l'Anaëh. Je peux t'écouter si cela peut te faire du bien... Sinon, la zoothérapie, tu connais? Estoniel est excellent là dedans.

C'est que le grand félin a pris goût aux confidences et aux caresses.

Elle hausse les épaules.

- Chasser ? Je sais me battre mais je n'ai jamais chassé.

Sans bouger, Ellaïn écoute la druidesse avec attention. L'ancienne esclave comprend où Lareless souhaite en venir. Maintenant qu'elle avait réussie à revenir en Anaëh, le plus difficile était fait. Que cela prenne une ennéade ou un cycle, elle finirait par trouver ce qu'elle venue chercher. Seule son impatience se dressait encore en ennemi.

Se faire enlacer n'est jamais désagréable, mais cela à toujours un effet de surprise qui ne manqua pas rigidifier tout les muscles de l'elfe. Un bruit dans les feuillage, malgré l'obscurité, la guerrière est alerte. Elle peine à partager la sérénité de la druide en dépit de ses mots visant à l'apaiser.

- C'est... difficile à décrire. Parfois j'entends comme des harmoniques lointaines, mais il y a des fois où j'ai l'impression qu'elles sont toutes proches, comme... des murmures d'enfants qui se cacheraient derrière les arbres, et dès lors que je me tourne vers eux, ils se cachent... Je n'arrive jamais à savoir ce qu'elles veulent, ou si même elles veulent quelque chose, elles sont là, c'est tout. Habitant la forêt, tout simplement.

Justement, elles sont là, simplement. Dit Lareless en posant sa tête sur l'épaule de la guerrière, sa peau lumineuse et douce caressant la joue d'Ellaïn. Toi aussi, tu es là.

Elle la serre un peu plus dans ses bras comme une mère le ferait.

Je pourrais te dire de les écouter, ou de les ignorer... La vérité est que le choix te reviens. Tu les entends et c'est déjà bien, compte tenu que ca ne fait pas tant de temps que tu es revenue.

Il y a un moment de silence, troublé seulement par le souffle du vent dans les branches.

Elles sont là depuis bien avant ma naissance et elles seront là bien après ma mort tu sais? Elles se souviennent mes soeurs, mais ne livre pas tout leurs secrets. Ces murmures que tu entends. Tu sais, la majorité des elfes voient leur vie comme celle de l'Anaëh, un flot ininterrompu. Je la vois différemment. Je la percois comme plusieurs petites vies successives. Chaque récit précédent influençant le suivant. Chaque histoire représentant une vie. Je ne suis pas comme une sage, ni une elfe de pierre comme ceux qui te murmurent à l'oreille. Je te montre les étendues sauvages. Je n'ai pas les réponses, mais je peux t'accompagner pendant ta quête si tu le désire.

Lareless lui donne alors un baiser chaste sur la tempe.

Et que dirais tu d'apprendre à chasser? Ca pourrait rediriger tes énergies...