Conseil de Thaar - À la rencontre des puissants.

À la rencontre des puissants.

RP lancé dans le cadre de l’évent naéliso-drow.

Contexte :
Suite aux tensions au cœur même de l'Ithri'Vaan, l'ombre de la guerre eut tôt fait d'inévitablement recouvrir la région dans son ensemble. Au cœur d'un conflit à venir ayant tout l'air d'opposer le Puy d'Elda et le Royaume de Naélis, les Princes Marchands tentent d'organiser un sommet rassemblant les belligérants.

Il est de ces luttes immuables qui font et défont les puissances, les empires et les royaumes, qu’elles soient personnelles ou mondiales. Plus qu’elles ne la marquent, les guerres font l’Histoire, écrivent l’avenir en lettre de sang et réinventent le passé. Les vivants, de tout temps tributaires de ces passés divergents s’en retrouvent irrémédiablement gouvernés par les morts et leurs héritages. Ainsi l’Histoire se répète inlassablement, enfermant ces vivants dans le rôle des acteurs d’une injuste et éternelle tragédie dont le rideau semble ne jamais vouloir tomber.

Certains semblent éprouver le vain désir d’y mettre fin, si tant est qu’il ne s’agisse pas uniquement d’une bassesse inhérente à la nature du vivant, un réflexe de survie motivé par l’instinct de préservation. C’est ainsi que le Conseil de Thaar prit les devants en ces temps si sombres. À la lettre qui leur fut envoyée, les naélisiens répondirent présents, n’espérant qu'une seule chose : que les drows fassent de même. Cependant qu’en attendaient véritablement les Princes Marchands de la toute puissante Thaar ?

À la recherche de réponses, c’est au cœur de l’immense et tentaculaire cité des maîtres de l’Ithri’Vaan que les belligérants furent conviés, dans l’antichambre du pouvoir de la plus grande force économique que le monde ne connaisse.

En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal. Ça, les princes Marchands le savaient. Les dernières ennéades avaient été particulièrement éprouvantes, et chacun semblait retenir son souffle alors que la tension montait. Comment avancer alors que le danger semble guetter le moindre de vos mouvements. Comment être en contrôle alors que la ville tentait de se relever d’une des plus grandes trahisons qu’avaient connu Thaar. Tous les événements semblaient s’accumuler alors que la tension ne cessait de monter. Et on pouvait la voir, cette tension qui pesait. On pouvait la voir chez les hommes du guet alors qu’ils avalaient difficilement leur salive. On pouvait le voir chez les scribes, qui tentaient tant bien que mal d’arrêter le tremblement de leurs mains et on pouvait même la voir chez certains Princes Marchands qui tambourinaient des doigts sur leurs sièges luxueux. Partout, la nervosité se faisait sentir, et même l’être qui semblait être le plus en contrôle ne pouvait se mentir. Mais après tout, l’incertitude augmente la tension mais entretient aussi l’excitation. Le sommet qui aurait lieu aujourd’hui serait capital non seulement pour l’Ithri’Vaan mais aussi pour Miradelphia.


Des pas résonnèrent alors que les grandes portent de la salle s’ouvraient, des gardes armés se déplacèrent rapidement sur les côtés et la Princesse de la chair fit rapidement son entré. Les cliquettements de ces bijoux emplirent la salle, alors qu’elle rejoignit son siège. Une fois arrivé, elle se retourna en retournant du bout des doigts la traîne de sa robe de soie avant de balayer la salle de son regard azuré. Aucun Prince Marchand ne dit quoique ce soit, aucune salutation était de mise, car après tout, il n’était pas le moment de s’échanger des frivolités. Maralina échangea un regard avec chacun des Princes présents, et lorsque chacun sembla lui avoir répondu par l’affirmative, cette dernière releva la tête devant la grande porte devant elle. La demie-elfe soupira doucement en fermant les yeux, puis les rouvrit rapidement en redressant la tête, fière. Cette contagieuse peur sembla s’envoler alors que l’excitation commençait à bouillonner dans ses veines. C’étaient le moment. Elle leva la main, faisant un léger mouvement du bout des doigts avant que les gardes se retournent pour laisser entrer les – disons – invités de Thaar. Son visage de marbre détailla du regard les êtres qui entrèrent dans la salle. Parfaitement stoïque, aucune émotion ne semblait transpirer de la Princesse d’Uldal’Rhiz.  Le guet était prêt à contenir tout excès de colère, et chaque milicien étaient prêts à défendre leurs maîtres si besoin était.


Lorsque chaque personne invitée fut dans la salle, la Princesse Marchande refit un signe aux gardes qui fermèrent les portes derrière eux, puis ce fut la voix de la Princesse de la Chair qui brisa finalement le silence. « Les Princes Marchands et moi-même vous souhaite la bienvenue à Thaar. Nous espérons que le voyage ne fut pas trop éprouvant. » D’un signe de doigt, la Vaanie invita les autres à s’asseoir d’un mouvement de doigt avant de reprendre la parole; « Mon nom est Maralina Irohivrah, Princesse Marchande d’Uldal’Rhiz. Je crois qu’il est inutile de s’attarder sur les détails car vous connaissez déjà les raisons de notre invitation. » Elle attendit que la majorité des individus dans la salle se rasseye avant d’en faire de même. Elle croisa doucement les jambes, dévoilant ces dernières à ses invités. « Nous vous avons invité afin de participer à des pourparlers. La guerre n’apportera rien de positif, et nous sommes certains qu’un compromis pourrait avoir lieu. » C’était là, un bien beau mensonge. Puisque tous les Princes livraient une guerre de pouvoir silencieuse, et ce depuis des générations. Soumettre l’ennemi par la force comme les drows n’étaient pas le summum de cet art. Le summum était de soumettre son ennemi sans verser une seule goutte de sang, et le voir demandé pitié a vos pieds. Penchant la tête vers le côté elle regarda les deux partis; « Alors? Qui veut commencer? » La demie-drow déposa doucement ses mains à plat sur les accoudoirs de son siège, entendant impatiemment la tournure des événements. Incertaine, de qui prendrait la parole et qui aurait la plus grande main. C’était bel et bien un jeu pour Maralina, un jeu incertain et dangereux dont l’aboutissement changerait beaucoup de choses.  

Le Karliik Glenn commençait à bien la connaître, la longue route que ses ancêtres avaient construite, à force de faire des allers-retours dessus et il savait que ça ne serait pas la dernière fois qu’il l’emprunterait. En y pensant, peut-être même que ce n’était pas qu’une façon de parler, peut-être qu’en effet ses ancêtres avaient bel et bien construit la Route Capitale ; en effet Kerath ne savait pas combien de générations de Ni’Styx furent asservis et peut-être que ses aïeux enchaînés avaient mélangé de la poudre d’os nissétienne avec le mortier ou il ne savait trop quoi qui faisait en sorte que les blocs tenaient ensemble. Peut-être que Murrpau avait foulé de la patte l’endroit où un desdits ancêtres était mort, probablement d’épuisement, et ajouté aux travaux. Que penseraient-ils de lui ? Il se le demandait bien qu’il ne se posa pas la question longtemps, des réponses lui venaient rapidement en tête et Shyn’tae lui avait rappelé, devant la fresque de l’Eda Vengeur, de se méfier de l’orgueil.

Un sourire commença à se former sur les lèvres de Kerath, peut-être qu’il était toujours un enfant, à écouter sa mère comme il écoutait jadis les prêtres.

Perdu dans ses pensées, le général en fut tiré par la cacophonie grandissante à mesure qu’il approchait de Thaar. Une ville qu’il n’aimait pas mais qui s’était révélé plus intéressante, et ce probablement pour de mauvaises raisons, qu’il ne l’avait jusque-là pensé. Cette fois il était seul, sans son armure noire ni Elrie, seule l’épée forgée grâce aux armes des despotes qu’il avait vaincu pendait à sa ceinture.

La première chose qu’il fit en arrivant fut de chercher Ayub, le traducteur qu’il avait jusque-là employé durant ses visites précédentes ; ne sachant pas si le Conseil lui en fournirait, Kerath préférait s’assurer d’en avoir un. Il imaginait mal un prince marchand polyglotte se mettre à traduire en pleine séance parce que l’eldéen ne parlait pas un mot d’oliyan.

Ce n’était pas la première fois que le traducteur entrait au Joyau bien qu’il pouvait compter ces moments sur les doigts d’une main, sur les deux premiers doigts d’une main pour être précis et comme pour la dernière fois il avançait dans l’ombre du grand, ou gros en fonction de la personne donnant son avis, drow. Cependant cette fois, sans son armure, simplement habillé d’une tunique et d’un pantalon, comme n’importe quel marin du port thaari, il était un peu moins impressionnant, un peu moins massif. La seule chose qui pouvait l’identifier comme étant le général en chef des armées eldéennes était l’anneau d’onyx qu’il portait en collier autour du cou, tremblant ou sursautant sur sa poitrine à chaque fois que ses pieds touchaient le sol ; mais combien parmi l’assemblée qu’il allait rejoindre savait ce que ce symbole signifiait ? Avant d’entrer dans la pièce du conseil il demanda un couteau aux gardes pour lui permettre d’accomplir un rituel religieux.

Kerath se mit à genou, murmura la moitié d’une prière à Meingal puis il remonta sa manche au-dessus de son coude et après avoir tendu le bras, il s’entailla l’avant-bras avec la lame, les dents serrées alors que l’acier pénétrait la cicatrice laissée par la brûlure de son offrande du mois dernier. Lorsqu’il retira l’arme, il compléta son rituel en terminant avec la seconde moitié d’une prière à Kiel. Il remit en place sa manche qui commença à s’engorger de sang et après avoir essuyé la dague qu’on lui avait prêté sur son pantalon, il la rendit à son propriétaire en le remerciant. Ayub ne prit pas la peine de traduire le mot dont le garde avait probablement déduit le sens même s’il ne parlait pas eldéen. Une offrande à Tesso aurait probablement été plus approprié pour ce qui allait suivre mais le soldat préférait apaiser le Général et la Maîtresse des Souffrances.

Une fois dans la salle du conseil, Kerath hocha la tête, autant pour saluer les princes marchands que pour répondre aux espérances de Maralina. Comme il le redoutait, il allait devoir s’asseoir et, probablement, le rester. Une fois dans son siège, l’ilythiiri observa le parti naélisien de l’autre côté un instant avant de dire quelque chose qu’Ayub ne pouvait traduire étant donné qu’il n’avait pu comprendre qu’un seul mot : reine ; s’il était vrai que l’humain parlait l’eldéen, il n’avait pas appris le langage du quartier de la Basse-Fausse où Kerath avait grandis et s’il avait pu comprendre le mot reine c’était parce que ledit mot n’avait pas d’équivalent dans cette espèce d’ersatz de langue. De toute façon c’était une observation qui n’était destiné qu’à lui, il pensait à voix basse. Il écoutait d’une oreille distraite Ayub traduire les dires de la princesse marchande alors qu’il embrassait la pièce du regard pendant qu’il tentait de trouver une position confortable dans un siège qui n’était pas fait pour lui. Il s’y sentait à l’étroit et l’envie de se lever pour faire quelques pas le démangeait.

La question de Maralina fut donc la bienvenue, ça lui permettait de faire autre chose

« Nous pouvons éviter une guerre. Si votre reine se soumet elle pourra garder sa position et ses titres ; aucun naélisien ne sera tué ou asservis. »

S’il était arrivé quelques jours auparavant au cœur de Thaar, la cité tentaculaire dirigée d’une main de fer par les plus puissants et célèbres Princes Marchands vaanis, le diplomate avaient, pour ainsi dire, peu dormi et ce malgré la présence de ses gardes du corps, une ombre protectrice qui jamais ne le quittait. La réputation des puysards avait fait perdre, au moins, un tour de taille au ventripotent gentilhomme, tant l’idée de terminer avec un couteau entre les omoplates le faisait suer et l’empêchait de dormir la nuit.
Cependant, le grand jour se présenta enfin et aucune lame ne s’était perdue entre ses épaules. C’est ainsi qu’il retrouva l’appétit, estimant qu’un copieux déjeuner serait aussi incontournable que nécessaire afin de se présenter sous son meilleur jour.

Repas qu’il eut tôt fait de regretter une fois en présence du Conseil. La tension était palpable, tant et si bien que son estomac s'en retrouvait noué. Quant à l'immense drow qui lui faisait face… Cette brute épaisse, cet immonde tueur... C’était lui. Lui qui lancerait les armées du Puy contre sa patrie, contre sa reine et contre sa famille. Mais qu’avait donc bien pu espérer les Princes Marchands de cette rencontre ? Il ne s’agirait là que d’une parodie de négociations, ici allait se déclarer une guerre en bonne et due forme. Ni plus, ni moins.

Malgré toute la bonne volonté de la maîtresse des chairs, les paroles du drow décapitèrent sur le champ, et sans sommation aucune, l’espoir de trouver un terrain d’entente. Soumettre la reine ? Il ne manquait pas de toupet ce bougre-là !

- Princes Marchands, Princesses Marchandes, permettez-moi, tout d’abord, au nom du Royaume de Naélis, de vous remercier pour cette très aimable invitation. Et je ne peux souligner la pertinence des propos de la Princesse de la Chair. S'empressa-t-il d'ajouter en la désignant la main, paume ouverte, avec un aimable sourire sur le visage. Aussi, croyez-le bien, monseigneur eldéen, tout comme vous visiblement, nous ne souhaitons point cette guerre. Reprit le diplomate en portant une main à son cœur. Cependant, soumettre notre Reine c’est soumettre son peuple. Peuple qui n’a pas oublié l’emprise et la tyrannie puysarde, dont il subissait encore les sévices il y a peine une dizaine d’années. Naélis est un Royaume libre et entend bien le rester, son peuple a souffert des vaines promesses et des traitements immoraux, de l’esclavage et de la torture. Ainsi, seigneur eldéen, nous ne pouvons décemment, par devoir envers notre Royaume et son peuple, accéder à votre demande. Hélas je le crains, la guerre que vous souhaitez nous imposer marquera les livres d'Histoire de notre monde en lettres de sang.

Si son petit air boudiné lui donnait un air sympathique au premier abord, ses prises de paroles semblaient véritablement le transcender. Un sérieux inégalé sur le visage, une ardeur intense au fond des pupilles, l’homme ne céderait pas un pouce. Tel était ses ordres, son devoir, sa mission.

Herod, car tel était son nom, écoutait le traducteur, légèrement penché vers ce dernier. Et à mesure que les paroles étaient traduites, plus ses petits doigts boudinés se serraient, jusqu’à ce que ses phalanges en deviennent blanchâtres. Son goitre se mit à tressaillir puis à trembler, tandis que se teintait de pourpre son visage joufflu.

Et, si l’on aurait pu s’attendre à un accès de colère, le goitre du diplomate s’en trouva agité par un éclat de rire, soulevant, en rythme, son ventre proéminent. Jamais il n’avait entendu pareille idiotie, et il ne put, malgré toute la ferveur qu’il mettait à exercer sa fonction, retenir son rire.

- Mon brave ami, il est vrai que le Puy d’Elda est connu et reconnu dans tout Miradelphia pour sa philosophie méritocratique. L’homme brandit son index. Surtout concernant les races autres qu’eldéenes ! S’exclama-t-il avec un sourire malicieux. Autres races que votre peuple a toujours considérées, considère et considérera toujours comme inférieures. D’esclave à terreau pour vos champignonnières, par les Cinq, votre société à de quoi rendre jalouse toutes les autres !

Les deux gardes à ses côtés regardèrent le diplomate avec une surprise non dissimulée. Aucun des deux ne l’auraient imaginé capable de pareille piques, lui qui, au quotidien semblait un trop aimable empoté.

- Aussi, si je vous appelais « seigneur », il fallait n’y voir qu’une simple marque de politesse. Je sais mon physique fort avantageux, ironisa-t-il en brandissant la main, trahir le goût de mes véritables passions, cependant, et quand même bien même la taille de ma tête n’est pas proportionnelle à celle de mon ventre, fort heureusement, je sais tout de même que le sang bleu n’est pas un concept qui vous sied au mieux. Nous devrions peut-être plutôt parler de sang elfique, puisqu’ainsi furent choisis des siècles durant vos dirigeants, par la pureté de leur sang ancien. Des « primas », c’est ainsi que vous les appelez je crois ? Demanda-t-il dans un geste de la main corroborant son interrogation.

L’hypocrisie eldéenne n’avait dont elle aucune limite ? Ce fanfaron osait se présenter comme un sauveur, lui qui se faisait le fer de lance d’une armée prête à venir enfoncer leurs portes ? Ah ! Quel toupet !

- Quant à l’idée que vous vous faites de mon adresse à l’épée, hélas je ne peux que le reconnaître et vous accorder ce point. Solennellement, il porta la main à son cœur. Aux antipodes des héros de la guerre, je mourrais malgré tout l’épée à la main si je le dois. Et vous risquez de me trouver insistant mais… Non, nous ne souhaitons pas de cette guerre. À dire vrai, nous ne souhaitons qu’une seule chose, c’est de vivre libres et en paix. Une paix vous venez troubler, une liberté que vous souhaitez nous arracher. Alors non, mon cher, je ne me fais pas langue belliqueuse car ici, vous êtes l’agresseur. Conclut le diplomate en pointant l’envoyé d’Elda de son doigt bien en chair. Cependant, vous tenez à une proposition alors permettez-moi de vous en faire du même ton que la vôtre : Que vos armées tournent les talons, et aucun sang eldéen ne sera versé. Mieux encore, nous ne vous tiendrons pas rigueur de l’affront. Et comme je sous sens l'âme d'un véritable parangon de bonté, je ne vous imagine pas la refuser et laisser certains des vôtres mourir dans un aussi futile conflit.

Le diplomate venait d’entrecroiser ses doigts boudinés. La Maîtresse des Chairs semblait ardemment souhaiter qu’une issue favorable à l’entièreté de l’Ithri’Vaan soit trouvée au sortir de ce sommet. Et cela, Herod ne voyait malheureusement pas comment. Ce bougre d’imbécile à la peau sombre ne faisait visiblement pas la différence entre le fanatisme et une expression entrée dans les mœurs populaires depuis des siècles. Pour autant, malgré cet épisode l’ayant rendu quelque peu hilare, la Princesse Marchande avait raison. Il fallait que bienséance se fasse, quelque soit l’issue des discussions.

- Puisqu’ainsi le veut le protocole… Herod Lebeau, dames et sieurs, représentants des intérêts du Royaume de Naélis. Oserai-je espérer entendre la présentation de mon aimable interlocuteur en retour ? Demanda-t-il en se fendant d’un sourire, ses yeux porcins désormais rivés vers le drow.

Herod se redressa, dévoilant son imposante bedaine aux spectateurs. D’un geste théâtral il invita les princes et princesses de la cité à l’écouter.

- Princesse Maralina, mais notre ami de bon aloi vient de vous le dire de but en blanc, il s’agit de l’accomplissement d’une « volonté divine ». Nous n’avons pas idée du motif qui fût invoqué pour lever les armées qui prendront part à cette guerre, nous ne savons pas non plus s’il est juste ou non et constitue en l’état un véritable casus belli. Nous, en réalité, ne faisons que constater qu’une force belliqueuse marche sur notre Royaume, et ce sans même nous avoir déclarée ni la guerre ni son casus belli. Et qu’entends-je aujourd’hui ? Alors même que nous ne sommes pas plus avancés sur ces questions primordiales qui nous permettraient de résoudre le problème… Que nous, naélisiens, refusons la paix car nous allons nous trouver dans l’obligation de nous défendre ? Herod se fendit d’un sourire, laissant échapper un léger rire par là même. Je vous en prie, soyons sérieux quelques instants. Comment discuter d’un casus belli que nous ne connaissons pas ? Qui plus est, y en a-t-il réellement un ? Si, comme le représentant du Puy d’Elda nous l’a dit, il ne s’agit que d’une volonté divine, alors ce n’est plus de guerre dont nous parlons mais de croisade. Ils ne nous laisseront que le choix de la soumission ou la mort, et sachez-le, la soumission est hors de propos. Ainsi, je vous enjoins, représentant de l’Elda, de nous informer, nous naélisiens, ainsi que Princes et Princesses de la puissante Thaar, des raisons de cette guerre.

Si la puissante Maralina voulait espérer voir Naélis faire une contre-offre, peut-être faudrait-il en premier lieu faire bienséance et, comme le veulent les traditions guerrières, dévoiler le casus belli. Alors, peut-être, y aurait-il matière à discuter.

Une fois sur ses pieds, Kerath croisa les bras, la tête légèrement penchée sur le côté alors qu’il écoutait ce que lui disait Maralina, un peu surpris qu’il soit capable de parler eldéen. Ce qui n’aurait pas dû le surprendre en réalité, il ne savait pas quel prince marchand était bilingue, peut-être tous d’ailleurs même s’il en doutait, et vu que celle qui présidait ce conseil avait commercé avec le Puy, il n’était pas absurde de se dire qu’elle avait appris quelques mots ; après tout y’avait-il meilleure motivation d’apprendre une langue que le commerce ? Sa réponse, par contre, le surprit bel et bien. Lui qui s’était forcé à rester assis par convenance, on venait maintenant lui dire que ce n’était pas nécessaire ? Une pointe de frustration s’ajouta au mépris qu’il ressentait pour l’envoyé naélisien. Bon ce n’était pas sa faute s’il avait cru qu’il était obligé de rester assis mais le général ne laisserait pas ce genre de considération secondaires l’entraver.

« Usstan orn'la saph ulu kyorl ukta xo'al folbol. »
J’aimerais le voir tenter quoi que ce soit.

Un sourire carnassier passa sur les lèvres de Kerath qui n’attendait que ça même s’il savait très bien que ça n’arriverait jamais. Quant à Ayub, il ne traduisit pas cette phrase, se doutant que ça ne servirait à rien étant donné que Maralina parlait l’eldéen et que son patron n’apprécierait sûrement pas que l’envoyé de l’autre côté de la table apprenne ce qu’il se disait entre le Karliik Glenn et la princesse marchande. Quant à la suite, ce dernier devait admettre qu’en effet, il ne négociait pas souvent. Du moins il n’y avait jamais autant de mots échangés et surtout : il avait une arme à portée de main.

« Ussta kaas zhah Kerath. »
« .Je m’appelle carna… Kerath. » Ayub, qui se tenait dans l’ombre de son maître, repris sa traduction en voyant que ce dernier s’adressait de nouveau au naélisien. Quant aux paroles d’Herod qui suivirent, lorsqu’il demanda l’attention des princes marchands, énervèrent l’eldéen qui se mit à marcher, faisant le tour de la pièce comme il en avait l’habitude, se tenant les mains dans les dos ; se tenir les mains l’aidait à se contrôler pour ne pas se jeter sur le gros émissaire qui osait parler de la volonté des dieux comme si elle était illégitime ou pire : qu’il ne s’agissait-là que d’une invention des drows pour justifier leur comportement belliqueux. Mais bien vite Kerath s’arrêta, il pouvait toujours entendre de l’oliyan sortir de la bouche d’Herod mais son traducteur avait visiblement un problème. En effet le natif de la plus grande ville d’Ithri’Vaan en avait un : certains mots que le naélisien employait n’avaient pas de traduction en eldéen et il se trouva bien dans l’embarras lorsque le colosse se retourna vers lui, attendant visiblement qu’il reprenne son travail. Lorsque le thaari tenta d’expliquer au Karliik Glenn le concept de casus belli et qu’il était demandé si la guerre qui viendrait peut-être à suivre était juste ce dernier éclata de rire. Il ne savait pas si c’était l’idée du casus belli ou celle de la déclaration de guerre qui était la plus stupide mais après tout, à quoi bon se pencher sur la question ? « Tesso ulu l'rewt vith nindel natha thalack zhah neitar fridj. »

Après avoir décidé, ce qui était sûrement plus sage, d’occulter le début de la phrase de son employeur, le polyglotte se remit à faire ce pourquoi il était payé.

« Une guerre n’est jamais juste. »
« L'sanrr zhah jahk : udos rothrl l'phraktos. »
« Quant à la raison de cette guerre, elle est simple : nous obéissons aux dieux. »
« Dos xo'a ulu thir'ku l'seke arlathil d'thalack lu'hake xuil waele avvrixen zhah amnell. »
« Ton envie de corrompre la vraie nature de la guerre et des conflits avec des concepts stupides est ridicule. »
« Dos xuat ssinssrin ulu ra'shel yor'enz? Ves al, dos orn areion l'killian t'yin. »
« Vous ne voulez pas vous soumettre? Très bien, nous nous en occuperons l’arme à la main. »

« Usstan orn'la saph ulu kyorl ukta xo'al folbol.  »
J’aimerais le voir tenter quoi que ce soit.

Le sourire de Maralina sembla devenir de plus en plus amusé alors qu’elle murmura  qu’un simple;


«ji tlun usstan»
Et moi donc


Définitivement un des spectacles les plus attrayants, certes courts, le diplomate ayant lui-même avoué qu’il n’était guère un combattant. Mais au moins, cela serait arrivé à un point nécessaire. Néanmoins, les deux – disons – négociateurs décidèrent finalement de se présenter. Maralina ne put s’empêcher d’hausser un sourcil alors que le bedonnant personnage se redressa dans toute sa splendeur en mentionnant son nom. Le sourire amusé laissant place à une réelle expression de surprise... «Lebeau»… Vraiment?  Pas ce qu’il y avait de plus adéquat. Les apparences étaient souvent trompeuses, mais guère dans ce cas. Puis, ce fut au tour du géant de se présenter. Kerath. Maralina reprit son air amusé avant de tourner le regard vers le drow. C’était donc bien lui… Déposant finalement son regard sur le sol, sourire aux lèvres, profitant d’un bref moment pour replacer ses pensées avant de relever le regard sur ses invités. Elle continua d’écouter silencieusement les deux émissaires. Elle lia doucement ses mains entre elles, avant de les déposer sur son bas ventre, confortable, comme si la tension de la pièce ne semblait guère l’atteindre.


Aucune réaction lorsque l’eldéen se mit à marcher dans la pièce, alors que le guet semblait se crisper à chaque mouvement que le drow faisait un peu trop près de la Princesse d’Uldal’Rhiz. Maralina voyait l’agacement sur le visage du drow alors qu’Herod prenait la parole en demandant le casus belli.  Silencieuse, elle écouta les dires du géant ainsi que l’interprétation de son traducteur. Néanmoins, elle ne put s’empêcher de plisser les yeux et se mettre à fixer le traducteur. Avant qu’Herod ne puisse répondre quoi que ce soit, la Princesse Marchande détacha doucement ses mains avant de relever un doigt vers le Naélisiens, le faisant taire et elle reprit la parole;  «Permettez-moi de vous interrompre, Messire.» Elle fit quelques pas vers le traducteur avant de s’arrêter qu’à un souffle de ce dernier, les yeux toujours légèrement plissés avant de prendre la parole;


«Usstan nindel dos transilit ril mildrin xan'ss dal dosst veldruk, oth'issee usstan shlu'ta rantee nindel lil' pu'entssrig de' dosst veldruk orn tlu natha ssrigg'tul, vel'bol f'sarn aluin ulu morfeth dos zah'har»
Je te conseille de traduire chaque mot que ton maître mentionne, sinon je te garantis que le châtiment de ce dernier sera une partie de plaisir comparativement à celui que je te réserve.


Le regard de la Princesse Marchande se durcit alors qu’elle prononçait ses mots, et lorsqu’elle eut terminé, elle se retourna, laissant le traducteur réfléchir, avant de lancer un regard à Kerath. Elle n’en avait cure de si s’était ces instructions ou non. Maralina et plusieurs membres du conseil avaient compris le géant et si le traducteur avait désobéi à son maître c’était son problème. Mais ce qu’il avait laissé de côté était une bribe d’information qui n’était pas à négliger, mais que la Princesse Marchande garderait pour le conseil. Elle lança un sourire rassurant à Herod avant de lui  lancer; «Pardonnez-moi  de vous avoir interrompu, Messire, un léger désaccord sur l’explication du Casus Belli, je tenais simplement à mettre le tout au clair. Je vous laisse la parole. »

Herod inclina le buste à l’intention de Maralina qui, quant à la mauvaise volonté du traducteur, s’était permis de le remettre à sa place.

- Princesse, ne vous excusez point de vouloir faire en sorte que les choses se passent au mieux. De vains efforts, mais qui vous honorent. Fit Herod en frappant une fois dans ses mains potelées comme pour réveiller toute l’assemblée. Hélas, dames et sieurs, je le crains ce spectacle touche à sa fin. Une parodie de discussion, une comédie fort amusante mais… Une pitrerie malgré tout.

Herod brandit sa main en direction du drow. Lui qui était venu à des négociations pour imposer une reddition totale en premier lieu, puis avait en vain tenté de défendre une opinion bancale dans laquelle il tenait pour responsables de la guerre ses futures victimes, puisqu’elles refusaient de se soumettre. Et tout cela pour conclure sur la justesse divine de sa quête. Herod se fendit d’un sourire amusé, une fois encore.

- Il est arrivé pour nous dire « rendez-vous ou mourrez », puis nous a accusés d’être responsables de ce conflit car nous refusons la reddition. Le diplomate prit un instant pour applaudir. Un argument circulaire, digne d’un plaidoyer fait par un enfant de dix ans. Les chats mangent les souris. Pourquoi ? Parce que les souris sont la nourriture des chats. Pourquoi ? Parce que les chats mangent les souris. Le sophisme, vous en conviendrez Princes et Princesses, est d’ordinaire le signe qu’on touche le fond dans un débat. Alors me le voir asséner dès le début m’inquiète grandement quant à la capacité de réflexion de cet aimable Kerath.

Herod Lebeau fit un pas en avant, applaudissant une fois encore le néant intellectuel séparant les yeux de son interlocuteur.

- Traduisez-bien, reprit l’homme en jetant un bref coup d’œil au traducteur, car peut-être, je dis bien peut-être, le drow apprendra quelque chose aujourd’hui. En ce jour, moi, Herod, j’ai entendu un puysard menacer mon Royaume, me proposer la soumission ou la mort. Puis, je l’ai entendu nous rendre responsables d’une invasion imminente car nous refusons de ployer le genou. Et quand le bougre devrait savoir ce qu’est un casus belli, voire une déclaration de guerre, il nous démontre à tous n’être qu’un âne bâté, courant après une carotte dont l’aura divine fait briller son regard dépourvu d’intellect. Herod se fendit d’un rire gras en se tournant vers Maralina. Chère amie, je crains de ne pas être capable de formuler une quelconque contre-offre en l’état. Vous m’accorderez que, leur motivation étant « la volonté divine », et il mima les guillemets avec ses petits doigts boudinés, la négociation tourne vite court. Le divin l'on s’y soumet, on ne négocie pas avec.

Herod s’en retourna à sa chaise, calmement, il agitait cependant l’index en l’air tout en marchant.

- Alors, Kerath, je sais ce que vous faites. Vous ne négociez pas, vous cherchez la reddition sans condition et essayez de préserver votre armée. Ceci étant dit, qu’on ne me demande plus de faire une contre-offre, quand cet animal eldéen n’en attend aucune. Il n’est là que pour accélérer ses plans de conquête, le tout avec une maladresse si enfantine que c’en est pathétique. Le postérieur du diplomate fit grincer sa chaise de douleur lorsqu’il s’y laissa retomber. Alors certes, aujourd'hui vous passez pour un coquebert et un diminué... Cependant n'ayez aucun remord, car voyez-vous, il est comme la morsure d'un chien sur pierre, une bêtise. Sachez cependant que si vos armées pénètrent illégalement les frontières de notre Royaume, et j’ose espérer que vous savez ce que cela signifie, puisque vous avez sûrement demandé un droit de passage à ces sieurs et dames du Conseil pour traverser les leurs, nous considérerons cela comme un acte de guerre, se faisant le casus belli de notre réponse qui sera en conséquence militaire.

Ainsi le diplomate se redressa, retournant au centre de la pièce.

- Princes et Princesses, Naélis vous remercie sincèrement de cette invitation et audacieuse initiative. Je vous sais malheureusement tous aussi déçus que moi d'avoir découvert que tout ceci n'était pas une négociation, mais ainsi va la vie ! Il s'inclina, avec toute la grâce dont il était capable et tourna les talons. Messieurs ! Fit-il l'attention de ses deux gardes du corps qui pressèrent le pas pour le suivre. Je vous souhaite à tous, même à vous cher drow, une excellente journée !

Et c'est ainsi que le diplomate quitta la salle du Conseil, dont les portes furent ouvertes sur son passage par les hommes du Guet. L'on entendait pourtant encore les échos perdus de sa voix dans le couloir : « Allons nous consoler dans cette auberge, j'y ai vu, en venant, un étal de pâtisseries fantastiques ! »