Au coeur des secrets, le complot s'en vient...

Début de la 3ème ennéade de Favrius, au Hook d’Or.
An XVIII du cycle XI.

La guerre à Naélis avait trouvé une issue digne d’un statu quo à l’équilibre branlant, construit sur la mort de nombre d’Humains de Naélis et de Drows du Puy. Après que le corps militaire formé par le Karliik Glenn des armées du Puy ait détruit Erlem, prit Raven, et encerclé Naélis, ils eurent à souffrir d’une défaite cinglante, et violente. Marzaban n’avait pas eu toutes les informations, car la zone était si détruite, que plus aucun espion ne pouvait s’y trouver.

Mais ce n’est point cela qui intéresse Marzaban, second maître des Mille-Caves, souverain des Durgazdawis, et nouveau Prince-Marchand et membre du conseil de Thaar. Naélis n’était qu’un royaume éloigné, inutile, ayant mérité son sort. Marzaban poursuivait un tout autre but…

Un but qu’il poursuivait avec une autre puissante figure d’Ithri’Vaan : Maralina, Princesse-Marchande d’Uldal’Rhiz. Maralina et Marzaban profitèrent de l’onde de choc provoqué par le passage des armées Drows, pour jeter leur dévolu sur une autre province : Hanning.

Le passage des armées Drows provoqua moultes remous et une grande instabilité locale. Profitant de l’instant, les deux marchands Vaanies s’infiltrèrent dans la brèche et y envoyèrent de grands effectifs de mercenaires, avec pour seule mission de détruire tout ce qui pouvait l’être : caravanes marchandes, ravitaillement Drow, hameaux et infrastructures importantes. Ce chao ainsi catalysé, provoqua nombre de morts, ainsi qu’une flambée de violences, et une instabilité politique grandissante. Parallèlement à ces actions de guérilla, la Loge d’Onyx entra en scène, par la présence d’espions et d’assassins. Officiers de Hannings, nobles et leurs descendants, principaux marchands de la principauté, tombèrent comme des mouches, sous couvert de l’ombre et de la nuit, dans de malheureuses attaques de brigands… Ou en chutant dans de escaliers. Plus les ennéades passaient, et plus Hanning risquait d’imploser, de s’effondrer sur elle-même.

Mais, juste avant cette implosion, Maralina et Marzaban devaient envoyer tout un contingent miliaire qui, d’un coup d’un seul, devait libérer Hanning de cette période de chao… Avant de prendre le pouvoir. Le but était donc de redonner à la population de Hanning, de la nourriture et un cadre, afin qu’ils soient acclamés comme des héros – alors que lesdits héros seraient en réalité la source de tous leurs maux.

Et juste avant cette intervention, le chao, les destructions et l’insécurité, devaient atteindre leur paroxysme. Et pour cela, il fallait d’autres mercenaires, sanglants et violents. C’est ainsi que Marzaban avait secoué le buisson des êtres sournois vivant dans l’ombre du soleil Vaanie, et celui de ceux qui troquent leurs services martiaux contre rémunération. Et un nom en sortit : Noul’Hessi. Bien vite, on retrouva sa trace – grâce à la formidable machine qu’est la Loge d’Onyx – et on lui confia un rendez-vous au Hook d’Or, un lieu d’échange bien connu à Thaar.

Le mercenaire s’y présenta, drapé de telle sorte que ni son visage, ni son corps, ne puissant être correctement devinés. Il n’était pas seul : deux individus le suivaient de prêt. Sans aucun mot, à peine arriva-t-il au centre du Hook d’Or, qu’un Nain lui ouvrit le chemin au travers d’un épais rideau, indiquant le chemin. Il le mena jusqu’à un petit couloir, lequel menait jusqu’à une salle privée, normalement un fumoir. Là, un autre Nain attendait. Drapé de noir, visage caché par un turban dévoilant un nez crochu taillé dans un masque, le Nain se leva, et de ses mains, indiqua trois tenues tout à fait communes, qui passeraient inaperçues dans la cité cosmopolite.

- Mettez ça. Puis sonnez avec la clochette.

Puis le Nain sortit du fumoir privé. Attendant devant les rideaux du fumoir, tandis que le premier Nain interdisait l’accès aux parties privées du Hook.

Légende:

La sonnette se fit soudainement entendre. Le nain masqué et enturbanné, fit volte-face, et plaçant sa main bien droite, à la verticale, il écarta le rideau, et se dévoila à nouveau aux trois Zurthans. Restant là, tel un bloc sombre, pendant une seconde ou deux, il dévisagea les trois mercenaires. Puis, une fois satisfait, il se plaça de profil, rouvrit le rideau, fit un signe du bras de retraverser le fumoir privé jusqu’au petit couloir.

Lorsqu’ils sortirent, le Nain caché, secret, les conduisit jusqu’au bout du petit couloir. A gauche, tout à fond donc, un autre rideau masquait un énième fumoir privé… Qui n’était, en réalité, qu’une salle déguisée. Cette salle servait aux Nains, et à ceux qui travaillaient au cœur du Hook, à aller et sortir entre différentes salles professionnelles, et une petite sortie dérobée, derrière le bâtiment.

Le Nain ouvrit la porte, et la maintint ouverte pour les trois Zurthans. Et lorsqu’ils eurent traversé, la porte se referma soudainement, et le Nain, n’était plus là.

Un autre prit sa place. Derrière les trois Zurthans, se trouvaient deux autres Nains, enturbannés de la même manière, visages cachés, mais habits si communs dans cette ville. A peine la porte eut elle été fermée, qu’ils prirent en charge les trois Zurthans, en les dépassant à droite et à gauche, et sans, s’arrêter, enjoignirent les trois mercenaires à les suivre.

Ils déambulèrent ainsi dans les rues, prenant à droite et à gauche, traversant une grande allée bien droite, passant par un bâtiment pour en sortir à nouveau à l’opposé – mais sans se changer, il ne s’agit que d’un bâtiment ouvert que l’on pouvait traverser sans soucis – jusqu’à arriver devant un bâtiment carré, de trois étages, aux fenêtres travaillées, typique des bordels de la ville. Un premier entra, et le second resta derrière les trois Zurthans, s’assurant que ces derniers emboitent le pas du premier guide masqué. Ils montèrent alors jusqu’au deuxième étage, avant qu’enfin, on leur indique une salle privée. Et lorsqu’ils y entrèrent, les deux Nains se placèrent dans le couloir, interdisant l’accès à qui que ce soit.

Dans la salle privée, un dernier Nain attendait. Placé sur une pile de coussins, assis en tailleur, coudes sur les genoux, il attendait. Lorsque les trois Zurthans arrivèrent enfin, il leur indiqua les endroits où s’asseoir. Au milieu de la pièce : quatre Hooks, plusieurs grands verres d’eau, et des verres vides, qui pourraient être remplis à la demande.

L’ambiance feutrées était telle, que seulement quelques rayons lumineux parvenaient à traverser, rendant au nain des lieux, une aura sombre tandis que l’on ne distinguait que grossièrement les formes de son corps, tandis qu’il demeurait dans l’ombre.

- Bienvenus. Installez-vous, je vous prie. Lequel d’entre vous est Noul’Hessi ?

L’ambiance feutrée de la salle privée, bénéficiait autant au représentant de la loge d’Onyx, qu’aux trois mercenaires dressés de manière neutre, habillement imposé pour la rencontre. Alors que l’un des trois, sans doute l’interprète, le plus flamboyant négociant, ou tout simplement le fameux Noul’Hessi, le Nain face à lui resta parfaitement de marbre. Si l’on n’entendait point par moment le son d’une expiration, l’on pourrait juger que l’individu de petite taille ne serait qu’un bloc de pierre sans aucune source de vie.

Il s’anima enfin, de gestes maitrisés, calculés. Ses mains gantées quittèrent l’ombre, se saisissant du hook face à lui, prenant l’embout pour l’apporter à sa bouche, dans les ombres. Son aspiration provoque le bruit d’un vent soufflant, bruit aigüe des nuits terrifiantes, tandis que des bulles trahirent le mécanisme de fonctionnement du hook. Une épaisse fumée apparut soudainement, après quelques secondes de silence, sans bruit d’eau ni de vent d’aspiration. L’immense volute apparut alors, tel un nuage traversé d’un seul rayon. Alors que le nain, dans l’ombre – et donc en grande partie invisible aux yeux des trois mercenaires – reprit la parole.

- Ainsi soit-il. Sa voix, rocailleuse, grave, profonde, trancha avec le silence ambiant. Reprenant un souffle sur l’engin au tabac aux fragrances boisées, l’individu encapuchonné tapis dans l’ombre, reprit la parole. Votre nom, et votre réputation, sont parvenus jusqu’à nos oreilles. L’ont dit de vous, que vous êtes respectable. L’ont dit de vous que vous êtes le fleuron du mercenariat. L’ont dit de vous que la parole vaut serment, et qu’un engagement de votre part équivaut à une promesse incassable. L’ont dit que vous êtes parfait. Et nous avons besoin de gens parfaits. Mais nous avons besoin de nous assurer que cette perfection, ce savoir-faire, cette parole, soit totale, et exclusive. Y êtes-vous disposés ? Et si oui, quelles seraient vos revendications ?

Commençons.

Le Nain écouta avec attention les discussions et les délibérations – ou ce qui s’en rapprochait – bien qu’il ne connaissait pas cette langue. D’autres, peut-être, au sein de la Loge d’Onyx, connaitraient un patois ou un autre. Aussi, l’espion d’exception, se focalisait sur les mots qui se prononçaient le plus souvent, ou ceux qui étaient les mieux articulés. Dans son esprit, il se focalisait afin de les mémoriser. Alors, lorsque l’interprète se mit à parler dans la langue connue du Nain, ce dernier redoubla d’attention. Celui-ci ne tournait pas autour du port, et semblait attaché aux valeurs de sa compagnie de mercenaire. Ainsi, il indiqua qu’il n’était plus utile de tourner autour du pot. Il était de parler de la mission, et de la rémunération.

- Bien. Nous avons besoin de vos services, dans les lointaines terres des Sept Monts. Nous avons besoin que vous, et votre compagnie, fassiez montre de coups d’éclats contre les cibles de Hanning : convois, commerces, postes structuraux d’importance, mais aussi contre certaines personnalités importantes, notamment dans la sphère militaire. Semez-le chao, jusqu’à-ce que des troupes de Thaar arrivent pacifier la région, période à laquelle, vous vous retirerez. Guérilla, sabotage, assassinats, peu importe votre mode d’action, du moment que vous plongiez Hanning dans le chao. Vous ne serez sans doute pas la seule compagnie de mercenaires, toutefois, aussi, prenez garde. Nous vous proposons 1000 souverains par ennéades sur le terrain.

Le Nain attendait la suite des discussions.

Le nain drapé de noir, nimbé de volutes, écouta avec attention les propos de celui qui parlait pour tous les autres. L’espace d’un instant, il s’était dit que la loge d’Onyx avait suffisamment de puissance et de ramifications pour enlever ces trois mercenaires, et leur faire cracher de force leur identité, sans que jamais, qui que ce soit ne puisse les inquiéter. Mais le maître des Caves avait été clair : il fallait les meilleurs, et y mettre le prix. Aussi, en fidèle adepte, celui qui était un des neuf seigneurs de la loge d’Onyx resta de marbre, et écouta, et calcula. Bien évidemment, la proposition de financement fut implicitement acceptée. Il faut dire qu’il s’agissait d’une belle somme. Et face aux questions des mercenaires, le nain se contenta de répondre simplement :

- Vous disposerez des prises selon votre bon vouloir. Les autres compagnies de mercenaires, en revanche, devront être traitées au mieux par votre ignorance, au pire, par votre courroux. Les compagnies engagées dans le but de protéger les intérêts de certains nobles et dignitaires de Hanning, eux, devront être anéantis. Je vous le répète, rien, absolument rien, ne devra permettre de vous relier à votre employeur. Aussi, lorsque ceux-ci arriveront dans la principauté pour en prendre le contrôle, veillez à ne jamais aborder votre embauche, ni ses conditions, devant qui que ce soit.

Mieux valait vérifier les choses deux fois, plutôt qu’une seule fois.

Les mercenaires n’étaient point une espèce difficile à comprendre, ni un marché difficile à pénétrer. Combien de compagnies de mercenaires venaient lames, corps, et âmes, pour des sommes rondelettes ? Beaucoup. Enormément, surtout en ce moment. Quoi que, parfois, certains mercenaires faisaient payer la qualité moins chère, pour pouvoir instaurer une sorte de concurrence. Les pires, toutefois, étaient ces mercenaires de la Péninsule… Ils ressemblaient plus à une bande de sauvages qui auraient appris à parler, plutôt à qu’à de vrais mercenaires.

Mais ici, les mercenaires de ce Noul’Hessi semblaient d’une autre trempe. Si, au départ, le nain de la loge pouvait percevoir ce côté déstabilisé qui fut le leur, en début d’entretiens, il ne le ressentait plus en cet instant. L’effet de surprise était passé. Qu’à cela ne tienne, la discussion était suffisamment bien avancée pour pouvoir permettre du lest sur la bride.

- Accordé.

Ainsi fut la sanction, le jugement prononcé lorsque le mercenaire demande un paiement d’avance. Jusqu’ici, tout se déroulait selon les plans du seigneur de la loge, preuve – s’il en était besoin – de sa longue expérience dans cette facette sombre de ce monde.

- L’identité ne peut vous être indiquée. Sachez seulement que votre retrait devra s’opérer lorsque deux fois cinq-cents soldats traverseront la frontière Sud de Hanning, et qu’à leur tête, trôneront deux couronnes. Répondit le seigneur de la loge d’Onyx, dans une métaphore savamment dosée. Le reste du paiement vous sera amené de nuit, au Nord-Est de la cité de Thaar, à quelques lieux. Il existe un petit promontoire. Vous y recevrez le paiement, exactement quatre jours après la fin de votre contrat, une heure après que les lunes aient atteint leurs zéniths.

Alors que les trois individus parlaient tour à tour, échangeant, discutant autant avec les mains qu’avec les mots, il apparût en l’esprit du seigneur de la loge, qu’il serait intéressant d’apprendre les us et dialectes de ces contrées lointaines. Car, en son for intérieur, il se doutait qu’une telle compagnie, à la si bonne réputation, et si elle faisait du bon travail, serait utilisée à nouveau par le maître des Caves. Et que comprendre leurs dialectes serait un avantage de poids, s’il devait, à l’avenir, reprendre contact avec eux. Nul doute qu’il trouverait un maître en la matière, qui le lui apprendrait. Il en formulerait la demande au maître des Caves, lorsqu’il lui ferait son compte-rendu.

Enfin, les élucubrations en dialecte incompréhensible prirent fin. Et le porte-parole, le même depuis le début des discussions, rendit alors une conclusion à ces palabres. Et la conclusion fut plus que satisfaisante.

- Bien.

D’un geste maîtrisé, la main droite du seigneur de la loge se décala de quelques centimètres seulement, agrippant une petite clochette au tintement léger. L’agitant par trois reprises, la clochette fit retentir son tintement, et à peine le son cristallin commençait-il à perdre de sa résonnance, que deux nains enturbannés de noir firent leur entrée dans la salle. L’un d’eux s’avança, dépassant les trois mercenaires. L’interlocuteur nain principal, lui susurra quelques mots dans un dialecte étrange, plein de consonnes, de sa bouche à l’oreille de son valet. Puis, sans mot dire, les deux nains tout juste entrés reprirent la sortie, disparaissant aussi vite qu’ils étaient entrés.

- On vous attend dehors. Suivez les consignes, et vous aurez votre paiement.

Et comme pour accompagner la parole, il y mêla le geste. Sa main ouverte indiqua la sortie qu’ils devaient prendre au plus vite, afin de tenir les délais imposés par les nains.

Dehors, un nain enturbanné les attendrait. Et comme tout à l’heure, il les mènerait au travers de plusieurs dédales, différents de ceux de l’allé. Passant au travers plusieurs échoppes, plusieurs ruelles, des lieux décousus, estompés, cachés des yeux du commun des mortels, le nain guide les pressa jusqu’au hook d’or, où leur salle, de tout à l’heure, les attendait toujours. D’un geste, le guide leur indiqua de rentrer, et les trois mercenaires purent voir que leurs effets étaient restés dans la même position, le même état, que lorsqu’ils s’étaient déshabillés tout à l’heure. Rien n’avait été changé. Et lorsqu’ils ressortirent, ce n’était plus un, mais quatre nains, qui attendaient dans le couloir de cette partie privée du Hook d’Or. Devant eux, un épais coffre, sans aucune dorure ni aucune fioriture, ni très haut, ni très grand, mais au bois et aux ferrailles renforcées. Mais mille souverains, dans un coffre renforcé, cela pèserait lourd.

- Le paiement.

Un des nains indiqua le pourquoi du comment de l’existence de ce coffre dès à présent. Bien-sûr, les trois mercenaires pourraient savoir comment une telle somme a pu être amenée aussi rapidement. Il s’agissait évidemment du résultat de l’échange entre le seigneur de la loge de tout à l’heure, et son valet d’un instant. Mais sans doute ne songerait-il jamais qu’autour d’eux, durant tout l’échange, des espions écoutaient ce qui se disait, plus par protection plutôt que par analyse des propos, car aucun d’eux ne parlait le dialecte des Zurthans. Mais le paiement avait été entendu, et l’ordre du seigneur n’avait été que la confirmation d’une commande dont les rouages avaient commencé dès la prononciation d’un acompte.

Dès lors, les trois mercenaires pourraient repartir avec ce coffre. Rien d’exceptionnel en ce lieu, car nombreuses sont les affaires qui se réalisent ici, et plus encore sont les accords qui naissent en ces lieux. Trois individus, quittant le Hook d’Or après plusieurs heures de discussions, avec un coffre… Personne ne s’en inquiéterait.