Un orc, un sorcier et une vampire entrent à Etherna... | Erak, Alienor & Ben

9ème ennéade
Printemps, Barkios 18:XI

La lune est pleine ce soir. Mais la nuit n'est pas tranquille. De rires montent jusqu'au balcon où se tient Benedict. Assis dans un fauteuil, une cheville sur le genou, il sirote avec lassitude l'alcool fort contenu dans son verre. Il n'a pas été invité à la petite sauterie qui se tient en bas. On l'invite de moins en moins au fil des ans. On le craint toujours mais on ne veut plus lui accorder trop de considérations. On l'isole volontairement. Il regarde son verre, le faisant tourner pour voir le liquide ambré se mouvoir à l'intérieur. Lui, autrefois si fier et sûr de lui, se déteste à présent. Il n'est plus que l'ombre de ce qu'il était autrefois. Mais il ne peut pas s'en empêcher.

Un nouveau rire -plus fort que les autres- éclate et le mage se lève soudain de son fauteuil. Il pose son verre sur la petite table près de lui et rentre dans ses appartements. Près de la porte, il prend sa veste longue et l'enfile d'un geste. Il termine d'ajuster son col tout en retournant sur le balcon. Ignorant les voix qui s'élèvent, il regarde devant lui, prend une grande inspiration et frappe ses mains avec force. Un éclair jaillit et il disparaît dans un grondement de tonnerre qui rend la fête temporairement silencieuse devant ce phénomène étrange mais pas inhabituel.

Dans un nouvelle éclair, Benedict réapparaît au sommet d'une grande tour, à Diantra. Il regarde en bas, observant les rues, mais à part quelques lumières dans les bas quartiers, la ville est morte ce soir. Il ne s'y passera rien d'intéressant. Alors il frappe à nouveau ses mains et le voilà à Soltariel, sur un toit du palais. Il s'y tient une soirée mondaine mais il n'y a rien de plus ennuyant à ses yeux... Serramire est une cité morte à cette heure de la nuit. Ydril ne propose rien de bien intéressant non plus. Finalement, il atterrit sur une colline près d'Etherna et là, miracle : de la lumière, des voix, un peu de musique par endroit. De la vie.
Le mage relève un peu plus son col et descend pour rejoindre le chemin qui mène à l'entrée de la ville. Il s'en contentera car Miradelphia n'a pas l'air de vouloir lui offrir mieux ce soir. Il se joint à la foule et erre dans les rues, le regard distant sur ce qu'il se passe autour de lui. Il marche, les mains unies dans son dos. Il a besoin de sentir la vie autour de lui, à défaut de la savoir en lui. Son cœur n'est plus qu'un battement mécanique régulier que plus grand chose ne semble pouvoir faire vaciller. Les enfants qui se courent après et le frôlent lui font à peine hausser un sourcil. Ces deux amoureux qui s'exposent en publique lui donneraient presque la nausée. Quant à ce jongleur, il n'y a rien de bien épatant dans ce qu'il fait là. Mais au moins, ils sont en vie... Et c'est bien plus que ce qu'il peut ressentir dans son quotidien à l'Aurore, dans cette saleté de bibliothèque remplie d'étudiants silencieux. C'est tout ce dont il avait besoin ce soir pour ne plus ressentir ce vide dans sa poitrine.

Je me suis réveillée là, sans trop savoir de quoi il retourne.

Tu vois, cette vieille impression d’avoir picolé un peu trop fort la veille, cette sensation pâteuse qui colle tes lèvres et tes yeux et qui embrume le cerveau ? Bah voilà, tu sais à présent ce que je ressens alors que je sors de ma torpeur pour m’extirper de mon lit. Ha pardon…Non, c’est pas un lit. C’est quoi ces planches d’ailleurs ? Où est mon matelas ?

- Putain de merde….C’est quoi ce bordel, encore ? Whisper ??? WHISPER ???

Pas de réponse. Je me redresse et laisse les parfums environnants imprégner mes sens.

Première constatation, mon familier n’est pas là. Ce gros lourdaud de lion doit encore se vautrer quelque part, les quatre pattes en l’air, à ronfler comme un vieux. Je l’ai appelé Whisper. Parce qu’il se déplaçait comme un souffle. Je devrais peut-être l’appeler Fart, maintenant qu’il vieillit et qu’il est aussi discret qu’une bulleuse en pleine messe, en plus d’être gras comme une vache. C’est qu’un lion, ça mange beaucoup. Et il mange toujours les restes de mes repas, le gros goinfre. Pratique.

Deuxième constatation, je ne suis plus chez moi. Bon, ok, je n’ai pas vraiment de chez moi, je bourlingue pas mal, toujours à prendre le meilleur de chaque ville avant de passer à la suivante. La dernière en date, c’était la Nouvelle-Orléans. C’était chouette. Pas trop besoin de me cacher en vrai, parce que les Humains nous aiment. Ouais, ils nous aiment, putain. On n’est plus des prédateurs, on est des figurines qui hochent la tête sur les plages arrière des bagnoles ou des porte-clés qui brillent. Et à la Nouvelle-Orléans, ils nous adorent. Soi-disant que c’est le berceau de notre communauté. A chaque fois que j’entends un type me dire ça, j’ai faim. Très faim. Ils ne jurent que par Anne Rice. Ho bien sûr, c’est cool ce qu’elle écrit, y a même des fois où je me dis qu’elle a du être séduite par un des nôtres pour en savoir autant à notre propos mais merde…Non, on ne provient pas de la Nouvelle Orléans. Lisez le Livre de Nod au lieu d’Entretien avec un Vampire. C’est pas compliqué tout de même.

Troisième constatation ? ça pue. Mais vraiment ça pue le rat crevé. Là d’où je viens ça sent les gaz d’échappement, le déo et la graisse. Ici, ça pue la merde. Littéralement. Et ça provient de dehors, parce que je suis dans une espèce de roulotte en bois et habillée de…

- Une…robe ??? Hein ?

Je soulève un peu la tenue. C’est même pire que ça en fait. Une longue jupe de tissu léger, un beau rouge profond, tout empesé de dorure, clinquant à souhait, de fines chaines autour de mes hanches et un haut du même tissu, coupé juste sous mes seins, tout chamarré, superbe. Et puis tous ces colliers dorés ! Surement du toc, ça se voit à la brillance et ça se sent au poids, bien trop léger pour être de l’or véritable. Et c’est quoi tous ces peignes dans mes cheveux noirs tressés ? J’ai l’air d’une danseuse du ventre. Non, une de ces danseuses de tribal fusion que j’aime tant. Vous avez déjà vu un spectacle de cette danse ? C’est tellement séduisant, séducteur…Envoûtant. En vrai, je pense que j’aimerais beaucoup cette tenue si je n’étais pas présentement dans un endroit qui pue et dont je ne reconnais rien. On dirait une vieille roulotte avec des coussins partout. Pas de bougie. Pas besoin je vois très bien dans le noir, je trouve la porte et l’ouvre, restant là comme deux ronds de flan, les bras ballants et la bouche ouverte.

- Nom de L’autre…

C’est la nuit, une nuit de pleine lune. Dans une ville inconnue. Avec un décor inconnu. Et des inconnus qui chient sans gêne près de ce qui m’abrite, en l’occurrence une roulotte, comme je le pressentais.

- Hey les peyots, c’est quoi cet endroit ?

Aucun scrupule à les regarder. Surpris, ils remontent en vitesse leur vieux froc dégueulasse sur leur cul plein de merde puis bégayent comme des idiots en vrillant leurs yeux de veaux morts sur les miens, d'un bleu glacial.

- C’est…C’est Etherna. Pardon, on pensait qu'y avait personne là-ded...
- Et c’est quel pays ça, Etherna ?

Ils se regardent, un peu perplexes.

- Ben…C’t’une ville quoi…T’as trop bu hier soir la belle ?

Et voilà on y est. Encore un coup de ces connasses de magiciennes vaudou, j’en suis sûre. Ou alors des Men In Black. J’en sais rien. En tout cas je ne me souviens pas avoir fâché un Tremere ces cent dernières années. Toujours est-il que je suis à Etherna, que je sais pas où c’est, que je porte des fringues de bellydanseuse, et que je me réveille dans une roulotte qui sert accessoirement de fosse d’aisance à des crétins surgis d’une foire médiévale. Inspirer. Expirer. Même si ça sert à rien, vu que je suis morte depuis un bail.

- La bonne aventure, messieurs ? Ou un moment privilégié à trois ? C’est la fête ce soir après tout non ?

En vrai j’en sais rien mais j’ai les boules. Et quand j’ai les boules, j’ai la dalle. Il ne leur faudra pas deux secondes pour entrer bien sûr, les pervers. Je les ai vu reluquer ma poitrine, mon ventre nu, de cet air envieux totalement immuable au cours des siècles. Quelques minutes plus tard, le monde comptera deux gros dégueulasses de moins. Un arrière-goût rance traine en ma bouche. Ils ne devaient pas manger à leur faim tous les jours ceux-là mais bon, au moins, je me sens mieux et je peux m’aventurer dehors. Une chose n’a pas changé par contre…Pas de chaussures. Je HAIS les chaussures, et j’ai toujours préféré me promener pieds nus.

J’avance donc vers la cité, en faisant fi de tous ces regards posés sur moi. L’habitude. Nous les Caïnites, nous sommes tous séduisants. Sauf les Nosferatus. Eux…Ils sont vraiment laids.

- Cette foire med de ouf…ils ont mis le paquet sur la déco…

Plus je regarde, plus je me dis qu’il y a quelque chose qui m’échappe. C’est bien trop réaliste pour être une illusion. Et je m’y connais en illusion, justement. Les sourcils froncés, je décide de sortir de la rue pour me tapir dans l’ombre et observer, au moins un instant, ce qui se passe sous mon nez. Des Humains, oui. Des tas. Impossible de s’y tromper mais il y a autre chose. Quelque chose dans l’air qui me met mal à l’aise, comme une appréhension dont je ne parviens pas à définir la source. Un peu comme quand tu patientes dans la salle d’attente du dentiste avant de passer sur la table, tu vois ? Y a un truc présent partout et je parviens pas à mettre le doigt dessus. Puis y a des odeurs étranges…Comme celle de ce type-là, qui vient de passer juste devant moi, les mains dans le dos. Lui, il est différent. Je le sens tout de suite. Il a l’allure d’un automate et la fragrance d’un camé. Je décide de le suivre. Parce qu’il sort de l’ordinaire. Puis parce que les camés, ils sont sympas. Torturés. Faciles. Voyons voir où s’arrête l’automate. J’ai rien d’autre à faire de toute façon.

Galerie d'Aliénor:

’’sceptre d’Erak’’:

Benedict marche, semblant ne pas se soucier outre mesure de ce qui l'entoure. Son regard erre d'un étal à un spectacle en passant par quelques animations de jeu. Cette foire n'a rien de bien passionnant mais elle a le mérite d'égayer son cœur vide. Cependant, s'il n'en montre rien, il sait parfaitement qu'il est suivi. Cela fait un moment qu'il a repéré la même silhouette dans les limites de son champ de vision. Il doute qu'on en veuille à son argent, il n'a pas l'apparence d'un riche. Et ils ne sont pas assez fous pour essayer de le tuer. Il est peut-être drogué la plupart du temps mais il est encore capable de se défendre contre un vulgaire assassin.
S'il n'a pas peur, cela le rend curieux. Il veut savoir qui est cette femme. Alors, il échafaude un plan. Un plan des plus simple.

Faisant mine de s'être lassé de cette petite fête pour en avoir déjà fait le tour, Benedict s'en éloigne. Il choisit une rue plutôt large mais qui a l'air tranquille, pas le genre coupe-gorge. Il fait semblant de chercher dans sa poche et un bruit métallique résonne. Un bruit de clefs qui s'entrechoquent. Il donne l'impression de simplement rentrer chez lui. Et au détour d'une ruelle sombre, il disparaît de la vue de la jeune femme. Et disparaît tout court. Tout ce qu'il reste de lui, c'est un anneau parterre, pourvu de clefs.
Lorsqu'elle s'est suffisamment approchée, peut-être même penchée pour ramasser son bien, il reparaît derrière elle. Il l'observe quelque instants et l'analyse d'un œil qui voit au-delà de son apparence. Il fronce les sourcils avant d'attirer enfin son attention.

-Qu'est-ce que tu es ?

A l’œil nu, elle semble vivante. Mais lorsqu'il cherche à voir plus loin, ce n'est plus du tout le même histoire... Elle est morte. Aucun mage de cette terre ne maîtrise la nécromancie à ce point-là. D'ailleurs, il ne ressent pas la présence d'un sort, ni le lien qui relie le maître à sa créature. C'est étrange... Mais Benedict n'est pas homme à attaquer sans réfléchir. Il se méfie mais il veut comprendre ce qu'il a devant lui avant de prendre la moindre décision. Mais si elle attaque, il n'hésitera pas à se défendre... En attendant, parler en conservant une distance raisonnable suffira.

Honnêtement, passer d’un monde presque aseptisé comme celui d’où je viens à celui-ci, c’est une épreuve. J’avais oublié à quel point les Humains peuvent être dégueulasses. Pour un nez expérimenté comme le mien, le nez d’un chasseur, l’expérience est éprouvante. J’avais vu avec joie l’arrivée de produits d’hygiène en Europe, ça me permettait au moins de manger sans être dérangée par des odeurs douteuses. Mais là…là ! On se croirait revenu aux temps les plus sombres, ceux qui m’ont chassée de ces nations plongées en plein obscurantisme et fanatisme religieux.  Ho bien sûr, ils sont bien habillés, assez bien même, quand j’y songe. Trop pour être des paysans du fin fond d’un bled paumé du Moyen Age, ça n’empêche quand même pas qu’ils puent . Les rues sont éclairées, il y a des étals, des jeux, de la musique, c’est pas du tout comme ces vieilles foires horribles auxquelles j’ai assisté autrefois et dont je me suis lassée. Non…Ici c’est différent. On dirait presque les gens sont heureux. Ça change. Enfin en tout cas ils ont l’air de l’être plus que ce bonhomme bizarre que je suis, pour le fun. Pas un geste de travers, rien. Il trace son chemin sans rien dire, sans saluer personne, comme un malheureux sans ami. Que c’est triste.

- He ben…C’est gai.

Ha, le voilà qui devient un peu foufou et qui bifurque vers une autre rue. A-t-il un chez lui, cet homme-là ? A-t-il une femme qui l’attend ? Des enfants ? ça expliquerait peut-être pourquoi il tire cette tête-là. Je le suis bien sûr, mais…Personne. Il n’y a plus qu’un trousseau de clés au sol, que je regarde avant de sourire de toutes mes dents. Le petit fumier. Il savait que je le suivais, ça ne fait aucun doute. Le jeu en devient plus excitant, d’un coup. Mes sens m’alerteront bien avant qu’il ne parle, ce qui me permet de soigner mon entrée en scène et ma posture, totalement étudiée.

- Ce que je suis ? Je suis perdue.

Je me retourne évidemment, pour lui faire face et je le regarde des pieds à la tête, sans me gêner, ainsi que je le fais toujours. Damn, il a vraiment l’air aussi mort que moi celui-là, mais à l’intérieur. C’est curieux.

- Et je te retourne la question. T’es quoi ? Un éther de ces dingues de Bourbon Street ? Une vieille blague du Baron Samedi ? T’as l’air d’un humain mais…Tu te déplaces trop vite pour que ce soit le cas.

Je me masse le menton, attentive.

- C’est quoi cet endroit, la foire aux monstres ?

La morte-vivante lui répond comme si elle ne comprenait pas le sens de sa question avant de lui prouver qu’il n’en est rien. Elle sait parfaitement ce qu’il lui demande mais soit le prend pour un idiot, soit elle a envie de s’amuser. Dans tous les cas, il a l’impression qu’elle ne lui ment pas vraiment en lui disant qu’elle est perdue. Il ne s’emporte pas et de n’impatiente pas non plus. Il est venu pour se distraire après tout et il se peut que l’attraction la plus improbable de cette soirée se tienne devant lui. Coupons court aux esprits mal placés car ce n’est absolument pas ce que Benedict a en tête. C’est plutôt sa curiosité qui est piquée au vif.

-Je ne comprends absolument pas de quoi tu parles et certains de tes mots semblent même tirés d’un tout autre langage. Pourtant, je crois parler ou au moins comprendre tous ceux de Miradelphia.

Tout en discutant, il continue de l’analyser et elle ne semble pas s’en apercevoir. Cela signifie-t-il qu’elle ne perçoit pas sa magie ? Mais plus il la regarde et l’écoute, plus il se demande comment elle peut avoir l’air aussi normale et ne pas être en lien avec son marionnettiste. Il est impossible qu’elle soit autonome ?! Même lui n’y parviendrait pas s’il avait la moindre volonté de se plonger dans la nécromancie. Il n’a pas non plus l’impression que l’on essaie de pénétrer son esprit et il est impossible qu’il ne finisse pas par s’en rendre compte, ce serait-ce qu’un peu.
Benedict étire un sourire en coin à la dernière question de la jeune femme, un peu amusé.

-Avec nous deux, on pourrait dire ça, oui.

Si cette créature ne devrait pas exister, lui non plus. Il est le résultat d’une expérience après tout. On peut donc le qualifier de monstre, lui aussi.

-C’est une fête comme une autre. Ils célèbrent l’arrivée de l’été et espèrent s’attirer les faveurs de Kÿria pour la saison prochaine. C’est étrange que tu ne saches pas ça.

Il penche un peu la tête sur le côté. Son étude est au point mort, il ne parvient pas à déterminer ce qu’elle est, ni comment elle peut tenir debout et discuter alors qu’il n’y a apparemment personne derrière pour la commander… Il devra donc obtenir cette information autrement.
Benedict décide de poursuivre cette conversation. En répondant à sa question, il espère bien qu’elle répondra à la sienne.

-Quant à moi, je suis juste un mage. D’un geste de la main, il attire à lui ses clefs pour les récupérer et les remettre dans sa poche. Un mage un peu particulier, dirons-nous.

- Miraquoi ? Ha c’est le nom de ce pays ?

Miradelphia. Curieux nom pour une contrée qui l’est plus encore. Je réfléchis une seconde et non, jamais, mais genre jamais, je n’ai entendu ce nom là. Miradelphia. Ça ressemble à un titre de telenovelas, mais soit. Ok. Il me comprend même s’il ne pige rien à mes références. Tant mieux. Au moins, le Sabbat et la Camarilla n’ont rien à voir là-dedans et je ne risque pas de me prendre le Primogène Tremere sur le dos…Ils sont vicelards, ces vampires-là. Et ils seraient bien capables de monter un coup pareil, juste pour ne plus m’avoir dans les pieds, alors qu’ils sont les premiers à vouloir des contrats avec nous. Les salopards.

Lui là, il est vivant. Bizarre, mais vivant. C’est pas un Caïnite et c’est pas non plus une goule, j’aurais perçu le sang de son Sire ou de sa Dame en étant si proche de lui. Donc quoi ? C’est quoi ce mec ?

- Un monstre toi ? T’as plus l’air d’un type en manque que d’un monstre. Je les reconnais maintenant, les gars comme ça. Il traîne leur vie comme un boulet en essayant de trouver un petit peu de réconfort dans la poudre blanche. Tout ça pour au final se rendre compte qu’ils sont quand même seuls…Être seul, c’est pas être monstrueux, c’est même plutôt intelligent en fait. Quand tu t’approches des autres et que tu te lies à quelqu’un, c’est là que les emmerdes commencent, tu vois.

Et je parle d’expérience. Je le regarde encore. Il n’a rien de monstrueux ce type.

- J’viens de loin et j’ai fait un gros gros dodo…J’ai peut-être loupé des passages ici et là…

J’allais ajouter un truc débile, pour détendre l’atmosphère, mais je reste à ma place en le voyant récupérer ses clés de cette façon si désinvolte. J’hausse un sourcil avant de manifester la plus totale incompréhension à ses paroles.

- Attends…quoi ?

Je rigole un bon coup et approche franchement cette fois, pour tourner autour de lui.

- J’ai pas tout compris, Gandalf. Un mage ? Comme dans Donjon et Dragon ?

La belle soirée que voilà. Un mage. C’est ça cette odeur bizarre qu’il déploie. Le Ver n’est pas présent en lui mais il y a autre chose. Et c’était ça qui a capté mon attention.

- Tu veux dire que tu fais des tours de magie en faisant des incantations de ouf et en levant tes bras vers le ciel ? T’as pas un bâton ?

Je cherche le bâton du regard avant d’agiter ma main en un geste bien connu des Potterheads :

- Accio bâton ! Hahahaha je déconne, ça vaaa…Je trouve ça ouf ! J’ai jamais rencontré de magicien humain. Tu sais voler ? Et te changer en chat ?

Mine de rien, c’est plaisant. Dangereux, sans le moindre doute, mais plaisant. Au moins c’est pas un Caïnite, c’est pas un humain, c’est juste une créature étrange qui a compris que je ne suis pas celle que je prétends être. Je me plante face à lui, après une pirouette exécutée avec une grâce impossible à trouver chez les Humaines puis fais une révérence grotesque :

- Alors, Gandalf, dis moi ce que je suis. As-tu une petite idée , mhh ?

Benedict fronce légèrement les sourcils mais cela ne dure qu'un bref instant. Qu'elle ne connaisse pas Miradelphia est peut-être normal, elle est morte. Son esprit -parce qu'il semble bien qu'elle en ait un- ne doit probablement pas être en bon état. Cependant, sa façon de percevoir son addiction est assez troublante et presque illogique en fait... Quelque chose ne colle pas. A chaque fois qu'il émet une hypothèse, elle dit ou fait quelque chose qui la rend caduque. D'ailleurs, son phrasé et son vocabulaire sont des plus étranges. Se pourrait-il que son Souffle ne vienne pas de Miradelphia ? Ou bien d'un autre temps ?

Le mage la regarde parler et s'agiter sans vraiment réagir. Il réfléchit et étudie cette créature et il est bien trop concentré là-dessus pour hausser un sourcil alors qu'elle s'approche dans une cabriole qui le laisse songeur. Un mort ne pourrait pas réaliser une telle chose à cause de la rigidité cadavérique. Elle dit avoir dormi longtemps, se pourrait-il qu'elle se trompe ? Peut-être vient-elle seulement de mourir. Mais elle semble savoir parfaitement ce qu'elle ait, ce qui est paradoxal.

Et pourquoi l'appelle-t-elle Gandalf ?

-Tu ne ressembles pas aux morts-vivants qui ont été créé jusqu'ici. Tu es bien trop... "vivante". Je ne ressens pas de magie émanant de l'extérieur vers toi donc tu es autonome, personne ne tire les ficelles. Tu sembles même avoir ton propre Souffle... Ce qui est impossible. Celui qui aurait fait ça aurait atteint un niveau magique semblable à celui d'un Dieu. Et même moi je ne peux pas prétendre une telle chose.

En résumé, il n'a pas la moindre idée de ce qu'elle est. A sa connaissance, une telle créature n'avait encore jamais foulé la terre de Miradelphia. Et ce qu'il a sous les yeux ne devrait même pas être possible. Tyra ne l'aurait pas permis ou serait venu le détruire elle-même car ce serait la porte ouverte à l'anarchie si les morts pouvaient finalement se relever et marcher parmi les vivants, comme elle. C'est certes une abomination mais il rejette rapidement l'idée de la détruire. S'il y en a une, il pourrait y en avoir d'autres. Et faut qu'il comprenne qui elle est et comment elle a pu être créée afin d'éviter que cela se reproduise.

-Dis-moi, Evadée du Senarda... Il pivote légèrement la tête et l'interroge avec un peu plus de légèreté. C'est qui ce Gandalf ?

Un discret sourire se devine sur ses traits tirés. La question paraît badine mais la réponse pourrait lui apporter beaucoup d'informations et combler certains trous dans son carnet de notes mental. Elle a l'air de vouloir s'amuser, il va jouer un peu le jeu, restant malgré tout sur ses gardes.

Ha il est observateur et futé, mon automate bizarre. Assez en tout cas pour avoir compris que mon cœur ne bat plus et qu’aucun souffle n’est exhalé de ma poitrine. Cela étant, même s’il a compris le fond, il n’a pas encore vu la forme. Qui a d’ailleurs envie de voir ça, hein…Même moi j’aime pas.

- Malin. Personne d’autre que moi ne tire les ficelles, c’est très bien vu.

Un mort-vivant, c’est ce que je suis. Depuis si longtemps, putain. J’ai vu tellement de choses que j’aborde tout ce qui arrive avec flegme.  Ça sert à rien de se bourrer le mou pour des conneries, après tout, l’être humain étant un indécrottable imbécile qui est infoutu d’apprendre les leçons données par l’Histoire.

- Mort-vivant, ça fait très film des années 50 t’sais…Avec ces vieux zombies pourris qui sortent de leurs tombes au milieu d’un brouillard épais, juste pour dévorer le cerveau d’une blonde en jupette qui finit invariablement par se gameller sur un bout de rocher…C’était une purge ces années-là. Heureusement, y avait Elvis.

Puis je me dis que non, il ne sait pas. Il ne peut pas savoir. Alors je hausse les épaules. Quand il saura, il fera sans doute comme les autres, il fuira. Sauf que lui c’est un mage, ptêtre qu’il essayera sa magie sur moi, allez savoir. Je me rappelle ma dernière expérience avec les Tremere, du coup j’ai pas tellement envie de revivre ça. Surtout ici, en terrain étranger. S’il est Mage, il doit peut-être y avoir d’autres créatures telles que lui. Peut-être même pire. Et ça, ça craint.

- On nous appelle les Caïnites. Les Enfants de la Nuit, la progéniture de Caïn. Les simples nous appellent Vampires. Tu peux m’appeler Aliénor. C’est mon prénom. Quant à Gandalf…

Aucun risque de trahir la mascarade puisqu’apparemment…Elle n’a pas cours ici. Je me marre donc en secret, avant de répondre :

- C’est le plus grand magicien de tous les temps. Plus fort que Voldemort. Plus fort que Merlin. Gandalf, c’est le…Mais putain c’est pas vrai…Qu’est-ce que je fous ici à raconter ça, tu sais même pas qui c’est Tolkien…

Une fois de plus, j’allais ajouter un mot, mais je suis interrompue. Pas par des paroles, mais par l’atmosphère qui change, en deux deux. Des nuages, là où auparavant le ciel était clair, des éclairs aussi. Je fronce les sourcils avant de regarder Gandalf et de murmurer :

- Sorry, je sens un truc pas cool, là tout de suite. Je sais pas si c’est toi, mais ça me plaît pas.

Il n’aura probablement pas le temps de le voir ou alors, tout ce qu’il verra, c’est une traînée rouge, celle de ma jupe qui s’élève à la vitesse du vent, tandis que je bondis pour atteindre le toit. Réceptionnée un genou et une main au sol, les sens en alerte, j’hume l’air afin de mieux percevoir ce changement qui électrise l’air. Des hurlements là-bas. Le vent se lève, plaquant le tissu de ma jupe contre mes jambes. La pluie tombe. Je ferme les yeux.

- Et merde…Pas moyen d’avoir un froc à se mettre ici je présume…Fait chier…

Les hurlements viennent de là-bas, près de ce grand brasier.

- Fallait bien sûr que ça me tombe dessus…J’aurais ptêtre du payer leur taxe, à ces vieilles dingues de Bourbon Street…

Benedict dévisage un peu Aliénor tandis qu'elle lui parle de choses dont il ignore tout. Elle finit par s'arrêter toute seule, manifestement consciente qu'il n'a pas les mêmes références qu'elle et cela l'intrigue. Elle sait quelque chose qu'il ignore quant à ce qui les sépare -en plus d'un cœur qui bât-. Puis il l'écoute lui expliquer ce qu'elle est et cela ne lui apporte pas beaucoup de réponses. Caïnites ou vampires sont des termes inconnus pour lui, même en fouillant dans les tréfonds de sa mémoire. Peut-être qu'il trouvera quelque chose au Département de recherche... Et peut-être qu'il trouvera aussi quelque chose sur Gandalf, Merlin, ou...

-Non, en effet, ça ne me dit rien. Tu es sûre de...

Le mage ne finit pas sa phrase. Tout comme la vampire, il a ressenti qu'il se tramait quelque chose et il se détourne d'elle pour la première fois depuis le début de leur conversation. Il n'a pas le temps de la voir partir, n'apercevant qu'une traînée rouge en se retournant vers elle. Il pourrait la suivre mais... Non, il a une autre priorité maintenant.
Benedict fait un pas et disparaît de nouveau, son corps se dématérialisant en une brise qui rejoint rapidement la place d'où proviennent les cris. Là, il reprend forme et observe ce qu'il se passe. Ils sont cinq. Quatre entourent le feu près duquel le dernier se tient. Ces gens -qui lui semblent bien étranges pour des humains- incantent et le Gardien croit comprendre de quoi il retourne.

-De mieux en mieux...

Il lève les yeux au ciel et analyse l'avancée du rituel. Il a encore une petite chance de l'arrêter... Mais il doit faire vite.

La voûte céleste est chargée de nuage et d'éclairs et il a soudain la solution. Il lève ses bras vers le ciel, saisit quelque chose d'invisible puis les abaissent d'un seul coup vers le sol. Deux raies d'électricité viennent frapper deux des incanteurs qui -avec l'aide de la pluie conductrice- sont aussitôt grillés et s'écroulent lourdement sur le sol. Il a commencé par ceux qui sont le plus loin de lui, gardant ceux plus à sa portée pour la fin. Il tend les main devant lui, saisit autre chose et le tire vers lui. Deux bras de flammes sortent alors du brasier et s'avancent rapidement vers les deux hommes. Flotte ou pas, ce n'est pas cela qui empêchera leur combustion alors qu'il en augmente la température sur le chemin. Assez pour sécher leurs vêtements et les embraser par la même occasion. Après cela, il ne restera plus que celui au milieu... En priant pour que rien de fâcheux de lui tombe sur le crâne entre temps...

Il pleut des hallebardes maintenant et mes vêtements ne font plus qu’un avec mon corps. Joie. Pourtant, c’est pas tellement ça qui m’inquiète. Non, ce qui m’inquiète, c’est ce que je sais, ce que je ressens et ce que je vois. Et tu peux me croire, toi qui me lis, j’ai de l’instinct. Un putain de bon instinct qui m’a permis de rester parmi les vivants bien plus longtemps que la moyenne.

Ce que je sais ? Je suis à Miradelphia, dans une ville qui s’appelle Etherna, y a des Humains et y a des Mages. Je sais pas comment j’ai atterri ici mais il doit bien exister un moyen de rentrer à la Nouvelle Orléans. Or, le seul moyen potentiel d’y parvenir c’est cet automate tout camé que j’ai rencontré y a cinq minutes. Bon ok, il a l’air complétement foutu, mais il est mage et donc, ma seule option pour l’instant.

Ce que je ressens ? Les ennuis, ma vieille. Ça sent les ennuis comme au bon vieux temps quand ces connards de Brujah ont voulu dominer tout le territoire de Paris et qu’ils ont assassiné le Primogène Toréador ainsi qu’une bonne partie de son clan. Les simples ont appelé ça la Saint-Barthelemy. Moi j’ai juste appelé ça un open-bar. Y avait cette électricité dans l’air, on savait qu’il se tramait quelque chose de fantastique sans trop savoir quoi. Un peu comme maintenant. Cette chose que j’ai ressentie en arrivant ici est perturbée, je la sens vriller mon sang comme autant de petits coups d’épingles sur mon épiderme de marbre. C’est un peu chiant et agaçant comme sensation. Faut donc y mettre un terme ou s’en éloigner.

Ce que je vois ? Des gens qui hurlent et des flammes. Comme au bon vieux temps, comme quand je chassais dans les campagnes, tapie dans l’ombre pour me nourrir dans une absolue solitude. C’était bien. Y avait moins de monde, moins de lumière, moins de bruit. Que c’était drôle, de les suivre d’arbre en arbre, pour finalement bouffer toute une famille dans la même carriole. Parfois, y en a qui s’enfuyait. Je les laissais faire, ça me plaisait, avec ce nouveau sang en moi, de les chasser puis de les faire taire. Le hurlement, c’est la base…c’est comme un appeau à prédateur. Z’ont jamais compris que le silence est d’or, ces idiots, mais bref.

En clair, la situation est simple. Je ressemble à une tapineuse du bois de Boulogne, le maquillage en moins, je suis perdue dans un autre monde, avec un magicien camé à faire face à une autre forme de magie que je ne connais que dans les jeux vidéos. Bah oui. Être un vampire ne veut pas dire qu’on ne fait que tuer des gens, hein. Parfois on s’amuse aussi.

- Pourquoi c’est toujours pour ma gueule, ce genre de truc…

Première chose, me changer. Ça hurle. Ça court, ça rentre chez soi. Mon regard de glace passe la rue en revue. Et bim. Voilà ma cible. Un gentil petit gars qui peine à fermer son étal. La descente jusqu’à lui sera rapide et silencieuse. Il n’aura pas le temps de voir le coup venir. Il est au sol, la plaie à sa tête saigne, dégageant un parfum un peu plus doux que les autres, ceux que j’ai vidé avant d’entrer dans la ville, mais bon c’est pas tellement le moment pour un pique-nique. Hop, je lui pique son futal et file me changer à toute vitesse dans un coin, ôtant peignes et jupe pour des braies qui fouettent. Je garde le haut. Si je dois réagir vite, je préfère garder ma liberté de mouvement, comme d’ordinaire. Et je préfère mes cheveux libres, plutôt que retenus comme ça, de toute part.

Deuxième chose, retrouver mon camé de tout à l’heure. Je le soupçonne de s’être rendu près de de ce brasier là-bas et j’arrive pile au moment où il fait montre de ses talents. Je regarde la scène, je le regarde lui, je les regarde eux puis ferme les yeux, tout en me pinçant l’arrête du nez. Okay. Des trucs mystiques. Du feu. Du feu partout et des éclairs, c’est pas bon pour mes affaires. Pas bon du tout.

- On se croirait dans une cinématique de WoW…

Oui, j’apparais juste derrière lui, pour lâcher cette petite phrase qui ne lui dira strictement rien, en toute décontraction.

- Tu es Mage non ? Y a pas une épée magique à looter quelque part dans cette ville ? Parce que les gars là...C'est pas tellement des gars.

Les illusions, c'est mon domaine. Or, même si celle-là est particulièrement réussie, il se trouve qu'on ne me la fait pas. Et que ce que je vois ne me donne pas spécialement envie de tailler une conversation. Moi je peux pas faire grand-chose, à part protéger mon potentiel billet de retour qui est ce Mage bizarre qui agite ses bras.

- Ha ben tu vois que tu fais des trucs de ouf en levant les bras au ciel, j’avais raison finalement…

-J'ai vu.

Aliénor vient de lui faire remarquer que ces humains n'en sont pas vraiment mais il l'avait bien vite remarqué lui-même. Décidément, elle a eu raison en parlant de foire aux monstres... Mais elle ignorait encore à quel point à ce moment-là. Alors que les deux derniers incanteurs brûlent sur place, Benedict observe le rituel... Et il se fige. Il semble plus puissant qu'au départ...

-Quel con...

Il réalise seulement. Ce rituel demande des sacrifices et il lui a donné ce dont il avait besoin. Il est terminé...

-On dirait que j'ai complété le processus sans le vouloir... J'peux plus l'arrêter.

Il ne voit pas d'autre explication. Parce qu'entre son arrivée et maintenant, la seule chose qui a changé, c'est qu'il a tué les quatre créatures autour du feu. Pourtant, c'était assez logique. S'il n'y a plus personne pour psalmodier, ç'aurait dû y mettre fin ou au moins le suspendre. Mais contrairement aux rites qu'il a pu étudier ou réaliser, celui-la demande la mort. Et il n'y a pas pensé... Il a merdé, et il le sait.

Soudain, une voix gutturale s'élève dans sa direction et Benedict baisse les yeux, quittant le ciel du regard pour se concentrer sur le vieux chaman qui s'adresse à lui. A lui et à Aliénor.

-Tu comprends ce que raconte Face de sanglier ? Demande-t-il à la vampire.

A sa réponse, il comprend que non. Ils ne viennent peut-être pas du même monde... D'ailleurs, qu'est-ce qu'elle fait encore là ? Ce n'est pas tellement logique. Mais il y réfléchira plus tard. Pour l'instant, il a quelque chose de bien plus important à gérer. Une situation à laquelle il a essayé de mettre un terme et qu'il a compliqué...
Benedict remarque alors les deux squelettes qui ont remplacé les quatre sorciers. Il ne peut pas reproduire la même erreur. Il ne peut plus arrêter le rituel mais s'ils sont là c'est que le chaman en a besoin. Alors il ouvre les mains et deux trous apparaissent sous les créatures qui tombent dedans. Puis il ferme les poings et elles se retrouvent piégées trois mètres sous terre. Elles ne sont pas mortes et elle mettront du temps avant de l'être... Autant ne pas accorder deux sacrifices de plus.

Honnêtement, je suis en train de me dire que si un roi-liche galactique avec une grosse épée of doom et des épaules de buffet à vaisselle pouvait se pointer, là, maintenant, tout de suite, ce serait une bonne idée. Un gros Gundam par exemple. Ou Thanos, tiens. Ha oui Thanos ce serait bien. Un claquement de doigts et hop, disparu l’affreux là-bas. Parce que c’est lui, là, qui commande à tout ce merdier, je le sais. Lui avec sa face de dogue aux épinards, le regard trop rouge d’un lendemain de cuite, la tête ne faisant qu’un avec les épaules…Et pour générer un truc pareil, c’est pas un novice, c’est sûr.

J’inspire un bon coup, pour du faux, histoire de donner le change puis cherche les poches inexistantes sur ce futal du moyen-âge. Pas de poche. Je ne pourrai même pas manifester tout mon flegme britannique en y logeant mes mains, d’un air condescendant. Damned.

Gandalf a visiblement entretenu le gros bourbier magique en agitant les bras un peu trop fort. Bon. Il pouvait pas savoir j’imagine. Au moins il a essayé quelque chose. Donc non, pas la magie, du moins pas celle-là. Je me penche un peu vers lui, les bras croisés sur mon ventre, tout en regardant Gueule d’Amour là bas.

- J’ai compris deux mots. Et honnêtement, je crois que tu préfères pas savoir.

Il connait Lilith. Bon. Là par contre, on ne joue plus. Je lève les mains et parle en langue ancienne, celle que les hommes ont oubliées, les deux paumes levées devant moi. Nul doute que Gandalf ne comprendra rien, par contre, Gueule d’Amour, lui…

- Lilith est ma Mère. La Mère de mon père, et de son père avant lui sur six générations. Qui es-tu pour énoncer son nom devant moi, alors que tu n’es pas Eveillé ?

C’est tellement biblique. Une langue oubliée, gutturale, celle de Caïn, celle des terres de Nod, que tous, nous les Anciens, nous apprenons et chérissons. C’est la première fois que je m’exprime en public de cette façon, j’en ai un petit rire de satisfaction devant Gandalf en lui disant, discrétos :

- Première fois que je fais ça, ça me file la chair de poule tellement c’est bon.

Puis il me vient une idée, comme ça en passant, que je glisse tout aussi discrétos à mon compagnon du soir :

- Dis moi, Gandalf…Y a des bestioles terrifiantes dans le coin, je sais pas…des trucs horribles, genre des Kaijus, des Magohamoth ? Un grand ancien peut-être ? On est pas loin de la mer, y a pas un Cthulhu qui traîne ? Sur un malentendu…on ne sait jamais.

On se trouve dans un monde magique. Il doit bien y avoir quelque part une créature que je peux invoquer. Le temps de faire diversion et d’embarquer Gandalf bien loin pour pas finir cramée. C’est que j’ai des affaires en cours, moi et ça commence à devenir un peu spécial ici.

- Tu pourrais m’en montrer une, avec ta magie ? Juste pour voir ?

Aliénor n'est décidément pas une morte comme les autres et elle intrigue de plus en plus le mage qui se tient près d'elle et plisse les yeux en l'étudiant. Il ne comprend pas un mot de ce que les deux protagonistes s'échangent alors qu'elle se met à parler dans une langue qu'il ne connaît pas, qui ne ressemble pas aux bribes dont elle a fait usage plus tôt et qui n'est pas celle que parle le monstre vert devant eux.
Benedict reconnaît le nom que la vampire lui a donné alors qu'elle l'interpelle. Il devrait peut-être lui dire comment il s'appelle mais le moment est assez mal choisi pour cela. Il écoute sa requête et, s'il ne comprend pas ce qu'elle veut en faire, il en comprend vite le sens. Une créature grande et effrayante. Oui, il a cela dans son répertoire et en identifie une douzaine en quelques instants. Tandis que le demi kobold devant énonce sa flopée de titres "légèrement" prétentieux, il fait en pas pour se rapprocher d'Aliénor et lui souffle quelques mots.

-Ne lutte pas.

Ses doigts effleurent alors le bas de son dos nu avant qu'il ne pose véritablement sa main dans un geste qui se voulait naturel et peut-être protecteur et un peu intime aux yeux du chaman. Mais en réalité son but est de dissimuler ce qu'il est en train de faire. Tout en fixant et en écoutant le sorcier, Benedict utilise ce contact pour faciliter sa tâche et la rendre plus discrète. Lentement, il s'insinue dans l'esprit de la vampire. Il ne prend pas le temps de le fouiller, ce n'est pas le moment. Il se contente de lui montrer des images. Des images de créatures plus hideuses et dangereuses les unes que les autres. Kerkand, anaconda géant, dragon, araignée géante, toxeurove... Elle n'a qu'à faire son choix.
Mais alors qu'une voix gronde au-dessus de leurs têtes, Benedict relève les yeux et retire lentement sa main de la peau juste tiède de la vampire. Il fronce les sourcils, son esprit fonctionnant à plein régime. Ce langage lui dit quelque chose...

-C'est une langue morte...

Une langue que seuls les érudits connaissent et ont pris le temps d'étudier un minimum. Et le mage en fait partie. Il a souvent du temps à tuer depuis qu'il a atteint la pleine maîtrise des Arts qui l'intéressaient. Le temps de refaire les bonnes connections dans son esprit et il est capable de comprendre de que dit cette voix. Reste à savoir ce dont il s'agit et s'il peut faire quelque chose pour annuler ce qu'il a lui-même provoqué. Rageterre -oui, parce qu'il l'a vraiment écouté, il n'a pas fait semblant !- s'est dit 'libérateurs des titans du chaos". Serait-ce l'un d'eux ?... Si oui, il y avait des chances qu'ils soient mal...

Ha ben voilà. Suffit d’ajouter un peu de mysticisme, de parler comme Moïse et d’agiter les bras et tout de suite on me prend au sérieux.

Gueule d’Amour se présente. Immanquablement, cette scène où le cinquième élément se présente à Korben Dallas me revient à l’esprit. Trop de mot, trop de machins, trop de titres. J’affiche pas les miens, moi, c’est quoi cette manie de se la péter avec des mots ronflants dont personne n’a rien à foutre ?

- Ok, je t’appellerai Erak. C’est plus court. Moi c’est Aliénor Parker. Mes amis m’appellent Aly. Toi tu peux m’appeler Madame.

Je plaisante. J’ai pas d’amis. Enfin si j’ai Whisper mais je sais pas où il est fourré ce gros lourdaud. Sûre qu’il dort sous la caravane que j’ai laissée au Starbright Motel…J’ai un regard pour Gandalf, avant de continuer, d’un ton las.

- Mère a toujours le chic pour choisir ses relations à ce que je vois.

Je reporte mon attention sur Erak Demi-Dieu machin brol et continue, sur le même ton :

- Toujours à se coltiner les bad guys. C’est d’un cliché…Je ne suis même pas étonnée en fait. Caïn ne lui a pas suffi, elle s’est….hey !

Il vient bien de me lancer un clin d’œil celui-là ?

- Je suis pas d’ici, en effet. Moi je fais juste une visite, je suis polie, je saccage pas tout avec mon ego tu vois ?

Non sérieusement, ça craint. Je fais genre, bien sûr, parce que perdre la face, c’est quelque chose qui me fout les boules. Toujours est-il qu’en dedans, le Ver s’agite et quand il s’agite c’est pas bon. Non pas que j’ai des scrupules pour la population, comprenez-moi bien. C’est juste que si la Bête s’exprime, je ne pourrai sans doute pas la retenir et le plus proche buffet à ma portée est ce mage dont j’ai besoin. Donc non, on se calme, on inspire pour du faux, on expire pour du faux, on se détend et on cherche une solution.

C’est un demi-dieu. Et même moi je ne peux pas vraiment lutter contre ça. Thanos aurait vraiment été une solution, pour le coup…

Cela dit, Gandalf vient de s’approcher. De s’approcher vraiment beaucoup. Et il me demande de ne pas lutter. Non mais qu’est-ce qu’il fait ? Il vient bien de poser sa main sur moi ?

- Heu…

C’est étrange, ce contact qui me paraît brûlant. D’ordinaire, ils n’ont pas le temps de me toucher plus que nécessaire. Là, c’est un peu beaucoup et puis toutes ces images dans mon esprit…Mais c’est quoi ces trucs ? Je ne prolonge pas le contact au-delà du strict nécessaire, le regard posé sur une forme incertaine par-delà le brasier. En fait, c’est gênant. J’espère vraiment qu’il n’a rien vu de ce qui traîne dans mon esprit parce que ça ne va pas l’inciter à rester et à m’aider, sans doute.

- Y a de quoi faire. Faut que je me concentre.

Et je vais avoir besoin de calme, au moins un peu, alors quand cette grosse voix surgie de nulle part s’élève en demandant qui a osé la déranger, je pointe Erak du bout du doigt, comme le font les enfants qui dénoncent un copain pris la main dans le sac :

- C’est lui. Moi j’ai rien fait. Et Gandalf non plus.

Aliénor continue de l'appeler "Gandalf" mais c'est le cadet des soucis du mage pour le moment. Et cela ne fait même bientôt plus partir de ses priorités du tout. Une créature gigantesque sort lentement de la faille et Benedict se fige. Rapidement, il analyse la chose à l'aide de tous ses sens et ce qu'il voit lui semble impossible... Cette chose n'est pas censé exister... Et encore mois fouler cette terre.

Mais lorsqu'il comprend, il est trop tard. La dague s'illumine et des cris surgissent de toute part dans la cité. Le mage lui-même se sent soudainement faible. Un filin sort de lui et il sent tout son être le quitter comme s'il mourrait à petit feu. Pris d'un malaise, il titube et pose une main sur son torse. Ses lèvres se mettent à bouger, marmonnant des paroles inaudibles, et le filin disparaît. Il use de toute la magie qu'il peut pour retenir en lui sa vie et son Souffle que la bête tente de lui prendre. Il y parvient mais non sans peine et il se sent s'affaiblir malgré tout, s'épuisant à cause des talents qu'il déploie pour se maintenir debout. Une chose est sûre : il faut qu'il s'en aille. Il ne peut pas rester ici, aussi proche de cette créature et encore moins dans son champ de vision. Aliénor ne semble pas affectée, ce qui ne le surprend guère. Alors, d'un pas mal assuré, il s'éloigne, disparaissant dans une ruelle sombre. Manquant à plus d'une occasion de tomber, il continue à psalmodier tout en marchant, s'appuyant de plus en plus souvent contre les murs pour avancer coûte que coûte.

Les minutes s'écoulent et il voit autour de lui les corps s'écrouler les uns après les autres alors que la dernière once de vie les quitte. Les cris se meurent avec eux et la ville entière se fait peu à peu silencieuse. Après des minutes interminables d'horreur, Benedict sent que la magie du monstre cesse et il interrompt enfin ses psalmodies. Épuisé, il se laisse tomber et se retient à un tonneau resté là. Cette double incantation prolongée pour se maintenir en vie l'a vidé de pratiquement toute son énergie. Il ne peut plus s'en aller à l'aide de sa magie. Il ne lui reste que ses jambes pour le sortir de là et elles ne lui obéissent qu'à moitié. Il se redresse, fait quelques pas, manque de tomber, se rattrape... Finalement, il tombe et s'adosse contre un poteau. Il faut qu'il prenne quelques instants pour se reposer avant de tenter de s'enfuir à nouveau. Autour de lui, le sol est parsemé de cadavres encore chauds. Certains ont les yeux ouverts et on lit la terreur sur leurs traits. Benedict ferme les paupières et se prend la tête dans les mains. Ce qui devait être une soirée pour le détendre et lui changer les idées a viré au cauchemar. Il a besoin d'une dose...

Contraint et forcé, Benedict relève la tête mais fait au passage savoir qu'il n'apprécie pas vraiment ce geste. Il râle un peu alors que, en situation de manque, il préfèrerait qu'on le laisse tranquille. Il n'est plus tout à fait le même homme curieux et capable d'humour comme de prouesses magiques qu'elle a rencontré tout à l'heure. Plus le temps passe en l'éloignant de sa dernière dose et plus il se sent mal, au point d'en devenir de mauvaise humeur. Il entend la recommandation d'Aliénor mais il n'y accorde que la moitié de son importance. D'accord, il faut qu'il sorte de là mais il n'en a pas la force et il a un besoin impératif de fumer... Cependant, la vampire ne lui laisse pas le choix. En une seconde, il est debout. Le froid de son corps contre le sien lui provoque un frisson qui n'est pas près de prendre fin...

Sur les toits, Benedict se demande s'il n'est pas en train d'halluciner... Mais étant donné qu'il n'est pas encore sous l'effet de l'opium, il semble bien que non. Il tourne son regard vers la morte-vivante, fronçant les sourcils de réflexion. Cette créature est aussi surprenante qu'intrigante et cela lui fait oublier -très temporairement- son état de manque.
Arrivés hors de la ville, le mage se sent chuter sans plus le moindre soutien et il est désormais incapable de se rattraper. Il s'écroule donc sur le sol mais sa chute n'est pas si indélicate que cela car il est... parsemé de coussins ? Le monde devient encore plus noir que dehors car il n'y a plus les lunes pour les éclairer. Les seules orbes qu'il distingue à présent, il finit par comprendre que ce sont les yeux d'Aliénor dont il perçoit la voix. Il fronce de nouveau les sourcils devant ce nouveau phénomène inexplicable.

-J'ai connu pire.

Drogué, il lui est déjà arrivé de se retrouver dans des trous miteux et de se réveiller au petit matin sans vraiment savoir ce qu'il faisait là. Et c'était pire avant que l'opium ne remplace l'alcool car, si les fumeries prenent soin de leurs clients jusqu'à leur offrir des couchettes, les tavernes finissent toujours pas jeter les poivrots dehors.
Péniblement, il se redresse jusqu'à s'asseoir. Il pousse sur ses pieds pour se reculer jusqu'à s'adosser à quelque chose. Il ne montre aucun signe de peur alors qu'il se retrouve seul dans le noir avec une créature qui ne devrait pas exister. Jamais Miradelphia n'a compté de femme comme elle, morte mais capable de marcher et de penser par elle-même, de se déplacer aussi vite que le vent, de soulever un homme adulte sans le moindre effort, d'amortir sa propre chute... Et il en ignore sans doute encore beaucoup sur elle. Mais il ne peut pas la questionner pour le moment. La main presque tremblante, il fouille à l'intérieur de son manteau, glissant ses doigts dans la poche dissimulée à cet endroit. Il en ressort une petite boîte en bois dont il repousse le couvercle coulissant d'un mouvement du pouce mille fois reproduit. Il renverse le contenant au-dessus de sa main libre et une cigarette de feuilles brunes enroulées et empruntes d'un parfum bien particulier en sort. Il la saisit, referme la boîte, porte le joint enduit d'opium à ses lèvres et en pince l'autre extrémité avec ses doigts. D'un infime sort, il l'allume et aspire aussitôt la fumée produite par le tabac jusqu'à s'en remplir entièrement les poumons. Il la conserve en lui quelques secondes avant de la souffler lentement. L'effet de la drogue n'est malheureusement pas immédiat et il lui faudra une dizaine de minutes pour qu'il se sente mieux. Tandis qu'il expire une seconde taffe, il reporte son attention sur la seule source d'intérêt ici qui puisse lui changer temporairement les idées tout en rangeant la petite boîte dans son manteau.

-De quel monde tu viens ? C'était le sujet qu'il s'apprêtait à aborder lorsque tout ce merdier a commencé. Il a compris qu'elle n'est pas de Miradelphia ni même de cet univers. Et il est entendu depuis longtemps qu'il existe plus d'un univers. Sa réalité n'est pas la seule qui soit et c'est la première fois qu'il croise une personne provenant de l'un de ces mondes parallèles. C'est l'occasion d'enrichir son savoir. Et qu'est-ce que tu avais l'intention de faire avec ces monstres que je t'ai montré ?

Benedict ne se préoccupe pas de la remarque d'Aliénor. Oui, c'est un Humain. Certains le définiront même comme un déchet de l'humanité étant donné ses vices mais il n'en a plus rien à faire depuis longtemps. Puisque personne ne se soucie de lui, il ne se soucie plus des autres. Alors oui, cela ne l'empêche pas de préserver la vie des innocents et de souffrir de ce qu'il vient de se passer... Il a toujours son Souffle après tout, et une conscience.
Tout en fumant, sentant la drogue s'insinuer très lentement en lui, apaisant ses tremblements et soulageant son esprit, il écoute la vampire lui parler de son monde. Un monde qu'elle semble vouloir retrouver plus parce qu'elle y a sa place que parce qu'elle y tient. Un curieux mélange à vrai dire... mais qu'il comprend parfaitement. Il devrait peut-être essayer de changer de monde plutôt que de s'attarder dans celui-ci finalement... Il replie ses jambes et posent ses bras sur ses genoux, venant régulièrement porte sa main à son visage pour tirer sur sa cigarette qui se consume très lentement.

-Ce monde-ci est plein de magie et c'est ce qui le rend à la fois magnifique et effrayant. Dit-il avec lassitude.

Cela ne lui fait ni chaud ni froid. Il n'a pas envie de lui vendre son univers en lui vantant ses mérites et ses beautés. Il espère être réaliste même si sa vision aussi est faussée. Il est partie prenante malgré tout et ne peut pas se montrer neutre. Il aime se promener incognito pour apprécier les villes et les paysages, cela le relaxe mais, en rentrant, il y a toujours cette chambre vide et cette immense bibliothèque qui est son unique devoir... Un devoir bien ennuyeux et loin d'être à la mesure de ses capacités.

Tout en prenant une taffe, Benedict soulève un sourcil en entendant ce que la vampire comptait faire des monstres qu'il lui a montré. Il fixe ses prunelles lumineuses dans le noir comme s'il pouvait lire l'expression de son visage dans la nuit mais il ne peut que l'imaginer.

-Même moi je n'en suis pas capable. Sauf en projetant une illusion mais je doute que Face de crapaud serait tombé dans le panneau.

Etant donné ce dont cette créature est capable, il aurait identifié le subterfuge tout de suite. C'est beaucoup trop gros comme piège. Mais en faire apparaître un pour de vrai, la magie de ce monde ne le permet pas. Tout du moins, pas celle de Miradelphia. Finalement, Aliénor lui demande son nom.

-Quoi, c'est fini Gandalf ? Fait-il avec une déception feinte avant de lui répondre. Benedict Herselft. Et oui, les dragons existent. Certains essayent de les contrôler. D'autres de les tuer. Le taux de réussite est très faible dans les deux cas.

Il a eu le temps d'étudier la question. Comme tellement d'autres... Alors il sait de quoi il parle et si son esprit ne commençait pas à flotter sous son crâne, il pourrait même lui citer les chiffres. Mais il n'est plus en état et son univers commence à se réduire lentement. Bientôt, il n'y aura plus que ce qu'il se trouve à proximité de lui qui comptera et même Etherna n'existera plus pour lui l'espace de quelques heures.

-Quand tu as dit avoir besoin de moi, c'est pour te renvoyer d'où tu viens, j'imagine ? Demande-t-il avec ce qu'il lui reste de neurones actifs.