Le couple royal | Un heureux événement

7e ennéade de Bàrkios
18e année du Onzième Cycle
Au petit matin

Vous aviez passé la nuit à galoper. La caravane avait bien trop peu dormi. Les chevaux et Faïra vous en voudraient probablement, mais les elfes au moins vous comprenaient. Le temps pressait. Le temps pressait plus qu’ils ne pouvaient l’imaginer. Ou peut-être ton épouse et toi en faisiez-vous un peu trop ? Parce que tout aurait pu se passer sur la route. Tout aurait pu être géré auprès des elfes de la caravane. Vous en aviez les moyens. Vous en aviez largement les moyens. Mais elle et toi vous aviez eu peur, à cause de la première fois. Elle et toi vous aviez eu aussi peur que la seconde, voire même plus. Aller au moindre risque, aller au moindre risque, il vous fallait aller au moindre risque… Kaëlistravaë était bien trop fragile pour que vous n’acceptiez de prendre le moindre risque.

Un roi échevelé et les yeux creusés par la fatigue traversait Tethien à grands pas, son épouse entre les bras. À ton cou, Kaëlistravaë était tendue, déjà prise au corps par des enfants ne demandant qu’à voir la lumière du jour. Pour autant, elle n’avait pas perdu son sourire. Elle était même relativement amusée par la situation. Te voir ainsi te démener pour elle et pour vos enfants avait quelque chose de particulièrement attendrissant. Et en cela elle trouvait plus de confort qu’elle ne trouvait de gêne dans l’urgence d’un corps prêt à entamer le travail.
Enfin les dispensaires de Tethien étaient en vue. Enfin les choses rentraient dans l’ordre. Après la surréaliste expérience qu’avait été le voyage vers le Septentrion, après le monde de craintes qui avait été le vôtre alors que les montagnes et les vallées refusaient de trouver fin quand la grossesse de ton épouse approchait de son terme, après bien trop de temps à vous poser la question de ce que seraient les premières choses que verraient les petits… vous retrouviez enfin un semblant de normalité.

- S’il vous plaît ! tu interpelles les prêtres et médecins en catastrophe Mon épouse est sur le point d’accoucher.

- Aran, Rîn Berith ! l’un d’entre eux te répond, appelant à lui des collègues d’un signe de la main Par ici, venez !

Pour l’anticipation qui s’était bâtie, la suite des choses fut sans grand événement. Ou du moins fut-elle sans grand événement négatif. Pouvant enfin autoriser la nature à reprendre son cours, Kaëlistravaë s’était détendue, avait soufflé, et avait poussé. Ce qui avait été une étape critique lors de la naissance d’Elorëa avait été géré dans l’entière tranquillité de la mère. Et si le temps s’était fait long, les peurs s’étaient envolées. La douleur était naturelle. La douleur faisait partie du processus. La douleur, cette douleur en tout cas, n’avait rien d’inquiétant. Alors malgré la douleur, et malgré l’effort, Kaëlistravaë souriait.

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- Où est-ce que ?

Après de trop longues heures d’efforts, ton épouse s’était endormie. Et pendant son sommeil, c’est à toi qu’était revenu le premier rôle. Tu avais donné aux jumeaux leur premier bain, et c’est dans tes bras qu’ils s’étaient endormis pour la première fois. C’est dans tes bras d’ailleurs qu’ils étaient toujours, assoupis, alors que leur mère se réveillait.

- Ils sont avec moi Tigilidënya.

- Je peux les prendre dans mes bras ?

- Ta seule erreur tu t’approches et confie votre premier fils à sa mère aura été de penser qu’il te fallait demander.

Et tu avais rejoins Kaëlistravaë sur sa couche, elle s’était blottie contre toi, et tu lui avais confié le second. Ton épouse dans tes bras, vos nouveaux-nés dans les siens, vous vous étiez laissés aller au temps, le temps que cela durerait.

- Vivement que l’on soit de retour en Alëandir. Qu’Elorëa rencontre ses petits frères.

- Depuis le temps qu’elle attend !