Familia Supra Omnia [Norian]

Calimehtarus , Première ennéade de Vérimios, An XVIII, Cycle XI
Lodiaker, Baronnie d'Alonna

« Et bref, en remontant la piste nous sommes arrivés à une auberge nommée le Champ de Bataille à Cantharel. Mais l’aubergiste ne put guère nous donner plus d’informations. Apparemment des figures encapuchonnées, il en voit des dizaines par jour. Ce n’est guère l’établissement le plus fréquentable de Sainte-Berthilde. » Adélina pianota des doigts sur le bureau, l’air pensive alors que Charles de Lourbier se renfrogna. « Nous avons tenté de parler à quelques mercenaires qui se trouvaient dans les parages, et avons doublé la prime que l’on proposait si une nouvelle tentative d’enlèvement venait à surgir. » Charles décroisa rapidement les bras, se mettant à marcher de long en large dans le bureau, tentant de mettre ses pensées en ordre. Adélina elle, resta de marbre, complétement perdu dans ses pensées.  Ce ne fut qu’au bout de longues minutes de silence qu’elle brisa finalement l’ambiance tendue qui régnait dans la pièce. « Je ne crois pas qu’ils tenteront d’engager de nouveau au même endroit. Ce n’est guère logique. » Charles s’arrêta net, avant de poser son regard sur sa nièce. Adélina continua; « À ce moment précis, ils doivent déjà être au courant de l’alliance que nous avons avec les Terresang. Le faire passer pour un commanditaire est maintenant illogique. Magnus de Terresang n’a aucun intérêt à attaquer son beau-frère ou sa nouvelle nièce par alliance. » Le seigneur de Mesnu acquiesçâ avant de reprendre la parole; « S’ils vont attaquer, cela sera probablement sur la route du Nord, en allant à Diantra dans quelques semaines… »  Adélina se retourna vers le soldat alonnais, avant de reprendre la parole; « Merci Marven, excellent travail. Vous pouvez sortir. »


Charles fit un mouvement du doigt, arrêtant le soldat, « Pouvez-vous nous envoyer Norian Hartebrot? Nous ne bougerons pas du bureau. » Le soldat s’inclina avant de sortir et ce ne fut qu’une fois la porte totalement refermée que la jeune femme reprit finalement la parole;


« Au moins, nous pouvons épargner cette menace. Personne ne sait que nous passerons par le Langehack pour rejoindre Diantra… Cela nous épargnera au moins quelques troubles pour l’aller. »
« Et pour le retour? »


Adélina haussa les épaules, en réalité elle n’avait même pas encore pensé au retour de Diantra, cela lui semblait si lointain…


« Je suppose que cela dépendra de si nous réussissons à avoir la protection du Marquis… »
« Ce n’est pas assez. »
Adélina releva doucement la tête vers son oncle, l’air interrogatif.
« Si nous revenons avec la délégation langecine de Diantra, je doute fortement que nous nous faisions attaquer? »
« Et par la route du Nord? »
« N’as qu’à revenir avec la famille baronniale ou une autre maison alonnaise. Je crois que les Jersada et les Azrits seront présentes aux festivités. »


Charles ne sembla guère satisfait, ou rassurer. Au contraire, ses bras se croisèrent sur son torse alors que ses prunelles étaient fixés sur sa nièce. Adélina pencha la tête sur le côté, l’air las.


« Mais je suppose que vous avez une autre idée mon oncle! Alors je vous écoute! »


Ce qu’elle détestait comment il pouvait se comporter parfois! Certes, son oncle avait toujours été très protecteur depuis la mort de sa mère, mais tout cela semblait d’être encore plus accentué depuis la mort de Mathieu de Lourbier. Adélina se laissa tomber contre sa chaise, fixant son oncle alors qu’il reprit la parole;


« À partit de maintenant, peu importe où tu vas, je veux qu’un chevalier soit avec toi. Que cela soit à l’intérieur de Lodiaker ou en dehors. »


Adélina, surprise, ne sut pas quoi répondre tout de suite;

« Mais… »
« Il n’y a pas de mais. C’est ce que ton père aurait fait. C’est pourquoi j’ai fait mander Norian. »


La damoiselle fronça les sourcils. De tous les chevaliers, il avait choisi Norian? Bien qu’elle eût grandi avec ce dernier, elle avait toujours eu l’impression que ce dernier la repoussait à chaque fois qu’elle tentait de connaître ce dernier. Certes, il avait toujours été loyal au Lourbier, du moins à son père. Mais c’était un peu compliqué à dire maintenant que Mathieu était mort.


« Vous lui faites réellement confiance? »
« Si ce n’était pas le cas, je ne l’assignerais pas à cette tâche… »


Des cognements à la porte, mirent rapidement fin à la conversation, alors que Charles invitait l’homme à entrer dans la pièce. Adélina, silencieuse, ne répondit rien, se contentant d’observer l’énorme chevalier d’un air inquiet. Peut-être que son oncle avait raison, et qu’une protection était nécessaire, mais disons qu’il n’existait pas de lien entre le chevalier et la jeune femme, du moins, de son côté.


« Messire Norian, nous avons une mission de la plus haute importance à vous donner pour la survie de cette famille. Êtes-vous prêt à servir une nouvelle fois les Lourbier? »

Interdite, la jeune femme observa sans dire un mot les deux hommes alors que son oncle donnait le mandat au chevalier. Ses prunelles azurées se portant sur les deux hommes alternativement alors qu’ils prenaient alternativement la parole. En réalité, elle ne savait pas trop comment réagir au fait que Norian la suivrait.  Certes, elle avait toujours eu beaucoup de respect pour ce dernier, après tout, il avait été le page, puis l’écuyer de son père, mais elle avait toujours eu l’impression que ce dernier la fuyait pour une quelconque raison. Si elle avait considéré cela comme de la gêne au premier abord, la nordienne avait fini par croire que le chevalier ne souhaitait tout simplement pas être en sa compagnie et elle l’avait laissé tranquille. Bien entendu, elle en avait parlé à son père, et ce dernier lui avait répondu que la situation était plus compliquée qu’elle ne laissait entendre. Bref, la discussion fut brève, et peu informative.  Sans s’en rendre compte, ses prunelles azurées se portèrent sur Norian, l’observant pendant quelques secondes. Il semblait légèrement mal à l’aise, mais elle avait toujours eu l’impression que ce dernier était comme cela en tout temps. Du moins, lorsqu’elle était en sa présence.


« Je vais me retirer. » Charles se retourna rapidement vers sa nièce avant de s’incliner devant sa suzeraine; « Ma Dame, pensez à ce que nous avons discuté. Surtout au sujet de Langehack. »


Adélina hocha rapidement la tête, alors que son regard suivit son oncle qui sortit rapidement de la pièce, la laissant, elle et Norian, seuls. Adélina eut un léger sourire, avant de baisser rapidement le regard, clairement mal à l’aise. Avoir quelqu’un qui la suivait en tout temps ne l’enchantait guère, mais avoir quelqu’un qu’elle ne connaissait guère en plus, n’aidait en rien sa timidité. Un silence s’imposa dans la pièce. Inconfortable, et incroyablement gênée, la jeune femme eut du mal à mettre de l’ordre dans son esprit. Par chance, ce fut Norian qui prit rapidement la parole. La damoiselle de Lodiaker osa finalement porter son regard sur le géant qu’était le chevalier, avant de lui faire un léger sourire. C’était bien la première fois qu’il l’appelait ainsi! Peut-être était-ce réellement un premier pas vers une relation quelque peu différente de ce qu’il partageait. « Vous pouvez m’appeler Adélina lorsque nous sommes seuls. Je ne suis guère le genre de personne à m’insurger pour cela, surtout si l’on considère que nous nous connaissons depuis quelques années. » Oui, bon, elle avait peut-être forcé le trait, mais elle se devait au moins d’essayer de créer un quelconque lien entre lui et elle. L’alonnaise se laissa tomber contre le dossier de son siège, observant d’un air triste le chevalier, tentant de chercher la bonne façon d’aborder les choses. « Je crois que mon oncle a réagi trop sérieusement. Mais je ne peux me permettre de vous faire rompre votre serment. Vous êtes au courant du couronnement de notre Roi? Dans quelques ennéades nous nous mettrons en route pour Diantra pour assister aux célébrations, je crois que cela sera probablement demandant pour vous. »  Après tout, être constamment en alerte alors qu’ils étaient entourés d’innombrables gens ne devait pas être de tout repos. D’une certaine elle plaignait Norian. Pendant que tout le monde s’amuserait, lui serait condamné à protéger une Damoiselle.


Elle tourna légèrement la tête, observant le soleil  qui brillait en cette chaude journée d’été, avant d’avoir un léger sourire amusé. « Que diriez-vous d’une balade en dehors de Lodiaker? » Si les gardes et son oncle n’étaient pas particulièrement friands de la voir partir seule à cheval, peut-être la laisserait-elle tranquille alors qu’elle était avec Norian. Et elle avait bien envie de revoir les chutes d’eau qui ornait les monts d’or. Ce n’était qu’à quelques lieux du château, et  le duo ne risquait rien, du moins, c’est ce qu’elle croyait.