Une épée pour un combattant ; un symbole pour un Roi

7ème jour de la 1ère ennéade de Vérimios – Premier mois de l’Eté.
Année XVIII du cycle XI.
Quelques heures après l’arrivée de Harald à Thanor, et la tenue d’une séance du Haut-Conseil.

La journée était décidemment très chargée pour le souverain du Zagazorn. Son arrivée plus ou moins surprise au sein de la cité de Thanor, n’était pas passée inaperçue. Et de toute manière, la convocation immédiate d’une séance du Haut-Conseil, n’était pas faite pour passer inaperçue. Harald avait eu beaucoup de choses à dire, beaucoup de choses à préciser, beaucoup de choses à décider… Notamment le fait d’aller chez les Elfes, sur les terres d’Anaëh, afin d’obtenir – ou du moins d’essayer – des réponses sur les fameuses Engeances de Brisséa. Car, par le passé, au travers des cycles, le continent avait déjà eu à faire à des apparitions d’Engeances, créatures atrocement mutilées, atrocement maudites, atrocement mutées par les divinités. La bibliothèque d’Alëandir était sans aucun doute la plus ancienne et la plus fournie de tout le continent, et s’il était possible de trouver quelconque littérature scientifique… Ce serait bien là.

Mais passons. Car toutes ces décisions étaient passées. Harald était déjà sorti de la salle du Haut-Conseil, et, après quelques moments passés à manger et profiter un peu d’un repos éphémère, il s’était mit en route vers une forge qu’il connaissait bien : la forge de Thordril Hargrund, autrement nommé Zharrhazarsson, le « Fils de la Fournaise ».

Les chemins, les rues de la cité troglodyte de Thanor, menèrent bientôt à la fameuse forge, située tout près des Hauts-Fournaux de la cité, ouvrages de forgerons créés, construits et financés, sous l’impulsion de Harald lui-même, avant d’être nommé Groman-Rik. Suivi par ses gardes royaux, le souverain décida d’entrer seul, car il avait une idée en tête.

Il ne revenait pas ici par sentiment de nostalgie, oh ça non. Il ne venait pas non plus – du moins pas uniquement – dans l’idée de venir saluer une connaissance, un nain rempli d’honneur, rempli de courage, qui aura reforgé la très célèbre couronne des Rois, couronne qui ornait son crâne actuellement. Non, il venait ici, car il avait une demande à faire. Il voulait obtenir une nouvelle arme, très puissante car ô combien issue d’un savoir artisanal qui n’était plus à démontrer, mais surtout… Qui servirait encore une fois de symbole de puissance.

Entrant dans la forge, seul, le Roi offrit quelques saluts respectueux à celles et ceux qu’il croisait, oeuvrant par ici, et qui, presque à chaque fois, s’arrêtaient de travailler pour regarder passer le souverain qui n’avait prévenu personne. Avaient-ils entendu parler de l’arrivée de Harald, un peu plus tôt aujourd’hui, du fond de leurs mines ? Lui n’en savait rien. Toujours est-il qu’il s’avança afin de trouver Thordril… Mais pour faire bonne figure – car Thordril avait maintenant une stature particulière, une réputation particulière, une aura particulière et au sein d’une société méritocratique, un tel statut devait être respecté par tous, même par celui qui avait permis la chose – il demanda au premier Gromtrommi qu’il croisa :

« Baruk vénérable ancien ! » Dit-il avec aplomb, d’une voix forte, au timbre solide, typique d’un décideur. « Quel plaisir de me retrouver ici à nouveau, au cœur de la forge des Hargrund ! Où se trouve Thordril Zharrhazarsson ? J’ai à lui parler d’une chose importante ! »

L’espace d’un instant, Harald avait eu une question en tête… Une question, qui n’appelait pas véritablement de réponses, car rien de ce qui serait répondu ne pourrait intéresser les nains. Mais Harald était curieux…

Il se demandait alors si un autre souverain, en ce monde, attendrait comme il le fait maintenant, qu’un artisan daigne le recevoir. Les humains, sans aucun doute, refuseraient ce constat. Nul doute que personne ne fait attendre leur Roi à eux, car leurs règles de bienséances sont d’un ennui total, et surtout, d’une grande hypocrisie.

Harald venait voir un artisan d’une gigantesque renommée désormais. Et cette renommée s’accompagnait de mérites, notamment, le fait de recevoir la visite du Grand-Roi des Nains, et que celui-ci l’attende, respectueusement. Mais le bien nommé Zharrhazarsson ne tarda point à se montrer, et il le salua bien respectueusement, d’une poignée de pogne ferme, et forte.

Entrant dans le bureau du maître forgeron, Harald fut surpris de savoir que, déjà, la nouvelle de son arrivée, et de celle de la tenue d’un Haut-Conseil, s’était ébruitée dans toute la ville. Déjà ? Oui. Car dans une cité troglodyte, tout se sait très rapidement. Alors, à l’abri des oreilles des oreilles indiscrètes – comme venait de la dire Thordril – le souverain posa son royal postérieur sur une chaise de bois qui se plaignit du poids qui s’abattait soudainement sur elle.

« Thordril Zharrhazarsson ! Je suis bien heureux de te voir. J’ai une commande à te faire, une commande des plus importantes, à nouveau. Dit-il, laissant ensuite un silence planer, comme pour préparer le terrain. « Il me faut une épée. Mais pas n’importe quelle épée. Comme tu le sais, je planifie la reprise du Nord depuis très longtemps maintenant. La couronne que je porte, que tu as reforgé, est un formidable symbole de puissance, et d’unité. Dorénavant, j’ai besoin d’un symbole de guerrier et de force. Je veux une épée. » Oui, une épée, et non une hache. « Elle doit être très résistante, je pensais au titane. Mais tu es le mieux placer pour en décider. Elle doit faire environs une demi-toise de longueur, pour trois pouces de largeur. Le pommeau doit être fait pour ma pogne, et moi seule, et le tout doit être couvert d’or, et de pierres précieuses. Un sceptre, pour un Roi guerrier, car avec cette épée, je mènerais les troupes à la bataille. J’ai besoin de toi, pour cela. »

Encore une mission délicate, pour un forgeron qualifié. Thordril devait être habitué aux missions difficiles, dorénavant.