L'appel de l'or et le grondement des arbres

Il n’avait jamais mis les pieds à Celimë. Ce fut la première chose qu’Aegden avait pensé lorsqu’il avait atteint le fort. Depuis sa prise de position au sein de l’armée royale, il avait envoyé des missives, des émissaires parfois mais les évènements avaient retardé son passage dans cette zone encore neuve. L’occasion s’était finalement présentée au début de la nouvelle année, mais évidemment, le mainyth avait pris la peine de la repousser jusqu’au milieu de Karfias et c’est donc au cours de la cinquième ennéade, après un long voyage qu’il posa le pied devant le fort en construction accompagné de quelques miliciens royaux de confiance.

Au moins, l’endroit était comme le commandant l’avait imaginé : une agitation unique habitait le fort en construction. Aux soldats en faction se mêlaient artisans en tout genre, les murs n’étaient pas tout à faits achevés, çà et là on acheminait divers matériaux, on construisait, montait, clouait, ajustait. Certains endroits semblaient presque finis et d’autre au trois quarts inachevés dans un étrange patchwork pour qui n’avait pas suivi les travaux.

Ce n’était qu’une présence de routine et les quelques membres de l'armée royale venants d'Alëandir ne devait rester en Annon que l’espace de quelques jours à peine, le temps de constater sur place que tout se passait bien. Mais comme souvent, dès le second jour de leur présence, les choses ne se passèrent pas comme prévu.

-Commandant !

Le soleil était à peine levé dans le ciel alors qu’une nouvelle forme d’agitation faisait frissonner le fort encore à moitié endormis. Tandis qu’il cherchait à comprendre ce qu’il se passait, Aegden vit un soldat arriver au pas de course dans sa direction.

-Dis-moi.

- Quelque chose ne va pas. Nos éclaireurs au sud est disent que les ornedhels sont agités. Un petit nombre d’entre eux courraient après des traces inhabituelles.

-des trace du genre… ?

-Humanoïdes pour sûr. Il grimaça. Hors de nos sentiers, ce n'est pas un des nôtres.

-Prévient ton capitaine. Je m’en charge.

Ni le Mainyth ni le soldat ne s’embarrassèrent de discussion supplémentaire. Tous deux savaient ce qu’ils avaient à faire et partirent dans des directions opposées.

-Vous trois. Aegden fit signe à un groupe de milicien qu’il croisa sur son chemin. Activité suspecte au sud est, venez avec moi, on rejoint nos camarades en renfort.

3ème jour de la 2ème ennéade de Karfïas.
An XIX du cycle XI – Second mois de l’Eté.
Dans les profondeurs des Mille-Caves.

Marzaban était attablé dans la plus profonde des cavernes des Mille-Caves. Penché au-dessus de son bureau taillé dans un bois de Palissandre, gravé de runes, et de sculptures de bois représentant l’art du Nord, l’art du Zagazorn, le vernis faisait agréablement ressortir la couleur rouge sombre de ce bois prisé des plus riches individus de ce monde. Le tronc dans lequel fut dessiné puis taillé le bureau, faisait presque deux toises de long, et nombreux étaient les tiroirs permettant à Marzaban de ranger nombres de documents importants.

Le Nain, d’ailleurs, était immensément petit, face à l’immensité du bureau, et celle de la caverne. Haute de 5 toises – soit 10 mètres – et large de 8 toises – soit 16 mètres – habillée de grandes étagères, de grandes armoires de pierres et de bois, de piliers sculptés, et de grandes tapisseries représentant les armoiries des Mille-Caves, de Thaar et des Sept-Monts, Marzaban trônait au milieu de cette immensité pleine de richesses. Les murs de pierres étaient parés de marbre blanc, tout comme le sol, dans son immensité. Les piliers qui n’étaient point faits de pierres, étaient faits en marbre rose, un petit pêché mignon de Marzaban, amoureux de luxe. Le plafond, lui, était doré à la feuille, tout comme les moulures, et le magnifique lustre composé de cent cinquante bougies.

Au sol, des tapis de fourrures rendaient agréable un coin confortable, fait de fauteuils et d’un large sofa. Un coin prisé du Maître des Caves, car cette immense salle possédait une porte dérobée vers la cave personnelle de celui-ci. Une cave gigantesque, protégeant 10 000 bouteilles de vins, d’élixirs et de liqueurs, provenant des quatre coins du monde, certaines bouteilles coûtant l’équivalent d’un château tout entier.

Marzaban lisait avec attention un vélin dont le contenu aiguisait tous ses sens. D’après ses informateurs, la région connue sous le nom de « l’Annon », possédait de grandes richesses qui n’attendaient qu’à être exploitées, qu’à être sorties de terre et ramenée aux Caves. Selon ces mêmes informateurs, cette région, magique, était dangereuse, et décider d’y envoyer un contingent de prospecteur ne devait point se faire sans envoyer suffisamment de mercenaires, pour protéger lesdits prospecteurs.

L’esprit de Marzaban décida alors d’accepter ce pari. Un pari qui avait plus de chance d’échouer que de réussir, cela, il le savait… Mais un pari intéressant tout de même. Alors, d’un trait de plume, et d’un simple sceau dans la cire, Marzaban ordonna le recrutement d’une large compagnie de mercenaire, qui escorteraient quelques prospecteurs, afin de ramener le plus de pierres précieuses, et autres préciosités, de cette partie du monde.

Ils partiraient en fin de 4ème ennéade, et arriveraient à l’ennéade suivante…

L’aube se levait tout juste sur l’Annon, perçant les quelques nuages qui s’étaient formés au-dessus de leurs têtes. Le fort était pourtant déjà bien réveillé. Çà et là, les miliciens et les bâtisseurs s’affairaient, les premiers patrouillant sur les murailles qui grandissaient toujours grâce aux efforts des seconds. Lynn ne parvenait pas à savoir si l’attitude que tous montraient était dûe à la présence des quelques soldats royaux venus inspecter les travaux. En tout cas, personne ne bayait aux corneilles, et tout semblait avancer comme prévu.

Elle était en train de nourrir son cheval lorsqu’elle vit Aegden et trois miliciens la rejoindre à l’écurie. En quelques mots, elle fut amenée à les suivre. Ses armes étant accrochées à son cheval, elle n’avait aucune excuse pour éviter de sortir du fort. Et puis, même si elle n’avait pas forcément envie de crapahuter dans ces terres pour faire le travail des Noss, elle était intriguée par la présence de ces intrus dans l’Anaëh. C’est ainsi qu’elle se retrouva une nouvelle fois chevauchant aux côtés de son commandant, derrière celui qui les guidait à travers la forêt. Les deux autres refermaient la course, alors qu’ils allaient bon train vers cette activité suspecte.

Aegden et elle échangèrent peu. Elle lui fit son rapport de ce qu’elle avait constaté au fort – rien d’anormal. Elle lui fit également part de ses inquiétudes. Ces deux derniers mois, ils avaient tous deux pu interagir avec plusieurs Noss, tous différents les uns des autres, mais ils ne s’étaient jamais vraiment montrés agités. Il faudrait être diplomates, encore une fois, et rester calmes, pour ne pas les effrayer, et éviter de recevoir un coup de lance dans la tête.

Après à peine une vingtaine de minutes de cheval au galop, ils se trouvèrent face à face à un groupe d’éclaireurs qui semblaient les attendre. Ils s’étaient regroupés dans un bosquet bien touffu, et avaient dû descendre de cheval avant d’y rentrer. Ici, ils étaient invisibles, et l’un d’entre eux montait la garde perché en haut d’un arbre. Tous semblaient inquiets. Lynn avait remarqué la tension qui animait le groupe. En apercevant l’équipement des deux soldats royaux, leur visage crispé avait semblé se relâcher. L’un d’eux s’avança à leur rencontre, alors que les miliciens se dispersaient pour rejoindre leurs camarades.

« Me voilà soulagé de votre présence, Mainyth. On nous avait prévenu de votre arrivée prochaine. Vous tombez à pic. » Il se tenait un peu courbé, et sa voix basse demandait de se concentrer pour comprendre chacun de ses mots. « Je suis Il’Nit, caporal de ce groupe d’éclaireurs. Vous devriez vous asseoir, ce que j’ai à dire risque de vous choquer. Nous sommes… en danger. »

Lynn grimaça derrière son masque, en prenant place contre le tronc d’un arbre. Elle prit le temps de bander son arc et de vérifier le nombre de flèches dans son carquois en écoutant le récit de l’elfe d’une oreille attentive. S’il parlait directement au commandant, il valait mieux entendre tout ce que l’éclaireur avait à dire, cela pourrait forcément servir plus tard...

Le soldat avait l'air assez inquiet pour que son supérieur s'en soucie, cependant ce dernier fut loin de suivre ses conseils, se contentant de l'écouter en silence, bras croisés contre son torse. Ils n'avaient pas le temps pour se ménager et Aegden n'était pas du genre à le faire de toute manière. Il était mainyth, il avait passé l'âge pour les ronds de jambes et les esquives confortable. Si le soldat de Celimë ne le savait pas encore, il s’en rendrait vite compte.

-Les intrus ne se dirigent pas vers Celimë. Ils ne viennent pas en amis mais c'est le cadet de nos soucis je le crains. Les traces sont multiples, c'est une troupe importante.

-Est-ce qu’ils ont atteint Yutar ou Ellyrion ?

-Pas encore, les traces sont plus au sud, elles ne semblent pas s’accorder dans une direction précise.

-Nos forteresses ne sont donc sans doute pas leur but ou bien ils les cherchent sans informations. Et les ornedhels dont tu parlais ?

-Partis en avant depuis une bonne heure maintenant. Le soldat grimaça, visiblement peut satisfait par ce qu’il expliquait. Ils ont peur et veulent s’occuper des intrus avant qu’ils ne sortent du cercle d’influence de la symphonie, mais ils étaient peu. Je ne doute pas de leurs qualités de chasseurs mais si nous ne les aidons pas…

L’elfe n’ajouta rien mais son air inquiet était suffisamment équivoque. Aegden hocha la tête, comprenant mieux ce qui préoccupait le soldat, et ce qui les préoccupait tous à présent. Qui qu’ils soient, il était fort probable que ces intrus ne soient pas bien intentionnés et il fallait effacer cette nouvelle menace le plus rapidement possible avant qu’il n’y ait des victimes Anehdelles. Il’Nit avait raison, les chasseurs des clans n’étaient pas sans défense, mais si par précipitations ils avaient sous-estimé l’ampleur de la menace présente sur leurs terres, les Taledhel devaient les aider. Grief ou pas, ils étaient frères avant tout.

-Il te reste de quoi écrire ? Aegden fit un geste vers l’un des soldats, tenant à son poignet ganté un oiseau au plumage argenté.

En quelques bref minutes, un nouveau message fut envoyé au fort en construction, leur donnant de nouvelles précisions et des instructions quant à la supposée direction des intrus et aux précautions à prendre. Aegden demanda notamment à ce que les patrouille se renforcent le temps que tout rentre dans l’ordre. Il craignait d’y aller un peu fort, de s’inquiéter pour rien, mais n’étant pas grand amateur des imprévus, ils préférait être prêt à tout…

-Ne perdons pas plus de temps.

Ni une ni deux, ils étaient alors repartis, cette fois se contentant du trot pour ne pas perdre les traces sur le sol et parmi les branches épaisses.

-La discrétion c’est pas leur fort. Avait commenté l’un des pisteurs en avant du groupe à l’examen de traces de pas profondément enfoncées dans le sol à coté de sillions probablement causée par des roues d’un chariot. Il y a des nains parmi eux, des humains aussi.

-Des saletés de vaanis. Cracha l’un des autres.

Aegden n’ajouta rien, se contentant d’un geste rassurant contre l’encolure de son mathandil qui couchait les oreilles et s’agitait un peu pour une raison qui échappait à l’elfe et la route continua.

Elle continua encore et encore, pendant une heure sans doute avant que leurs yeux exercés ne perçoivent quelques vagues silhouette dans les arbres. Le premier des éclaireurs leva la main à la verticale pour que le petit groupe s’arrête. Les silhouettes bandaient leurs arcs dans la direction du groupe taledhel. L’espace d’un instant le temps se figea, les citadins et les noss se fixèrent, les un évaluant le danger, les autres se refusant à déclencher quelques reflexes meurtriers.  Puis, comme une bulle qui éclate le moment de flottement se brisa, et l’une des ombres fit signe aux flèches de disparaitre dans les carquois. L’une d’entre elle atterrit souplement devant eux. Féline, la petite elfe aux cheveux brun et aux peintures pourpres sur les pommettes toisait ses nouveaux vis à vis avant de s’arrêter sur le caporal de Celimë

-On vous a dit qu’on avait la situation en main, rentrez chez vous haedhrims. Chuchota-t-elle.

-Puisqu’ils sont là, laisses les donc… Soupira une voix masculine et plus vieille du haut de l’arbre.

La brune émit un reniflement mécontent mais ne renchérit pas, leur faisant simplement signe de descendre de monture et de jeter un coup d’œil vers le contrebas de là où ils se trouvaient. De loin, ils pouvaient dores et déjà observer le camps d’intrus.

-Ils ne vont surement pas tarder à se déplacer à nouveau. Il faut qu’on frappe sans attendre. Avança l’ornedhelle brûlant visiblement déjà d’en découdre, ce qui ne semblait pas être l'avis de ses compagnons plus mesurés.

-Observons comment ils sont préparé déja. Objecta le plus vieux.

« Tout a été sécurisé, Votre Altesse. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, il n’y aura certainement pas de mal qui viendra de Qiryah. » Sans se retourner, la Princesse Marchande eut un léger rictus, alors qu’elle observait le soleil qui se couchait sur Thaar. À peine revenue de péninsule elle avait dut prendre encore plus de précautions, sachant trop bien que sa nouvelle position était des plus dangereuse. Elle savait le pouvoir, l’emprise qu’elle avait sur le conseil et il était très possible que ces pairs décident de se retourner contre elle. Pour le moment, elle n’était certainement pas prête à ce que cela arrive, mais un tel revirement de situation pourrait forcément être une belle porte pour prendre ce qu’elle voulait réellement.  


« Bon travail » renchérit Khaled, l’elfe qui lui servait de second, se doutant que la Princesse Marchande ne répondrait rien à cette futile remarque. « Pour votre prochain… »


Le mercenaire leva rapidement la main, interrompant Khaled qui sembla peu apprécier la manœuvre. «  J’ai déjà un prochain travail. Il se trouve que Marzaban Ambreroc nous a embauchés pour escorter quelques prospecteurs chez les elfes. » Khaled sembla tomber des nues, tandis que la Princesse Marchande eut un petit rire avant de se retourner finalement vers les le mercenaire. « Marzaban Ambreroc… chez les elfes? » commença-t-elle avec un sourire amusé alors que le mercenaire hocha rapidement la tête avant de continuer;  «  Oui, Votre Altesse. Il semble être à la recherche de quelconques richesses. »  La Vaanie se mit soudainement en marche, comblant le vide qui s’étendait entre elle et le mercenaire de son pas félin avant de s’arrêter qu’à un souffle de ce dernier. Elle le regarda de la tête au pied, prenant volontairement un long moment à observer une certaine partie de son anatomie avant de relever son regard azuré vers ce dernier, lui faisant un sourire enjôleur. « Le sait-il que tu travailles pour moi? »


« Je ne crois pas », dit-il en avalant difficilement sa salive.


« Très bien. » Lui répondit-elle avant de déposer doucement ses doigts sous son manteau, forçant l’humain à la regarder dans les yeux. « Alors, tu les accompagneras. Trouve ces richesses, et ramène-moi ce qui a réellement de l’importance. » Ses longs doigts effilés lâchèrent doucement le menton d’Erdem avant qu’elle ne se retourne vers son bureau, se hissant gracieusement sur ce dernier, avant de croiser doucement ses jambes, dévoilant, par la même occasion, ces longues jambes hâlées.


« Je croyais que vous étiez alliés, amis. » Demanda Khaled.


« Arrête. De quoi parles-tu? Je n’ai pas d’alliés dans le conseil… que des personnes à utiliser quand bon me semble. Maintenant, laisse-nous. Je dois parler à Erdem. »

***

Combien de temps avait passé depuis qu’ils étaient entrés dans cette maudite forêt? Des heures? Des jours? Tout semblait se ressembler, toutes les plantes, tous les arbres. Rien ne différait, tout le temps le même paysage, le même vert. Erdem semblait peu à peu réalise à quel point l’Ithrii’Vaan et ses richesses lui manquaient. Il devait avouer que si l’énorme compensation monétaire des deux Princes Marchands n’avait pas été sur la table, jamais il n’aurait accepté d’accompagner les nabots dans leurs périples. Après tout, lui et sa compagnie avaient fait chou gras lorsque Hanning était plongé dans le chaos. Il se souvenait encore trop bien de l’éclat de certaines pierres précieuses dans le coffre qu’ils avaient dérobé au drow! Et il se souvenait encore plus de toutes les fêtes qui avaient flambé son magot. Du coffre de pierres précieuses, ne lui restait qu’un tout petit rubis, qu’il gardait bien précieusement dans la poche intérieure de son manteau. Celui-là au moins ne serait pas dépensé pour rien. Qui sait, peut-être l’offrirait-il à la Princesse d’Uldal’Rhiz? Peut-être serait-elle impressionnée par ses actions? L’humain secoua rapidement la tête avant de porter rapidement son regard vers la forêt à nouveau. Cela faisait â peine quelques heures qu’ils s’étaient arrêtés à cet endroit. Lui et sa cinquantaine de mercenaires accompagnaient des prospecteurs nains qui, il fallait l’avouer, se fatiguaient beaucoup plus vite qui l’imaginaient. Des chariots les accompagnaient, ce qui ralentissait définitivement la cadence, mais bon, il fallait faire ce que le patron voulait…


« Ces saletés de mangeurs de salade ne sont pas venues nous déranger encore! »
« EH! » lui répondit un confrère elfe qui se sentit légèrement interpellé.


Le mercenaire soupira en levant les yeux au ciel. « Ce n’est pas de toi que je parle, Yalathanil. » Il se retourna vers son chef, qui semblait bien préoccupé par la forêt qui l’entourait. «  Qu’es qui se passe Erdem? »


Le dénommé Erdem se mordilla l’intérieur de la joue alors que son regard balaya une nouvelle fois les arbres. « C’est trop calme… »


« C’est bien non? Ça veut dire qu’on a passé inaperçu! »


Erdem retourna finalement son regard vers son second, plongeant son regard dans le sien. Il savait que trop bien qu’il n’était pas passé aperçût, même la Princesse Marchande lui avait dit qu’il serait observé. La forêt… était spéciale. Il avait entendu des histoires, mais il devait avouer que ce n’était rien de ce qu’il avait imaginé.  Tout était si calme, comme le calme avant la tempête. Ils se devaient s’attendre à tout.


« Va dire aux hommes qu’on remballe. Soit certains que tous soient armés. »
« Ouais, mais les nabots voulaient se reposer. »
« Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre d’eux! S’ils ne veulent pas suivre, on les laisse derrière! »


L’humain acquiesça avant d’aller rassembler la troupe. Cet endroit était trop à découvert… Il leva la tête, observant la pente escarpée qui se tenait près de son camp. Non c’était définitivement une idée de merde. Il fallait remballer, maintenant.

Aegden avait réagi immédiatement lorsque les ornedhels avaient filés mais à quoi bon ? Il aurait beau leur dire quoi que ce soit, ils n’en feraient qu’à leur tête… Alors il n’argumenta pas bien longtemps, se contentant de réfléchir rapidement à la situation. Ils étaient en sous nombre évident, mais ils avaient l’avantage de la surprise, et du terrain, alors ils n’échoueraient pas. Les renforts devaient arriver. Les intrus n’avaient aucune chance.

Bientôt les flèches sifflèrent et Aegden sauta de la branche sur lequel lui et le chef s’étaient perchés tandis que ce dernier, fidèle a la réputation des terribles archers elfique dansait déjà de branches en branches tout en tirant une multitude de flèches meurtrières.

-Laica, Róvion. On encercle. Ordonna-t-il sèchement. Vous deux, il désigna deux archer noss qui leur accordèrent une brève attention entre deux tirs. De l’autre côté avec nous.

Sans attendre, Aegden se faufila entre les arbres afin d’atteindre la position opposée. S’il restait un minimum discret, il ne s’embêtait pas trop non plus. De toute façon, son épaisse crinière rousse et son armure aux tissus clair ne l'aidaient pas vraiment à faire dans la furtivité. Il n'en avait cure Que les intrus le prennent en chasse, lui, et c’était d’autant plus d’archer laissés libre de les abattre. Que les intrus le prennent en chasse et ce serait la lance plutôt que les flèches qui scellerait leur perte. Il y en eut bien ou deux pour tenter de l’arrêter, mais le temps d’une variation, quelques pas, et ils furent abattu aussi sec.

Bientôt, couvert par les archer noss, les quelques talehdels viendraient barrer le chemin aux vaanis. S’ils voulaient s’en sortir, il leur faudrait combattre sous les traits ennemis.  Et quoi qu’il en soit, leurs ignobles charriot ne repartiraient pas.

Aegden fit tourner sa lance dans sa main, prêt à reprendre son ballet mortel. Depuis bien longtemps il n’éprouvait pour l’Itrhi Vaan qu’un profond dédain et bien qu’il n’aimait pas prendre des vies, celles –ci n’avaient de toute façon que trop fait à ce monde. Il était temps que la nature reprenne ce qu'on lui avait arraché

ladite armure (attention image très grande):

Le cliquetis des chariots remplis presque jusqu’à ras-bord animait la dense forêt d’une musique tout à fait surnaturelle. En lieu et place des oiseaux, des animaux en tout genre, des cris et des chants, l’on entendait le tintement des pièces de métal s’entrechoquant les unes les autres ; celui des pierres précieuses dansant dans les caissons cloués, signe qu’un peu de place demeurait encore dans les chargements, et que l’on aurait pu être un peu plus gourmand. Mais il fallait pouvoir transporter ces pierres précieuses, et être trop gourmand, c’était prendre le risque de ne point pouvoir porter les caisses et… Mettre la mission à mal. Une débauche de moyens inutiles, que Marzaban ne voulait point se permettre.

Les mercenaires étaient là pour protéger l’ensemble. Une cinquantaine d’entre eux, bien-sûr, car il fallait au moins ça pour pouvoir se sortir des potentielles griffes de ces bouffeurs de salades aux oreilles trop longues pour rester dans leurs cités. « Foutus sauvages ! » pensaient certains Nains.

« Ils veulent que l’on reparte déjà. » Indiqua l’un des seuls nains de l’équipée, membre de l’équipe de prospection, mais aussi, un des fidèles des Mille-Caves.
« Foutus Umgis ! » Dit l’autre, un autre prospecteur qui, secrètement, était un membre de la Loge d’Onyx. Point un des 9 seigneurs, Marzaban ne pouvait se permettre de risquer de perdre un tel élément. Mais un membre bien placé tout de même. « Celui-ci se prend pour plus important qu’il ne l’est. Un jour, la dague le tranchera. Défaisons le camp. »

Seulement voilà, un sifflement strident parvint aux oreilles des Nains, habitués à entendre des sons parfois très stridents, ou très sourds, des créatures provenant des profondeurs. Mais ce son strident, ils ne le reconnurent point. Voilà trop longtemps que Elfes et Nains ne s’étaient point affrontés.

Ils reconnurent toutefois les affres des combats contre les Elfes, qu’ils soient des cités ou des villes. Un trait se ficha dans le cœur d’un des mercenaires, ne lui laissant aucune chance. Alors qu’il tomba tel un pantin désarticulé, ses forces l’abandonnant, ses ligaments perdant en rigidité pour ne devenir qu’élasticité, le Nain de la Loge pu entrapercevoir un léger tressautement de la flèche, signe que la pointe était belle et bien fichée dans cet organe à l’importance… Vitale.

Les ordres fusèrent toutefois, alors qu’à la première vague, une dizaine de mercenaires tombèrent comme tombent les cartes d’un château branlant. Les boucliers se levèrent, et certains mercenaires s’agglutinèrent, notamment devant les prospecteurs – réels ou fictifs. L’on prit les armes, l’ont prit les arbalètes et les arcs.

Le Nain qui n’était pas réellement un prospecteur mais un membre de la Loge d’Onyx, agrippa son arbalète. Ses mires sombres se posèrent sur un des rares Elfes à l’armure magnifique, qui combattait au sol. Ils n’étaient pas nombreux, aussi n’avait-il point l’embarras du choix. Lorsque ledit Elfe leva sa lame pour étêter une autre victime, le Nain tira, et ficha le carreau droit dans la gorge de l’Elfe, qui porta bien rapidement sa main à celle-ci, ses râles et gargouillements laissant échapper les saignements en jet d’une artère sectionnée.

Mais, bien-sûr, cela ne serait jamais suffisant. Les chariots ne pourraient être ramenés. Combien étaient-ils, ces bouffeurs de laitues ? Même à seulement dix contre cinquante, ils avaient l’avantage du terrain. Mieux valait fuir, ou tenter de fuir du moins…

Les Nains tirèrent alors un barrage d’une dizaine de carreau d’arbalètes, dans les directions supposées des tirs. Le but : faire baisser quelques têtes ; éventuellement tuer quelques créatures inutiles ; et essayer de s’offrir une fenêtre de fuite.

Il avait un mauvais pressentiment… C’était trop calme, trop silencieux. Aucun vent, aucun son. Comme si la forêt elle-même préparait son prochain coup.  Erdem balaya du regard les alentours, s’attendant à ce qu’une créature n’apparaisse. Mais rien. Qu’un silence malaisant. Nerveux, ses doigts se replièrent, se serrant les uns contre les autres avant qu’ils ne tournent les talons. Combien de fois lui avait-on dit que cette forêt était la pire de toutes? Il se demandait réellement pourquoi il avait accepté un tel contrat. L’image de la princesse de la chair revint soudainement dans son esprit… Oui bon d’accord. Peut-être pour elle… Qui sait? S’il sortait de cet océan vert peut-être aurait-il une place à ses côtés? Après tout, elle avait été énormément directe dans ses propos et il était certain qu’elle était complètement sous son charme! Erdem eut un sourire, avant de chasser rapidement ses pensées, ce n’était pas le moment de rêvasser.


« Et puis qu’est-ce qu’ils ont dit? »

Son second haussa les épaules avant de répondre;

« Aucune idée, je parle pas leurs langues. Mais ils sont en train de remballer leurs trucs. Ça doit être positif… »


Erdem fronça soudainement les sourcils, il avait un mauvais pressentiment. Son second, remarqua son expression, reprit la parole;


« Ça va, patr… arg! »


Le mercenaire retourna rapidement la tête vers son second, qui le regardait, les yeux écarquillés. Un léger filet de sang semblait s’échapper des lèvres, alors que les deux paires d’yeux se déplacèrent doucement vers la flèche qui venait de traverser le cœur du vaani. Si l’un avait un air horrifié, le second eut à peine le temps de maudire son amure de cuir de pauvre confection avant de tomber – face la première – dans la boue. «  ON EST ATTAQUÉ! » hurla Erdem alors que ce dernier dégainait rapidement son épée. Sans attendre, il se mit à courir vers sa monture, alors qu’une volée de flèches s’abattait sur leur camp de fortune. Ses hommes se relevèrent rapidement, prenant rapidement leurs boucliers pour tenter de se protéger des dangereux projectiles qui s’abattaient sur eux. Ils ne semblaient pas nombreux… Du moins, ceux qu’ils voyaient, mais le vaani était bien conscient que d’autres devraient être dispersés un peu partout. D’autres qui les attendaient plus loin, ou pire, qui s’apprêtaient à lancer encore plus de projectiles de cette maudite falaise!


Sans attendre, le vaani se mit à courir, rejoignant rapidement sa monture, d’un pas gracile, il mit rapidement son pied dans l’étrier avant de se hisser sur cette dernière, rapidement imiter par certains de ses mercenaires qui tentait, en même temps de se protéger avec leur bouclier. « Vous attendez quoi? FAITES LE DAMNÉ MUR!! » Les mercenaires se regroupèrent tant bien que mal, mais ils semblaient tellement pris au dépourvu que cela semblait bien difficile de reprendre leurs esprits. Les nains, quant à eux, s’étaient rapidement mis en motion, déployant leur arbalète. « Laissez les chariots, et fuyez! » Il n’en avait que cure des richesses des nains. Les vies de ses hommes étaient bien plus importantes qu’un coffre rempli de trucs qui n’était même pas à eux. Il n’était certainement pas assez payé pour ce merdier! Prenant une torche de sa main droite, l’humain la lança en direction d’herbes hautes, espérant causer un brasier qui ralentiraient aux moins ceux qui les poursuivaient.

Lynn regarda sa flèche filer droit sur le mercenaire, qui mourrait d’une lente agonie. Elle encocha son deuxième trait rapidement, et le visa cette fois l’un des nains qui prenait une arbalète. Mauvais choix, que de penser qu’ils les laisseraient tirer comme bon leur semblerait. La première chose à faire était d’éliminer les menaces les plus proches, et les plus dangereuses. Les carreaux meurtriers de ces armes à percussions étaient bien connus pour percer les armures les plus tenaces. Elle se remémorait ce que lui avait dit Akhoraril lors de leur séjour à Naelis : « Les carreaux d'une arbalète peuvent percer des protections qu'un arc ne saurait jamais pénétrer. » Il avait dit vrai, elle avait pu observer leur efficacité sur les murailles, lors du siège. L’archère en fit l’expérience de nouveau.

Elle n’eut le temps d’en abattre que deux, avant que l’un des nabots ne fasse mouche. Elle put voir la giclée de sang qui s’échappa de l’artère sectionnée de l’elfe visé. Folle de rage, Lynn le prit pour cible. Sa flèche en rejoignit trois autres, chacune transperçant la chair du nain. Les autres tirèrent à l’aveugle, dans les arbres, espérant toucher les elfes. De là où elle était, impossible de constater les dégâts, mais les tactiques des Ornedhels les laissaient normalement hors de danger de ce genre d’attaque. Après chaque tir, l’archer change de position, saute sur une autre branche, ajuste son arc, et répète l’opération. Si la cadence de tir s’en retrouvait quelque peu ralentie, il restait néanmoins à l’abri.

Les nains étaient sans défense et tombèrent comme des mouches. La plupart d’entre eux n’eurent pas le temps de tirer une deuxième fois. Les arbalètes étaient lentes, et c’était leur principal défaut. Ils semblaient d’ailleurs l’avoir compris, et avaient commencé à prendre leurs jambes à leur cou. Les mercenaires, quant à eux, étaient mieux préparés. Ils étaient protégés par leurs fichus boucliers. Qui plus est, certains d’entre eux montaient à cheval. Une difficulté supplémentaire pour les elfes : tuer un homme était une chose, une bête asservie en était une autre. Lynn soupira. Le poison dont elle avait enduit ses flèches ne suffirait peut-être pas pour paralyser les équidés. Il faudrait donc ruser.

Les mercenaires ne semblaient pourtant pas avoir envie de se battre. Ils abandonnaient les nains à leur sort. Après avoir réussi à rassembler une espèce de mur plutôt efficace avec leurs boucliers, ils s’étaient finalement de nouveau éparpillés, cherchant à fuir leur destinée. Il faut dire, coincés comme des rats, leur mur ne faisait que retarder l'inévitable. L’un d’entre eux prit la peine de lancer sa torche derrière lui avant de prendre la fuite, et rencontrer le bloc qu’était Aegden.

« Quelles ignobles créatures, regarde-les. Ils ont si peur de la mort. »

C’était un spectacle pitoyable, en effet. Lynn regardait tout cela avec dégoût. Ils espéraient pouvoir s’en sortir, mais il n’y avait pas le moindre espoir. Les Noss du coin savaient communiquer entre eux. Les patrouilles aux frontières avaient sûrement été prévenues, et renforcées. Ils ne sortiraient jamais vivants d’Anaëh. L’archère prit une énième flèche de son carquois, et tira droit sur un mercenaire qui tentait de fuir dans les bois, à l’opposé d’elle. La flèche lui transperça le mollet, il trébucha et se mit à gémir en se tenant la jambe, en roulant par terre. Presque tous les survivants fonçaient dorénavant sur le petit groupe d’elfes qui leur barrait la route. Lynn et sa compagne se levèrent.

« Viens, on y va. » dit-elle avant de dévaler la pente. « Allons leur prêter main forte. »

Derrière les fuyards, deux Noss s'évertuaient à éteindre les flammes qui se propageaient lentement.

Le feu, les chevaux qui s’emballent et partent au grand galop, les flèches qui volent. Tout allait terriblement vite et pourtant Aegden avait la sensation de vivre tout cela au ralentit. Lorsque les chevaux passèrent, il leva sa lance et frappa le premier cavalier qui lui passa devant, celui qu'il supposait être le chef. D’un habile jeu de mouvement propre aux émérites lanciers elfiques, sa lance vint agripper et désarçonner le bougre d’un geste. Dans un même mouvement il se retrouva sur le dos de la pauvre bête hennissant de panique. Il prit à peine le temps de rompre d'un coup de dague les sangles de la selle avant de réatterrir souplement au sol. Il laissa l'équidé filer comme un fou et vint ficher la pointe de sa lance contre le cou du mercenaire sur le dos comme une gendrin qui tentait probablement déja de se relever,  il ficha un pied sur son torse pour l’empêcher de bouger.

-Laissez ceux qui ont déjà fuit ! Il hurla par-dessus les divers cris, en elfique bien entendu. Ils seraient bien vite interceptés par les renforts et de toute façon, si ce n’était pas anaëh qui s’en chargeait elle-même et mis en déroute ils ne feraient plus grand-chose. Occupez-vous de ceux qui restent ! Laica couvre moi ! Adressa-t-il à son dernier compagnon porteur de bouclier.

Il baissa ensuite les yeux vers le soldat plaqué au sol. De là il le toisa de toute sa hauteur, ses prunelles anthracites ne reflétant qu’un froid glacial tandis que ses camarades le couvraient. Intérieurement pourtant, une tempête se déchainait entre haine et tristesse devant le meurtre de son camarade et le massacre alentour. Si seulement ils étaient restés à s'entre massacrer chez eux les vaanis.

-Dit à tes hommes de lâcher leurs armes. De suite. Prononça-t-il dans un oliyan parfait, malgré l’accent anehdel. C’est ta seule chance d’être épargnés toi et tes frères.

Aegden ne savait pas trop si les ornedhels accepteraient vraiment un cesser le feu. Probablement pas vu leur colère. Il se doutait aussi que les vaanis tenteraient probablement une dernière traitrise, mais le mainyth tentait tout de même le tout pour le tout. Du coin de l’œil, il vit ses camarades lutter contre le feu qui se propageait déjà. L’un d’eux, probablement ivre de colère, lança malgré la douleur que cela lui provoquerait un tison ardent direction des chariots et des boucliers, espérant surement que les uns ou les autres s’enflamment à leur tour.

Erdem sentit soudainement une violente douleur transpercer son bras gauche. Cela ne prit qu’une seconde avant que ce dernier ne tombe de sa monture, alors que cette dernière s’engouffrait – sans prendre, compte de ce qui pourrait arriver à son maître – dans la forêt. Erdem atterrit durement sur le sol alors que son bouclier tomba non loin de lui. Son regard se porta sur son protecteur, alors qu’un autre cheval atterrit sur sa protection, la fracassant en plusieurs morceaux. Le vaani laissa s’échapper un juron, avant qu’une lame ne vînt lui chatouiller le cou, le clouant au sol, alors que son adversaire mettait sa botte sur son torse. Le vaani jeta un regard mauvais à l’elfe qui se tenait devant lui. Croyait-il vraiment lui faire peur, croyait-il réellement qu’il abandonnerait? Lui, Erdem, chef de la compagnie des sables? Cela faisait des années qu’il courait d’un côté et de l’autre de l’Ithri’Vaan, des années qu’ils affrontaient tout sur son passage. Il avait attaqué des drows, avait attaqué la milice de Qyriah, et eux… Ces bouffeurs de salades ne lui faisaient pas peur. Il eut un sourire mauvais, alors qu’il relevait la tête, plongeant son regard dans celui de la laitue qui lui faisait face. Pendant ce temps, sa main se déplaçait doucement sur la terre humide, se dirigeant vers le bouclier brisé à ses côtés. Cela ne prit qu’une minuscule seconde avant que le mercenaire n’attrape le bout de bois avant de donner un violent coup sur le tibia de son adversaire. Si son armure protégeait son membre des éclats de bois, cela aurait au moins l’effet de le déstabiliser.


Le coup, lui permit de s’échapper de l’emprise de son adversaire et le mercenaire fit une roulade avant de se redresser, face au rouquin.  « Plutôt crever que de rester avec vous autres! » Erdem, dégaina rapidement sa longue dague, se protégeant toujours avec le bouclier brisé. Un sourire carnassier vint orner son visage, un sourire presque dément. Oh oui… il les ferait tomber. Tous. Et ils nourriront le sol de leur damnée forêt. Il pouvait voir derrière le rouquin ses compatriotes qui tentaient tant bien que mal de se protéger des flèches de leurs adversaires, certains tenants toujours des torches dans leurs mains. Ses dents se serrèrent avant qu’il ne hurle; « BRÛLEZ CETTE PUTAIN DE FORÊT! » Aussitôt dit, aussitôt faits, les mercenaires qui tenaient toujours leurs torches, les jetèrent dans les buissons secs, alors que les flammes commencèrent à leurs danses sur leur victime. Erdem, quant à lui, ne perdit pas de temps, et se jeta sur le rouquin. Visant de son bouclier la tête de ce dernier, avec la longueur de sa dague, il se doutait bien que le combat serait dangereux, mais au vu de l’armure de ce dernier, il devrait être excessivement proche de son adversaire pour toucher un endroit non protégé. Décidément, cela serait un combat des plus distrayants…

-Hé bien soit. Aegden répondit sur le même ton que précédemment au vaani qui s’était dégagé de son emprise.

Soudain ce dernier hurla à ses hommes d’enflammer un peu plus la forêt. Un bref instant de surprise devant le lancé de torches de tout cotés lui laissa le temps de lancer son assaut contre l’elfe. Le reste de bouclier fut accueilli par la hampe de la lance, mais la dague fit mouche. Entre deux plaques de cuir sombres, le mainyth sentit la morsure glaciale du fer à son flanc et laissa échapper un sourd grognement de rage.

Les dents serrées et les oreilles plaquée à la manière d’un loup en colère, il renvoya paitre son adversaire d’un coup de bâton dans la tempe. Alors le lancier ne laissa plus une once d’ouverture à son adversaire. Désordonné, pataud, l’humain n’avait porté le premier coup que grâce à une chance qui s’était désormais envolée. L’elfe en revanche connaissait sa dance mortelle par cœur, sans le moindre faux pas. D’un geste souple, il s’esquiva d’une nouvelle dague portée haut qui passa alors bien trop loin de lui et quelques tours de lance plus tard, la hampe frappait le sternum de l’humain. Le souffle soudain coupé par le coup porté avec précision, le mercenaire ne put rien contre la lame qui fendit son visage et sa gorge et l’envoya rouler au sol.

A lui, le mercenaire, l’arrogance fut sa dernière erreur et le sceau de son destin.

Cette fois ci, toujours d’un même calme glacial malgré la fournaise du chaos autour, Aegden décida d’en finir. Du bout du pied, il retourna sur le dos le mercenaire à l’agonie.

-Tu es le seul responsable de ce massacre. Souvient toi en dans la Tourmente.

Cette fois ci, il ne chercha pas de réponse. Le coup fut net, visant directement le point le plus vital de son anatomie. Il ne souffrirait pas longtemps mais surtout, il ne serait plus un danger lorsque le mainyth s’en détournerait pour ne plus jamais se souvenir de lui.

Et puis, sans attendre une seconde de plus, Aegden s’empressa d’aller aider ses compagnons aux prises avec l’incendie et les derniers fuyards sans prêter une seule seconde attention à ses propres blessures et à l’adrénaline qui faisait battre son cœur à toute vitesse. Ses frères et sœurs passaient toujours avant, quoi qu’il lui en coute.

Aegden ne comprit pas le comportement de la noss qui emmenait soudain la soldate loin d’eux. Mais il n’eut pas vraiment le temps de s’en préoccuper qu’un ornedhel mis pied à terre devant lui coupant et sa route et son champ de vision. Reconnaissant le chef du groupe avec qui il avait précédemment tenté de discuter, Aegden se permit de souffler un peu, une main rougissante contre son flanc meurtrit.

-Merci Haedrims. Lâcha le noss. Nous n’oublierons pas le sacrifice de votre frère. Fit-il en lorgnant sur le corps du soldat elfe abattu avant de fixer à nouveau son interlocuteur. Toi aussi tu es blessé…

-Enterrons les morts comme il se doit, tous, et soignons ceux qui doivent l’être. C’est tout ce qui importe à présent. Je doute que les étrangers qui restent soient une menace à , ils rentrerons chez eux la queue entre les jambes.

Le soldat au cheveux de feu commençait à sérieusement fatiguer maintenant que les affres du combat s’étaient tût. Il n’avait qu’une envie à présent : rallier Celimë et en terminer avec cette sombre histoire. Mais buté comme il était, il n’avait pas l’intention de s’arrêter avant d’être certain que tout était en ordre alors il éluda la remarque. Il tint peut être cinq minutes ainsi avant d’entendre un ‘’hé !’’ quelque part dans son dos et de s’effondrer dans les bras d’il ne sut jamais quel elfe.