1ère ennéade du mois de Favrius de l’An XIX du XI :
Comté d’Arétria – la Citadelle – Les cachots
Dans la nuit précédant le retour de la délégation Arétanne.
L’atmosphère était empli d’une odeur d’urine et d’excrément. On sentait aussi la tension dans ce lieu de mort, on savait qu’à chaque fois qu’une porte s’ouvrait dans le cliquetis des clefs des matons, il y aurait une victime ou alors un nouvel ami. La paille pour se coucher dans ce lieu décadent n’était plus fraîche depuis la construction de ce lieu. Les rats venaient vous grignoter les doigts de pieds ou même les doigts lorsque l’envie leur prenait, ils n’avaient même pas peur des hommes qui se trouvaient ici. Des fois, on entendait un pauvre hère supplier sa mère tandis que trois gros rats de la taille d’un chiot venaient le bouffer de la tête aux pieds.
Ce lieu était maudit. Ce lieu était ce qu’il y avait de pire en Arétria et pourtant les marais étaient dans le top trois mais ces cachots … et bon sang ! Ça fuit de partout ! Un pot en terre cuite qui servait de pot de soulagement avait fini sa course dans le mur en pierre froide au fond de la pièce tandis que les gouttes continuaient de tomber dans la flaque sur le sol qui s’était formée.
Et la lumière. C’est presque un soulagement lorsqu’on voit un bout de rayon du soleil émerger d’une des rares fenêtres qui n’a pas de volets.
Clic.
Toutes les têtes se tournent vers l’entrée de leur cellule. Une lumière. Une torche … non trois ! Des gardes sont là ! En pleine nuit, qui va servir de cible d’entraînement aux archers Arétans ? Qui va finir empalé ? Oh non … c’est un bûcher ? Un bûcher que l’on pourra voir de loin en pleine nuit ? Personne ne voulait mourir ainsi, même les pires raclures de cette terre ! C’était peut-être le repas, en pleine nuit ? Et alors ! Cela faisait deux jours et deux nuits qu’ils n’avaient pas mangés, les âmes qui étaient emprisonnées ici pouvaient bien y croire. Lorsque cinq gardes entourant un autre homme les dépassants d’une bonne tête passèrent au milieu de l’allée sous le regard des morts en sursis, ils n’espérèrent plus. C’était pour venir chercher quelqu’un.
Ils ne s’arrêtèrent dans aucune cellule de la première allée. Ils étaient au plus profond des cachots, deux étages les précédèrent, ils étaient dans le Cloaque comme les gardiens aimaient appeler celui-ci. Toute les pires raclures se trouvaient ici.
Ils allaient au fond. Dans le Brise-Esprit. La cellule qui servait à la torture et de cellule d’isolement. Sans fenêtres. Sans pot de chambre. Sans nourriture ni eau durant trois jours d’affilée.
Clic.
La porte s’ouvrit, une seconde fut découverte à quelques centimètres. Une nouvelle clef fut introduite puis s’ouvrit dans la pénombre. Les Ténèbres accueillirent les hommes, mais aussi une horrible odeur de pourriture. Deux hommes avaient été mis dans cette cellule. Des deux hommes, il n’en resta qu’un.
Le cadavre était accroché au mur avec ses propres côtes et ce qui semblait être des intestins. On ne pouvait pas le voir, mais le granit avait été creusé suffisamment pour que les os soient bien disposés. A la lueur des torches, on pouvait voir que la moitié de son crâne était manquante… et tout ce qui était autrefois un visage n’était que vestige.
Les torches furent disposées dans chaque coin de la pièce tandis que les yeux du prisonnier restant tentaient tant bien que mal à s’habituer à la nouvelle source de lumière.
« Bel ouvrage. « Tonna alors la voix du géant dans la cellule tout en observant de loin le cadavre qui semblait être le garde-manger du bagnard.
Le Brise-Esprit portait bien son nom.
Les gardes n’étaient pas aussi enthousiaste que leur maître et il se mit à sourire à leur encontre.
« Restez derrière l’seconde porte. »
Un des gardes du corps fut surpris de cette démarche, il ouvrit alors la bouche.
« Mon seigneur … on ne peut pas vous laisser seul avec … ça. »
Magnus mit la main sur son épée qui était à sa gauche et eut un sourire tout en observant son jeune soldat.
« Il n’me f’ra rien. Il n’aura pas l’temps. Restez derrière l’porte, j’vous appellerai s’j’ai b’soin d’une nounou. »
Les gardes hésitèrent puis s’exécutèrent. Ils laissèrent le comte et la bête.
La porte se referma alors sur eux, laissant un lourd silence avant que l’un n’ouvre la bouche.