La tempête [Filingin - Gaedrath]

-Tu prend à droite et puis tu passes l’angle du bâtiment avec la chouette sur la fenêtre, et là tu longe le cours d’eau… A droite, angle du bâtiment avec la chouette, longer le cours d’eau…Droite, angle à la chouette, cours d’eau…

Le malaregeois chantonnait sa petite rengaine depuis bien dix minutes, c'est à dire la dernière fois qu'il avait demandé son chemin à un lëandrin. Il ne prêtait pas plus que ça attention aux regard curieux ou amusés des passants qu’il croisait. Son maitre lui disait souvent : on retient mieux en chantonnant. Alors il appliquait de conseil à la lettre quant à la direction qu’il suivant dans la grande capitale de pierre blanches.

Un sourire empli de gaité illuminait son visage encore légèrement juvénile alors que ses prunelles claires ne semblaient pas savoir où se poser devant les milliers de spectacles que le jeune artisan contemplait. Certes il venait d’une cité elfique lui aussi mais Alëandir n’avait rien à voir avec Malereg, et jusqu’à la plus petite griffe sur les pierres lui semblaient une fraiche nouveauté.

Bientôt il n’eut même plus besoin de son refrain puisque le doux bruit de l’artisanat sonnait à ses oreilles. Toutefois, il continua quand même à chantonner. Ça donne du cœur à l’ouvrage disait-on aussi. Ou alors c’était juste pour le faire taire, allez savoir…

Bientôt, Filingin se trouvait devant l’atelier qu’il cherchait avec tant d’entrain. S’annonçant de quelques coups à la porte, le jeune homme souffla un grand coup. Allez Filingin…Se dit-il. Il va pas te manger. Tient toi droit. Ne parle pas trop…

-Heru Gaedrath ?  C’est un honneur de rencontrer un Tamin Dolan. Je viens de Malereg et je suis forgeron. En tout cas j’essaie de le devenir. Mon maitre m’a enfin laissé le droit de voyager d’ailleurs. Mais à condition de ne jamais cesser de trouver des maitres pour me perfectionner. Vous savez il est très sage mon maitre. Enfin, ce n’est pas important. Enfin, si, je dit pas que mon maitre n’est pas un grand sage, mais c’est pas vraiment ce que je veux dire. Mais bref comme vous êtes là ben heu… Il ouvrit soudain de grand yeux pleins d’espoir. Dites, vous accepteriez de m’apprendre quelques astuces, le temps de mon séjour ?

Les dernières ennéades furent formel. Gaedrath revisita plusieurs de ses créations et la technique de fabrique, essayant de faire du sens de tout le charabia qu'il a créé durant les siècles. Qui aurait pensé que le nommer Tamin Dolan serait une bonne idée ? Il avait quelque chose à redire sur chacune des lame ; soit la pointe était pas assez acéré, ou le manche était trop long pour pouvoir s'y mouvoir de manière malléable. La lame de l'épée était trop incurvé, ou son tranchant ne coupait pas assez.

À vrai dire, c'était une tradition personnelle, sans que cela ne soit réellement  officiel et plus un résultat de son subconscient mêlé avec son estime de soi, de rabaisser tout le travail de sa vie. Car il ne valait guère grand chose, seulement de la poussière.

Alors quand un apprenti elfe frappa dans son atelier pour lui demander ce qu'il avait à lui apprendre, Gaedrath resta choqué longtemps.

Ce qu'il faisait avant que le jeune Heru n'arrive, relevait à de la pratique. Cognant à plusieurs reprises le fer posé sur l'enclume avec le marteau, et aplatissant ensuite la plaque grâce à sa magie pour faire une surface lisse, le Tamin Dolan travaillait l'acier en trop dans ses réserves. pour sauver de l'espace Gaedrath n'avait pas de schéma pour un nouveau projet, et encore moins l'envie de se ridiculiser à nouveau et s'apitoyer sur son sort. Affalé sur un siège, son oreille frémit au son de la porte qui toquait. Pris par surprise, il se leva soudainement, donna ses outils à un assistant qui comprit devoir ranger.

Il rejoignit le devant de son atelier, crispa les doigts de ses deux mains pour engloutir la porte d'entrée sous terre, trop paresseux pour ouvrir la porte, qui descendait avec lenteur et crissait impitoyablement. Dès que la porte fut finalement sous terre, elle semblait à présent ne faire qu'un avec le sol. Gaedrath se tenait là, doté d'une tunique rembourré sans manches, couverts de suies, les bras lourds et renforcés. Petit serait le mot pour le décrire.

Il est venu pour moi, pensa-t-il, ébahit. Il veut apprendre ce que je sais. Tout comme lui, il venait de Malereg. Et tout comme lui, il cherche à apprendre la voie de la forge.

"Quel est ton nom? Demanda-t-il, d'une voix mêlant confusion et joie. Entre, et familiarise toi avec les lieux. Je ne suis pas sûr que mon savoir te sera d'une quelconque utilité, mais je serais ravis de t'apprendre ce que je sais.

Modeste, l'atelier était presque trois fois plus grand que l'elfe qui y vit. Des armes étaient orné dans les murs, entreposé sur un socle argentée. Une porte vers l'arrière d'un comptoir caché dans un coin émanait une forte chaleur, et le son du marteau qui entrechoque avec l'enclume y résonnait. La porte revint à la surface, après que Gaedrath leva ses deux bras pour le relever. La sueur se mélangea avec la suie sur le front du Tamin Dolan.