Successeurs d'Halandarin | Gaedrath & Hêdirn

Verimios, Arcamenel de la première ennéade, premier mois de l'été
Atelier du majestueux et grand Gaedrath Sosa

De la sueur perlait de son front au fur et à mesure que le marteau frappait la surface de l'enclume, les yeux de Gaedrath s'enflammèrent quand il perçut le résultat d'un travail mi-achevé. Même si ces derniers temps, le Tamin Dolan s'enferma dans son atelier et sur lui-même, à la recherche d'un projet prêt à le fasciner durant les années à venir, rien de ce qu'il arrivait à façonner durant cet période n'arrivait à assouvir cette soif de renouveau. Si les assistants se souciait de son état mental, ou des raisons derrière son intensité, il ne leur était pas arrivé à l'esprit que leur maître n'avait peu de gens avec lequel vivre sa vie. Avoir du temps libre ne le faisait que se rendre compte du vide dans son quotidien triste. En frappant l'acier sur l'enclume, son reflet déformé le tenait au moins compagnie.

Couvert de suie et les vêtements noircis par les heures intenses de travail, le Tamin Dolan sortit de la forge pour prendre de l'air, ce n'est qu'en aillant vent du jour qu'il se rendit compte qu'aujourd'hui était le jour : Un confrère devait venir ici d'Ardamir. Alors la panique s'ensuivit, tandis que Gaedrath allait de gauche à droite pour rendre présentable son domaine et lui-même, avant de changer d'idée, retourner à la forge pour tâché son visage, de manière à "prouver" que ses jours sont très chargé, puis prendre une large respiration. S'assurant que le projet dont il travaillait en ce moment était enveloppé d'une couverture pour la couvrir et puis ensuite l'entreposer dans la réserve, Gaedrath leva la tête vers le ciel pour voir le temps défiler, chaque seconde le rendait encore plus incertain de lui-même. Mais il ferma les yeux, cessa de penser, et la paix revint dans son esprit.

-Tu sais quelque part j’admire les lëandrins. On ne peut qu’être d’une résilience à toute épreuve lorsque l’on porte l’un de ces corsets durant tout le jour.

Le couple qui voguait dans les rues de la cité blanche n’en était pas originaire cela sautait au yeux. Partout où ils allaient, les yeux voyageaient tantôt sur une silhouette, tantôt sur une sculpture. Leurs regards semblaient explorer chaque détail de cet endroit si nouveau, si différent de chez eux avec le plus grand intérêt. Elle, elle se mirait souvent dans les cours d’eau sous leur pied, jouant parfois à y détourner un rayon de lumière ou un reflet. Lui, il semblait  pour l'heure plus intéressé par les goûts vestimentaires de ses frères qu’il examinait avec attention.

Celui-ci qui s’adressait avec amusement à sa femme pouvait peut-être légèrement détonner du reste de la foule tant par son attitude que par son physique. Il avait la taille haute des elfes des cités certes, mais sa peau aux teintes chaudes rappelait plutôt le sang de leurs frère ornedhels. Quant à ses épaules, elles étaient larges, trahissant le travail de force que l’elfe accomplissait au quotidien. Malgré cela, le tissu qui les couvrait n’avait rien de grossier bien au contraire. Beaucoup plus simple de forme et de motif que la mode lëandrine, l’ardamiri n’en portait pas moins des vêtements de confection parfaite, au motif sobres mais élégants, le tout accompagné de quelques bagues à ses doigts et un unique pendentif de verre au cou. A son épaule il tenait un baluchon du quel dépassaient quelques outils destinés à dompter le métal.

-Il faudrait tu parle à l’un de leur tailleur à l’occasion. La femme répondit avec un sourire alors qu’elle s’accrochait au bras  libre de son mari. Peut-être que tu y trouverais une nouvelle forme d’inspiration.

-Je demanderais à Gaedrath. Il lui rendit son sourire avec tendresse. Mais le travail d’abord. Tient. Fit-il alors que la pointe de ses oreilles se relevaient un peu. Je crois que nous arrivons.

En effet, il ne fallut pas longtemps au couple pour atteindre le quartier au sein duquel la majorité des artisans de la cité travaillaient. Ici, au lieu du gloussement tranquille de l'eau résonnait la douce clameur des outils qui travaillent sans relache. Finalement, elle finit par le laisser aller après qu'ils furent renseigné sur l'emplacement exacte de la demeure de celui qu'ils cherchaient et ce fut seul qu’Hêdirn frappa à la porte de l’atelier du Tamin Dolan local.

Il attendit. Le dos droit, raide, et une légère panique qui se lisait sur son visage par les passants. Gaedrath n'était pas certain de quand son confrère allait arriver exactement, et puis en voyant que personne ne venait il finit par perdre espoir. C'état aussi bien, au final. Il n'osait imaginer la déception que l'autre aurait ressenti en voyant Gaedrath en personne. Quelqu'un que tous auraient honte à qualifier d'égal dans leur métier. Noyé dans sa propre mélancolie, il retourna à l'intérieur, ses yeux se posèrent sur la lance sur le mur. Non, il n'en était pas question. Le Tamin Dolan en était un pour une raison, son doute et ses ronges ne faisaient que noircir ses pensées. Il n'en était pas question de se morfondre à nouveau. Du moins pas aujourd'hui.

On cogna à la porte quand un assistant se rua pour avertir Gaedrath, posé à l'arrière en train d'étudier scrupuleusement des plans de son plus récent projet. Au final, l'autre se révéla alors. Adoptant une nouvelle posture, beaucoup plus noble et fier, il finit par le rejoindre et lui ouvrir la porte, de sa manière habituelle. La porte s'enfonça dans le sol, lentement, tandis qu'apparaissait petit à petit la figure du forgeron, qui utilisait sa magie. Dès que la "porte" se retrouva entièrement sombrer sous le sol, Gaedrath accueillit son invité avec un hochement de tête, un visage faussement confiant et triste dans le regard. Tout le courage que Gaedrath s'était formé jusqu'à présent éclata lorsque le réputé Hêdirn s'imposa en taille et en masse. Les ronges remontèrent aussi vite qu'ils s'étaient dissipé, au grand dam de leur propriétaire. Cela recommence. Pas encore.

"Ainsi donc Hêdirn se présente enfin à mon atelier."Un faible sourire donna un peu de vie à ses traits gris. "Que puis-je pour toi ? As-tu besoin d'assistance pour un projet, car je doute que tu ne trouveras grand chose d'utile dans mes qualités... Où sont mes manières, pardonne moi. Entre."

Pas encore. Pas encore. Toujours comme cela. Il bougea pour laisser Hêdirn entrer puis murmura à l'oreille d'un de ses assistants pour apporter des en-cas. Gaedrath referma la porte dès le confrère entré, et ce fût comme si elle n'était jamais parti. Modeste et dénué de décorations, le forgeron se contentait du minimum pour meubler l'atelier, seulement ses précédentes créations étaient disposés à divers endroits dans les différentes pièces, à orner les murs ou entreposés sur des piédestal de roches et vignes, sûrement élevé par le forgeron avec le même tour qu'avec la porte. Impressionne le. Surpasse le.

"Je m'excuse pour le désordre, ces derniers jours ont été intense. Je travaille sur un nouveau projet qui pourrait être priser par de nombreux elfes. Tout autant que mes autres œuvres que tu peux voir ici." Il ignorait s'il essayait d’impressionner son confrère ou lui-même."Un des miens reviendra bientôt avec de quoi manger, si la route a été longue. Des demandes en particulier ?"

Hêdirn était resté un moment à fixer la porte dont Gaedrath se servait d’une…bien étrange manière. ça faisait son effet ça allait sans dire. Quelque chose traversa probablement l'esprit de l'elfe qui hocha vaguement de la tête, une petite moue sur les lèvres, et puis l’épais forgeron avait fini par refaire face à son interlocuteur avec un sourire amusé mais sans verbaliser plus ses pensées. Il entra dans le modeste atelier lorsque l'autre lui en laissa la possibilité.

-Je te remercie mais ça ira, ma femme et moi sommes arrivés depuis quelques heures et nous avons déjà déjeuné. Nous ne comptons rester que quelques jours tout au plus. Ses prunelles d’or brillèrent d’un nouvel éclat. Peut être moins, à vrai dire ça dépendra du temps de convaincre qui de droit de l’intérêt d’une proposition à mon sens plus que digne d’intérêt.

Mais comme ménageant son effet, plutôt que de s'expliquer d'avantage, l’elfe se mit à tourner sur lui-même observant l’atelier de son camarade, et les œuvres qui ornaient la pièce.

-Alors sur quoi travaille-tu cher ami ? Demanda-t-il comme s’il n’était venu que pour parler de la pluie et du beau temps.

Mine de rien, les non-dit du Tamin Dolan Lëandrin avait piqué sa curiosité. D'autant que si ce dernier maniait aussi sa magie sur son travail, cela devait donner un résultat fort intéressant à ses créations que l'Ardamiri était tout aussi curieux de constater.

Cela ne suffit pas. La pensée de l'échec lui laissait presque un goût amer à la bouche. Une voix au fond de son être essayait de lui montrer la voie de la raison, lui révéler que ses intentions étaient puéril. Elle se tût cependant dès qu'il l'étouffa. C'est le seul moyen. Gaedrath croisa les bras et appuya le dos contre un mur froid pour laisser parler son hôte, jusqu'à ce qu'il se retrouva dubitatif à sa dernière phrase. Il haussa les épaules pour tenter de le faire élaborer, mais sans grand succès. Alors le forgeron se laissa promener autour de la pièce, évaluant de haut en bas Hêdirn, réalisant à quel point il devait être supérieur sur beaucoup trop de domaines. Non. Il suffit. Surpasse le.

Hors de question pourtant de se laisser aller de la sorte à nouveau, sans au moins combattre. Il avait fait ses preuves à plusieurs reprises. Gaedrath traça sa main le long de son autre avant-bras tandis qu'il eût mine de songer à quelque chose, comme une liste. Près d'un an d'exploits divers et variés, mais aucune ne sembla suffire pour accomplir le but établi dans sa tête. Tout était d'apparence trivial, Gaedrath n'avait guère espoir en ses faits. Mais il se lança tout de même, après avoir fermé les yeux et songer à l'argentière à son doigt.

"Je préfère me taire sur l'oeuvre dont je façonne en ce moment, elle pourrait prendre le mieux d'une décennie et je n'aime guère montrer du travail non achevé." Gaedrath leva la tête le visage vers son collègue. "Je sais que ce n'était pas la question, cependant, cela est récent. Bien récent même. Le commandant des Armées Royales est venu me visiter pou l'aider à étudier un artefact mystérieux ainsi que réparer une de ses armes fendus. Avec un autre de nos confrères Tamin Dolan, j'ai assisté à la forge d'une armure pour le Aran et reçu même l'occasion d'y laisser une légère signature." Un sincère sourire de fierté donna de la vie à son visage. Un sourire pourtant teinté de malveillance. "Il ne faut s'inquiéter, il est certain que tu trouveras des tâches aussi important un jour. Tu es un Tamin Dolan après tout. Certes un récent."

Un sentiment de fierté et de victoire l'envahit. Une question le tracassa pourtant encore.

"Serais-je trop prompt, si j'assume que la proposition digne d'intérêt serait posé à moi ?

-Oooh…Visiblement pas rancunier du caractère fermé de son voisin,l’Ardamiri se mit à rire en se penchant un peu vers l'autre elfe. Pas besoins d’être autant sur la défensive. Mais soit garde donc tes secrets mon ami, je ne suis pas ici pour ça.

Il tendit la main et tapota l’épaule de Gaedrath avant de finalement se détourner, fixant l’une des créations du Lëandrin comme s’il en étudiait toute la conception d'un simple regard.

-Mais en fait...oui. Enchaina-t-il en retrouvant son regard, avec un sourire. Ma proposition te concerne, Tamin Dolan. Tu vois je suis peut-être "récent’’ comme tu le dis, mais il s’avère que j’ai de grandes idées concernant notre forge. Sa voix grave avait retrouvé tout son sérieux. Nos institutions battent de l’aile, et s'empoussièrent sous les convenances. Nous nous reposons trop sur nos acquis. Pire, nous avons régressé. Alors moi, je compte faire en sorte que ça change parce que nous le devons à nos frères. Je suis venu ici parce que je compte demander au Trône Blanc de convoquer une entrevue diplomatique avec le peuple Ondur. Entrevue durant laquelle j’estime nécessaire que nous cherchions à récupérer ce qui nous appartenait il y a encore une décennie… Un sourire entre moquerie et amusement plus bon enfant refleurit sur ses lèvres. Je comptais t’inviter mais visiblement tu es très occupé alors, ce n’est pas grave. Le Mainyth et l'Aran n'attendent pas j'imagine. Chacun ses tâches importantes n’est-ce pas ?

Un léger soupir lui échappa des lèvres lorsque Hêdirn lâcha le sujet, qu'aurait-il pensé en voyant l'oeuvre non achevé ? Du dégoût de voir ce que Gaedrath avait à offrir se révélait médiocre ? L'idée que le confrère serait soit impressionné ou indifférent lui semblait être une mauvaise blague et il la balaya de ses pensées. Le forgeron ne savait pas s'il arriverait à supporter une telle humiliation. Heureusement, Hêdirn n'était venu pour discuter de ses derniers projets, mais pour une idée d'apparence simple avec un fort potentiel. Une idée que Gaedrath n'eût conçu jusqu'à présent.

Appuyé contre le mur, alors qu'il faisait mine d'avoir la tête ailleurs, il concentra un souffle d'énergie entre deux doigts et une flammèche se matérialisa après un peu d'effort, une mince flammèche bleue qui glissa entre ses doigts tandis que Gaedrath reposa son attention à nouveau sur son hôte. Il ne savait jamais quoi faire avec ses mains lors qu'il conversait et cela l'agaçait. Plus Hêdirn parla et plus Gaedrath trouva de la difficulté à garder une position calme, il changea de pose à chaque fin de phrase, croisant et décroisant les bras et jambes, contre le mur ou le dos droit. La flammèche disparu en une simple commande mentale et le Tamin Dolan passa la main sur sa mâchoire, voulant passer pour être songeur.

"Tu comptes demander le peuple Ondur les outils pour que l'on puisse à nouveau travailler le..." Pour une raison qui lui échappait il n'osa finir sa phrase. C'était une initiative risqué, mais s'ils réussissaient... Il manqua de paraître désespérer quand il reprit. "Tu sais, j'ai tout un cycle pour retourner sur mes travaux personnels, si tu insistes à ce que je t'accompagnes...."

Gaedrath ne voulait manquer une telle opportunité de marquer le cours de l'histoire à jamais. Une occasion de prouver sa valeur et de gagner en influence.

Le forgeron Ardamiri avait de nouveau éclaté d’un rire chaud devant la réaction de son compatriote. Visiblement il avait touché dans le mille… Bien. Parfait.

-Ne t’inquiète pas mon ami. Répondit-il. D’abord j’irais convaincre l’Aran seul, mais ensuite, nous irons ensemble voir les Ondur. Accompagnés des autres Tamin Dolan s'ils le veulent. Ce que j'espère bien entendu.

Car il avait beau se moquer, il n’y avait pas de méchanceté dans sa façon d’être et le sourire qu’il affichait était bienveillant. Doué d'ambition, l'elfe n'était pour autant pas égoïste. L’occasion serait unique mais elle était celle de l'entièreté du petit monde des forgeron elfique, pas seulement d'un seul. Alors, s’il était venu jusqu’ici ce n’était pas pour tourner le dos au lëandrin maintenant.

-Et Ensuite… Son sourire s’illumina autant que l’or à ses yeux alors que sa voix se fit presque songeuse. Imagine ce que nous pourrons enfin accomplir une fois ces outils à leur juste place et l'acier Vëladrien à nouveau dans nos forges. Nous n’avons plus de Toer Tamindal, aussi je pense que nous devrions tout partager les outils et nous passer de son aval quand à son utilisation. Fit –il comme si l’affaire était déjà réglée. L’occasion est rêvée pour cesser de nous limiter à si peu de choses. Notre temps est à l'action.