[Afflux] Cette bonne vieille forêt...

Quatrième ennéade de Karfias,
An Vingt du Cycle XI

La vielle forêt, comme il l’avait surnommée, Herbert la longeait en compagnie de petit-fils. Certes, le petiot était aussi intrépide que lui l’avait été à son âge il y a de ça… Bien trop longtemps ! Le vieil homme secouait la tête en souriant, se rappelant aux doux souvenirs de sa lointaine jeunesse, lorsqu’il pouvait encore chasser et que cette fichue guibolle ne le faisait pas tant souffrir.

- Si j’y vais très vite et que je reviens encore plus vite…

- Pour la énième fois… Non. Souffla Herbert tandis que son regard glissaient vers le gamin. Tu vas finir par t’y perdre et avec ma jambe, hein ? Comment que je vais te retrouver avec cette foutue jambe ? Demanda-t-il en tapant du bout de son bâton la terre meuble du sentier. De toute façon, Heda est bien trop vaste !

- C’est grand comment « vaste » ?

- Immense.

- Et c’est grand comment « immense » ?

- Eh ben… Comme une seigneurie d’un Compte ou d’un Duc !

- Et c’est grand comment une seigneurie ?

Le vieil homme marqua un temps d’arrêt, les lèvres pincées, son front ridé souffrait de la réflexion.

- Tu sais quand ta mère te dit d’aller puiser de l’eau au centre du village et que tu te plains d’avoir mal aux pieds à peine rentré ?

Le jeune garçon hocha la tête, un air sérieux sur le visage. Quelle corvée cette flotte !

- Et bien, c’est comme si tu devais marcher jusqu’au puits pendant tout un mois entier, tous les jours sans t’arrêter ni manger ni dormir !

Les yeux écarquillés et la mâchoire décrochée le petit n’en revenait pas, tandis que le grand-père cachait son amusement derrière un masque de sérieux. Dans un regard pour l’orée de la forêt, Herbert intima au garçon de presser le pas. La nuit n’était pas tombée et pourtant, l’on ne distinguait déjà plus grand-chose au travers de la frondaison. Dire que le fils de mère Millot n’en était toujours pas revenu, sans compter ces histoires de brume et tous les racontars des poivrots qu’il entendaient depuis peu dans son auberge, cette bonne vieille forêt lui inspirait de moins en moins confiance…

- Dépêchons-nous, la nuit ne va plus tarder. Souffla-t-il avec un tremblement dans la voix avant de se reprendre. Et si nous ne sommes pas rentrés avant, ta mère va me cuisiner pour le dîner !