[MdO 2023] Ce dont l'oubli s'empara [Lómion]

2ième énnéade de Favrius , 20:XI
Académie d'Alëandir - Bibliothèques

-Peut être auriez-vous vos chances auprès de l’Académie…Après tout, votre homme était peut-être un soldat, mais s’il y a un mage derrière vos mystères, sans doute aurait-il laissé ses traces là-bas.

C’était tout ce qu’avait été en mesure de répondre le vitaliste Ardamiri lors de leurs échanges épistolaires concernant Ailagos. Le reste, il n’en avait pas plus d’idée que le lancier. Son geste, à l'instar de celui de l'archemage avait été impulsif, poussé par la curiosité, sans pouvoir dire ce qu’il se passerait alors sur la trame. L’étrange effet de magie de l'ancienne lance ne lui était pas plus connu qu’a Malgelir ou Lissesúrë. Il ne pouvait aider son désormais propriétaire dans ses recherches.

Bon grès mal grès, Aegden avait suivit le conseil de l'Ardamiri.

Quand avait-il eut pour la dernière fois l'occasion de mettre les pieds dans les bibliothèques de l’Académie… ?

Non seulement il n’avait jamais réussi à appréhender et apprécier toute les subtilités des arts mystiques, de ces lieux ou d'autres, mais il connaissait aussi suffisamment le dédain des maitres mages pour la guerre et ce qu’il pouvait lui-même représenter en tant que chef des armées. Alors…autant ne pas trop chercher l’inimitié en leur présentant un objet que trop qualifiaient hâtivement d’infamie...

Seulement, le temps passant, l’ignorance flirtait avec le dangereux. Il fallait obtenir quelques certitudes avant de se trouver face à une surprise désagréable. Alors, Le soldat avait fini par se résigner et se tourner vers les mages et surtout leur mémoire. Peut être y avait-il au sein des archives cycléennes une piste, un indice, une légende ou rien qu'un souffle pour l'aider enfin à y voir clair.

Cependant voilà… Ce labyrinthe de papier et de reliures de cuirs avait fini par le perdre et loin de trouver ce qu’il cherchait, il grimaçait devant un rayon qu’il pensait avoir déjà parcouru mille fois… Le spectacle prêtait surement à sourire : un soldat sans arme ni armure, devant s’avouer vaincu face à quelques étagères… En plus, encore et toujours il se sentait détonner dans ce lieu et cela n'avait rien d'agréable.

Au moins, peut être que les quelques pas qui raisonnaient soudain dans son dos pourraient enfin l’arracher à sa mine boudeuse, savaient-on jamais…

-Heri Ingolmo.

La même surprise s’afficha sur le visage du soldat, alors qu’il la salua en posant par réflexe son poing contre son cœur. Il semblait presque…embarrassé comme un enfant pris sur le fait d’une espièglerie pourtant innocente. Et puis il finit par se reprendre alors qu’elle l’interrogeait sèchement ne se démontant pas et restant parfaitement courtois. Elle semblait bien agacée de sa présence, et malgré toutes les tensions du monde qu’il pouvait y avoir eu entre leurs institutions, le mainyth n’était pas certain de saisir ce qui plissait à ce point l’étrange visage de la mage. Il n’avait encore rien dit qui puisse la froisser.

-Sans doute. Il jeta un regard vers les maudits rayonnages,fermant l’ouvrage qui avait fini par attirer son regard puis le replaçant avec soin à l’exacte place d’où il l’avait tiré. Je pense que je ne prends pas de risques en considérant que vous connaissez tout cela mieux que moi…

La chose n’était pas bien difficile, ils en convenaient tous les deux.

-A vrai dire, j’ai l’impression de plus devoir me tourner vers les contes que les essais et les rapports factuels. Répondit-il presque autant pour lui-même que pour elle. J’ai un objet dont j’aimerais comprendre le fonctionnement et éventuellement en retrouver la trace au sein de notre histoire. J’imaginais que sa singularité, des mots de ceux qui perçoivent quelque chose, auraient amené les vôtres à la mentionner dans je ne sais quel livre. Mes amis mages ne la comprennent pas et mes sources me laissent penser sans aucun doute possible qu’il s’agit d’un objet extrêmement ancien. Seulement…Un petit rictus mi-figue mi-raisin étira ses lèvres. Vous avez beaucoup d’ouvrages et je n’ai pas votre patience pour ce domaine. Alors si vous connaissez quoi se soit en rapport avec une forme d’Archemagie oubliée ou disparue...Oui vous pourriez grandement m'aider.

-J’ai largement conscience de mes limites si ça peut vous rassurer.

Non il ne comptait pas comprendre ne serait qu’un tiers de ce que ces ouvrages renfermaient. Tout ce qu’il cherchait c’était une piste, un nom, une mention. Ça lui aurait suffi. Pour le reste, il aurait toujours pu se tourner vers sa femme dont c’était, elle, le domaine, ou bien d'autre mages plus disponibles si elle ne l'était pas. Il lui fallait simplement l'impulsion de départ plutôt que de ne présenter que des interrogations.

-Et je suis sans doute bien ignorant à vos yeux, mais j’ai suffisamment de bon sens et de respect pour votre institution pour ne pas avoir apporté ici l’objet dont je parle.

C'était dit sur le ton du simple constat. Il n'y avait ni agacement ni violence dans sa voix. Il soupira simplement, bien contraint de devoir s’expliquer entièrement. Elle allait faire des bonds, mais c’était visiblement trop tard pour ménager l’irascible académicienne.

-C’est une arme. Précisa-t-il alors, croisant ses mains désormais libres contre son torse. Une pointe de lance forgée au moins quelques temps avant la chute du Linoïn. Il pencha légèrement la tête sur le côté, s’empêchant malgré tout d’étirer un sourire amusé à l’image d’une Laurënis aussi perdue qu’il ne l’était au sein du monde militaire lëandrin. Si vous avez le temps de me suivre je peux vous y amener.

-Bien entendu que je ne l'ai pas laissé à l'écart en attendant votre intervention...
 
Il s’était un peu renfrogné lorsque l’académiste avait brutalement interposé sa main devant sa figure. Il n’aimait pas qu’on touche à son visage et même si elle s’était arrêtée avant, sa brusquerie lui avait fait coucher les oreilles en arrière. Cependant il n’avait rien dit, se contentant d’un soupir mental face à son attitude. Et c’était les militaires les brutes…

-Je n’ai découvert que tard et par hasard que d’une, la lame était enchantée, et de deux que ce n’était pas un phénomène normal. Fit-il en suivant bon grès mal grès la furie mystique à travers escaliers et couloirs parmi lesquels il n’avait définitivement aucuns repères. Nous suivions des légendes d’un dénommé « Erca » à partir de recherches d’un autre elfe dont je n’ai jamais retrouvé le nom. A vrai dire j’étais sceptique, avant de la tenir pour de vrai entre mes mains au beau milieu de falaises au nord de Quatrième-Saison. Comme tous nos contes, les exploits de Celëbren, son vrai nom, sont certainement très exagérés mais on supposait que son arme devait être composée d’archemagie puisqu’on la décrivait à trop de reprises pour que ce soit un hasard comme, entre autre, capable de « commander aux vents »…" Il lança un regard en biais à la mage, s’attendant à une nouvelle réaction explosive à ses prochains mots. "Ce qu’on a donc reproduit en construisant la hampe manquante. Avant qu’elle ne réplique encore, il ajouta. A postériori, j’ai conscience de la dangerosité du processus et si j'en avait eut conscience plus tôt, je l'aurais interdit immédiatement. Mais d’un autre côté, je suppose que si elle avait dû m’exploser entre les mains...hé bien ça aurait déjà été fait depuis longtemps. Mon ancienne lance à été perdue et brisée et me passer d’arme dans un temps comme le nôtre est un luxe que je ne peux pas me permettre. Même si je vous rejoins quant au fait que connaitre l’étendue de ce qu’elle représente est indispensable à présent que j’ai enfin le temps de m’y consacrer, d’où ma présence ici aujourd’hui. Celëbren ayant disparu des archives de l’armée sans plus d'explications, et aucun de ceux auprès de qui j'ai demandé de l'aide n'ayant sû me répondre, je supposais trouver ici une autre piste. Termina-t-il en haussa simplement les épaules. 

- Qu'en est-il de la pointe ? Vous m'avez affirmé que c'était elle qui est imprégnée d'un enchantement, que vous assimilez à une forme d'Archemagie ancienne -- sur du métal, idée absurde s'il en est.

-Hé bien…Idée absurde, sans doute. A nouveau il étira un sourire presque contrit. En tout cas c’est ce que tout le monde semble m’affirmer effectivement. Mais en voulant en tester les capacités de l’arme dans son entièreté, il nous est paru évident qu’il y avait aussi un sort dans cette lame dont aucun de nous n’était responsable. L’espace d’un instant, un silence passa tandis qu’il réfléchissait à ses mots, grimaçant un peu d’inconfort. Expliquer un phénomène dont on avait aucune idée tangible n’était pas spécialement son fort. Je suis obligé de me contenter de vous répéter ce que l’on a pu me dire étant donné que je ne ressens rien. Fit-il alors. Mais d’après les mages, il existe dans ce morceau de métal une…trace, assez faible pour passer inaperçue lorsqu’on ne l’active pas, mais qui as des effets similaires à notre archemagie.

Le soldat haussa un sourcil et sourit. Pourtant il se contenta d’un réponse brève et cryptique.

-Suivez-moi.

Il lui fit un geste de la main, désignant l’intérieur du bâtiment dont il prit le chemin. Dans les multiples couloirs, certains leurs lancèrent parfois des regards étonnés, parfois discrets, parfois…beaucoup moins, mais personne ne questionna directement le soldat ou la mage quant à la présence de cette dernière entre leurs murs. Tout juste se contentaient-t-il d'un bref salut militaire à leur supérieur avant de s'en retourner à leur propre occupations.

Finalement, après avoir traversé couloirs et cours intérieures, ils grimpèrent un étage, puis finirent devant une porte que le commandant poussa sans aucune hésitation. Alors, ils se retrouvèrent dans un bureau, dont la fenêtre était restée ouverte et laissait entrer quelques branches d’un arbre poussant en contrebas. La pièce était impeccablement rangée, jusqu’aux quelques parchemins qui trônaient sagement sur le meuble, attendant certainement d’être traités. Il n’y avait même pas une plume ou un encrier pour dépasser de l’ordre semblant s’imposer ici.
Dans un coin de la pièce, il y avait un support sur lequel attendait une armure de cuir et de tissus, et à ses cotés…
Aegden prit la lance dans ses mains, comme s’il l’examinait une seconde avant de la tendre à la mage.

-Voilà la responsable de tout ça…

Elle pris l'arme et l’examina quelques minutes. Un lourd silence s'installa alors avant qu'elle ne le brise à nouveau.

- Je ne vois pas ce... Elle se stoppa. Utilisez-la.

Elle lui retendit son arme et à nouveau il fit un geste, lui indiquant de le suivre au dehors jusqu’à un petit bout vide des terrains d’entrainements attenant à la caserne. Autant ne pas prendre de risques.

-Je vous conseille de reculer un peu. 

Il s’assura qu’elle obtempérait assez pour être en totale sécurité, puis, l’arme dans les mains, il lui fit faire quelques passes simples et précises. Déjà, une mince brume s’était levée et dansait autour de l’hast.

-Ce qu’elle est sensée faire… commença-t-il alors qu’après une agile pirouette, une lame de vent vint violemment s’abattre sur un mannequin qui grinça de protestation et dont le bois porta une nette balafre. Ce qu’elle n’est pas sensée faire…

Son enchainement changea alors, et au lieu de rester le prolongement de son corps, il la fit tourner dans sa main. Une fois. La brise se leva. Deux fois. Elle sembla plus intense et se mit à siffler. Et la troisième fois que la lame atteignit son point le plus haut, il l’abattit sèchement face à lui. Les vents s’érigèrent alors en une épaisse paroi de vent rageur, soulevant la poussière et les quelques feuilles mortes du terrain et les emportant dans l'étrange tempête miniature qui se déchaina sous les yeux des deux elfes. Aegden recula finalement d’un pas. Le phénomène ne durait pas plus d'une dizaine de seconde, mais il était impressionnant, d’autant lorsque l’on ne s’y attendait pas.

-Pas si vite Heri.

D’un geste, il attrapa le poignet de la mage avant de se planter face à elle. Dans son ton calme planait malgré tout une pointe d’irritation. Voilà au moins une heure qu’elle agissait comme une enfant pour finir par simplement s’en aller sans donner la moindre explication, le tout en lui subtilisant le résultat d’un an entier de recherches. La main du soldat se posa fermement sur la hampe de l’arme que l’académicienne empoignait comme s’il s’agissait déjà d’une nouvelle relique poussiéreuse à enfermer à jamais dans les murs de l’académie. 

Hors de question. 

-Si vous voulez voir le Doyen, parfait, je vous accompagnerais. Vous voulez l’étudier par vous-même, comme vous voulez. Vous voulez demander à je ne sais lequel de vos camarades, je m’en fiche. Au contraire, j'ai des questions auxquelles je rêve d'avoir des réponses. Mais cette arme, aussi inestimable qu’elle soit, reste mon arme, et elle reste avec moi. 

N’ayant largement pas l’intention de changer d’avis, il força légèrement, faisant mine de vouloir récupérer Ailagos dans ses propres mains.

-Je doute que vous apprécieriez être séparée de ce qui vous sert de focaliseur. Là c’est pareil. Rendez la moi.

La magicienne se retourna, dégageant sèchement sa main. Son visage reflétait une profonde irritation d'être ainsi interrompue. Elle lâcha la lance, mais fit un pas en avant pour toiser l'impudent qui avait osé la retenir.

-Heru Mainyth. Vous n’avez pas idée de ce qu’est cet artefact. Sa place est à l’Académie, où il sera étudié sans risquer qu’une imprévisibilité des magies à l’œuvre, dans les mains d’un néophyte ignorant trop prompt à faire tournoyer son nouveau jouet, ne provoque un désastre. Estimez-vous satisfait de la promesse que je vous fait qu’une fois nos recherches suffisamment avancées, je vous le remettrai moi-même. Peut-être que quelques années suffiront-elles pour en savoir assez à son sujet pour que vous puissiez en avoir une utilisation raisonnée. Et si la comparaison avec mon focalisateur vous tente à l’avenir, souvenez-vous que contrairement à vous, je suis capable de m’en servir sans risquer de faire disparaître la moitié des murs de la Cité. Quelques cours basiques de magie ne vous feraient pas de mal non plus pour saisir la différence. Je donne une leçon aux nouveaux acades demain, si cela vous intéresse.

-heri Ingolmo. Répondit-il froidement après avoir remis l’arme dans le baudrier de son dos. Ensuite il croisa ses bras contre son torse, soutenant le regard étrange de la mage en colère. Votre place est à l’académie. La mienne est en première ligne de l’armée. Votre temps, je ne l’ai pas. Pendant que vous vous plaisez à vous penser au-dessus de ce monde, bien à l’abri derrière vos tours, parmi vos livres et vos sortilèges, mes frères saignent et meurent face à l’Anaëh ou l’extérieur. Une fossette creusa sa joue scarifiée tandis que sa bouche se déforma en un rictus amer. Votre académie ne tient encore debout parce que le « néophyte ignorant » en face de vous a risqué sa vie et celle de ses hommes plus d’une fois pour l’y maintenir, quand il ne s’agit pas de carrément éviter les « désastres » de vos expérimentations passées. Méprisez-moi si ça vous chante. Insultez-moi si cela apaise votre égo minable. Mais Kÿria m’entende, ne me faite pas l’injure de penser une seule seconde que je vais vous laisser me retirer une arme dont j'ai déjà pu mesurer l'efficacité sur la base d’une vague promesse de peut-être la récupérer lorsqu’il vous en chantera. Je vous rappelle d’ailleurs une chose Heri, c’est vous qui êtes venu m’interrompre dans la bibliothèque, et avez proposé votre aide, pas l’inverse.

-Nous sommes d’accord sur ce point Heri : Comprendre cette arme est indispensable et une de mes priorités soyez en certaine. Dans la mesure du possible, sentez-vous libre de me contacter, je répondrais.

Sincère, il posa une main contre son torse et hocha la tête.

-Quand à considérer cette arme pour ce qu'elle est, je vous le promet. Je n’ai jamais levé mes armes à la légère et je ne le ferais pas aujourd'hui. J’ai conscience du danger et de ma propre ignorance à son sujet, peut-être un peu plus aujourd’hui. Je ferais ce que je peux pour rester prudent.

Mais à nouveau, lui n’avait pas les moyens des académiciens. Dans un temps où des vies étaient mises en jeu, la prudence devenait une notion plus que relative…Quoi qu’il en soit, il n’argumenta pas plus, conscient que le dialogue avec la mage devait cesser ici pour cette fois, et la laissa simplement rentrer chez elle.