[HT d'Isten] Attise ma Flamme

Cinquième ennéade de Favrius,
An 20 du Cycle XI,
Puy d’Elda

Il avait trouvé le mot caché dans sa cellule. Un morceau de parchemin griffonné d’une calligraphie inconnue, étroitement roulé dans un cordon de cuir. Pas de signature, nulle autre information qu’un lieu de rendez-vous. Pyor’h sourit. Il serait peine perdue de retrouver celui qui s’était introduit ici pour y glisser le message ; un esclave, un prêtre, ceux qui servaient les voix de Tesso ne se laissaient jamais facilement démasquer. Aucun doute, néanmoins, sur l’identité de la commanditaire.

Quelques chaleureuses ablutions laissèrent sur sa peau un parfum de cendres. Il renoua son attribut de prêtrise sur son front et quitta le temple. Il se mêla à la foule qui peuplait les boyaux d’Elda et qui, pour une large part, convergeait vers l’Esplanade des Neufs avant de se disperser entre temples, académies et habitations. Pyor’h obliqua quand il fut face à la statue aux cheveux de flammes, lascive sur piédestal, de la Sulfureuse Isten. Les étoiles gravées autour de ses yeux soulignaient la voracité de ses orbites vides, ses lèvres murmurait une invitation à caresser ses hanches figées dans la pierre. S’arrachant à la contemplation du drapé qui dévoilait habilement la lézarde naissant à la chute des reins de l’idole, le prêtre se dirigea vers le Haut-Temple de la Corruptrice.

Les pieds déchaussés, il s’engagea sur les dalles polies. Un sourire sur les lèvres, il avança parmi les corps nu ou largement dénudés, exhibant masculinités et féminités sous des voiles diaphanes. Les prêtres évoluaient parmi les fervents, se joignant aux danses, soudant, le temps d’une étreinte, leurs lèvres sur celles des danseurs et caressant leur corps expectatifs. Puis ils poursuivaient leur valses, se dégageant d’un baiser pour enlacer un autre eldéen. Parangons de beauté, les bénis d’Isten évoluaient gracilement, accompagnaient les prières et excitaient, tels des soufflets de forge, les Flammes qui se présentaient à eux.

L’un d’eux s’approcha du prêtre de Meingal, défit sa ceinture, l’embrassa et s’en fut.

Pyor’h poursuivit sa route, sans s’impliquer plus dans les rites orgiaques qui emplissaient le temple de gémissements dédiés à la Belle Dame. Devant l’immense idole de basalte qui dominait le lieu de culte, il s’agenouilla et laissa une prêtresse faire tomber sa robe et faire couler sur son derme le liquide lactescent des libations ishtéennes. Les yeux fermés, il se laissa emporter par les litanies et chanta sa louange à la déesse.

Une main se posa sur son épaule et courut le long de son torse. Elle détailla les fines cicatrices convergeant vers la marque de son appartenance au sang. Elle effleura ses pectoraux dessinés puis s’arracha à la caresse en glissant sur son cou. Le bras de la drow resta tendu en arrière alors qu’elle s’en allait par derrière la statue d’Isten ; une invitation univoque à la suivre. Le prêtre de Meingal se releva et sourit de nouveau en contemplant le balancement harmonieux des lombes de celle qui l’avait fait venir ici.

Ykr'euol le guida jusqu’à une alcôve à la touffeur chaleureuse se nichant au cœur du Haut-Temple. Elle le repoussa sur un fauteuil et s’approcha pour l’embrasser. Ses lèvres exigeaient, imploraient, requéraient en arrachant aux siennes quelques gémissement de douleur suave. Elle rompit le baiser et se laissa admirer. Le Grand-Prêtre caressa son corps en quête de perles de désir à effacer. Sa peau, à chacune de leurs rencontres, n’était jamais la même. Les versets et les symboles qu’elle y peignait avec une habileté admirable évoluaient selon les besoins et les identités qu’elle se donnait. Aussi, les références à la Corruptrice veinant ses bras et sa poitrine ne l’étonnèrent pas plus que le soleil qu’elle y avait frappé le mois précédent.

Sa bouche sonda le cou de l’adepte de Tesso, qui dessinait férocement des sillons dans son dos et sur ses pectoraux. Leurs corps s’animèrent, se rapprochèrent. Au plus près qu’il était possible d’être d’elle, Pyor’h respirait les délicieux effluves de leur effort. Il la saisit à la gorge et elle sourit en réplique, répliquant de fermeté dans son étreinte ; il exigeait d’elle une soumission qu’elle lui refusait pour mener comme elle l’entendait leurs ébats. Quand ils se séparèrent, essoufflés, elle lui sourit, déposa un ultime baiser et s’apprêta à partir sans avoir échangé un mot, mais il la retint.

« – Quhiran Lessryn m’envoie à Sol’dorn. »

Une semi-vérité, comme beaucoup de celles qu’ils s’échangeaient au nom de leurs clergés. Elle ne tarderait pas à apprendre tout ce qu’il y avait à savoir sur sa mission, mais faire perdurer le jeu auquel ils s’adonnaient depuis leur rencontre l’amusait, lui aussi.

« – Usstan zhaun, chath d'ussta xukuth. »
Je sais, Flamme de mon cœur.

Elle sourit à nouveau et disparût derrière une colonne de basalte.