Le futur des brigands tient à la puissance de la Foi

2ème jour de la 6ème ennéade du mois de Favriüs, premier mois de l’Automne de l’an XXI

Catarina di Alcacio était heureuse que le mariage fût terminé. Bien que la noblesse continuait toujours d'accaparer l'attention des serviteurs débordés, et qu'elle fût constamment sollicitée elle-même pour des mondanités interminables, la jeune fille sentait lentement la pression retomber. Quelques seigneurs et dames étaient ainsi déjà repartis - comme le seigneur de Chiard, Gaël de Laval, qui lui avait fait grande impression, et qu'elle aurait revoir dans le secret de son cœur, mais dont l'épouse exemplaire détruisait d'emblée tout espoir de future romance - et elle sentait qu'elle avait grand-besoin de prier et de se recueillir, pour soulager son Souffle.
Elle avait également appris que le seigneur de Laval s'était trouvé accompagné du Hérault d'Othar, le fameux Michail, qu'elle aurait bien incapable d'oublier après leur voyage qui les avait ramené d'Ydril, jusqu'à Soltariel-la-Ville.

Par ailleurs, la décision concernant les deux brigands lui revenait ; et si elle n'avait pas encore statué sur leur sort, il faudrait s'en acquitter rapidement. Et bien que l'héritière ducale avait déjà consulté sa future belle-mère sur le sujet, il lui semblait important, avant toute chose, d'en recueillir l'avis éclairé.

Ce fut ainsi que le matin-même, la jeune fille envoya sa très chère dame de compagnie, Ginevra, au temple afin d'établir une entrevue quelques heures plus tard ; et que, plus tard, en début d'après-midi, après un déjeuner léger, elle se trouvait devant l'imposant édifice, en compagnie de sa suite de dames d'honneur et de gardes veillant à sa sécurité en ville.
Mais ce fut seule, pour une fois, que Dame Catarina en traversa les portes. Vêtue pour l'occasion d'une robe très simple, faite de coton rose sous une cape de velours, elle s'avança à petits pas dans l'édifice, où elle salua un prêtre d'Othar qui la conduisit dans une pièce assez petite reconvertie en salon pour l'occasion.

Elle était seule pour l'instant ; et, les mains pudiquement posés sur ses genoux, elle fixa sans s'impatienter le tableau racontant l'histoire d'une bataille contre des Drows.

Bientôt consacrerait-on des œuvres de prêtres se battant contre l'Afflux, pensa t-elle, et, en respirant paisiblement, elle ferma les yeux avec ferveur, avant de commencer à prier. Ils n'étaient rien face aux Dieux, mais devaient cependant protéger leur monde - et elle avait le sentiment que ce serait la Foi qui les sauveraient de ces catastrophes.

Le léger bruit de la porte qui s'ouvrait interrompit cependant ses litanies, et la princesse héritière ducale se redressa avec respect, offrant un sourire avenant au religieux.

- "Hérault Michail... Je vous remercie de me consacrer de votre temps. Je sais que vous devez être très pris."

Tu lèves le menton, évitant de justesse un vicieux crochet du droit de ton partenaire d’entraînement, puis tu te baisses. Profitant de l’ouverture, tu te saisis de lui à la taille, et l’emportes au sol. Tu te saisis d’un bras, tu te saisis d’une jambe, et tu laisses ton poids faire le reste. Rapidement ton adversaire se trouve immobilisé, et te prie, de timides coups de son poing contre le sol, de libérer ton étau. Vous échangez un sourire, une poignée de main, et une étreinte amicale, puis de concert vous laissez échapper un soupir.

- Ciro ! un vieil homme approche et t’interpelle L’héritière de Soltariel devrait bientôt arriver.

- Soit. tu déclares la fin de l’entraînement d’un hochement de tête en direction de ton collègue Si elle arrive avant que j’aie fini ma toilette, dites-lui de m’attendre.

- Parce que tu te fais beau pour les noblionnes maintenant ?

- À quoi bon tendre le bâton pour se faire battre. tu lèves un sourcil Ces gens-là accordent de l’importance aux apparences, alors autant faire en sorte d’être pris au sérieux. un grognement t’échappe du nez Bref, j’y vais, qu’on n’aille pas m’accuser de ternir l’image du temple.

Dès l’instant où tu t’étais retrouvé seul au bain jusqu’au moment de passer l’habit sacerdotal, tu t’étais posé la même question : pourquoi ? Peut-être était-il un peu tard pour y réfléchir. Voilà des heures déjà que tu savais cet instant devoir venir, mais jusqu’au dernier moment, tu espérais qu’il ne s’agisse là que d’une erreur. Pourquoi la fille du Duc voulait-elle te voir ? Après ce qui s’était passé, là-bas, sur la route d’Ydril ?

Pourquoi… tu as bien ta petite idée, en réalité, mais il faut bien l’avouer, tu étais persuadé qu’une fois ayant retrouvé le confort de son chez elle, elle ait tout oublié. Les nobles sont ainsi. Ils aiment les discours, les plans et les belles promesses ; mais chaque fois qu’ils retrouvent le confort de leurs palais et l’opulence que leur offre leur fortune, elles sont vite oubliées. Ou du moins elles le sont, tant qu’elles ne leur permettent pas de s’assurer d’ajouter encore un peu d’or aux coffres finançant leur faste.
Adriano se mariait, en plus. Là-bas au palais, et dans presque toute la ville, des sommes colossales étaient jetées par la fenêtre dans l’espoir d’impressionner la cohorte de puissants venus se pavaner devant leurs congénères plus qu’ils n’étaient venus célébrer le futur d’un jeune couple. Et quel jeune couple… Adriano et Adélina… si tu étais un peu plus inconscient, plutôt que de laisser le Duc tranquille, tu serais allé souhaiter bonne chance à leur petite famille. La DameDieu sait qu’ils en auront besoin.

- Demoiselle di Alcacio. tu offres une courte révérence à la jeune femme Ne vous inquiétez pas, il n’est aucune urgence qui requière actuellement mon attention. Je suis tout à vous.

Tu l’invites à prendre place dans l’un des fauteuils du salon et lui retire sa cape avant d’à ton tour enlever la tienne et de prendre place, avec un léger inconfort, dans le siège lui faisant face.

- De quoi vouliez-vous me parler ?

Le style de la tenue de Michail (mais sans la couronne bizarre):

Il était étrange qu'on l'appelle demoiselle, en omettant ses titres habituels. Mais loin de l'offusquer, il lui sembla naturel qu'une rencontre avec un prêtre - ou de ce qui s'en approchait, car il était parangon d'Othar - se passe sous l'égide de la simplicité. Elle avait totalement confiance en lui ; mais il était bon de dissiper les malentendus et de rétablir des relations qui n'auraient pas dû se dégrader.

Le tout, bien sûr, était de réussir à l'exprimer dans des termes adéquats, et elle se rassit lentement, le visage songeur, où planait l'ombre de son inquiétude dans ses yeux clairs, aux reflets d'orage.

L'homme était bienveillant, mais surtout intelligent ; lors, elle ne pouvait pas s'encombrer de circonvolutions inutiles. Il fallait aller droit au but.

- "Messire Hérault, je voulais d'abord vous remercier d'avoir non seulement protégé mon père, son Altesse le Duc et sa future épouse, lors de ce fameux convoi où nous rentrions d'Ydril, mais également d'avoir accompli ce Haut-Fait, cette mission importante que vous accompli en présence du seigneur Gaël de Laval. Je ne sais pas d'où vient l'Afflux, en vérité, et j'ai conscience de mon inexpérience et de mon ignorance, mais je tenais à vous communiquer personnellement ma gratitude d'avoir trouvé le courage de combattre ces monstres, ce.. Brouillard qui ronge nos côtes. Vous êtes véritablement digne de votre titre, et je me sens un peu embarrassée de n'avoir pas trouvé le temps de vous transmettre l'expression de mon admiration avant aujourd'hui, que je vous communique au nom du Duc de Soltariel. Vous nous avez donné l'exemple du chemin à suivre, tout comme le long de cette fameuse route, qui nous menât d'Ydril à Soltariel-la-Ville. Je ne peux vous cacher que c'est la raison principale qui m'amène jusqu'ici, bien que je préfèrerais vous parler, tout d'abord, du résultat de la réflexion de votre conduite sur une entreprise que... le duché aimerait mener, et qui vous concernerait. De fait, j'aimerai quérir votre aide, afin de participer à l'élaboration d'un Grand Œuvre, à l'image de nos artisans qui poursuivent l'objectif de créer ce qui les définira véritablement."

La noble soltarii rougit légèrement. Elle avait conscience que son projet était d'une grande vanité, et qu'il serait extrêmement difficile de le mettre sur pied ; mais si elle n'essayait pas, si elle ne tentait rien pour venir en aide aux populations, en quoi son titre avait-il de la valeur ?

- "Voyez-vous, je... Enfin, son Altesse sait bien que l'Afflux n'a ni frontière, ni pitié, et que ce sont les plus pauvres et les plus vulnérables qui pâtissent le plus de la situation, peu importe qu'ils soient de Soltariel, des Terres Royales, ou même d'une autre race. De fait, mon père pensait créer une organisation qui pourrait mieux organiser les efforts de chacun pour contrer les menaces que nous rencontreront. Elle serait chargée de collecter des dons, de chercher des volontaires, mais aussi d'acheminer des marchandises pour nourrir les troupes. Je le vois comme une grande aide à la logistique, que nous pourrions présenter à son Altesse Royale, et dans tous les duchés, afin qu'il soit vecteur d'unité devant l'adversité. ...Que penseriez-vous de tout ceci, Hérault Michail ? J'ai conscience que tout ceci est bien soudain, et qu'il vous faudra évidemment, le temps de la réflexion, mais je pense que vous seriez digne d'en prendre la tête."

La jeune héritière n'était pas sûre d'elle. En réalité, elle ne se sentait guère le droit de mettre sur pied une organisation militaire tentaculaire, elle qui n'était, justement, pas une combattante ; mais peut-être qu'en la déposant aux pieds du Roy, elle lui permettrait d'asseoir son pouvoir en aidant à l'unification du Royaume.

- "Bien sûr, si vous acceptez, ou si vous donnez un nom que vous jugerez acceptable, je porterai tout ceci à sa Très Sainte Majesté, afin qu'il en ait et garde la pleine maitrise. Je ne crois pas que cela doit appartenir à un Duché... c'est tout le contraire de mon idée."

L’expression de l’admiration qu’elle te transmet « au nom du Duc de Soltariel ». Une bonne blague. Mais qui ne te fait pas rire le moins du monde. Tu doutes profondément que le Duc de Soltariel ne voue une quelconque admiration à qui que ce soit d’autre que lui-même, et s’il devait n’y avoir qu’un heureux élu, alors ce ne serait certainement pas toi. Seulement, tu l’imagines, ce jeu de flatteries et de démonstrations de sympathie devait certainement avoir un but. Tu accepterais donc tous ces faux-semblants, par simple envie d’en savoir le pourquoi.

La curiosité est un vilain défaut. Tu aurais dû t’en rappeler avant de la laisser continuer sa diatribe. Te serais-tu toi-même improprement caractérisé face à la famille ducale ? Ou alors est-ce au contraire leur regard qui est couvert d’un étrange voile ? Tu ne saurais le dire. N’en reste pas moins que tu trouves bien étrange que d’entre tous c’est toi que la jeune Catarina imagine le plus à même de mener le projet qu’elle te décrit.

- Ne serait-il pas plus judicieux de confier ce genre d’entreprise aux hommes de la DameDieu ? tu lèves un sourcil Je veux bien entendre qu’un tel projet risque de demander à ce qu’on prenne les armes, et que ce n’est pas là le fort du clergé de Néera, mais la logistique et l’humanitarisme ne sont pas non plus les miens. tu fronces les sourcils et regardes le creux de ta main, comme si ta lance y était posée Mon rôle est de me battre pour inspirer ceux qui me suivent, pas de les diriger. tu soupires, et souris à la jeune fille L’intérêt que vous me portez est flatteur, Demoiselle Di Alcacio, ton visage s’assombrit cependant mais parmi les instruments offerts aux dieux je ne suis pas la balance. Je suis la hache.

Celle dont ils se saisissent pour devenir bourreaux.

Catarina ne se démonta pas.

Elle n'était pas habituée à l'échec, et, au lieu de s'évanouir, son sourire paisible et doux se renforça.
Ses yeux brillaient à la lumière des chandelles, et, d'un geste distrait et machinal, elle se mit à lisser le tissu de sa robe toute simple du plat de sa main.

Elle n'était pas déçue de la réponse de son interlocuteur : à dire vrai, il aurait même été surprenant qu'il se hâte d'accepter. Après tout, rien n'était encore fait et rien n'était acté. Ce n'était guère que du vent - bien qu'elle désirait ardemment que sa vision se concrétise.

Et elle savait quel homme il lui fallait.
Pour une fois dans sa jeune existence, la jeune fille était persuadée de faire ce qu'il fallait. C'était un homme de valeur ; et plus encore, un homme qui partageait ses valeurs. La noble soltarii se sentait étrangement bien en sa compagnie - même s'il avait déplu de la plus belle des manières à son père adoré.

Ce qui était peut-être, inexplicablement, la principale raison pour lequel elle avait gardé un souvenir impérissable du fameux Hérault.

- "Messire Hérault, je sais que ma demande vous semble pour le moins surprenante. Mais... si j'ai songé à vous, c'est parce que vous avez toutes les qualités que je recherche pour cette institution. Voyez-vous, je ne suis pas grand-chose en ce monde. Je n'ai aucune expérience en ce qui concerne le métier des armes, bien que le reste ne soit pas fameux non plus."

Elle eut une moue un peu désolée. Quelle piètre princesse ducale elle était, comparée à la très intelligente et expérimentée future duchesse que son père allait épouser !

- "Mais c'est pourquoi je vous choisis aujourd'hui. Vous êtes une hache, mais une hache respectée de tous. Vous savez faire preuve d'indulgence lorsque cela se trouve nécessaire, et vous avez assez de bon sens pour que votre impertinence soit oubliée. Je dis "impertinence" car il faut de la fougue pour s'opposer à mon père, mais cela démontre vos idéaux et votre Foi, et vous êtes prêt à les défendre avec virulence, ce qui est une qualité à mes yeux. Comme je vous l'ai dit, je désire remettre l'institution que je vais créer dans les mains du Roy, car c'est lui qui doit la diriger. Mais je sais que vous serez là pour inspirer des vocations, que vous serez pour insuffler le courage de se battre contre l'Afflux. Vous avez l'expérience, le mérite, le courage, et je ne vois personne de mieux placé que vous pour savoir ce dont les soldats auront besoin."

Catarina baissa doucement les yeux, avant de les redresser, visiblement emplie de détermination.

- "Vous ne cherchez pas à vous mettre en avant, et moi non plus. Mais j'aimerai pouvoir agir, et créer quelque chose de constructif pour aider nos soldats, pour protéger nos populations. Plus que tout autre, vous n'êtes pas lié à une terre. Vous êtes libre d'aller et venir à votre guise, ce qui vous rend un candidat d'autant plus précieux que l'Afflux se moque bien des limites territoriales. Qui sait, si cela fonctionne, cela pourrait également devenir un trait d'union entre des populations humaines et non-humaines, et devenir l'instrument d'entente que prône sa Majesté."

Oui, évidemment, elle se permettait de rêver ; et son coeur naïf battait plus fort à l'idée d'épauler son Roy par un acte apprécié.

- "Je sais bien que je vois trop loin pour l'instant, Messire Hérault, et que vous ne pourrez pas me donner de réponse pour l'instant. Mais promettez-moi d'y réfléchir sérieusement néanmoins."

Il lui fallait désormais aborder un autre sujet, et certainement le plus important, le plus matérialisable. Dans un sens, elle se demanda si elle ne se ridiculisait pas ; mais le pouvoir n'était-il pas fait pour être utilisé pour aider le peuple ?

- "Je dois également vous faire part d'un autre sujet... Cette fois-ci, vous le connaissez déjà. Il s'agit du sort de ces deux prisonniers, que mon père m'a confié. Et j'ai besoin de votre conseil, Messire Hérault."

Tu connais les arts de la guerre. Tu sais orchestrer, en réalité. Mais tu ne le veux pas. Tu te méfies beaucoup trop de l’égo démesuré des seigneurs de ce Royaume pour prendre en toute âme et conscience la décision de te laisser affubler d’une autorité qui ne te soit pas offerte par les Cinq eux-mêmes. Seulement il fallait bien l’avouer, que l’héritière ducale te fasse miroiter toute les ressources nécessaires pour partir à l’assaut de tous les étranges phénomènes touchant en ce moment la Péninsule rendait l’aventure extrêmement tentante. Mais après ce dernier accrochage avec le Di Alcacio…

Le respect qu’ont les Nobles pour les dieux n’est jamais qu’aussi solide que la légitimité qu’il leur assure face à leurs trônes. Tu connais les arts de la guerre, tu sais diriger, mais même le plus grands des Chefs de guerre ne pourrait mener à la victoire des troupes se complaisant dans l’insubordination. L’idée de la jeune Dame serait bien belle, si l’on pouvait s’assurer que chacun fasse sa part. Mais qu’un nobliaux trop curieux, trop pingre ou trop vaniteux s’oppose au déplacement du moindre convoi. Face à un adversaire moitié aussi féroce que les Enfants de Tyra, cela mènerait vite à un nombre incalculable de morts inutiles.

- J’y penserai. tu lèves légèrement le menton De votre côté, parlez-en au Roy, et essayez de chercher qui parmi vos hommes serait prêt à se lancer dans une pareille entreprise. Peut-être que la vue de quelques soldats dignes de ce nom m’aidera à prendre une décision.

Le semblant d’un sourire se dessine au coin de tes lèvres, et puis la jeune femme t’emmena vers un autre sujet : les bandits fait prisonniers lors de l’attaque du convoi. Et si elle dit vouloir tes conseils, tu penses déjà avoir une idée de ce que tu vas lui répondre. De mémoire, il te semble l’avoir entendu le jour-même présenter l’ersatz d’un plan. Si elle y avait un peu plus réfléchi, il était de grandes chances qu’elle tienne là une excellente idée.

- Dites-moi tout.