Aux nouvelles [Esperanz]

9ième énnéade 21:XI
Thaar - La Zéphirante

La Zéphirante Noire n’avait pas changé depuis son dernier passage il y avait environs un mois. En tout cas de l’extérieur. Viliam ne s’en approchait pas souvent. Sa qualité de chef de l’Aile Blanche faisait qu’il était toléré, mais il tenait à respecter la volonté de la gérante de l’endroit : l’endroit n’accueillait pas les hommes. Alors a moins d'en avoir une bonne raison, il ne venait pas.

Pourtant, ce jour là, Viliam se tenait malgré tout sur le petit porche.
Égal à lui-même, il était vêtu du même genre de tenue qu’il portait toujours, simple mais propre, agrémenté d’une cape et d’un capuchon qu’il avait rabattu pour se présenter lorsqu'il était arrivé dans l'impasse étroite. A sa poitrine, dissimulée entre quelques plis de ses vêtements brillait timidement l’éclat de la boucle à l’effigie d’un oiseau s’envolant, et à son cou était toujours noué son foulard blanc.

Il se tenait les bras croisés et conversait tranquillement avec l’une des deux femmes qui gardait l’entrée de l’établissement. Répondant poliment, celle-ci devait avoir l'habitude, même si ce manège n'était pas fréquent.
La seconde des deux gardes qui s'était montrée moins à l'aise s’en était allée chercher sa patronne à la demande de l’étranger aux lieux. Il amenait, selon ses dires, quelques nouvelles dont la jeune femme aux commandes de l’établissement voudrait certainement entendre parler.

Les bains de la Zéphirante étaient prospèrent en cette période, malgré les quelques changements et agitations que la ville connaissait au quotidien. Esperanz était dans son bureau, en train de faire la comptabilité de l'établissement, tout en vérifiant les nouvelles arrivées. Il n'était pas rare que dans un mois, il y ait plusieurs nouvelles filles qui venaient renforcer les troupes de l'ancienne prostituée, même si la plupart étaient de passage un temps et, une fois remise sur pied, partait vivre leur vie de femme libre ailleurs.

L'une de ces nouvelles arrivées entra dans son bureau, la mine renfrognée, prévenant qu'un homme demandait à la voir. Esperanz haussa un sourcil. Le seul homme qui pouvait la demander personnellement était Viliam, il était toujours respectueux de ses limites et n'entrait jamais de lui-même. Il se contentait souvent de l'attendre dehors et envoyait une des filles de l'extérieur la quérir. Cependant, le jour où elle était censé le payer n'était pas encore arrivé, elle posa sa plume, croisa ses mains et attendit une explication de la garde.

Quelques minutes plus tard, elle ressortit avec elle pour la ramener à son poste et elle salua Viliam d'un signe de tête et d'un sourire.

- "Nous devrions aller à l'endroit habituel si tu veux discuter."

Un endroit calme, où Viliam et elle se retrouvait quand ils avaient besoin de discuter plus amplement que simplement faire l'échange de main pour une bourse. Elle entraîna Viliam, faisant un signe de main à la nouvelle garde qui était déjà en train de la suivre.

- "Tout va bien, c'est un ami de confiance."

Après tout, Viliam lui avait rendu sa liberté, l'avait soutenue pour les bains et n'avait jamais envoyé un homme, ni transgressé lui-même l'interdiction de faire entrer un homme dans son commerce. Une fois installé, Esperanz le détailla un instant. Il avait l'air fatigué, mais pas plus que d'ordinaire.

- "Alors, quelles sont les nouvelles ? As-tu besoin de notre aide pour quelque chose  ?"

-J’ai bien cru que cette pauvre fille allait soit s’évanouir, soit refuser d’aller te chercher. Lança-t-il sur le ton de la conversation. Je sais bien que je peux être intimidant mais quand même. Plaisanta-t-il.

C’est vrai que là comme ça, ils formaient un duo improbable. Elle était petite et frêle et d’autant plus à ses côtés alors qu’il faisait bien une tête de plus et était bien plus large d’épaule. Pourtant, derrière la légère fatigue qui étirait un peu les traits de son visage, il y avait toujours un sourire avenant. Personne n'avait quoi que ce soit à craindre de lui ici.

-Enfin bref, oui j’ai besoin de tes services Esperanz. 

La jeune femme les mena jusqu’à un petit jardin, au milieu de l’établissement que le bandit savait être une réserve de simples habilement entretenue. Ce n’était pas un lieu particulièrement discret, bien que les filles avaient eu la politesse de s’éloigner, mais ce qu’il avait à confier ne requérait pas particulièrement le secret d’un bureau fermé. L’endroit était calme cependant, et une légère brise agréable venait alléger la lourde atmosphère du début d’après midi vaani.

-Les choses vont plutôt bien pour nous en ce moment. Fit-il. Et dans un même temps, il se permit de sortir un fin rouleau de feuilles séchée d’une de ses poches, et l’enflamma tout en parlant. Les rumeurs sont en train de courir et je crois que ça finit par toucher les bonnes personnes. Certains quartiers nous font suffisamment confiance pour ne pas avertir le guet de notre présence quand on nous remarque. Parfois on se fait aider et je dois dire que ça change un peu…On a trouvé une maison près des portes de la ville. Une ruine qui tient à peine debout à vrai dire, mais le quartier n’attire pas l’attention au moins. Il se mit à fumer entre deux phrases. Et depuis quelques ennéades le mot se passe. De plus en plus d’esclaves arrivent à la trouver et à fuir avec notre aide. Ensuite, tu connais la procédure, on les fait sortir de la ville et on les garde dans La Plaine jusqu’à ce qu’ils puissent décider de leur sort. L’autre jour nous avons récupéré deux femmes, là bas, dans un état lamentable. L’une d’elle ne parle pas, je ne sais pas si c’est la peur ou si elle est comme ça de nature. L’autre dit être enceinte. Elle a pas voulu nous en dire plus. Juste qu’elle voulait garder l’enfant. Autant on pourrait les cacher comme les autres, mais je t’avoue que ça ne fait pas partie de nos compétences ce genre de truc.

Même Aubin, autrefois prêtre et sachant faire office de plutôt bon guérisseur, avait avoué être bien plus à l’aise pour recoudre des plaies et ressouder des os, qu’aider une femme à porter la vie durant trois long mois.

-Je pense qu’elles seraient mieux dans un environnement comme le tient. Physiquement, mais mentalement aussi. Alors je voulais te demander si tu accepterais d’accueillir ces deux-là. Je ne leur ai encore rien promis, naturellement. Le choix te revient.

Installés dans le jardin, Esperanz se permit de souffler un peu et ferma les yeux un instant pour profiter du temps qui était encore doux. Les simples emplissaient l'air ambiant d'un doux parfum et Esperanz reporta rapidement son attention sur Viliam avant de se laisser embarquer dans une petite rêverie. Elle écouta avec une attention toute particulière, contente de voir que l'organisation se porte bien et que les gens du peuple commence à comprendre la bienfondé de la missions de ses membres.

Quand Viliam lui parla des deux filles récupérées, elle se pencha en avant pour essayer de récupérer un maximum d'informations, mais le tout était bien maigre. Une muette et une fille qui disait donc être enceinte, mais de toute évidence, si Viliam le présentait ainsi, c'est que cela ne devait pas encore se voir. Et si elle souhaitait le garder, ça pourrait vite poser problème puisqu'elle serait vulnérable.

- "Je pense qu'il vaut mieux qu'elles viennent vivre ici oui. Nous trouverons bien comment les réinsérer ou comment les occuper si elles veulent rester, ce n'est pas le travail qui manque ici de toute façon. "

S'il fallait avouer une chose, c'était que les femmes bien nées et bien lotties de la ville aimait particulièrement les bains de la Zéphirante, principalement parce que c'était un endroit où on prenait soin d'elles et le fait que leurs maris ne puissent pas venir les y enquiquiner en faisait un lieu très prisé. Aussi, avoir du personnel supplémentaires, même si ce n'était que pour la préparation d'onguents ou autre, ce serait un plus pour la gérante.

- "Quand penses-tu qu'elles puissent arriver ? Que je puisse préparer leur accueil. "

-Dans deux jours. Il avait répondu après un long silence pensif. Il souffla un peu de fumée. Si ça te convient. Elles se reposent encore, la course a été mouvementé semble-t-il. Mais d’ici là, je pourrais m’assurer qu’elles sont capables de revoyager jusqu’ici et j’aurais le temps d’être certain que notre chemin sera libre. Qu'on se fasse rattraper sur la route c'est la dernière chose qu'on souhaite. Je ne m'inquiète pas trop malgré tout. Au delà de la peur, elles semblaient vraiment prête à s'en sortir. Elles aiderons volontiers ici.

Et puis il avait confiance en la jeune femme pour les guider. Ici, une fois entre les murs de l’établissement, ses réfugiées seraient en sécurité et auraient toutes les chances de guérir leurs blessures, tourner des pages douloureuses de leur histoire et aller de l'avant. Le bandit avait l'air soulagé de la réaction de sa camarade.

-Je te remercie Esperanz. Viliam lui offrit un sourire sincère. J’ose espérer que si tu acceptes de si bon cœur, c’est que ton établissement se porte bien ? Il fit un geste vers le couloir d’où il venait. J’ai aperçu de nouvelles têtes en passant.

Deux jours, c'était amplement suffisant pour que les filles puissent préparer des lits et éventuellement leur trouver des occupations en fonctions des manques. Esperanz fit mentalement une rapide liste de ce dont elle aurait besoin pour accueillir correctement les deux nouvelles protégées.

- "Tu penses bien. Ces bains n'ont sans doute jamais aussi bien marché. On a une clientèle solide et plusieurs de nos filles sont parties vivre leurs vies libres."

S'il y avait une chose que Viliam et elle avait en commun, c'était probablement leur amour de la liberté et, bien que leurs méthodes ne soient pas toujours raccord, ils avaient fini par trouver un terrain d'entente au fil du temps.

- "Bon, je ne sais pas si tu veux la rente un peu plus tôt comme tu es là ? Ou si tu la prends dans 2 jours ? Je n'avais pas prévu ça aujourd'hui, mais je dois pouvoir me débrouiller pour te la donner. Tu as besoin d'autre chose d'ailleurs ? "

Grâce aux bains et aux dames qui venaient papoter et échanger, Esperanz avait parfois accès à des informations qui pouvaient servir à Viliam et son organisation. L'ancienne prostituée n'avait plus de maître, mais une certaine loyauté envers leur idéal la poussait à partager ce qui était utile. Le reste par contre, elle se le gardait bien et s'en servait autrement. Il lui arrivait parfois d'aider une dame à se débarrasser d'un bébé non désiré grâce à ses connaissances en plantes et ce genre de service était loin d'être donné. Mais elle évitait d'en parler pour ne pas s'attirer plus de foudres que nécessaires.

L'estomac d'Esperanz émit un léger gargouillis et elle soupira :

- "C'est bientôt l'heure du repas. Tu veux quelque chose ? "

-A vrai dire, oui j’ai un autre service à te demander. Pour la rente garde là. Il fit un geste de la main, comme balayant le sujet d'un revers. On verra ça plus tard. Je suis content de savoir que ça se passe bien ici en tout cas.

Il n'était pas venu pour cela, et si cette rente comptait parce qu'ils l'employaient à bien des tâches, Viliam était conscient que pour ces bains aussi, une telle somme avait son importance. Il ne tenait donc pas à mettre un couteau sous la gorge de son amie... Qui plus est en lui promettant de lui amener deux bouches de plus à nourrir.

Il semblait un peu plus hésitant concernant le service dont il avait parlé. Il avait l’air de peser le pour et le contre de ses paroles. Esperanz interrompit le cours de ses pensées et il osa un nouveau sourire.

-Je ne voudrais pas abuser de ton hospitalité Esperanz, ni importuner trop longtemps tes filles. Il avisa un couloir non loin d’où il vit une mine s’éclipser aussitôt, plus ou moins discrètement. Cependant, cet autre…service que j’ai à te demander j’aimerais éviter trop d’oreilles indiscrètes. Et...Son sourire refléta une mine un peu contrite. Eh bien… Pour tout t’avouer je meurs de faim et la journée est encore longue…

Esperanz le vit hésiter et quand il mentionna les oreilles indiscrètes, elle aurait aimé se vexer, mais elle devait bien avouer que ses filles avaient pour particularités d'écouter toute information passant à proximité pour déterminer, plus tard, si cette information pouvait avoir ou non une utilité. Elle plissa les yeux un quart de seconde et hocha la tête avec un grand sourire. Elle se leva, tapant sur ses genoux avec enthousiasme :

- "Et bien allons manger ! Que dirais tu d'aller au vieux coucou ! C'est une super taverne et on y mange bien !"

Elle attendit que Viliam la suive et une fois à l'extérieur, se dirigea vers une autre rue. Viliam la connaissait suffisamment pour savoir que, si elle avait parlé assez fort, c'est qu'elle l'emmenait ailleurs que l'endroit annoncé pour que de potentielles oreilles indiscrètes ne se décident pas à les suivre. Esperanz avait confiance en ses filles, mais parfois, une parole malencontreuse pouvait détruire une vie, elle le savait pour l'avoir vécu dans son ancienne vie. Dès qu'ils se furent suffisamment éloigné des bains, elle l'entraîna dans une ruelle :

- "Bon, on va aller ailleurs tu t'en doutes. La place des lanternes ne s'éveille qu'à la nuit tombée, on pourrait être tranquille là-bas, à moins que tu aies une autre idée, je te suis et on parle de ce fameux service. "

Elle ponctua sa phrase d'un clin d'oeil malicieux, ayant retrouvé une certaine légèreté d'esprit depuis sa liberté retrouvée qu'elle n'en avait connu pendant toute sa vie.

-Tant qu’on évite les quartiers malsains.

Il lui rendit son air joueur avant de rabattre son capuchon, histoire qu’on ne le reconnaisse pas trop. Il n’était pas très à l’aise aux environs de ces quartiers où les débauches de toutes sortes.

-Je connais un bon endroit. Pas très loin. Lança-t-il en lui faisant un geste.

Alors il se lancèrent à travers les ruelles, oscillants entre les quartiers encore calmes au vue de l’heure.

**

-Bon alors, ce service.

Ils avaient fini par entrer dans un tout petit bâtiment, presque invisible face aux autres échoppes dont tout était fait pour attirer le chaland. Il n’y avait effectivement pas grand monde dans l’endroit, mais comme l’avait souligné Esperanz, au moins y seraient-ils tranquille. Et le patron était – à défaut d’un ami, une connaissance suffisante pour que le bandit se permette sa présence sans trop de craintes.

Il joua machinalement avec son verre, alors qu’on venait de leur apporter un alcool qu’il ne connaissait pas, au goût particulièrement épicé et à chacun du lard fumant.

-tu n’es pas sans savoir que nous manquons de pied à terre, depuis le dernier incendie. Fit-il en jouant légèrement sur ses mots.

L’« incendie » dont il parlait, Esperanz le comprendrait, n’était autre que l’attaque brutale de leur taverne, ancien quartier général de l’Aile Blanche. Certains bandits étaient morts, d’autres avaient étés capturés. Malgré leur revanche plus tard, le lieu avait définitivement sombré dans les flammes et n’était encore aujourd’hui qu’un tas de ruine que les bandits se gardaient d’approcher.

-Avoir un point de chute à Thaar nous était trop utile. J’ai besoin de retrouver un bâtiment de cette envergure. Il pencha la tête. En évitant de reproduire mes erreurs, et en m’assurant de deux trois sécurités cette fois. Donc le genre de maison où on pourrait facilement dissimuler nos affaires et se tirer en cas de problème. Lorsqu'on savait où chercher, il n'était pas si rare, dans un monde aussi corrompu et vicieux, ce genre d'établissement munit de cache, ou même de sous terrain dans lequel se glisser au moindre danger. Le bandit parlait à voix suffisamment basse, histoire de maitriser qui entendait ses plans. Mais pour ça, tu es la meilleure pour ce qui est de connaitre la ville et les trucs qui s’y passent. J’aimerais que tu laisses trainer tes oreilles et que tu m’informe, si tu arrives à trouver quelqu’un d’assez peu scrupuleux pour ce genre de vente, sans que la garde ne soit au courant. Il laissa passer un silence, et osa un sourire. Je t’en devrais certainement une belle si tu m’aidais, ça va de soi.

Installé à une petite table, Esperanz eut l'eau à la bouche en sentant le lard fumé qu'on posait sous son nez. Elle laissa Viliam jouer avec son verre et s'attaqua au lard en écoutant ce fameux service qu'il voulait lui demander.

Ce qui était bien avec Viliam, c'était qu'il ne demandait jamais rien qui soit en totale contradiction avec les plans d'Esperanz. Dans ce cas précis, laisser traîner ses oreilles n'était pas plus difficile que ce qu'elle faisait habituellement et ses filles étaient particulièrement douées pour faire parler les femmes qui venaient aux bains, la récolte d'information n'était jamais difficile, bien qu'elle soit parfois longue.

Avant de parler, une femme devait se sentir en confiance, mais le côté pratique, c'était que les grandes dames ne voyait souvent pas passer les femmes qui travaillaient et discutait à voix basses avec leurs bonnes amies, sans se rendre compte que trois ou quatre paires d'oreilles étaient à proximité en permanence.

- "Pas de soucis, je peux bien laisser traîner mes oreilles pour toi. Là comme ça, rien ne me vient, mais ce genre de chose prend parfois du temps. Après... Avoir un quartier c'est bien, mais tu ne penses pas que te cacher derrière un commerce "tout propre" pourrait être plus facile ?"

Après tout, si la surface était reluisante, peu de gens songerait à aller voir dessous. C'était souvent comme ça chez les nobles et chez la garde. C'était pour ça qu'on arrêtait rarement les gens bien habillés et propre à l'air louche pour se concentrer sur les pauvres crasseux qui faisaient la manche.

Esperanz prit une gorgée de la boisson épicée et ne put retenir un couinement satisfait quand elle sentit le liquide lui piquer agréablement la langue et la gorge.

- "Tu as des envies particulières pour ce bâtiment ? Hormis la possibilité de l'abandonner en moins de 10 minutes ? Je pense surtout à la taille... "

-En réalité peu m’importe sa taille. Il répondit avec un peu plus de tranquillité alors qu’elle semblait encline à l’aider. Tu as raison sur le fait que posséder un bâtiment  "propre" plutôt que de contrôler un quartier serait plus simple. Il eut un sourire. Et certainement plus discret. Je ne veux pas attirer la garde. Pas à cet endroit.

Il glissa un morceau de papier sur la table, à l’intention de sa camarade.

-Je t’ai noté les seuls critères qui m’intéressent. Expliqua-t-il : que le bâtiment puisse accueillir une clientèle de taverne standard, histoire d’avoir une affaire… ben… « propre ». Que ça crée une façade. Un nouveau sourire. Mais j’ai besoin que je puisse y cacher…Le reste.

La contrebande, leurs affaires secrètes…Ce qui occupait la vie de criminel des rues de Thaar en somme. Bien que cependant, il ne comptait pas cacher de fugitif ici. L’entreprise bien trop délicate serait réservée à d’autres endroits.

-Là où mes critères sont sans doute plus délicats, c’est à propos de l’arrière-boutique. J’ai besoin d’assurer nos arrières cette fois. Donc qu’on puisse se tirer le plus rapidement possible et sans trop de dégâts en cas de descente. Les caches de contrebandiers ne sont probablement pas si rares, il doit bien exister quelques souterrains là-dessous facilement accessibles. Et des types prêt à gagner un peu d'argent facilement. Mais c'est pas comme si c'était le genre de truc qu'on gueule sur tout les toits... Et pour ça tu es largement plus habile que moi. Et plus discrète. Ajouta-t-il avec un rictus.

Avalant une gorgée de sa boisson tout en réfléchissant, Esperanz se concentra sur le bout de papier que lui tendait son camarade. Elle songeait aux bains, au fait qu'on pouvait facilement rejoindre les égouts et que créer une porte dérobée ne serait pas bien compliqué, mais cela impliquait de laisser des hommes pénétrer le sanctuaire qu'elle gérait et l'idée la mettait mal à l'aise. Connaissant Viliam, il lui demandait son aide, non pas pour qu'elle lui propose les bains, mais vraiment pour trouver un endroit propre qu'il pourrait pleinement investir.

- "C'est sûr que les caches de contrebandier ça ne manque pas. Je demanderais sans doute à Puiri, elle a vécu dans la rue longtemps, elle connait beaucoup de passages dérobés et elle doit connaître des commerçants qui seraient d'accord d'être associés je pense. Quand elle volait, elle avait ses adresses de revente..."

Esperanz émit la dernière réflexion avec un léger grognement car, aux bains, Puiri mettait parfois ses talents à profits pour récupérer des objets qu'Esperanz mettait un point d'honneur à rendre à leur propriétaire par des voies détournées. Principalement parce qu'un objet perdu et retrouvé amène la joie, tandis qu'un vol amène les ennuis.

- "Bon, je garde ce papier de côté et dès que j'ai une info je te tiens au courant."

Esperanz glissa le papier dans son décolleté, sous son sein, là où personne ne viendrait jamais le chercher.

- "Tant que je suis là, tu n'as pas d'autres nouvelles pour moi ? Les deux filles, la recherche... Comment se porte tes camarades ? "

Si Viliam avait sa confiance, Esperanz n'était pas proche d'autres membres de l'Aile blanche bien qu'elle ne leur porte pas d'animosité. À part bien sûr la collègue de Viliam, celle avec qui elle se prenait régulièrement le bec et qu'elle devait souvent ignorer pour que les choses se passent bien. Hormis cela, il arrivait qu'elle prenne des nouvelles des prochains coups, principalement pour savoir si elle devait se tenir prête pour une chose ou l'autre.

Surpris par le geste Viliam avait laissé échapper un rire franc en voyant la jeune femme cacher son papier d’une manière…somme toute originale. Au moins, on ne risquait pas de le lui dérober…

-Ah ben, sacré planque. Plaisantât-il.

Loin de l’image taciturne à laquelle on pouvait s’attendre de par sa position, Viliam était un homme prompt à rire lorsque l’occasion s’y prêtait. Et Aujourd’hui il semblait habité par cette humeur légère qui le caractérisait lorsqu’il ne se sentait pas en danger.

-Je te fait confiance pour connaitre déjà tout ce dont tu as besoin, je ne suis pas certain de pouvoir t'apprendre bien plus. Il étira un rictus amusé. Après tout c'est toi qui à les meilleurs yeux et oreilles de ce coté de la ville. Mais de mon coté en tout cas, tout va bien oui. Répondit-il. On a repris de nos forces. Il sourit plus franchement. Et Thaar à l’air de notre coté. Il leva son verre comme pour trinquer,ou bien célébrer cette tranquillité qu'ils savaient tout deux bien trop éphémère. Je prie pour que ça dure. Et que ça dure aussi de ton coté Esperanz.