[HT de Meingal] L’écho des Cris

Septième ennéade de Favrius,
An 21 du Cycle XI,
Haut-Temple de Meingal, Puy d’Elda

Le Puy d’Elda se découpait de l’horizon des plaines de sable et de sel et grandissait dans le ciel à mesure que la caravane avançait. Pyor’h avait rabattu un capuchon sur son crâne bénit par Teiweon et tenait, d’une main gantée, les pans de tissus contre son visage. Les vents des Terres Stériles pouvaient arracher la chair des os de tout ce qui s’y aventurait. Les esclaves marchaient derrière lui, la tête couverte et guidés par un eldéen dont le fouet porté à la ceinture n’avait plus servi depuis plusieurs jours. Le cliquetis de leurs entraves accompagnait les quelques guerriers et le Drada. Le désert vouait toute tentative de rébellion à de vaines tentatives de suicide et les révoltes manquées des quelques téméraires qui s’y étaient risqués en début de voyage avaient maté la volonté des autres. Tout animal éprouve toujours la longueur de sa chaine avant de se résoudre à la porter, mais ceux-là s’étaient laissés mater sans difficultés.

Ils avançaient vers le toit de basalte perçant le désert et Pyor’h souriait. Il sentait encore peser sur le lui le regard de la Maîtresse des Souffrances. Il se savait béni par la vision de Son avatar mettant au monde Ses enfants. Elle avait fait de lui un témoin et héraut de Sa victoire.

Ils approchèrent des parois recouvertes par la jungle et finirent par entrer dans la Faille et passer la porte de Teiweon. Le prêtre se sépara de la colonne d’esclaves, qui s’enlisa dans la tourbe doeb tandis qu’il s’enfonçait dans le Labyrinthe. Sa première offrande, il la ferait, encore couvert de la poussière du désert, à la Maîtresse des Souffrances en son Haut-Temple.

***

C’est départi de sa tenue de voyage et vêtu d’une tunique d’un noir immaculé que Pyor’h pénétra dans le Haut-Temple de Meingal. Sa venue était attendue, en témoignait le silence qui plombait l’arène autour de laquelle les prêtres s’étaient rassemblés, certains ayant même ajouté à la robe sombre le vêtement rouge cérémoniel. L’idole du Général toisait ses fervents serviteurs mais elle le fixait, lui, alors qu’il posait le pied sur le sable. La couronne du Haut-Prêtre, surplombant l’arène, avait beau faire glorieusement écho à celle du dieu, la statue l’écrasait en majesté et en autorité. Et ses yeux de pierre étaient rivés sur Pyor’h. Il avança et se prosterna.

« – Vois, divin Souverain, Ton serviteur revenir vers toi. Vois, premier Elevé, ma mission achevée et vois, Général, la victoire de Ton envoyé. »

Le Grand-Prêtre se releva et campa son regard dans les yeux du porteur de la couronne.

« – Quhiran Lessryn. En ton nom et sur ton ordre, j’ai rejoint la Sainte Croisade, ai suivi L'ssivah d'l'ul'nusst jusqu’aux sources des montagnes du royaume humains et vu le miracle de la Maîtresse des Souffrances advenir. »

Pyor’h balaya de l’œil les prêtres alignés sur les bordures de l’arène, exhibant fièrement la marque qui coulait de sa pommette droite à son coup en tranchant sa joue – la marque qu’il avait tracée sur son visage devant la manifestation de Kiel Elghinn, sa marque de témoin. Tous entendaient l’enjeu de la confrontation des deux ilythiiris, à présent que celui qui se soumettait revenait auréolé d’une gloire dont ne pouvait se targuer l’autre. Mais le Grand-Prêtre ne leur donnerait aujourd’hui aucun motif de s’émouvoir d’une rébellion.

Dans l’assemblée, la présence de la Grande-Prêtresse de Sol’Dorn Ssahli’ra, un pied à peine derrière le Quhiran, était notable. Le fixant, son rictus hargneux exsudait une haine à son égard que, pourtant, il ne retournait pas.

« – Drada Pyor’h, sois le bienvenu. Assurément, tu as mené ta mission à bien. Tes compétences seront particulièrement appréciées à Sol’Dorn, où tu partiras prendre la tête du temple du Vengeur après m’avoir fait le récit de la croisade de Kiel Elamshinae. »
C’était l’une des issues possibles, parmi celles qu’il avait anticipées. Mais le coup ne porta pas. Ce qui se voulait être une insulte, Pyor’h en ferait une opportunité. Elda était, par nature, un empire dont Sol’Dorn en était, aujourd’hui la frontière. Il participerait de la cité à l’expansion de l’Eda Vengeur et son écartement forcé du nexus du pouvoir eldéen lui vaudrait d’attirer encore le regard des Dieux. Car c’est au front que les combattants d’Elda brillent.

Le Drada inclina la tête.

« – J’agirai ainsi que tu le décrètes, Quhiran. »

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