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Sujet: Le grain cuivré - Heracle Mer 20 Mar 2024 - 15:36
7ème jour de la 9ème ennéade de Barkios d’Automne, an 21 du XIème cycle Loin, Au large d’Achid Kamil, Mer Olienne
Les premiers jours de l’hiver toquaient à la porte de l’automne, prêt à le bouter bien loin.
Sur le navire qui avait quitté Thaar voila maintenant une nuit, se levait un fugace soleil, parsemant de ses rayons le pont de « L’Ocre » qui peinait à chasser les frimas d’une nuit calme, mais froide. Heureusement pour la cogue, l’astre suderons était du genre prolifique, prêt à déployer toute sa puissance en un rien de temps. Sur la mer plutôt plate de cette matinée, on put voir poindre les premières gouttelettes de rosée s’étalant du mât jusqu’à l’unique pont, arrosant les crânes dégarnis des marins qui s’échinaient déjà à la tâche. L’Île d’Achid Kamil avait était dépassé dans la nuit, on y avait d’abord pensé faire escale rapide, mais la nécessitée ne faisait pas foi ; de plus, cette entreprise revêtait quelques caractères urgents qui avait forcé le capitaine à éviter le cabotage pour couper droit direction les contrées Sud de la Péninsule. Ô cet itinéraire n’avait rien de différent de celui qu’empruntaient régulièrement les navires des Mille-Caves pour rejoindre Thanor ; cette route maritime portait même le nom de l’emblématique cité portuaire naine. Mais l’accoutumance voulait que l’on y respecte généralement quelques arrêts pour fret ou affaire, hors la consigne avait été clair, direction le Langehack et fissa.
Pourquoi donc ? Voila bien bonne question, mais l’éminent chargement que transportait le vaisseau à voile faisait peut être parti de la réponse : Karmin Diamant-Rouge et Tyr Porte-écus comptaient parmi les valises. Rien que cela. Les deux sommités logeaient actuellement dans la cabine réservé au capitaine du navire ; le capitaine lui, avait prit ses appartements dans la cabine du second et ainsi de suite, véritable dégringolade hiérarchique qui finirait indubitablement par lésé les moins bien lotis de l’embarcation. C’était d’ailleurs son cas, simple marin manœuvrier, on avait jugé que Bodrur le Bègue, demi nain à la panse rebondie de son état, serait à même de dormir sur le pont. Pour sûr qu’il n’était point le seul, au contraire, mais étant réellement tout en bas de l’échelle sociale, on lui avait attribué la place la plus humide et aqueuse qui soit, celle ou le sel prenait un malin plaisir à venir vous gratter la croupe à chaque brun d’écume ; autant dire qu’il avait déjà le séant parsemé et les chausses qui tiendraient toutes seules une fois la chaleur revenu. Mais c’était la le lot des pauvres, alors, il s’en contenterait : la cale était pleine à déborder, on y avait mit même plus que nécessaire, des tonneaux et des tonneaux, que le Bègue s’imaginait déjà devoir délester.
Car bien que cette mission des plus importantes nécessite vitesse, on en oubliait point le commerce ; ainsi allait la vie à Thaar et de cette manne, découlait toute la piteuse richesse de Bodrur. Profitant de la mer d’huile qui s’offrait à lui aux premières heures du jour, il en profita pour réaliser ses ablutions qui consistaient principalement par déféquer par-dessus le pont avant de se rincer la glotte à grand coup de tord-boyaux. Une bien belle journée s’offrait à lui et il comptait en profiter autant que faire ce pouvait. Descendant en direction de la cambuse et du stockage, il parti à la maraude en quête de mangeaille ; mais les quelques dormeurs sur son passage n’étaient pas du genre à laisser trainer un quignon de pain, aussi s’enfonça t-il plus avant.
Ses pas le conduisaient alors dans la cale même, et c’est ici, entouré des presque 200 tonneaux, que lui vint une idée. Par habitude, il avait cessé de poser des questions sur les différents chargements et cela, dans le but d’éviter une matérialisation trop précise de son fardeau quand venait le moment de décharger. Mais la faim couplé à une curiosité niaise, lui souffla quelques couplets mentaux qui le firent céder à sa propre règle. S’approchant d’une barrique, il en dégonda un couvercle, approcha la flamme du contenu, pria pour qu’il ne s’agisse pas des quelques poudres inflammables – bien qu’il était déjà trop tard si tel fut le cas, et découvrit alors le contenu.
« D…d…des….ga….ga….galets ? Pu….pu….pu….tain de ma….ma…marchands. Mê….mê…même pas d…de….qu….quoi be….becter. »
Toute cette route, tout cet empressement, pour un chargement plein de gravillon et de galet, qui donc en Péninsule pouvait-il bien avoir intérêt à acheter un tel stock ? Sûrement encore là les lubies de quelques culs pompeux ne sachant se satisfaire du nécessaire. Bodrur le Bègue, enfermé dans son réduit, se questionnant encore sur le pourquoi, n’entendit pas les appels de la vigie. Dehors c’était levé, un dangereux grain cuivré.
Dernière édition par Ozkun le Magnifique le Mar 26 Mar 2024 - 21:00, édité 6 fois
Heracle Ypsilantis
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Sujet: Re: Le grain cuivré - Heracle Sam 23 Mar 2024 - 1:54
« Putasserie, y fait au moins aussi noir que dans le cul d’un porc. » se lamenta l’un des marins, faisant à peu près semblant de vadrouiller le pont, la vision étriquée par la noirceur.
« Normal, corniaud. Le capitaine a demandé qu’on étouffe les toutes les torchères afin de mieux repérer le rafiot nain. » répondit son homologue les deux bras croisés contre le plat-bord, peinard comme peu d’autres.
« Euh, oui, mais … Je croyais qu’il était prévu que l’embarcation croise Achid Kamil seulement au levé du jour ? »
« Elle devait boire son saoul nuitamment ta marâtre, hein ? Croit bien que le Capitaine sait. Mais il est également fort d’expériences ; il sait aussi que la brise est imprévisible, car autant elle peut chercher à voir mourir les voiles d’un navire, qu’elle peut chercher à en rompre le mât par sa force. Normalement, le soleil sera bien en évidence lorsque poindra la figure de proue de leur navire. »
« Oui, mais … Pourquoi Achid Kamil ? » questionna derechef le jobard, tout en arrachant un soupire d’exaspération à son collègue.
« Parce qu’une fois qu’ils auront franchit l’archipel de Nelen, qu’ils mouilleront la coque de leur bateau dans la haute mer, les chances que nous croisions leur chemin seraient bien pauvres. Sans même le regarder, ou du moins tenter de percer l’obscurité pour le faire, ses yeux s’élevèrent vers la voûte céleste, dans laquelle il dévouât son attention pour ces milliers de phares brillants. « Et avant que tu ne gerbes une question de plus : oui, c’est dangereux. Le Dragon Bleu rôde et veille au grain dans l’archipel … Tant que nous restons tranquilles, propre de toute hostilité, il devrait rester tapis dans les profondeurs … » Mais là, sa voix s’était montrée un iota moins certaine.
« Ça vous ferait mal à la mâchoire de fermer vos claque merde, bande de pedzouille ? » tonna cette fois le quartier-maître, gouvernant de plus haut le navire, près de la barre. « Et quand tu auras terminé de t’asticoter le poireau devant les étoiles, tu iras vérifier que le bastingage tienne bon, question que le mât ne cherche à fendre par la voilure. Quant à toi, lâche-moi un peu ce manche et va t’enquérir du guet à la poupe. Je veux savoir si nos deux ancres ont chassés pendant la nuit et de combien de mètres nous avons dévier si tel est le cas. » Sans plus de réponses, les deux s’exécutèrent et déguerpirent dare-dare sans demander leur reste. Sur ce genre de navire, où les valeurs et la noblesse brillaient d’une même rareté que les nichons d’une femme, l’insubordination ne pouvait être supportée. L’anarchie pouvait, au sein d’un telle pléiade de racaille et de la truandaille, primer aussi vivement que le ferait le feu dans une étable replète de paille. Le gant du commandement se devait d’être faite de fer, de même que la main qui la revêtait.
Ainsi, le dos légèrement courbé, appesantit certainement par l’anxiété qui commençait à le ronger, le quartier-maître épiait les mâts, qui couinaient et se lamentaient par la tension des voiles à demie bandées. Elles tiendront, pensa-t-il, la mâchoire légèrement crispée. Un jour, je lui fumerai sa gueule à cette putasse de capitaine, incapable de retenir le sourire qui vint illuminer sa sale tronche de spadassin. Et pour le coup, il pouvait bien lui en vouloir : la manœuvre avait tout de dangereuse. Exigeant que les brigantines soient arisées au trois-quarts, il s’assurait que la quille du navire soit d’ores et déjà riche d’un courant de portance continuel, ininterrompu et prometteur d’un départ fulgurant, au moment opportun. Mais l’épicentre du danger ne provenait guère de ces voiles tendues, qui essayaient de propulser le navire en vain, mais plutôt des ancres qui râclaient les bas-fonds. Au nombre de deux, les racines de fer fûrent relâchées à 45 degrés, de sorte que leur chasse naturelle ne perturbe de trop la stabilité du navire qui lutait sans cesse pour se mouvoir.
Sur le pont, ils étaient peu, et bien qu’ils fussent pour la plupart ignares de l’importance de leur rôle, nul ne faillit à sa tâche, désormais roidis par le claquement de fouet des avertissements de leur maître. Les heures s’écoulèrent et, alors qu’enfin, la quasi-cécité de l’équipage s’estompa au profit de quelques pauvres rayons lumineux, une soudrille aperçut une lueur, danser faiblement au rythme de la houle. Alors un cri retentit, alertant toute âme qui vive sur le pont.
« DÉBARASSEZ-MOI LE PONT ET FAITES MOI RÉVEILLER TOUTE CETTE BANDE DE CHIABRENA! QUÉRISSEZ AU PLUS PRESTE LE CAPITAINE! »
Alors là, plus rien n’allait à bord du navire. La chienlit, fulgurante, régnait et en secoua le navire par son amplitude. Il gronda dans la cale du navire un barouf de tous les diables, à en faire sortir de sa torpeur le plus raide des cadavres. Au travers tout cet énervement, on odit sur le pont toutes les insultes possibles et inimaginables, quelques coups, même, s’échanger entre eux. Pour autant, malgré l’intensité aiguë de toute cette bastringue, le pont se peupla en un claquement de doigt, tous prêt – enfin presque, vu la gueule qu’ils tiraient – à exécuter les ordres de leur capitaine qui venait, lui aussi, de quérir sa place de meneur près de la barre.
« AUJOURD’HUI, BANDE D’ENCORNÉS, VOUS MÉRITEREZ VOTRE SOLDE ! SANS QUOI, VOUS IREZ ADMIRER LES ABYSSES PROFONDES DE L’OLIENNE! » À l’unisson, bien que leurs voix semblèrent pour quelques-uns encore rouillée par ce réveil dès plus brutal, ils hurlèrent leur envie d’en découdre.
« BIEN! FAITES VIVRE LE CABESTAN ET QUE L’ON RECUEILLE NOS ANCRES! RELÂCHEZ LE BASTINGAGE ET BANDEZ-MOI CETTE PUTE DE VOILE D’ARTIMON, PAR LE CON DE TYRA! » Avec un peu de chance, lorsque cette chaloupe pleine de nain arrivera à notre niveau, nous aurons suffisamment de tirant pour que la chasse ne perdure par trop longtemps, pensa-t-il, le regard fixé sur ce navire lointain, qui enflait au fur et mesure de son approche.
Ozkun le Magnifique
Ancien
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Sujet: Re: Le grain cuivré - Heracle Lun 25 Mar 2024 - 9:37
Bodrur le Bègue avait rejoint le pont ; en trainant sa carcasse avec difficulté, toujours tiraillé par une faim tenace, il n’avait point réussi à subtiliser un quelconque encas sur son passage et le tout le mettait dans une rogne et morgue plutôt inconfortable. Son faciès grêlé happait les embruns de cette petite aube naissante. Il regardait au loin, loin derrière le navire ou une ombre menaçante se dessinait dans les reflets rosâtres et azur qui pointaient le bout de leurs tarins. Plusieurs matelots faisaient de même, sans parler des quelques Barbesables et mercenaires censés jouer de la hache et de l’épée en cas d’imprévu. Eux aussi toisaient le sud avec des regards impassibles mais qu’on pourrait qualifier de soucieux : se faire surprendre ainsi au petit jour en se faisant coller au train n’était rarement point bon signe quand il s’agissait de marinerie. Bodrur prit alors un instant pour compter le nombre de sicaires qui se trouvaient sur le rafiot - le moment s’étendit longtemps, très longtemps et pour cause : le demi-nain ne possédait que trois doigts sur chaque main. Une sale histoire qu’il n’était point bon de se remémorer en cet instant. Quand le décompte fût terminé, c’est une risette de surprise qui lui tira la trogne, le constat était sans appel : ils étaient bien peu nombreux. Au moins deux fois moins que d’habitude et surtout, pas les meilleurs des meilleurs à en juger leurs grades et leurs vêtements.
Outre le terrible Ardiar, un vieux de la vieille qui portait le turban bleue de la garde des sables naines, le reste des barbus n’étaient que des aspirants qui arboraient encore quelques fioritures vertes et rouges dans leurs tenues respectives ; on aurait presque put voir le lait couler derrière leurs oreilles. Et l’officier en charge de la hacherie devait avoir fait le même constat que lui, il pérorait au vent, marchait de long en large comme s’il espérait trouver de meilleurs hommes ou une meilleur situation en épuisant ses chausses sur le bois salé du pont. Un caractère déjà tempétueux qui semblait se renforcer à mesure que le temps passait et que l’ombre qui se trouvait en aval, remontait inexorablement en amont. Quand aux gens d’armes qu’on avait fait recruté grâce à la trébuchante clinquante dorée, autant dire qu’ils avaient tous l’air de vieux traîne misères à qui on avait calé un coutelas entre les pognes et une bonne tape sur l’épaule pour les convaincre eux mêmes qu’ils savaient s’en servir. Trop vieux, trop jeune, trop faible, trop malade - deux dans leur rang avaient vomis leurs tripes depuis le départ, la crème de la crème en somme.
Le capitaine du navire lui, scrutait aussi dans la même direction, c’était un habitué de la Thanorite qui portait le doux patronyme de Krandavanamadec. L’empoté se targuait de posséder quelques affiliations naines à partir de la quatrième génération ; un fait qu’il exposait comme une relique à qui voulait bien l’entendre en l’enroulant dans du beurre et du miel. Il n’était ni petit, ni trapu, ni barbu, ni bien résistant à un point tel que Bodrur se posait souvent la question du « comment avait-il finit ici ? ». Sans douter un curieux concours de circonstances, mais le bougre savait manier sa barre et n’avait point peur d’affronter l’Eris,, des arguments qui devaient faire bien plus force que sa lignée. Quand il rengainait sa lorgnette, le Bègue ne distingua pas l’ombre d’une crainte sur son visage, un signe plutôt rassurant. Les matelots avaient sans doute tiré le même constat et continuaient à s’affairait presque comme si de rien n’était. Moults tâches les attendaient tous encore et la prochaine escale ne serait pas avant la fin du jour prochain.
Les sommités du navire quant à elle, n’avaient pas pris la peine de sortir de leurs cabines. Peut être se vautraient-ils dans une avalanche de bière et de pain à la viande qu’on avait fait cuir juste pour eux. Peut être engloutissaient-ils de quoi faire rompre leurs panses et noyer leurs glissoires ? Peut être profitaient-ils tout les deux des rébus d’une nuit d’ivresse et de largesse qui resterait à jamais inaccessible au commun des mortels ? Des questions qui resteraient à jamais sans réponse pour Bodrur, mais qui avait le don de le mettre en rogne. S’il en avait possédé le cran, il serait aller toquer manu militari à leur porte, jusqu’à en dégonder les gonds, puis il aurait partager la liesse et aurait enfin calmé la dévorante qui lui mangeait l’estomac.
Mais le monde ne tournait pas ainsi et le demi-nain en était conscient, alors il préférait se repaitres des petites victoires qui composaient sa propre existence ; la paresse en était une : on l’avait jugé trop bête pour réaliser quelques tâches sur le navire outre le bricage du pont, mais le pont étant propre, on lui laissait le loisir de se reposer en attendant les chargements et déchargements ou il excellait. Alors, le Bègue braqua son regard sur le navire qui suivait leur trace.
Au bout d’une heure, il annonça, clair et certain.
« I…i…ils…no…nou…nous….ra….ra…rat….rattrapent. »
Heracle Ypsilantis
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Sujet: Re: Le grain cuivré - Heracle Lun 25 Mar 2024 - 19:46
« Timonier, gardez le cap. Avant que le soleil n’atteigne le zénith et nous conchie ses rayons les plus ardents, nous serons à prompte distance pour entamer la prochaine phase. » Le capitaine délaissa le gardien de la barre et s’approcha de la rambarde qui surplombait le pont, là où la fourmilière continuait à besogner sans relâche. Un sourire, grand, illuminait toujours sa sale bouille aux dents noircies. Son cœur palpitait d’ores et déjà à plein régime, comme s’il se vit excité par la promesse certaine d’une hécatombe prochaine. Le stratagème, pour l’heure, ne s’était buté à aucun obstacle et, le plus dangereux de tous, semblait voir ses chances de survenir amoindries à mesure que les minutes s’égrainèrent. La furie bleue de Nélen ne s’était guère manifestée et s’était montrée miséricordieuse, au grand soulagement de l’équipage qui s’était préparé au pire. Du reste, il ne restait au plan qu’un seul et unique facteur hasardeux ; celui de l’hydromancien. Tapis dans ses appartements depuis qu’ils avaient quittés le port, il patientait, seul, que le moment opportun ne survienne et qu’il accomplisse la tâche pour laquelle on l’avait grassement rémunéré. Qu’à cela ne tienne, même le capitaine n’avait sur cet étrange personnage que peu de poigne, quand bien même eut-il désiré le forcer à plus de présence sur le navire. Ces Artistes n’avaient pas plus de maîtres que les grands pontes de ce monde, ne répondant seul qu’à leurs humeurs du moment. D’une rasade d’aigre tord-boyau, le capitaine chassa de ses pensées cet ombre qui menaçait à tout moment que leur mission se couronne d’échec.
Préférant se consacrer à ce présent instant, son œil se mit à briller de fascination en voyant ces ouvrières s’ordonner au rythme du maestro qu’était le quartier-maître. Sans foi ni loi, cet essaim de faquin privait le pont de toute discorde, s’affairant comme les plus dociles manouvrier à la besogne qui les incombait. Relâchez au compte-goutte ces coupe-gorge dans les bas quartiers et il est fort à parier qu’ils laisseront dans leur sillage les affres de leur plus infâme cruauté. Mais, réunis sous la même bannière, enhardis par le chatoiement des souverains et le goût ferreux du sang, ils signèrent inconsciemment un accord tacite de bonne entente. Un accord qui, le capitaine espérait, verrait sa date de péremption venir une fois seulement qu’ils auraient retrouver le confort des docks.
« Les affreux! » Hurla le capitaine, comme pour interpeller deux matelots, iceux près de l’escalier qui menaient au pont supérieur. « Vous deux, oui, les deux encorneur de bouc! » Dut-il corriger, une fois qu’une dizaine d’hideux se soient retournés à son appel. « Allez larguer du leste ; ne gardez que la flotte, cinq tonnelets de barbaque et une barrique de vinasse. Vous me ferez monter l’hydromancien, une fois que vous aurez défroqué le fret! Exécution! » Sans faire ni une ni deux, les frères laiderons s’élancèrent dans la cale et redonna tout ce dont le capitaine leur avait ordonné de se déposséder. Une fois la chose faite et bien faite, ils s’enfoncèrent dans les dédales du navire pour en arriver devant le portail de bois qui menait à la chambre du magicien.
« Hé! Le babilleur de mauvais sorts, le capitaine vous d’mande sur le pont dare-dare! Il dit que c’est bientôt l’heure pour vous d’gagner votre solde! » Les gonds de la porte se lamentèrent affreusement, crissant fortissimo au gré de toute la rouille qui les habitaient. Le magicien, engoncé dans d’épaisses fourrures, ne leur offrit point guère le luxe de les saluer, ni même de les regarder. Il en bouscula un du coude, puis retrouva l’inconfort de la clarté du soleil, les paupières rabattues douloureusement, plissées par ce changement de luminosité si vif. Il conquit les marches du premier pont et enjoint le capitaine qui veillait toujours de plus haut.
« Devons-nous tuer plus encore de distance, sorcier? » questionna le capitaine, le ton de sa voix dans l’impossibilité de se montrer courtoise ou même respectueuse. De ceux qui honnissaient la magie, aujourd’hui, pour le poids de tout cet or promis en gage de la réussite de leur aventure, il mit de côté ses griefs envers ces utilisateurs.
« Hélas oui, mais d’où nous sommes, je peux tout de même me montrer utile … »
« Mais faites donc, seigneur mage, faites donc! Cela vous changera de tout ce lard et de cette bibine que vous vous plaisez à ingérer depuis le franc départ de notre navire! » Et bien qu’il l’eût souhaité, le capitaine fût privé de tout agacement de la part du sorcier. Il s’était contenté de sourire, narquois qu’il fût, sans même lorgner vers ce dernier. Pour sûr, le lanceur de sort était l’un de ces professionnels dont la concentration ne pouvait être ébranlée ; c’était là le propre de son métier, que de ne jamais laisser l’équilibre de sa psyché compromise.
Il était l’heure de faire montre de l’ampleur de tout son art : l’hydromancien conquit le premier pont puis s’approcha de la figure de proue, d’où il trouva appuis pour ne pas voir son équilibre dérangé par la houle. Il enjoint ses mains ensembles, inspira à maintes reprises à plein poumons, puis entonna une litanie à messe basse. L’équipage vit freiner leurs ardeurs, tandis que leurs regards circonspects, se concertaient les uns les autres. Noyés dans l’incompréhension, une chose restait certaine, tous avaient l’air de se dire : Ça caille ou quoi, tout à coup ? Leurs souffles commencèrent à se matérialiser en une délicate et éphémère brume, contrastant la chaleur de leur respiration avec le froid mordant qui prit d’assaut leur vaisseau.
« C’est c'fot-en-cul de sorcier! On va tous attraper la mort à c'rythme! »
« VOUS AVISEZ PAS D’VOUS APPROCHER DE LUI! » Ordonna le maître des lieux, la voix si impératrice qu’aucuns des durs à cuire n’osa protester. « RETOURNEZ À VOS OUVRAGES ET ASSUREZ-VOUS QUE VOS ACIERS VOUS BAISE LE CUL! AVANT LONGTEMPS VOUS AUREZ À LES ABREUVER DU SANG DE CES MOINDRES HOMMES! »
Sur le navire, la froidure du sortilège se faisait ressentir et plutôt que d’en implorer la cessation, les soudards redoublaient d’ardeur dans l’espoir de voir leurs charpentes se réchauffer. Si eux commençaient à geler, à l’horizon, sous le navire adverse, cela était pis encore : l’eau commença à voir poindre à sa surface quelques menus fragments de glace. La flotte se durcissait, se cristallisait autour de la coque du bateau nain, lui ôtant ce qui lui resta de vive allure. Le tableau, s’il en resta encore pour les acolytes des milles-cave quelques incertitudes, se concrétisait désormais sans laisser la moindre doutance : ils perdaient de la vitesse et ce, malgré la tension exacerbée contre leurs voiles.
Ozkun le Magnifique
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Sujet: Re: Le grain cuivré - Heracle Mer 27 Mar 2024 - 14:02
Avec la fraiche incrédulité d’un nouveau née, Bodrur le Bègue n’avait cessé de regardé plus aval, les mires laiteuses braquées sur le bâtiment qui leur collait du train avec la vivacité d’un banc de squale en chasse. Minutes après minutes, la chose devenait plus clair, plus tangible, le navire inconnu suivait leur trace, aspirant le même vent, cherchant à les rattraper. La conclusion était simple et même pour lui : un brave bien mieux intentionné aurait viré de cap il y a de ça deux heures maintenant, ou tout du moins, aurait évité de resté dans le même sillage, question de politesse. On évitait ainsi de se faire prendre pour quelques forbans quête de butin ; dresser un pavillon ostentatoire était là aussi une preuve de bonne foi, mais le coquin n’en possédait même pas. Les couches qui se superposaient formaient alors un curieux empilement, et bien qu’on soit tenté de toujours cherché la moins pire des explications, c’était bien celle-ci qui se dessinait en ces instants.
Sur le pont, l’émulsion était à son comble, ça gueulait et piaillait comme une armée de puterelles un jour de paye dans les bas-quartier. On ne savait plus ou donner de la tête ni quoi faire de ses dix doigts. Certains réparaient des cordes, d’autres briquaient, d’autres encore tournaient en rond un sceau à la main espérant trouver une tâche qui leurs changeraient les pensées. Du coté de la soldatesque embauché pour la traversé, c’était bien pire : les larrons se le pont fanfaronnaient en se faisant passer pour plus intelligent qu’ils ne l’étaient réellement ; replaçant leurs turbans, s’accoudant sur le manche de leurs haches, lançant des regards noirs à qui osaient les tancer. Et sauf le Bègue, personne ne s’y risquait, mais lui voyait clair dans leurs jeux : ils n’étaient point la bien rassuré et avec raison. Aucuns nains n’aimaient l’eau – ou presque, c’était un élément étranger, mal connu, mystico-maudit. Les Barbesables ne faisaient pas exceptions : s’ils étaient de fin hacheurs terrestres, danser de la gigue en suivant les roulis de l’Olienne n’étaient pas dans leurs attributions. De plus, comme tout leurs congénères, ils avaient les os lourds et redoutaient par-dessus tout de finir noyé, un voyage direct et sans retour pour l’une de leur divinité peu commode. Sur ce sujet, Bodrur était bien différent, le sang maternel s’exprimait plus que le sang paternel quand il s’agissait de l’aqueuse.
Mais ce qu’il était entrain de voir en cet instant, dépassait de loin, de très loin, tout ce qu’il avait un jour put imaginer concernant l’élément. Voila qu’en pleine chevauchée, l’air se refroidissait comme dans la cale d’un boucher. On crachotait de la vapeur, puis on en vint bientôt à greloter ; sur le pont nombreux furent ceux qui chutèrent à cause du verglas qui s’était installé. Une sensation terrible que jamais il n’avait ressenti, même durant les durs hivers. Se retenant à la margelle du pont, il prit un instant pour scruter sous la quille : l’eau était entrain de se solidifier tout bonnement. Comment était-ce possible ? Sorcellerie à coup sûr ! Son esprit simple fut aussi subjugué qu’effrayé par le spectacle, qu’il continua d’ailleurs à apprécier longuement. Quand il releva enfin du chef, le navire avait presque stoppé sa course, embourbé dans une véritable plaque glaciaire. Machinalement il leva un poing rageur en quittant son appui.
« B…ban…bande d…d…de…ss…ssa…salauds ! »
Toute la hargne et la colère qu’il avait put déverser dans cette tirade belliqueuse ne suffirent pas à retenir la surprise douloureuse qui lui béqueta les tripes alors qu’il agitait un moignon de chair.
Il dut s’y reprendre à deux fois avant de comprendre que le reste de sa pogne, tenait toujours fermement la rambarde.
Heracle Ypsilantis
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Sujet: Re: Le grain cuivré - Heracle Mer 27 Mar 2024 - 20:06
« ATTENTION! » tonitrua un des gabiers, alors que s’écroula d’une des grands voiles un imposant amoncellement de glace contre le pont. Sous le violent impact du sérac, deux hommes se virent propulsés de part et d’autre, tandis que volait en éclat l’intégrité du plancher de bois franc. La tramontane culminait, se vivifiait encore et encore, cherchant à oblitérer les mâts du navire et à en éventrer les voiles.
« CAPITAINE! CE FOL DE LANCEUR DE MAUVAIS SORT AURA NOTRE PEAU! » trouva à cracher ce même gabier, graillonnant la dernière gorgée d’eau que la mer lui avait enfoncé de force à travers le gorgoton.
« TENEZ LE CAP, CHAROGNARDS DES MERS ! PRÉPAREZ-VOUS À LA MANŒUVRE D’APPROCHE ! » Hurla le maître des lieux à s’en écorcher les cordes vocales. Ici, au travers le tumulte des vagues qui chaque fois, mettaient à rude épreuve la coque du navire par leurs impétueux ressacs, au travers les rafales et le simulacre verglas, le chef d’orchestre peinait à voir ses instructions portées jusqu’aux esgourdes de son équipage. Il se retourna vers le timonier, s’approcha en toute hâte vers lui, le saisit au collet et, placardant sa vieille trogne avinée, il lui souffla à quelques centimètres de la figure : « T’avises pas de changer de cap moussaillon, sinon je jure par la trique vérolée d’Arcam que je t’ouvrirai de long en large comme le pourceau que tu es. » Le capitaine laissa le maître de la barre esseulé, s’en allant dévaler les marches qui menaient au premier pont, là où le chaos que portait la tempête de fortune sévissait le plus.
« AFFALEZ LES VOILES D’ARTIMON ET CELLES DE MASTEREAU À DEMI-HAUTEUR ! ETARQUEZ LA DRISSE DE PROUE ET ASSUREZ-VOUS QUE LE GRÉEMENT SOIT PARRÉ LORSQUE LE NAVIRE FASSE TÊTE! » Le commandant fit volte-face et tomba nez-à-nez avec deux pauvres hères, complètement complétement abêtis par l’hécatombe de la tempête. Instinctivement, il trouva moyen franc de les sortir de leur torpeur par l’entremise d’une baffe bien assumée, cinglante à souhait. « BOUGEZ-VOUS LE FONDEMENT BANDE RACLURE DE GRAS DE BIDOCHE! »
« CAPITAINE, hurla à son tour le quartier-maître, L’ÉCUBIER EST CAPITONNÉ DE GLACE! IMPOSSIBLE DE RELÂCHER LE CABESTAN! » Le capitaine observa à l’horizon, entre deux bouffées d’air après s’être vu détrempé par la houle pour une énième fois : ils s’approchaient dangereusement du navire ennemi. Paniqué, le capitaine hurla à tous les mathurins à même de s’atteler à la tâche : ils devaient à tout prix déglacer la voie dans laquelle la chaîne du navire était prisonnière. Avec tout ce qu’ils pouvaient trouver, que ce fût par l’entremise de vieux bouts de bois cassés ou le tranchant de leurs lames, ils s’affairèrent à fracasser le bloc gelé comme si leurs vies en dépendaient. Dépêchez-vous bande de couilles molles, il faut mouiller les ancres au plus preste! leur incendia le maître des eaux, les yeux écarquillés par la panique. À l’instant même où l’engelure sembla suffisamment amenuie, le chef d’orchestre ordonna qu’on coupe le cordage qui retenait le cabestan. Dès que le jas des ancres toucha la surface de l’eau, le puits aux chaînes se dévida de son contenu dans le plus grand des chaos, écorchant le bois du navire au passage à vive allure du métal maillé.
« CRAMPONNEZ-VOUS! »
Une fois que les ancres trouvèrent fond où s’accrocher, le navire, bien que d’avance ralenti par le voilage réduit, s’arrêta si brutalement que le nez de ce dernier chercha à s’abreuver dans le vaste étendu salin. Une vague tonitruante meubla le pont du navire, emportant avec elle dans son élan l’équilibre général du vautrait, tous s’en trouvant cul dans la flotte -le mage n’en faisant guère exception-. Lorsqu’il se redressèrent et trouvèrent équilibre sur leurs béquilles, ils chassèrent de leur tronche ce trop plein de flotte pour constater qu’ils n’avaient dépassés que de quelques mètres leur objectif. Un silence depuis longtemps oublié s’installa sur le pont, alors que les coupe-jarrets observèrent pour la première fois l’objet de leur convoitise : l’équipage du bateau nain. Ils se consultèrent du regard, puis se détournèrent vers le capitaine qui cherchait lui aussi à retrouver contenance.
« Messieurs… commença le commandant, tout en tirant de son berceau de cuir l’épée qui sommeillait depuis lors à son ceinturon. PAS DE QUARTIERS ! »
Ozkun le Magnifique
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Sujet: Re: Le grain cuivré - Heracle Jeu 28 Mar 2024 - 13:59
Il existait mille et un mots concernant les dangers de la mer, mais le premier et unique qui parvint à remonter le long et tortueux sentier menant jusqu’aux méninges de Bodrur, fut : chaos. Il s’abattit comme l’averse de printemps, la grêle d’été, le brouillard d’automne et la terrible tempête d’hiver. S’il aurait du prendre un instant pour bander sa plaie, il n’eut pas le temps de le faire, tout se déroula bien trop vite. L’agitation qui bouillonnait devint un véritable tumulte, branle-bas de combat qui ébranla l’intégralité du navire marchand ; de la plus petites lames aux plus grosses haches, tous se préparaient maintenant à un affrontement qu’on jugeait déjà inéquitable, la sorcellerie ayant fait son œuvre. Complètement immobilisé, l’Ocre ne sembla bientôt pas plus vaillant qu’une coquille de noix fixe dans une mer agitée et terrifiante. Le Bègue ne sut que faire, essayant de pousser à son paroxysme, une réflexion lié à sa propre survit qu’il peinait à mettre en œuvre. Des affrontements, pour sûr qu’il en avait déjà essuyé, mais jamais de cet acabit : les pirates de l’Olienne redoutaient de se lancer à la poursuite des navires nains et ils n’avaient jamais usé, au grand jamais, des artifices liés à la manipulation des savoirs éthériques.
Cette situation complètement nouvelle eut pour seul effet de paralyser le demi-nain ; lui qui aurait put se joindre à la ferraille même armée d’une seule main – avec un gourdin, il était capable de belle prouesse quand il s’agissait de dévisser quelques crânes, ne trouva rien de mieux à faire que de se mettre en quête de la plus efficace des cachettes. Dans ces instants, trop facile de blâme les lâches, mais il n’était pas assez rémunéré pour risquer sa vie contre des adversaires de ce type. Alors, quand l’abordage fut donné, Bodrur ne pensait plus qu’à une chose : survivre au crachin. Il savait d’expérience, que le bain de sang se déroulerait dans les premières minutes, les forbans chercheraient à montrer de quel bois ils étaient faits en faisant exemple. Le sang coulerait à flot, jusqu’à que les envahisseurs aient reçus leurs dût et que les capitaines entre en négociation pour le butin. N’avait-il pourtant pas entendu un tonitruant : « pas de quartier ? » C’était la bien mauvaises nouvelles et d’ailleurs, pourquoi tant de zèle ? Pour des galets ? Tout cela n’avait point de sens ! Le Bègue se demandait d’ailleurs, s’il n’avait pas loupé quelque chose en cale, était ce vraiment des pierres plates sans intérêt qui y dormait, ou avait-on prit le soin de dissimuler sous elle, quelques brillantes pierreries ? Avec grand espoir, se scénario lui parut le plus probant ; quand les pirates auraient trouvé ceux pourquoi ils étaient venus, alors les lames retrouveraient leurs fourreaux.
En attendant, il dégota non loin du principal mât, un parfait endroit. Trois barriques d’eau douce, entassées ici à la va vite pour étancher les soifs des gens marins. Tandis qu’au devant, on se lardait pour un oui ou pour un non, le demi nain lui, se fit aussi petit qu’il le put, regrettant amèrement ne pas posséder la taille de son géniteur. Heureusement, on sembla l’oublier et il réussit même à parfaire son cocon salvateur en tirant à lui quelques sacs de jutes qui lui serviraient de plafond. Une petite cabane en pleine folie, lui remémorant les doux moments de sa jeunesse. Rubis sur la bourse, il avait d’ici une parfaite vu sur la porte menant aux cabines des officiers et c’était forcément de là, que les choses commenceraient par se calmer. Les pontes se présenteraient et désamorceraient le massacre à grand coup de promesses de gains. Puis tout le monde retournerait à son petit quotidien, sûr et monotone, avec bien sûr pour lui, une main en moins. C’était un prix peu cher payé par rapport à un mètre d’acier enfoncé dans le fondement.
Et le spectacle qu’il attendait commença : un homme portant un tricorne et braquemart à la pogne s’enfonça à l’aide de ses soudards, dans les beaux quartiers du navire. Le moment sembla durer une éternité, il entendit des cris et des grognements, mais bientôt, le calme serait de retour, c’est sur. Son cœur fit alors un bond et un gros, quand il put distinguer les faces légèrement amoché de Karmin Diamant-Rouge et Tyr Porte-écus qu’on trainait sur le pont. Ces deux là étaient sans douter parmi les meilleurs des meilleurs en terme de bagouaillage, ils seraient tirer profit de la situation en sauvegardant au moins assez de vie dans leurs tractations afin que le navire rentre à bon port et Bodrur, serait du lot. L’espérance lui chatouilla les entrailles avec les promesses d’un lendemain rayonnant, rêvant déjà de l’instant ou il dilapiderait sa solde entre les miches d’une rombière pas farouche, la panse rempli de bière. Quand le premier coup de hache fusa sur la nuque grâce de Tyr, le Bègue en était encore à compter combien il lui faudrait économiser pour manger jusqu'à son prochaine enrôlement ; quand le second coup de hache fit pisser le carmin du coup de Karmin, le gout de la bière qu’il imaginait jusqu’ici, prit quelques tournures amères.
« B…b…bor…bord. »
Le mot mourut net, dernière et ultime bredouillage de sa lippe grotesque qui fut suspendu à jamais par le troisième coup de hache qui lui fendit la caboche en deux. Dommage, il arrivait presque à la fin de ses comptes.
Heracle Ypsilantis
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Sujet: Re: Le grain cuivré - Heracle Mar 2 Avr 2024 - 6:00
Le crépitement des rondins séchés vint perturber chaque fois le règne d’un silence plus que sollicité. Dans la chambre des maîtres, l’âtre cherchait à chasser autant la froidure de cet indésirable hiver que le noir obscur de cette nuit de gel, cela bien au profit de ses deux résidents. Le premier s’attelait à l’écriture de tant de vélins, qu’elle menaça de s’écrouler la tour qu’il avait érigé de toutes missives. Quant à l’autre, une alliciante créature, dont les jambes ne semblaient avoir de fin, se prélassait telle la chatte qu’elle fût près de ce même feu. « Viendras-tu tôt me rejoindre avant que je ne m’assoupisse ? » s’était-elle plainte derechef, pour la énième fois. Elle n’eût pour réponse seule que le froissement constant de la plume contre le papier, à son ô grand malheur…
L’espadon de nacre s’enquit de son sceau qu’il plongeât dans la cire à cacheter, puis embrassa le bas de page de son parchemin enroulé. Une fois fait, il se penchât et mit genoux en terre pour ouvrir un coffre qu’on avait posé là plus tôt, près du burlingue. Il en ouvrit le contenu, puis y déposa la lettre sur le velours qu’en tapissa le fond de ce dernier. Il restât là, à en contempler le contenu du caisson, puis replaça deux gemmes à leur place, c’est-à-dire dans les orbites des yeux d’un des deux crânes encore nacré de ses chairs malodorantes. Démunies de leurs langues, les têtes dépossédées de leur corps avaient la gueule bourrée d’or, de gemmes et de tous les bijoux dont ils se complaisaient tant à arborer de leur vivant.
Le marché était désormais conclu. Il ne restait plus qu’à voir si sa pansité honorerait sa part du marché…