Un "merci" ne suffit pas... | Oriale & Aslan

Fin de la deuxième ennéade
Hiver, Verimios 21:XI

Un profond soupir rompt le silence de la pièce.

Aslan ouvre ses lourdes paupières et fixe le plafond au-dessus de lui. Un nouveau rapport a réveillé un souvenir contre lequel il a dû lutter… et il a sombré dans le sommeil presque aussitôt après que les images se soient éloignées et que les douleurs se soient tues. A présent, il fait nuit noire dehors… et c’est à peine s’il discerne les différentes planches de bois devant lui.

Cela fait plus de trois mois maintenant… et il ne peut pas dire qu’il s’y habitue. Il parvient toujours à faire la distinction entre ses émotions et celles de Viliam mais c'est presque une vie qui habite son esprit. Une vie qu’il sait ne pas avoir vécue, malgré cette sensation persistante que ces souvenirs sont les siens… Écrire ce qu’il voit, lorsque les images ne sont pas issues de son histoire, l’aiderait sans doute à dissocier les deux mais il se l’interdit. Il est difficile d’aller chercher cette mémoire dans sa tête… La mettre sur papier serait la rendre accessible à tous. Alors, il préfère se concentrer et marquer mentalement ces fragments évadés.

Des rires résonnent dans la rue. Aslan tourne la tête et jette un œil par la fenêtre, toujours étendu sur sa couche. Puisqu’il s’est écroulé en journée, le volet est toujours ouvert. Une lueur attire son attention. Il fronce les sourcils et se redresse péniblement. Il aperçoit alors la rue des lumières qui trace un grand trait de lumière dans la nuit noire, comme chaque soir. Le Sergent du guet en a l’habitude mais, ce soir, cela lui rappelle un chose… Trop accaparé qu’il était par ses problèmes, il avait mis cela de côté avant de l’oublier un peu. Mais cela lui saute à la figure à présent.

Tel un éléphant, l’héritier des Al Cabir se tire de son lit. Il se dirige vers son espace de toilette et se trempe le visage pour se réveiller tout à fait. Puis il entame sa toilette et s’habille. Une fois prêt et bien couvert, il sort enfin de chez lui, fermant la porte à clef, avant de descendre l’escalier qui le mène dans la rue et de prendre la direction que suivait son regard depuis sa fenêtre.

Un bon quart d’heure plus tard, Aslan slalome entre les passants dans une des rues les plus animées de la ville à cette heure-ci. Les lanternes au-dessus de sa tête forment une sorte de ciel aux étoiles particulièrement bien rangées. Toute l’allée baigne dans une lumière jaune d’intensité moyenne, bien qu’intensifié çà et là par quelques éclats issues de différents spectacles. Et c’est cela que le guetteur cherche… L’aura de flammes… Des flammes dansant dans une représentation qui se voudrait plus poétique que spectaculaire. Et, lorsqu’il les trouvera… Lorsqu’il la reconnaîtra… Il se joindra à la foule pour l’observer, tout en gardant ses distances dans un premier temps.

Tandis que la foule se clairseme, Aslan est le seul à ne pas chercher à s’en aller ni même à regarder ailleurs. Ses yeux clairs auréolés de braises regardent la jeune artiste. Maintenant qu’il a les idées claires, il peut véritablement l’observer, analyser ses gestes, étudier la grâce de ses mouvements, même après le spectacle. Elle est un subtile mélange de douceur et de force… Ce qui est assez intriguant.

Alors qu’Oriale vient de ramasser la pièce qu’il a lui-même lancée quelques instants plus tôt, elle lève les yeux vers lui. Un sourire amical et amusé s’étire sur ses propres lèvres.

-Vous attendiez-vous seulement à me revoir ? Répond-il avec un brin d’amusement. Thaar est immense. Fait-il ensuite gentiment remarquer. Ne plus jamais recroiser un inconnu serait si aisé… J’étais curieux d’assister à votre spectacle et, en voyant la lumière de la rue depuis ma fenêtre, je me suis demandé si vous seriez là ce soir. J’ai donc décidé de venir vérifier. Et… j’avoue que je ne regrette pas d’avoir bravé le froid.

Il tourne ensuite son regard vers l’espace qui a servi de scène à la jeune danseuse. C’est comme s’il la revoyait en train de se mouvoir dans l’espace, dessinant des formes oniriques avec ses flammes… Comme si elles s’étaient imprégnées à ses pupilles.

-Vous vous exprimez sans musique mais on a presque l’impression d’en entendre une lorsque vous dansez. En nous faisant oublier celles que l’on pourrait entendre des spectacles voisins. Nombre d'émotions trans-paressent dans vos gestes et vos créations enflammées. C'est à la fois poétique et puissant. Il est difficile de détacher le regard, c’est… Hypnotisant. Observe-t-il tout haut avant de porter de nouveau ses yeux sur Oriale. Il réalise alors qu’il vient d’analyser sa représentation comme on lui a appris à le faire pendant ses études et il sourit d’amusement et d’embarras mêlés. Pardonnez-moi, je n’étais pas venu vous étudier. Seulement assouvir ma curiosité et… en savoir plus sur celle qui a montré une bienveillance désintéressée envers moi là où d’autres en auraient profité.

En silence, il adresse quelques mots en prière à Néera pour avoir veillé sur lui ce jour-là et avoir mis cette femme sur sa route afin de l’aider à surmonter la crise qui l’assaillait si violemment. Sans cela, il aurait bien pu s'évanouir en pleine rue et... qui sait ce qui lui serait arrivé.

-Ça ne m'étonne pas vraiment. Se désole-t-il.

Les compliments changent avec le niveau d'éducation. Et puis, les hommes riches, en plus d'être assez sensibles au raffinement, sont souvent habitués à être entourés de belles femmes. Alors les commentaires seraient certainement différents auprès d'eux. Même si... cela ne les empêcherait pas d'avoir les mêmes arrières pensées que les autres. Oriale a seulement de la chance d'avoir rencontré quelqu'un qui ne réfléchit pas comme bon nombre de ses pairs masculins.

La plaisanterie de la jeune femme a le mérite d'étirer un assez large sourire amusé sur le visage du guetteur. Si seulement elle savait... Il n'est certes pas critique mais il a été élevé pour être un bon juge de la beauté en toute matière. Cependant, son regard à lui est dénué de tout esprit marchand. Lorsqu'il regarde un objet ou un artiste, il n'y voit pas la valeur qu'il recèle. Il reconnaît le travail, il apprécie le talent... Et peu lui importe l’or qu'il pourrait en tirer.

-Méfiez-vous néanmoins des beaux compliments, on ne sait jamais ce qu'ils pourraient dissimuler. Lui recommande-t-il gentiment.

Le visage d'Aksel s'impose aussitôt à lui. Bien que sa sœur serait également une adversaire dont il faudrait se méfier afin de ne pas se faire mener à la baguette, son frère, lui, provoquerait bien des dégâts... Et nombre de riches ont des talents pour la manipulation, surtout s'ils possèdent une activité marchande.

Alors qu’Aslan allait répondre à la question sous-entendue d’Oriale sur le fait qu’il rentre se reposer, il se retient en voyant qu’elle n’a pas fini son propos et se montre un peu surpris par la proposition. Cela fait bien longtemps qu’il n’a pas pris le temps de s’amuser sincèrement et l’offre semble si naturelle venant d’elle… Tout comme la réponse que cela lui inspire, ce qui l’étonne peut-être plus encore, ce qu’il se gardera bien de montrer.

-Eh bien, pour être honnête… Non. Conclut-il après avoir marqué une courte pause pour faire son effet.

Il a bien participé à des sauteries avec des artistes mais c’était dans un contexte bien différent que celui de festivités locales. Quant à avoir déjà participé à une fête de rue… Il ne l’a plus fait depuis qu’elle l’a quitté, se contentant désormais d’y assurer la sécurité.

-Et étant donné que je viens de me lever, je ne compte pas me recoucher de si tôt. Avoue-t-il en étirant un sourire en coin pour souligner l’ironie de sa situation, avant de reprendre avec un peu plus de sérieux. Je serais heureux d’honorer Arcam en votre compagnie, à la manière de ses disciples.

Aslan avait raison, il fallait aussi se méfier des compliments qui n'étaient pas toujours sincères, certaines personnes les formulaient uniquement pour flatter autrui et se faire bien voir pour demander quelque chose en échange… Heureusement le monde des artistes n'était pas trop comme ça, en général les gens se disaient les choses franchement. Mais Oriale n'aurait jamais supporté d'être dans le commerce ou dans la politique, elle détestait l'hypocrisie. Dans son univers au moins, elle était elle-même.

”Je ne sais pas si on peut appeler ça honorer Arcam… les gens veulent surtout s'amuser mais c'est peut-être ça qu'Arcam nous demande. Je viens de Naelis, là-bas tout le monde le prend très au sérieux…”

D'ailleurs Oriale était une des personnes nées pendant le Voile qu'on appelait les présents d'Arcam, le dieu avait favorisé sa naissance, ce n'était peut-être pas par hasard qu'elle soit devenue une artiste.

Le soir commençait à tomber, tout en continuant à parler, Oriale guida Aslan en direction de la fameuse fête. Ce n'était pas très loin et le bruit de la foule la rendait facile à trouver. Ils arrivèrent dans une longue rue bondée, des cracheurs de feu et des jongleurs animaient la rue pendant qu'un groupe de musiciens jouait un air endiablé qui enthousiasmait la foule, dont une partie s'était mise à danser. Quelques artistes reconnurent Oriale et la saluèrent mais ne s'attardèrent pas pour discuter. Il y avait tant de monde qu'on s'entendait à peine parler mais l'ambiance de la fête était contagieuse. Elle avait envie de danser, mais elle n'était pas sûre qu'Aslan en avait envie… mais puisqu'il avait accepté de venir, tant pis pour lui !

”Vous vouliez vous amuser à la façon des disciples d'Arcam, c'est le moment !”

Elle lui attrapa le bras tout en riant et l'entraîna avec elle à travers la foule.

Lorsqu'Oriale lui confie venir de Naelis, Aslan comprend sa méconnaissance des fêtes dédiées à Arcam qui sont régulièrement organisées deci delà dans les quartiers de Thaar et, plus généralement, dans les villes vaanies. Il n'hésite donc pas à lui apprendre cette petite coutume locale qu'elle ignore du fait de ses origines.

-Nous sommes Arcamenel. En Son jour, il y a toujours de l'animation quelque par à Thaar.

Combien de fois les Al Cabir ont utilisé ce prétexte pour prévoir une fête, une grande exposition, une vente aux enchères... C'était devenu tellement banal pour Aslan d'avoir quelque chose de prévu ce jour de l'ennéade qu'il a adoré la première fois qu'il a pu s'en échapper pour aller vivre autre chose à la place. Il s'était senti si vivant ce jour-là... Cependant, ce n'est pas ce qu'il espère vivre ce soir mais cela lui rappelle néanmoins des souvenirs. Même si Oriale n'a rien à voir avec elle.

Alors qu'il suit la jeune femme, la musique vient rapidement remplir le silence, jusqu'à presque le rendre sourd à tout autre son. Il y a foule et c'est très animé aujourd'hui. Beaucoup de gens sont présents et s'amusent. Leurs rires habitent autant l'air que la mélodie et les mains qui frappent en rythme pour encourager tant les musiciens que les danseurs. Le regard d'Aslan s'arrête sur quelques hommes avinés çà et là, ainsi que sur un type à l'air sinistre à une table qui zieute l'assemblée d'un air mauvais. Les vieux réflexes du guetteur ont la vie dure alors qu'il n'est pas là pour faire la sécurité...
Il est cependant très vite interrompu dans son inspection des lieux par une Oriale plus qu'enthousiaste qui l'attire vers la piste de danse. Il retient un peu son geste avant de lui céder presque aussitôt, comme si sa première réaction était involontaire.

-Sans le moindre échauffement ?!... Fait-il sur un ton amusé, marquant sa surprise plus qu'autre chose.

Mais le voici bientôt au milieu de la foule et, bien malgré lui, en plein dans la ligne de mire de quelques groupes qui se sont accordés pour passer de bras en bras après avoir fait tourner quelque peu leur partenaire. C'est une femme d'un certain âge et d'une bonne corpulence qui l'agrippe quasi immédiatement pour l'entraîner dans cette farandole endiablée. Elle le fait tourner une fois, puis deux, puis le lâche à regret tandis qu'il se fait attirer par une autre femme, plus jeune mais qui lui sourit de ses dents mal entretenues... Aslan cherche Oriale du regard et, s'il croise le sien, il plissera les yeux afin de la gronder silencieusement de ce piège dans lequel il se retrouve fourré par sa faute, mais sans lui en vouloir vraiment.
Les autres partenaires de cette folle épopée sont bien moins désagréables et leur proximité rebute un peu moins le malchanceux Sergent qui avait bien mal démarré. Il finit par se prendre au jeu, bien que restant un peu sur sa réserve alors qu'il se retrouve entouré d'inconnus. Il sourit néanmoins de bon cœur et danse en rythme sans la moindre difficulté. A un moment, il récupère de justesse son partenaire suivant, l'empêchant de tomber alors que l'effet de la danse combinée à celle de l'alcool lui font tourner la tête. Il lui épargne les deux tours qu'ils sont censés faire ensemble, préférant lui parler pour s'assurer que ça ira et le quittant avec une tape sur l'épaule lorsque l'homme choisit de continuer avec la partenaire suivante.

Finalement, après un énième tour de piste, Aslan se retrouve face à celle qui l'a amené jusqu'ici. Et c'est le moment que les musiciens choisissent pour mettre fin à leur mélodie. Le souffle du guetteur est un peu court. Il faut dire qu'après trois mois d'arrêt maladie, il n'a plus tellement l'habitude de produire des efforts physiques. Mais il tient encore pour l'instant.
Alors que tous applaudissent les artistes qui prennent le temps de boire une gorgée, l'héritier des Al Cabir se penche à l'oreille d'Oriale, une main posée sur son coude pour la convier à ne pas bouger le temps qu'il ait fini.

-Je vous ai attirée dans une ruelle. Vous dans les bras d'une charmante dame... Nous sommes quittes j'espère ? Dit-il assez fort pour qu'elle l'entende malgré le bruit ambiant. Mais vous me devez toujours une danse.

Car après tout, il est venu faire la fête avec une artiste, non ?

Pendant que tous les deux dansaient en passant d'un partenaire à l'autre Oriale ne cessait de jeter des regards amusés vers Aslan. Celui-ci jouait bien le jeu en se montrant des plus charmants quelle que soit la personne qu'il avait en face, mais c'était très amusant de le voir se mettre en difficulté. Les partenaires d'Oriale se succédèrent aussi mais c'est à peine si elle les regarda, et quand elle changeait elle avait déjà oublié le précédent. Quand la musique s’arrêta elle se retrouvait face à Aslan et elle regrettait que ce soit déjà terminé, elle n’aurait pas dit non à quelques pas de danse avec lui. Mais Aslan était déjà essoufflé, le pauvre… pourtant il n'avait pas dit son dernier mot. Les pupilles d'Oriale brillèrent de plaisir quand il murmura à son oreille une plaisanterie suivie d'une invitation à danser.

”Ne préférez-vous pas danser avec la charmante dame ?“

La musique reprit, douce et envoûtante. Oriale prit la main d’Aslan, le tirant doucement vers lui. Leurs corps se rapprochèrent lentement, presque timidement. Elle posa sa main sur son épaule, et il glissa la sienne autour de sa taille, leurs regards se croisèrent, se fixant l'un dans l'autre avec une intensité croissante. Un sourire mutin se dessina sur les lèvres d'Oriale et ils commencèrent à se mouvoir en rythme, leurs pas synchronisés comme s'ils avaient dansé ensemble depuis toujours. Chaque mouvement était un jeu où ni l'un ni l'autre ne voulait céder le premier. Oriale jouait de son regard, baissant parfois les yeux avec une fausse timidité pour les relever ensuite avec une lueur de défi. Ils tournaient lentement, leurs mouvements fluides et harmonieux, une danse qui devenait presque intime. Leurs mains s'effleurant doucement. Oriale pouvait sentir la chaleur du corps d'Aslan et le battement de son coeur. La musique continuait de jouer, envoûtante, tandis qu'Oriale et Aslan dansaient, deux âmes en parfaite harmonie, suspendues dans un moment de grâce et de complicité. Leurs mouvements devinrent plus doux, plus lents, presque langoureux, le temps semblait s'arrêter. Quand la musique s'arrêta, Oriale se pencha légèrement vers Aslan. Ses lèvres s'approchèrent de son oreille, et d'une voix douce mais provocante, elle murmura :

"Est-ce que c'est tout ce que tu sais faire, ou gardes-tu le meilleur pour plus tard ?"

Une phrase vint à l'esprit d'Aslan à la boutade d'Oriale concernant sa précédente partenaire de danse mais elle ne franchit jamais ses lèvres. En fait, il était même surpris d'y avoir songé... Il n'a jamais été un grand dragueur et cela fait bien longtemps maintenant que ses rares tentatives sont derrière lui. Son cœur brisé ne s'est jamais relevé du coup qu'il a subi et, depuis, aucune femme n'a pu le ranimer ou éveiller le moindre intérêt chez lui, même charnel. Pas même Loretta avec l'attention qu'elle lui prodigue si gentiment et sa touchante timidité.

Les notes s'envolent de nouveau au-dessus d'eux et la pyromancienne prend l'initiative de les mettre en position. Il se laisse faire, d'un air un peu incrédule. Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'il danse avec une femme à partir de cette posture. Mais c'est... assez étrange. Il a l'impression qu'il y a comme de l'électricité dans l'air. Ils se mettent en mouvement et, après quelques pas, Aslan reprend assez naturellement la main, jouant son rôle de meneur sans pour autant brider la créativité de sa partenaire qui en avait à revendre et se plaît à le surprendre.
Après avoir fait tourner la jeune femme sur elle-même, il l'accueille de nouveau dans ses bras. Ses frêles doigts reviennent dans la paume de sa main dans une caresse. Un peu surpris, il les regarde faire et ressent un frisson lui parcourir l'échine. Ses yeux clairs retrouvent ceux d'Oriale et il réalise... que c'était volontaire de sa part. Et, surtout, qu'il a aimé ça.
La danse continue et les marques d'intérêts se succèdent autant que leurs corps se rapprochent. Aslan y répond avant d'en apporter de nouvelles... Toujours dans la douceur. Toujours dans le respect. Il semble seulement remarquer à quel point cette femme qui danse avec lui est belle. Elle est belle quand elle sourit. Elle est belle quand elle se perd dans la musique. Elle est belle quand elle le défi du regard... Elle semble douce mais renferme tant de force en elle... Il l'avait noté à leur première rencontre et c'est indéniable à présent. Car une femme qui ne serait que douce n'aurait pas cette flamme dans les yeux, animant jusqu'à ses gestes pour lui faire comprendre que cette soirée ne s'arrêtera pas là.

Alors que la mélodie se stoppe encore, les danseurs en font autant. Tout contre Oriale, Aslan a l'impression que tout son être vibre autant que les cordes du violoniste l'instant d'avant. Son cœur bat fort et vite mais ce n'est pas -uniquement- à cause de l'effort fourni. Ceux qui les entoure lui importe peu. La seule qu'il parvient encore à percevoir, c'est elle... Elle qui se penche déjà à son oreille. Il sent sous souffle chaud l'effleurer dans le froid de l'hiver. Alors que ses mots lui parviennent, ses doigts sur sa taille la serre légèrement dans un geste involontaire qui le trahit. Cela fait combien de temps qu'il n'a pas ressenti cela ? Qu'il n'a plus senti sa volonté défaillir devant quelques charmes déployés ? Qu'il n'a pas eu l'impression d'être ensorcelé ? Et la naelisienne n'a presque rien au à faire pour l'envoûter...
Tandis qu'il tient toujours la main d'Oriale dans la sienne, Aslan vient la poser sur son buste sans chercher à s'éloigner de sa partenaire. Et pour cause, il laisse sa joue frôler la sienne, le temps que sa dextre ainsi libérée vienne se poser sur la mâchoire de la jeune femme, l'invitant à ne pas bouger. Il n'a alors qu'à pivoter légèrement la tête... pour que ses lèvres se posent dans le creux du cou de la belle. Il répète son geste à la fois doux et un brin langoureux, descendant d'un demi centimètre à chaque fois. Sa peau est... Il ne saurait pas la décrire. Elle est à la fois chaude, douce et fruitée...

Il ne va pas bien loin dans sa progression, bien conscient qu'ils ne sont pas seuls. Aussi se redresse-t-il au bout de quelques secondes, ses lèvres frôlant le corps d'Oriale à chaque instant, jusqu'à ce qu'il retrouve ses yeux.

-Je croyais que tu ne manipulais que les flammes... C'est censé être moi le spiritualiste.

Il esquisse un sourire amusé, conscient qu'il ne lui avait pas encore confié cette information mais voulant néanmoins s'amuser de la situation. Sa main toujours sur sa joue l'invite à relever légèrement la tête tandis qu'il se penche sur elle. Leurs lèvres ne sont qu'à un centimètre l'une de l'autre lorsqu'un cri les interrompt... annonçant la prochaine musique qui démarre rapidement, bien plus entraînante que la précédente. Aslan, qui avait tourné les yeux vers le fauteur de trouble, revient sur la danseuse, croise son regard, et rit le plus franchement du monde devant cette situation plutôt cocasse.