Une forêt maudite, un repaire de déments, et un damné | Solo

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Début de Karfias de l'An 21 du XIè Cycle,
La Dross, Forêt d'Aduram.

Rares étaient les opportunités de vagabonder jusqu'ici, même pour un agent d'élite de la Doth'ka. Eiriztraena ne se rappelait même pas de la raison pour laquelle elle était venue ici la dernière fois, mais elle se souvenait très bien de cet endroit, comme si elle y avait vécu une grande partie de sa vie. Cette région était le repaire des fous et des malfrats, car n'importe qui d'autre de sensé ne ferait pas le choix de venir jusqu'ici, sauf s'il n'a plus d'autre choix. Ici, aucune faction ne primait. C'était le carrefour des rejetés du monde civilisé. Elfes, drows, nains, humains, sangs-mêlés... tous nichaient là, honnis des leurs et contraints à l'exil, s'étant, au fur et à mesure du temps, plus ou moins crée une nouvelle vie ici-bas. Si tant est qu'on pouvait appeler cela « une vie. »

La Dross ne se préoccupe pas de la politique, des religions et des conflits tant que cela n'impacte pas directement leurs activités criminelles ou occultes. A certaines époques, la Doth'ka souhaitait y construire un réseau d'espions, que ce soit pour espionner les ladrossiens directement, ou ceux avec qui ils pouvaient avoir affaire. Néanmoins, cet endroit est beaucoup trop volage et imprévisible pour stabiliser une relation de confiance avec le moindre brigand. Les têtes tombaient et se remettaient à une vitesse ahurissante dans un lieu anarchique. La Dross était pourtant pleine de ressources à exploiter, mais difficile lorsque même le réseau d'Itri'Vaan s'étiole comme il s'est ainsi étiolé ces dernières décennies.

Eiriztraena avait tissé quelques relations ponctuelles avec certains types du coin. Ne lui restait qu'à espérer deux choses : qu'ils soient encore en vie, et qu'ils aient une bribe d'information à lui donner au sujet du renégat.

C'eût été sûrement bien trop facile s'ils avaient été encore vivants après toutes ces années. Pourtant, elle se souvenait d'eux comme si elle les avait revu l'ennéade passée. Elle se rappelait de nombreux détails à leur sujet. Où ils créchaient, leurs activités, leurs manières en tout genre de s'exprimer et se comporter... Mais, désormais privé de ces contacts, Eiriztraena était contrainte de s'en dénicher des nouveaux, qu'elle aura sûrement à cœur d'entretenir correctement cette fois-ci. Fort heureusement, avant de partir, le Gardien des Secrets lui avait donné un nom susceptible de l'aider.

Jelezare.

Du début de Karfias à la fin de Favriüs de l'An 21 du XXIè Cycle.

Ce qu'avait néanmoins "omis" de préciser ce sale con, c'est que ce Jelezare était une flaque d'urine au milieu de l'océan. Pas une seule personne avait pu fournir à Eiriz' la moindre bribe d'information sur ce nom, si tant est qu'elle se demandât si le Gardien des Secrets n'était pas le seul à connaître ce nom, qu'il avait lu dans un parchemin coincé sous le pied d'une armoire. Nul doute que certains lui mentaient en prétendant qu'ils ne savaient rien, alors qu'ils étaient possiblement un de ses lieutenants. C'eût été plus simple si elle avait autre chose qu'un nom.

Des jours durant, elle fouilla les moindres recoins de la ville miteuse. C'est alors qu'elle se souvint pourquoi elle se souvenait si bien de la Dross. Elle n'évoluait jamais. Personne n'a eu la merveilleuse idée de corriger la bêtise de ceux qui avaient fondé cette colonie. Plutôt que de faire en sorte que l'architecture soit logique, voire esthétique, les nouveaux venus ne faisaient qu'agréger de la folie à la folie. Mais, ce taudis aux allures de bidonville vaani n'était pas le réel soucis de la Garde Silencieuse, qui n'escomptait pas y emménager. Le plus gros défaut de cet endroit, c'était l'incessante sensation de bourdonnement aiguë qu'elle ressentait dans ses oreilles. C'est comme si un insecte criard invisible lui collait les tympans à chacun de ses mouvements, manquant de la rendre folle à lier. Si l'on pouvait penser qu'elle s'y habituerait, eh bien, en réalité, personne ne le pouvait. Son seul salut était de rapidement réussir sa mission. Un espoir bien farfelu.

Deux ennéades durant, elle avait retourné la Dross dans tous les sens... en vain. Jusqu'au jour où elle trouva enfin la perle rare. Un homme prétendit alors connaître Jelezare, et était prêt à conduire Eiriz' devant lui en échange d'un service. Un petit meurtre de rien du tout. Une aubaine si tentante qu'elle se demandait si elle ne se jetait pas tout droit dans un piège. Mais elle n'avait pas d'autre choix. Elle exécuta sa part du contrat, et rejoignit son contact dans un des endroits les plus sales et les plus puants de la Dross, une ruelle étroite remplie de déchets... ce genre d'endroits où l'on exécutait des témoins gênants, que l'on abandonnait au milieu des détritus.

Soudainement, Eiriz' se retrouva encerclé par des vulgaires voyous, et des mercenaires plus aguerris. Tous payés par le type en question, complètement camouflé par ses vêtements. Il portait même des lunettes sombres pour cacher ses yeux. En bonne Eldéenne qui se respectait, la Garde Silencieuse terrassa ses assaillants sans la moindre peine, puis fit face à celui qui avait exigé d'elle un service, qui n'avait pas cillé. Il défit alors tous ses vêtements masquant son visage, pour laisser apparaître le visage d'un Drow étonnamment magnifique, sa crinière blanche ondulant jusqu'à son dos, quelques mèches traînant sur son visage. Eiriz ne put masquer son incompréhension.

« Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu un Eldéen utiliser mon nom vaani. Ton Gardien des Secrets ne doit pas être à la page de certains détails. »

Le Drow avait une voix étonnamment fluette, pour un eldéen. De tous les scenarii possibles, Eiriztraena n'avait pas pensé un seul instant au fait que la Doth'ka avait des agents perdus ou dormants dans cet endroit de Miradelphia.

« Les officiers de la Doth'ka ne sont plus à la page de pas mal de choses, je le crains. »

La voix amère d'Eiriz' fit sourire son interlocuteur. Ce dernier se doutait bien qu'avant d'arriver ici et remuer ciel et terre pour le trouver lui, elle avait du faire de même en Itri'Vaan et consorts.

« Et j'en suis une, je sais de quoi je parle. »
« Cela fait bientôt 10 ans que je suis ici, et dis-toi que je me demande toujours pourquoi. » fit l'homme qui fit également part de son amertume.
« Si ce n'est que ça, ça peut toujours changer. »
« Mais quand ? »
« Maintenant, si tu le souhaites. De toute façon, tu me dois un service. »
« Je te l'ai rendu ce service, tu voulais Jelezare, et me voilà. »

La femme grogna. Il avait malheureusement raison. Mais elle ne pouvait renoncer à ce seul allié potentiel. Le temps lui était compté, et elle devait agir vite. Se faire des amis était une tâche bien trop longue et tortueuse pour s'y risquer. Si elle avait connu cet agent, elle aurait pu appuyer sur son point faible. En l'occurrence, elle ne connaissait pas assez Jelezare pour savoir ses idéaux les plus enfouis sous sa couverture. Et le tuer annihilerait toutes ses chances de retrouver le renégat rapidement.

« Tu as entendu parler de Naélis ? »
« La branlée qu'on s'est prise ? Et comment ! »

Un sourire éclaira le visage de la Drow. Un sourire qui aurait pu éclairer le tunnel des plus sombres. Il avait dit ''on.'' Quoi qu'il dirait, Jelezare appartenait toujours à Elda, et son désespoir ne l'avait pas encore conduit à trahir le Puy. Il était bel et bien un agent dormant. Cela lui suffit à espérer qu'il l'aiderait si jamais elle faisait preuve de bonne foi.

Le plus long ne serait pas de trouver Kerath, mais d'aider celui qui le dénicherait plus rapidement qu'elle toute seule.

« Est-ce que c'est payant de savoir ce qu'il s'est passé pour que tu en arrives là ? »
« Je suis un dossier si secret que ça ? »
« Le Gardien des Secrets a insisté sur le fait que je suis la seule Garde Silencieuse à connaître ton nom, en sachant qu'il est tenu au secret par le Barra. »
« Hé beh ! … Très bien, suis-moi. Je te raconterai tout chez moi, j'y serai serein maintenant que le type qui cherchait à me zigouiller est mort. »

Pendant tout le reste de la nuit, Jelezare, ou plutôt Jael'Hezzar, raconta les détails de sa mission confié par le Barra en personne, son arrivée et comment il a réussi à construire son apothicairerie honorable, qui constituait sa couverture, et là où il vivait et avait invité sa nouvelle amie à séjourner. Il avait même une bibliothèque remplie de rapports sur les premières années suivant son arrivée, qu'ils devaient faire parvenir à Thaar, mais les contacts s'étant perdus dans la capitale vaanie également, il s'est retrouvé isolé. Qui sait quels échecs ou quelles réussites cet espion tenait entre ses parchemins ? Avec le temps, bien que sa foi n'avait pas vacillé, il avait renoncé à sa mission et s'était concentré sur sa boutique et son confort. C'est pour cela qu'il n'avait aucun rapport sur la situation des quelques dernières années, dont celle l'épisode naélisien.. Tesso seul connaissait les richesses de ses vélins.

« Finalement, je ne sais toujours pas pourquoi la Doth'ka s'est décidée à revenir à la Dross. »

Il était vrai qu'Eiriztraena avait gardé secrètes les raisons de sa venue. Elle n'appréciait guère se retrouver dans la position de la nécessiteuse, et, en temps normal, Jelezare lui aurait dû obéissance. Mais ce dernier était trop précieux pour qu'elle se risque à des crises d'autorité, en sachant qu'elle n'était pas dans le bon camp, cette fois-ci.

« Un bien mauvais concours de circonstance, on va dire. » fit-elle en souriant jaune. « Après la défaite de Naélis, le Karliik Glenn a disparu, pour ne pas dire qu'il a déserté. Tout porte à croire qu'il est en Aduram, car j'ai passé les derniers mois à le traquer de l'Itri'Vaan au Désert Zurthan sans y trouver la moindre trace de ce couillon. »
« Et comment le Gardien des Secrets peut-il penser que je sais où il est en sachant qu'il ne m'a jamais été ordonné de veiller pour ça ? »
« Crois-moi, tu ne peux pas le louper. Quoi qu'il en soit, il m'a donné ton nom car il suggérait que tu étais le seul susceptible de m'aider... et digne de confiance. »
« Quand j'ai quitté Elda pour la Dross, il n'y avait même pas de Karliik Glenn. » ricana Jelezare, suivie par son invitée qui se souvint alors de cette drôle d'époque. Drôle étant le mot.
« Cela ne change rien. Si tu n'as pas croisé de colosse drow aux allures d'ogre par ici, c'est que tu l'as pas rencontré. »
« Ce n'est pas le portrait le plus précis que j'aurais entendu. »
« Pas faux, je te l'accorde. »

Pas faux mais celui-ci en tenait une couche quand même. Mais, cela importait guère. Jelezare ne savait pas qui était Kerath, il ne pouvait donc pas connecter une information à ce nom. Eiriztraena se doutait très bien qu'il ne créchait pas ici, et s'il venait, c'eût été par nécessité et seulement par nécessité. Elle avait seulement besoin d'un type qui avait, ou pouvait avoir, les contacts qui, eux, savaient où il était amené à se planquer.

« Comme tu ne me fais sûrement pas confiance, je vais te faire une proposition. » tenta la Garde Silencieuse pour rallier l'espion à sa cause, qui fût la sienne durant longtemps. « Je t'assiste à faire de cet endroit un coin assez branché de la Dross, par tous les moyens possibles, et tu m'aides à retrouver le Karliik Glenn. Une fois papi rapatrié à la maison, je t'envoie la main d’œuvre nécessaire pour terminer le travail, et construire ce pour quoi on t'a envoyé ici il y a dix ans. »
« Où est le piège ? »
« En Aduram, sûrement. Ni moi ni la Doth'ka n'avons intérêt à te piner. Le succès de cette mission fera valser plus d'un cadre du Puy, et mêmes les Ombres vont danser. »
« Quelle poétesse ! » s'exclama Jelezare, en agitant les mains d'un air théâtral. Il se mua dans le silence pendant quelques secondes, pensif à la proposition d'Eiriz. Il soupira longuement. « Dans ce cas, on a du pain sur la planche. Mais, si jamais réseau il y a ici, je veux en être la tête. »
« Naturellement. Je ne comptais pas catapulter à la tête de ce réseau quelqu'un qui ne connaît pas la Dross. »
« Alors que Meingal nous en soit témoin, nous tenons notre accord. Qu'il châtie celui qui rompra sa promesse. » proclama solennellement Jelezare, suivie par son amie drow ui ne retint pas un sourire satisfait. « J'espère que tu n'es pas déjà lasse d'apporter la mort, car des ennemis, j'en ai autant que des amis, sinon plus.. »
« Ne t'occupe pas de mes états de flammes, ta langue aura autant de travail que ma lame. Les ennemis et les amis, ça se remplace. »


Dès le lendemain, et ce pendant de très nombreux jours et ennéades, Eiriztraena fit à la Dross ce qu'elle avait opéré, des mois durant, en Itri'Vaan. Rien de nouveau sous le soleil en somme. Seul changeait le cadre de vie. Le désert infernal avait cédé sa place à la tourbe puante, et aux incessants accouphènes à rendre Kiel jalouse. Une épreuve divine s'ajoutait à sa mission pragmatique. Si la Garde Silencieuse survivait à ce cri maléfique sans y laisser son esprit, Kiel pourrait l'appuyer devant ses incompétents d'officiers.

L'apothicairerie de Jelezare était son nouveau repaire. Bien pratique lorsqu'elle avait besoin de confectionner des poisons, beaucoup moins lorsqu'il s'agissait de stocker ses armes et s'entraîner. Malgré le traître qu'il était devenu, Kerath était un guerrier parmi les meilleurs que le Puy ait pu donner. Ce guerrier, elle ne pourra jamais le battre durant un duel. C'est pourquoi elle avait prévu plusieurs armes de jets, des accessoires de combat comme des chausses-trappes ou des fumigènes, et qu'elle avait demandé à Jelezare de travailler sur un poison capable d'affaiblir un Drow de son envergure. Face à Kerath, Eiriztraena ne devait commettre aucune erreur. Ce succès lui était capital pour satisfaire ses ambitions. Et pour ce faire, elle pensait qu'il était louable de le capturer, et non de le tuer. Cela rendait sa mission plus délicate qu'une lame dans le creux des côtes, c'est vrai. Mais le ramener au Puy permettrait de rappeler à ceux qui en auraient besoin que les traîtres, où qu'ils se terrent, devront, tôt ou tard, faire face au jugement des Dieux.

L'Araignée était patiente. Avant que la mouche ne s'empêtre dans sa toile, elle devait d'abord en tisser une solide. C'était là la première étape de sa mission : remettre Jelezare sur le chemin de l'Eda Vengeur.

De Bàrkios à Verimios de l'An 21 du XIè Cycle.

La Dross n'avait sûrement jamais autant été agité qu'elle ne le fût cette année 21. Ce n'est pas comme si cet endroit était un havre de paix, néanmoins il n'était pas nécessairement sujet à des séries de meurtres quotidiennement. Quoi qu'on dise des repaires de malfrats, un certain corps de règles, si primitives soient-elles, délimitait leur cadre de vie pour que la vie y soit a minima possible (tout étant relatif). Cela n'allait pas jusqu'à rendre les lieux attractifs pour le tout venant, mais il fallait bien s'assurer un certain confort dans des lieux aussi désolés. Être fou n'empêchait pas le souhait de vivre sereinement. Une sérénité loin d'être acquise malgré tout.

Eiriztraena et Jelezare étaient en mission. Certains poètes n'auraient pas hésité à utiliser le terme de "croisade" pour enflammer le lecteur. A vrai dire, au départ, seule la première l'était, le second ne le serait que lorsque ladite première aura réussi la sienne. Ceci étant, il ne ménageait pas ses efforts pour autant. Pour faire son travail, la Garde Silencieuse avait besoin des renseignements précis de son espion. C'est alors qu'Eiriz comprit pourquoi le Barra l'avait missionné en personne, lui et pas un autre. Ce type était d'une discrétion et d'une efficacité redoutable, alors même que les Drows se faisaient assez rare ici-bas. Ce bougre s'était également entouré d'alliés capables, amenant avec cela un lot incalculable d'ennemi tout aussi dangereux pour qui ne savait pas se défendre. C'était le cas de Jelezare, avant l'arrivée de sa nouvelle protectrice.

Durant de longues ennéades, ladite protectrice fut donc à l'origine de nombreux troubles dans la zone marécageuse. De nombreuses têtes étaient amenées à disparaître où être retrouvées dans de piteux états, dans les recoins les plus glauques de la Dross. Cela ne fit que profiter à son allié, qui profita des troubles pour reprendre ses activités menacées, agrandir sa boutique, et même faire l'acquisition d'un débit de boisson où circulaient facilement de nombreuses informations, grâce au grand pouvoir de l'alcool. Un pouvoir très utile lorsque l'on cherchait à retrouver un fantôme. Et puis, la frontière était très ténue entre la distillerie et l'apothicairerie. Une frontière que pourra exploiter aisément l'artiste du second.

Au fil de ces jours dans la tourbe et la folie de la maudite forêt, les deux Drows tissèrent des liens solides, une confiance s'installant entre les deux. Elle tenait sa parole, et lui retrouvait peu à peu le droit chemin d'Uriz, qu'il n'avait pourtant pas délaissé, mais qu'Elda lui avait, volontairement ou non, jonché de pièges à loup. Eiriztraena ne s'enfermait jamais dans de vaines promesses, sauf lorsqu'elle était infiniment sûre de pouvoir les tenir. Mais, bien qu'elle n'avait pas à craindre de ne pas pouvoir tenir celle-ci, les agents de la Doth'ka, si ce ne sont les eldéens en général, n'accordaient que peu de crédit à la parole donnée. Fais ton travail mais ferme-là, comme on disait. En l'occurrence, après toutes ces années d'errance, Jelezare réclamait des actions plus que des promesses, ce qu'Eiriz' avait satisfait.


Dans le courant de la quatrième ennéade de Barkios, Jelezare l'invita dans l'arrière-salle de son échoppe apothicaire. Sur une table délavée, une carte de la région sur laquelle différents symboles et couleurs se greffaient sur la région de l'Aduram.

« Comme tu peux le voir, j'ai commencé mes recherches en me servant de la Dross comme foyer. J'ai parlé avec mes différents contacts parmi les bateliers, aucune ne fait mention d'un drow ressemblant à Kerath, et, comme tu me le disais l'autre fois, un type comme lui ne s'oublie pas. » commença l'espion, en désignant de son index les marécages et les canaux. « Cela signifie qu'il n'arrive pas ici par les flots, ce qui signifie également qu'il se situe très certainement vers l'Ouest ou le Nord de la zone. »
« Ça se tient, il doit aussi esquiver Naélis, donc il évitera le Sud, pour peu qu'il puisse se repérer facilement. » commenta son officière, se tenant le menton d'un air pensif.
« Exact. En général, lorsque j'ai besoin d'herbes dans les bois, je paie des bandes de mercenaires assez costauds pour faire le tour et revenir sans trop de pertes. J'ai envoyé deux groupes vers l'Ouest pour ratisser les environs, voir s'ils y trouvent un quelconque signe de vie dans des alentours relativement proches de la Dross. »
« Quand reviennent tes mercenaires ? »
« Fin d'ennéade grand maximum... s'ils ne rencontrent aucun accroc. Ils restent des humains... »
« Et ton messager pour Thaar ? »
« Il est déjà revenu, nos rapports pour Sol'Dorn sont normalement en route. Et tes renforts arriveront dans la foulée. »
« Parfait. »

Eiriz' adressa une tape amicale sur l'épaule de ce qui ressemblait à un ami et se re-concentra sur la carte , bien qu'elle cherchait une information qu'elle ne trouverait certainement pas dessus.

« Dis-moi, tu es sûre qu'on pourra se fier à tes fameux renforts ? » fit alors Jelezare, ne manquant pas d'attirer sur lui le regard froid de sa supérieure.
« Je sais que je peux me fier à Kaar'Myna. Elle réussira à m'amener les meilleurs. »
« Ce n'est pas de leur talent que je parlais. »
« Ah ! Mais ne t'en fais pas. Kaar'Myna joue aussi gros que moi dans cette affaire. Et si elle veut qu'on réussisse, elle doit d'abord réussir son audition. »

Une audition délicate, il fallait en convenir. Mais Eiriz' savait que Kaar'Myna Naxx'Irva lui amènerait les profils qu'elle souhaitait. Et pour cause, cette dernière a été pendant longtemps l'apprentie de la première. Non contente de lui avoir appris les ficelles du métier d'assassin, elle lui avait également transmise bien d'autres leçons, notamment celle de bien choisir ses alliés pour une mission précise, quitte à l'éliminer une fois cette mission remplie. Enfin, si nécessaire seulement.


Comme prévu, à la fin de la quatrième ennéade, les mercenaires de Jelezare revinrent, avec des informations fructueuses. Dans les bois, des restes osseux de créatures laissaient entendre que quelqu'un les chassait, et pas pour les vendre mais bien pour se sustenter. De plus, ils avaient également trouver des traces de vie non-animales telles que des restes de feu dans certains bosquets. Une piste faiblarde, mais une piste tout de même. Les Drows étaient de grands consommateurs de viande, et nul doute que Kerath n'était pas prêt à renoncer à cette alimentation. Et s'il chassait, il serait amené à venir à la Dross pour entretenir son équipement, ce qu'espérait Eiriz', d'autant plus que les créatures d'Aduram n'étaient pas connues pour être faciles à abattre. Leurs crocs n'étaient pas comme les vulgaires fourches humaines.

Deux ennéades plus tard, les fouilles continuaient tandis que Kerath pourrait bientôt être localisé. Mais alors que les mercenaires délimitaient les zones de la forêt, ils finirent par tomber nez-à-nez avec la bête elle-même. Et Kerath ne s'est pas fait prier pour tous les éliminer, sauf deux qui parvinrent à rejoindre la Dross avant de voir leur tête défoncée à coup de marteau. Cela signifiait qu'il rôdait effectivement vers l'Ouest de la Dross, bien qu'il se déplacera sûrement d'ici-là, même s'il ne devrait pas être au courant que le Puy l'avait retrouvé. Les agents secrets présents en faisaient assez pour masquer leur véritable origine.

La huitième ennéade fut animée par l'arrivée attendue de Kaar'Myna Naxx'Irva, seule dans un premier temps. Elle annonça à son ancienne maîtresse qu'elle avait trouvé un Garde Silencieux à Thaar, et un autre assassin à Sol'Dorn, qu'elle disait très bien connaître et qu'Eiriz' ne pouvait qu'apprécier. Elle avait tout de même demandé à un agent de rester aux aguets et de leur envoyer des renforts si jamais d'autres Gardes Silencieux se perdaient à Thaar. Cette garce avait intérêt à avoir raison. Il était hors de question de s'entourer de boulets à un moment aussi capitale.

« Ils arrivent quand, nos amis, alors ? » demanda alors Eiriz' après plusieurs accolades.
« D'ici les prochaines ennéades, le temps de boucler leurs affaires et accourir ici sans éveiller les soupçons du Barra, comme tu le voulais. » répondit Kaar'Myna, de son ton malicieux de toujours. « Nous serons trois, cela devrait être suffisant pour mater notre ami. »
« Si personne ne fait de conneries de débutant, oui. » siffla Eiriz, plus agitée que d'habitude. « L'heure approche et nous devons être prêts au plus vite. »
« Tu as localisé Kerath ? »
« Nous savons où le chercher. Malheureusement, dans cette forêt, il est impossible d'être précis, d'autant plus qu'il n'est jamais fixe. Mais la zone est suffisamment restreinte pour que nous ne perdions pas de nuit à le chercher. »
« Quel est ton plan alors ? »
« Ahah ! Ma très chère Kaar'... toujours aussi impatiente. Tu devras attendre nos amis pour ça. »

L'heure fatidique approchait à grand pas. Eiriz' était bientôt prête à remplir sa mission capitale. Ce n'était plus qu'une question d'ennéades désormais.

De la première à la troisième ennéade de Verimios, An 21 du Onzième Cycle.

La fin de l'année approchait, et les ultimes préparatifs pour cette grande mission s'achevaient. Après les innombrables expéditions des mercenaires de Jelezare dans la forêt, Eiriztraena prit la relève, guettant les repères qu'ils avaient rapporté, essayant d'en trouver de nouveaux, ou encore étudier même le maléfice de la forêt lui-même. Elle devait au mieux éviter le plus grand nombre de mauvaises surprises d'ici sa rencontre avec le renégat, mais également pendant et après. Aucune erreur ne devait être commise sans quoi Eiriz' y risquait sa tête.
En plus de cette préparation minutieuse du terrain, la Garde Silencieuse avait également mandé à son ami de prendre contact avec des agents en Itri'Vaan pour faire livrer quelques équipements supplémentaires afin de faciliter la capture du traître. Ce dernier était un guerrier à ne pas sous-estimer, toujours paré d'armes et d'armures d'une qualité supérieure, qu'il n'avait pas renié aussi aisément qu'il avait rejeté Uriz. Et, à défaut de pouvoir percer ces défenses, l'agente de la Doth'ka devait au moins pouvoir la contourner, l'affaiblir, ou encore la retourner contre son détenteur.

Ces deux premières ennéades furent animés par ces vicissitudes anecdotiques de toute mission d'un agent secret. L'araignée tissait sa toile sur une région prolifique pendant qu'elle y préparait une mission de très haut calibre. Eiriztraena reçut ses armes, ses renforts, étayait jour après jour chacune des information glanée au fil des derniers mois, et élaborer son plan d'action avec ses partenaires. Ce n'était certainement pas la période la plus captivante d'une mission comme celle-ci, mais elle était malheureusement incontournable. Pendant plusieurs jours, ils inspecteraient l'équipement à se demander ce qu'ils devront prendre (ne se décidant que le jour j) et se réuniront autour d'une carte ou d'un plan pour savoir par où, quand et comment attaquer. Néanmoins, ils n'avaient pas à se soucier de comment s'échapper, puisque la surveillance d'Aduram, quoi qu'imprévisible, n'était pas à prendre en compte. Pour cause, cela était impossible de prévoir l'arrivée d'une créature affamée prête à dévorer le premier venu.

Ce n'est qu'à la partir de la troisième ennéade, à l'approche de la date fatidique, puisqu'Eiriztraena ne voulait pas attendre la nouvelle année pour ramener Kerath à Elda, que les événements semblèrent s'accélérer. Il n'y avait plus rien sur quoi réfléchir, ni plus rien à préparer. Les lames étaient affûtées, les poisons confectionnés, la cible localisé, le chemin tracé, le plan de bataille conçu, et le sort jeté. Il ne leur restait plus qu'à agir, et c'est ce que ces trois agents de la Doth'ka s'apprêtaient à faire dans les plus brefs délais.