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| Dans le blanc des yeux [Adonia] | |
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Perdiccas
Humain
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| Sujet: Dans le blanc des yeux [Adonia] Dim 2 Juin 2024 - 13:38 | |
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L'an 21 du XIème cycle Quatrième ennéade de Verimios - Hiver Le quatrième jour - Le turquoise te sied, mon fils, remarquait Pasiphaé tandis qu'ils approchaient du palais Tanagris et que leur parvenaient déjà les murmures de la fête : un orchestre de cithares et tambourins jouait une mélodie hautement cadencée qui se mêlait aux échos des rires et des conversations. On entendait tinter des verres et gigoter des danseurs au martèlement de talons sur du parquet. Tu devrais porter plus souvent ce genre de tenue, ajouta-t-elle en époussetant la tunique de son fils. C'est quand même mieux que tes horribles cottes de mailles.- Si le but est de mourir sur le terrain, oui Mère, c'est mieux, effectivement, répondit Perdiccas, son bras enroulé autour de celui de sa génitrice. Je devrais suggérer à Varsken qu'on se colle des franfreluches sur les casques et les armures, et des plumes dans le fion pour impressionner l'ennemi.- Surveille ton langage, Perdiccas, et épargne-moi ton mauvais esprit. Tu n'es pas avec ta bande de rustres aujourd'hui, alors essaye de te conduire convenablement. Surtout que ta tante Égine est là ce soir. Elle me parle souvent de toi, elle avait hâte de te revoir.- Cette vieille chouette moisie ? Est-ce qu'elle a toujours de la moustache ?- Je t'interdis de faire allusion à sa moustache. Tu as intérêt d'être courtois avec elle.- La courtoisie, ça serait qu'elle fasse quelque chose pour son odeur.- Tu lui diras bonjour et tu lui feras une bise.- Hors de question que je foute mes lèvres là-dessus.- Tu commences à m'énerver, gronda Pasiphaé en serrant les dents. Tu as de la chance qu'on soit presque arrivés... maintenant, tiens-toi bien et fais semblant d'être un bon fils bien éduqué, veux-tu ? Ne m'oblige pas à te donner une fessée déculottée devant tout le monde.La Compagnie des Justes avait regagné Thaar depuis quelques jours, laissant les siens faire relâche dans la capitale de l'argent-roi, où la plupart ne manqueraient pas de dépenser toute leur solde en quelques jours. Fils attentionné qu'il était, Perdiccas s'était empressé d'aller saluer sa chère maman. Il commençait déjà à regretter ce témoignage de piété filiale : Pasiphaé s'était mise en tête de l'emmener à la soirée du patrice Éphippus Tanagris, un marchand prospère comme Thaar en comptait des myriades. L'homme avait coutume d'organiser de petites célébrations fastueuses réservées aux gens de bonne compagnie. Pasiphaé faisait partie de ce cercle d'habitués ; elle le fréquentait déjà du temps où elle faisait partie des courtisanes de luxe les plus fameuses de Thaar, avant la naissance de Perdiccas. Pour sa part, le jeune mercenaire ne l'appréciait pas beaucoup ; Éphippus n'était qu'un des milliers d'hommes qui avaient besogné sa mère à la grande époque, mais ce vieux con s'imaginait avoir noué avec elle une relation spéciale. Suffisamment spéciale pour qu'il se permette de traiter Perdiccas avec une familiarité paternelle, comme s'ils avaient quelque chose en commun pour avoir partagé le même orifice, lui pour y avoir fourré sa queue, Perdiccas pour en être sorti. - Pasiphaé, te voilà ! s'exclama un quinquagénaire grisonnant aux énormes bajoues alors qu'ils pénétraient dans les jardins du palais. Que tu es rayonnante, badina-t-il en se courbant pour baiser la main de la Rose Virginale. - Gare à la flatterie, Éphippus, répondit Pasiphaé avec un fin sourire. Je ne suis plus si rayonnante que jadis…- Tu es belle comme au premier jour, au contraire, insista leur hôte sans la lâcher des yeux. Ça va devenir dégueulasse, songea Perdiccas avant d'émettre une toux discrète, histoire de leur rappeler qu'il était là. Avec succès, puisqu’Éphippus sembla enfin remarquer sa présence. - Que Tyra me croque, ce grand gaillard à ton bras serait-il ton valeureux mercenaire de fils ? Dans mes bras, Perdiccas ! Ça fait combien de temps que je ne t'avais pas vu ?Pas assez longtemps, songea Perdiccas en grimaçant pendant qu'Éphippus le gratifiait d'une accolade humide - parce que la sueur empoissait ses aisselles en dépit du froid hivernal. - Te voir me remplit d'allégresse, Éphippus, mentit le jeune mercenaire. - Oui, oui, moi aussi, répondit leur hôte, bien qu’il avait déjà reporté son regard enamouré sur Pasiphaé, et que ses yeux semblaient dégouliner d’un désir libidineux pour le moins écoeurant. - Si tu allais trouver tante Égine, Perdiccas ? Je vais tenir compagnie à Éphippus en attendant.C'est ça. Il ne se ferait pas prier pour arrêter de tenir la chandelle, bien qu’il répugnât à laisser sa mère aux griffes de ce vieux coq. Il pénétra dans le grand salon déja bondé par une presse bourgeoise en nombre. Il y avait là de gros négociants flanqués de leurs familiers, des hommes vieux et gras paradant au bras de femmes beaucoup plus jeunes - certaines aidaient même leur vieux croulant à marcher, ce qui était très touchant. Parfois, c'était la femme qui était riche - on le comprenait au fait qu'elle soit entourée de deux hommes beaucoup plus jeunes, et même trois pour les plus endurantes. Tout ce petit monde caquetait ensemble, mêlant le jeu des affaires à celui de la culture, vantant le dernier peintre à la mode ou la dernière pièce de théâtre qui faisait sensation à Thaar. Perdiccas se mêla tranquillement aux convives, passant entre les groupes sans chercher à s'immiscer parmi l'un d'eux, car ce monde n'était plus vraiment le sien. Ses yeux cherchaient dans la foule un visage connu, en prenant surtout bien soin de ne pas tomber par inadvertance sur sa tante moustachue. Finalement, le hasard guida ses pas jusqu’au buffet. Leur hôte avait des défauts, mais la boustifaille offerte à ses invités était autrement plus appétissante que la merdasse qui remplissait les écuelles des mercenaires en campagne. Perdiccas y fit honneur en jouant les pique-assiettes. Tout en se gavant de petits fours, il avisa distraitement la personne qui passait près de lui. - Dites, excusez-moi, vous n'auriez pas vu… Il s’interrompit en posant le regard sur le visage de la jeune femme qu’il était en train d’aborder, et plus particulièrement l'iris pâle de ses yeux. Hmm, non, pardon, vous n'avez pas vu.
Dernière édition par Perdiccas le Jeu 4 Juil 2024 - 20:18, édité 2 fois (Raison : Illustration Pasiphaé) |
| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Dans le blanc des yeux [Adonia] Mar 4 Juin 2024 - 13:40 | |
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Un peu plus tôt…
   « Héracle ! l’alpague-t-elle lorsque l’ombre de son frère apparaît subitement dans l’interstice de sa porte. Nos messagers ont ratissé tout Thaar pour te trouver et te rappeler l’invitation reçue par Éphippus Tanagris ; tu y es convié pour parler de sa dernière offre, alors hâte-toi de te préparer.    — L'envie y est, de cela je peux t'en assurer. Hélas, plusieurs affaires urgentes me retiennent pour les jours à venir loin de la ripaille et du bon gras de la barbaque. Et si de bonne fortune tu venais à être piquée par la fortuite envie d'y faire acte de présence, je ne pourrais que t'encourager à la tâche!    — Qu’as-tu donc de plus important que cela, si ce n’est d’aller sillonner une fois de plus ce dernier bordel que tu sembles tant affectionner ? l’assène-t-elle en cherchant, tant bien que mal, à garder son calme. Quand grandiras-tu suffisamment pour réaliser que tes responsabilités supplantent tes instincts de….    — Va, va ! Et profites en pour faire des rencontres nouvelles ! Trouves-toi un homme droit, au pouce vert, qui voudra bien te montrer comment planter sa graine. Tu t'en sortiras grandie!    — Héracle ! » hurle-t-elle, mais en vain, puisque l’ombre de son aîné s’en est déjà allé.
   A présent…
   Elle y est, aussi seule qu’une fleur d’hiver, vêtue d’une sobre robe, mais dont les arabesques rappellent celles de ses plus antiques aïeules. Elle s’est dévouée au lieu et place de son aîné s’étant – une fois de plus – démis de ses charges ; privilège de l’héritier et caprice de l’enfant roi que nul n’oserait gronder. Que la chaude pisse l’emporte, lui et ses racoleuses, tandis que les regards se portent désormais sur elle et sa suite plus réduite que ne l’aurait été celle de l’Espadon. Au moins peut-elle jouir d’un certain anonymat qui, une fois les salutations faites, a même réussi à recouvrer son droit. Se fondant ainsi dans cette masse plus grouillante qu’odorante depuis la dernière heure, la voilée ayant délaissé pour la soirée son linceul coutumier, s’affaire à paraître normale et montrer quelques intérêts. Plus guère habituée à ce genre de veglionnes réunissant le Tout-Thaar, elle sourit dès lors qu’une personne s’adresse à elle pour lui prodiguer d’affligeantes platitudes. Cherchant alors, par tous les moyens, à s’éviter ces longues et gênantes confrontations, c’est au près du petit orchestre composé de quelques musiciens qu’elle a préféré trouver refuge. Se tenant non loin, tout en continuant d’apercevoir l’ombre de son garde la talonnant de quelques pas, elle parvient durant quelques instants à s’évader.    Lorsque le joueur de cithare se met soudainement à recouvrir l’assemblée de quelques notes solitaires, bien plus mélancoliques qu’elles ne devraient normalement l’être en pareille circonstance, elle songe aussitôt à ce petit acte de rébellion ne soulevant aucun opprobre. Comme un pet dans l’eau, les pensées accompagnant cette discrète bravade sont accompagnées de quelques vers, Ô temps, suspend ton vol ! et vous, heures propices, suspendez votre cours ! Laissez-nous savourer les rapides délices, des plus beaux de nos jours ! Mais hélas, je suis comme la reine d’une contrée lointaine, riche mais impuissante, jeune et pourtant très vielle, qui, de ses précepteurs méprisant les courbettes, s’ennuie avec ses chiens ainsi qu’avec ses bêtes…    Quelques pas en arrière pour recouvrer les dites bêtes et une nouvelle ombre surgit, plus grande et imposante que la sienne. Ne sachant où regarder pour ne point afficher sa gêne, elle préfère écouter en feignant d’être intéressée. La voix du jeune homme est agréable, chaude, et lui rappellerait pour si peu cette cithare aux notes se dénotant volontairement des autres. Quid de sa maladresse à peine voilée que l’on dirait sortie d’une précédente rencontre avec un de ses semblables ? Nulle géhenne ne vient obscurcir son teint. Mieux encore, son visage se lève en direction du garçon semblant redouter sa réaction comme on redouterait de boire de l'eau en une si fastueuse soirée.    « Vous semblez bien présomptueux de croire qu’il m’est impossible de voir, prononce-t-elle. Je fus engagée par le Maître Tanagris comme physionomiste pour l’aider à se rappeler du nom de ses invités. Alors, sayyid, retirez cette dernière allégation, sinon quoi je risquerais fort bien d’être repérée et renvoyée sans-solde.    Elle ignore si le maître des lieux se trouve ou non à côté d’eux, mais son visage sérieux ne semble plus vouloir se dépêtre.    « Mandez-moi plutôt,- pendant qu’il semble si bien nous observer -, comment je pourrais vous aider à retrouver cette personne que vous paraissez tant chercher ? Parlez-vous de cet homme là-bas, au regard aussi flou qu’un blizzard hivernal, ou de cette femme, vulgaire et odorante, dont les traits sont si incertains qu’il me faut vous avertir céans que son visage semble dépourvu d’yeux, d’une bouche et même d’un nez. Quel étrange spectacle fascinant cela doit-il être... »
- Crédit:
Avec l'aimable participation de mon cher frère à la langue bien pendue
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| | | Perdiccas
Humain
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| Sujet: Re: Dans le blanc des yeux [Adonia] Mar 11 Juin 2024 - 20:03 | |
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En ôtant à cette femme la faculté de voir, les dieux s'étaient montrés bien cruels ; ils lui évitaient au moins de discerner l'expression ahurie qui, quelques instants durant, déforma les traits de Perdiccas en lui donnant l'air parfaitement benêt. Beh, elle voit ou elle voit pas, celle-là ? songea le jeune mercenaire, sourcils froncés, le plissement du nez dessinant des ridules sous le pourtour de ses yeux, la bouche grotesquement entrouverte. Son regard scruta avec circonspection la masse des convives, cherchant l'homme et la femme dont elle parlait, mais il avait beau chercher, tout le monde ici semblait avoir un visage... ce n'est qu'à l'issue de cet examen que Perdiccas comprit que la demoiselle faisait de l'esprit. Les dieux t'ont clos les paupières, songea-t-il en dévisageant la drôlesse, gare qu'un jour ils ne se lassent de ton verbiage et ne décident de clore ta jolie bouche. Il sourit alors, et une lueur de malice s'alluma dans son regard.
- Je retire mes allégations, sayyida, et j'implore votre aide - et même votre secours. Car si je cherche cette personne, les dieux me gardent bien de la retrouver. Il rôde dans cette salle une engeance si redoutable que je tremble de vous en faire la description. Elle a l'allure d'une vieille chauve-souris, le museau d'une chouette et la moustache d'une loutre, et elle exhale les remugles d'une grenouille putride tout droit sortie des marécages de l'Aduram. Il avait entamé ce portrait avec emphase, mais sa voix prenait peu à peu une tonalité lugubre. Hélas, la Bête ne se contente point de cumuler la hideur et la pestilence ; les dieux l'ont dotée d'une grande fourberie. Elle prétend être ma tante, et se fait appeler Égine.
Difficile d'assumer une telle parenté quand on prétendait jouir du sang des dieux. Hélas ! Ce n'était qu'une couleuvre parmi tant d'autres qu'il lui fallait avaler. Dans cette assemblée où chacun cherchait à briller et nouer des amitiés, Perdiccas jouait les solitaires ; c'était une incongruité qui n'échapperait à personne, pas même une aveugle. Cet univers, il avait tout fait pour le fuir, et les notables le lui rendaient bien. Alors qu'en campagne il était le prestigieux bras droit de Varsken Tête-en-Fer, ici, Perdiccas n'était que le bâtard d'une courtisane sur le retour qui n'excitait plus que les vieux grabataires. Ceux qui vivaient du commerce faisaient parfois preuve d'une grande hypocrisie avec les prostituées, mais le mépris qu'ils vouaient aux gens de guerre était manifeste.
- Ainsi, ce vieil Éphippus a la mémoire qui flanche ? reprit Perdiccas sur un ton plus léger, avant de fourrer une pâtisserie dans sa bouche. L'est très fort pourtant - chomp-chomp - quand s'agit de faire - chomp - des ronds d'jambes - chomp-chomp. Sa mère le réprimanderait sûrement si elle le voyait parler la bouche pleine, mais ce n'était là qu'une des multiples leçons que le Rejeton de la Rose n'était jamais parvenu à retenir. Ce que c'est gras, ce truc, songea-t-il alors qu'il peinait de plus en plus à mâchonner l'énorme sucrerie qu'il s'était enfilée dans le gosier. Ca avait une consistance élastique désagréable ; les gros bourges en raffolaient probablement, mais Perdiccas avait l'habitude de friandises bien moins sophistiquées. Le miel dégoulinait dans sa gorge à l'en étouffer, et il dut pendant plusieurs secondes se débattre avec sa langue et sa mâchoire en déployant de grands efforts pour demeurer digne. Ce n'est qu'après avoir frôlé l'asphyxie qu'il ajouta : ne vous inquiétez pas trop pour votre gagne-pain, sayyida. Ceux qu'il lui faut renvoyer en premier, ce sont ses pâtissiers.
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| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Dans le blanc des yeux [Adonia] Ven 14 Juin 2024 - 11:42 | |
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Se pourrait-il alors que l’éphèbe à l’intonation narquoise ait perçu toutes les aspérités de sa rodomontade ? Seul son frère, ainsi qu’une poignée d’âmes, y sont suffisamment habitués pour oser esquisser quelques sourires et avoir le courage de rétorquer. Ses traits d’esprit, si sérieux soient-ils, ont pour coutume de mourir dans l'œuf comme les visées rebelles du joueur de cithare s’étant remis à son œuvre. Mais voilà qu’enfin ses lèvres s’animent et l’envie de poursuivre sur la lancée la réanime. Se pourrait-il, oui, que ce damoiseau fuyant sa tante, soit le sauveur de cette soirée passée jusque-là seule ? Il lui faut tout d’abord essayer de conserver son calme lorsque le portrait de la tantine lui est dressé. Forte d’une imagination débordante, elle ne tarde point à se faire une image mentale de la drôlesse, craignant ainsi qu’un rire finisse par s’échapper entre ses lèvres s’efforçant de rester closes. Il devient ainsi évident, au fil de ce récit abracadabrantesque, que le freluquet s’ennuie tout autant qu’elle et qu’il ne semble savoir comment tuer cet interminable temps. Désinvolte, cynique avec une légère touche d’insolence impossible à ignorer ; voilà ce qui semble composer ce bellâtre feignant visiblement de craindre que de tels propos finissent un jour par être su de la personne visée. Le souvenir de son frère Héracle la surprend de nouveau lorsqu’il lui semble même réussir à entendre les insultes de ce dernier à l’égard d’invités ou d’autres pic-assiettes venus s’ébaubir devant les splendeurs du Phare. Ce léger sentiment de familiarité lui plaît et l’empêche de passer son chemin pour passer à un autre voisin. De surcroît, l’étouffement sporadique de son commensal l’oblige à veiller à ses côtés dans le cas où donner l’alerte serait une nécessité.    « Serait-ce la loge des pâtissiers qui auraient ourdis une cabale à votre encontre, sayyid ? Là, quel mauvais tour leur avait vous donc fait pour qu’ils cherchent ainsi à vous asphyxier ? À moins que… s’arrête-t-elle quelques instants, feignant de chercher la suite de ses mots. Serait-ce les tourments causés par ce portrait que vous me fîtes de votre si chère et ravissante tante ? Sayyid, il me faut céans vous inciter à la plus grande prudence en vous prodiguant cet ultime conseil qui pourrait, certainement, vous être fort utile pour cet avenir semblant bien incertain. Oui, écoutez ces sages paroles professées par une jeune aveugle considérée chez elle comme une véritable pythie parmi les siens. Il ne fait aucun doute que celle-ci pourrait même vous sauver d’un autre pétrin ».    Elle s’avance doucement et prudemment vers ce qu’elle s’imagine être l’oreille du jeune homme, puis…    « Mâchez silencieusement ou parlez bruyamment, mais… ne faites point les deux, il vaudra mieux si vous voulez vivre vieux, murmure-t-elle avant de retrouver sa place. J’ignore en tout cas si la mémoire de notre hôte est vacillante, elle fut en tout cas suffisamment vive pour faire parvenir, en mon antre, une invitation. Par malchance, il voulait le frère et doit désormais composer avec la sœur plus habituée à la compagnie des livres qu’à celles des hommes. Au moins suis-je assurée d’avoir trouvé, avec vous, une autre âme esseulée avec qui partager la même allégresse, n’ais-je point raison ? lui demande-t-elle, le sourire espiègle. Je m’appelle Adonia Ypsilantis, au fait. Et… à qui ais-je ainsi l’honneur de converser ?»
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| | | Perdiccas
Humain
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| Sujet: Re: Dans le blanc des yeux [Adonia] Mer 19 Juin 2024 - 22:07 | |
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Mais elle n'avait pas dit qu'elle était physionomiste ? se demandait Perdiccas, les sourcils froncés jusqu'aux pommettes, alors que la jeune femme lui expliquait s'être rendue à la fête d'Éphippus Tanagris à la place de son frère. Il se retint de justesse de poser la question, ses neurones lui soufflant la réponse juste avant qu'il n'entrouve les lèvres : cette histoire-là faisait partie du boniment qu'elle lui avait servi tout à l'heure, et était donc tout aussi faux que le reste. Pfiou, il faut s'accrocher avec celle-là ! songeait le jeune mercenaire, dont le quotidien était égayé d'un humour bien moins intellectuel que celui-ci. C'est autre chose que les concours de rots à la buvette du camp. Ce n'était guère étonnant, du reste, car lorsqu'elle révéla son nom, Perdiccas comprit que la donzelle avait dû recevoir une sacrée éducation. Ypsilantis. Un patronyme connu en Ithri'Vaan. Il n'était pas capable d'en situer l'origine, mais il savait que c'était haut, très haut. A côté d'un tel joyau, Éphippus Tanagris passait pour un étron. Perdiccas aurait dû s'essuyer les pieds avant de fouler le même sol que cette fille-là. Et pourtant, cette fille-là était aussi solitaire que lui présentement. Qu'est-ce qui pouvait pousser une donzelle aussi bien née dans un tel isolement ? La cécité joue peut-être un peu, conjectura le mercenaire. La pauvresse n'avait pas dû avoir une enfance facile ; son infirmité en avait probablement fait le greffon honteux de sa puissante famille.
- Vous avez de la veine, Adonia Ypsilantis, car vous ne trouverez pas d'âme plus esseulée que la mienne, assura Perdiccas avec entrain. Je suis moi-même un grand amateur de livres. J'en lis tellement chaque jour qui passe que j'en oublie les titres. Vous et moi, on a plein de choses à se dire ! Je propose qu'on se mette en quête d'un peu de jaja, pour commencer. Comme un esclave passait près d'eux, Perdiccas le délesta gentiment du cruchon de vin rouge que le larbin trimballait entre les convives. Je m'en charge, l'ami, tu peux disposer. Va. Va. Sourd aux protestations de l'esclave, Perdiccas entreprit de remplir deux coupes. Rustre que je suis, je ne me suis pas présenté ! Je m'appelle Perdiccas, fils d'Othar le Coléreux, fils d'Arcam le Fripon, fils de Pasiphaé la Rose Virginale. Il tendit une coupe pleine à la jeune femme et se demanda comment faire pour qu'elle s'en rende compte et s'en empare. Il n'hésita pas longtemps. Làààà, dit-il en lui glissant la coupe entre les doigts sans faire plus de manières. Trinquons à notre solitude, Adonia Ypsilantis, puisse notre morne existence durer de longues années, pourvu que nous ayons la santé, toujours bon pied, bon oeil !
Oh, merde.
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| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Dans le blanc des yeux [Adonia] Lun 24 Juin 2024 - 8:28 | |
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Après le toc émis par les coupelles de vinasse venues s’entrechoquer, elle boit comme jamais elle n’a bu. La réaction trop tardive de son garde n’y change rien, l’alcool a déjà fini de descendre l’antre sacrée de laquelle s’échappe habituellement le plus gros de ses pensées. Faut-il ajouter qu’elle n’est guère habituée à commettre de pareilles… extravagances. Le damoiseau à ses côtés semble, pour l’heure, influencer son jugement et battre la mesure. C’est qu’elle songe, en réalité, aux mots de son aîné professés avant que ce dernier ne cherche encore à se dérober. Elle y pense, non pour lui donner raison, mais bien par envie du défi, comme si ce dernier, la connaissant trop bien, la croyait incapable de s’amuser ou même de commettre une folie. Il s’avère pourtant que l’éphèbe à ses côtés ignore qui est l’aveugle cherchant à devenir une autre qu'elle même. En ce jour à Thaar, l’ignorance est un luxe dont il est encore bon de jouir pour ne point avoir à en souffrir. Et cette ignorance, si délectable soit-elle, personnifiée dans cet être se prétendant de la lignée d’Othar et d’Arcam, paraît être le candidat idéal pour succomber à l’ivresse. Alors, assoiffée, la voilée s’empresse de lever sa coupe pour qu’un esclave la lui remplisse à nouveau.    « Je n’ai jamais rencontré vos parents, je le crains, reprend-elle après avoir entamé la seconde coupe. Et si le nom de votre mère me semble familier pour une raison que ma mémoire ignore, je dois avouer qu’il m’est difficile de dire de quel géniteur vous semblez le plus affilié. J’ignore encore qui vous êtes, Perdiccas, c’est sans-doute l’explication la plus simple à mon indécision. Peut-être qu’alors, si vous me parliez de vous, ainsi que de tous vos divins exploits, je saurai enfin me faire une idée. Mais buvez, ami, cela vous aidera à narrer votre histoire ».    Son sourire est à la fois discret et espiègle, à demi caché par la coupe qu’elle tient devant sa bouche. S’apprêtant à ouïr la légende du demi-dieu Perdiccas, elle en oublierait presque les autres invités les frôlant ou parlant bien plus fortement qu’eux. Elle sent alors, soudainement, la main d’une personne venir se reposer sur son bras. Si l’intrusion ne revêt aucune hostilité, elle s’efforce de témoigner son assentiment à l’égard de ce geste se voulant pourtant amical.    « Eh bien, que voyons-nous là ! s’exclame l’hôte de la soirée en personne. La fine fleur de la jeunesse thaarie ; n’est-ce donc pas sublime ?! Autour, les têtes semblent acquiescer sans vouloir interrompre le maître des lieux. Vous connaissiez vous ?    — Je crains de ne jamais avoir eu ce plaisir jusqu’à ce soir, répond-elle, simplement.    — Je vois, je vois, s’amuse le bedonnant à la voix nasillarde. Il me semblait pourtant, sayyida, que votre père - paix à son âme - était un ami de notre chère Pasiphaé ; j’avais donc imaginé, qu’enfants, vous auriez pu badiner dans les mêmes jardins, eut égard à vos âges si approchés, mais, mais… voyons qui voilà, ma chère et tendre Pasiphaé en personne, venue pour me délivrer d’un horrible doute ! Là, belle amie, regardez qui nous fait l’honneur de venir fouler les pavés de mon antre, la plus jeune enfant de notre regretté Demetor que nous avons tant pleurés… Regardez comme elle est devenue, une charmante et magnifique jeune femme, n’est-il pas ? »    Gênée, mais incapable d’interférer, elle préfère continuer à tremper ses lèvres dans la vinasse, attendant avec impatience l’instant où son esprit sera suffisamment engourdi pour la libérer de son tourment.
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| | | Perdiccas
Humain
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| Sujet: Re: Dans le blanc des yeux [Adonia] Jeu 4 Juil 2024 - 21:53 | |
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Contre toute attente, la jeune Ypsilantis avait une sacrée descente. Curieux de voir combien de coupes elle pouvait vider avant de s'effondrer comme un fétu de paille, Perdiccas n'hésitait guère à la resservir généreusement, affectant les manières d’un échanson bien élevé. Puisqu'elle voulait noyer sa solitude dans le vin, le jeune homme ne voyait nulle raison de l'en empêcher ; au contraire, il allait l'aider à y plonger toute entière. Le spectacle d'une telle déchéance ne pouvait qu’agrémenter une soirée qui se déroulait finalement beaucoup mieux qu'il ne l'avait imaginé. Du moins, avant que ce raseur d'Éphippus ne vienne tout gâcher. Toujours là où il ne faut pas, celui-là, songea Perdiccas avec agacement alors que leur hôte collait sa grosse paluche sur le bras frêle de l'Ypsilantis, et que, du bout de ses gros doigts, le contact se muait en une caresse presque sensuelle. Perdiccas réprima une vilaine grimace en songeant aux pensées tordues qui devaient agiter l'esprit de ce vieux cochon libidineux. Comble de la malchance, la Rose Virginale n'était pas loin non plus. Lorsque sa mère les rejoignit et que Perdiccas leva les yeux vers elle, le regard réprobateur de celle-ci ne manqua pas de le mettre mal à l'aise. Car il ne reconnaissait pas la petite lueur d'agacement qu'il avait l'habitude de lire dans ses prunelles chaque fois qu’elle était témoin de l'une de ses frasques ; cette fois, il y avait autre chose. Pour une raison qu'il ignorait, Pasiphaé était inquiète. Cela ne transparaissait que peu sous le masque placide qui habillait ses traits, mais le Rejeton de la Rose savait discerner les émois de sa génitrice comme si c'était lui qui l'avait faite. Il demeurait pourtant bien incapable de deviner quelles pensées lui agitaient les méninges. - Elle est magnifique, convint Pasiphaé d'une voix étrangement atone en dévisageant Adonia, tout à fait semblable à sa mère. Elle marqua une pause, le regard toujours fixé sur la jeune femme, avant de s'adresser directement à elle : j'ai bien connu vos parents, Adonia Ypsilantis. En d'autres temps.Les conventions auraient voulu qu'elle se fende d'une formule tout à fait convenue pour exprimer ses condoléances, mais Pasiphaé n'était pas certaine que pareil usage ait jamais réconforté une enfant qu'on avait brutalement privée de ses parents. Aux paroles toutes faites, Pasiphaé préférait la pudeur et la retenue ; c'étaient là des hommages plus commodes. - J'ose espérer que Perdiccas ne vous a pas importunée, ajouta-t-elle, avant de remarquer la coupe de vin que n'avait pas lâché la jeune femme. Son regard s'assombrit ; quel triste spectacle que le deuil de cette pauvre adolescente, noyant son chagrin de la manière la plus pathétique qui soit. Elle ne pouvait décemment pas la laisser aux griffes de son fils ; connaissant son garçon, elle savait que les attentions qu'il portait à la jeune Ypsilantis n'avaient rien d'altruiste. Perdiccas, si tu racontais à Éphippus ta dernière campagne ? Il était très curieux à ce propos ! Adonia et moi, on va vous laisser bavarder entre hommes.- Voyons, mère, protesta Perdiccas, pinçant le nez en sentant venir le traquenard, je ne vais pas importuner ce bon Éphippus avec ça...- Il en sera enchanté, pas vrai, Éphippus ?- Certes, certes, j'en serais... enchanté, acquiesça l'intéressé sur un ton qui manquait quelque peu de conviction. - Eh bien, c'est entendu. Venez avec moi, Adonia. Discutons.Passant délicatement son bras sous celui de la jeune femme, Pasiphaé entreprit de la guider à l'écart. Un silence s'installa pendant quelques secondes, le temps qu'elles fassent quelques pas. La Rose Virginale ne tarda pas à reprendre la parole. - Les Cinq me gardent de vous faire la morale, avança-t-elle, mais il ne fait pas bon pour une demoiselle de votre condition de s'exposer comme vous le faites. Ne vous fiez pas aux airs débonnaires des convives, ce genre de réceptions pullule de renards et de serpents. Il s'en trouverait plus d'un qui tenteraient volontiers d'exploiter votre vulnérabilité.
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| | | Adonia Ypsilantis
Humain
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| Sujet: Re: Dans le blanc des yeux [Adonia] Mer 24 Juil 2024 - 12:00 | |
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Une nouvelle ombre s’est immiscée devant elle, impériale, légère et assurément obséquieuse. Sa voix ne lui dit rien et pourtant elle la croit. Elle boit ses paroles comme elle absorbe ces coupes que le fils remplit à chaque fois qu’elle y trempe ses lèvres. L’anesthésie des sens la prive de cette chose si précieuse l’aidant généralement à penser. Elle n’éprouve ainsi qu’un sourire forcé, béat, en apprenant que la matrone n’est autre qu’une ancienne connaissance de ses parents. Ne pourrait-elle pas en ajouter, l’abreuver d’autres paroles que ses oreilles savoureraient comme s’il s’agissait de miel ? La dame lui semble bien éduquée, sans-doute née d’une famille influente dont le dernier - Perdiccas - serait l’héritier. Ou pourrait-elle alors faire fausse route et fomenter - pour cause de songes embrouillés par l’alcool - une histoire folle ? Les échos bruyants de l’orchestre résonnent à ses oreilles plus affutées que celles des autres invités. Les voix se mélangent et s’embrouillent, mais celle de Pasiphaé parvient encore à s’insinuer. Ce nom ne lui dit toujours rien, ou peut-être quelque chose ? Ou n’est-ce que le fruit d’une invention, l’espérance de croire qu’il pourrait être ancré ? L’aurait-elle déjà entendu, aperçu lorsque ses yeux voyaient encore ? Quand bien même, cela remonterait à une époque bien trop lointaine. Et puis ces odeurs qui s’en viennent ; comme toutes ces mauvaises haleines que son nez absorbe. Elle pourrait en vomir, dégueuler céans sur les pieds de ces gens, mais elle se retient lorsque le bras de la dame passe en dessous du sien. L’invitation est lancée, ça sera une danse entre deux fleurs dont l’une est au printemps et l’autre bientôt fanée. Que dire alors des mots prononcés, des demi-mots calfeutrés et des rots qu’elle retient ? Est-ce une mère qui s’entretient avec elle ou une amie ? Une vipère, une renarde ou une luxueuse poule, ferait mieux l’affaire. La tête légère et le corps lourd, elle continue de marcher à ses côtés, cherchant de l’air - du bon - pour se refaire les poumons.    « C’est fort aimable de vous soucier de moi, sayyida, entame-t-elle. Il est si agréable de se savoir bien entouré ; j’ai tellement cherché à fuir ces mondanités dans mon passé qu’il me semble désormais devoir tout apprendre de mes aînés. Et vous êtes une mère, de surcroît, dont jouit ce bon garçon nommé Perdiccas. Mais alors, Sayyida, cherchez vous donc à me prémunir contre ce fils ayant réussi par je ne sais quel miracle à me décocher un sourire ? Il est si difficile de se faire des amitiés dans ce monde, dont j’ignore, ô oui, absolument tout ; de ces moindres futilités à ces grands intérêts ».    Elle esquisse une petite moue chafouine comme celle qu’elle pourrait procurer à son aîné pour s’en amuser.    « J’entends les loups, ainsi que les renards et les serpents à sonnettes, quand bien même ne pourrais-je à nouveau les voir. Mais ils sont si bruyants, lorsqu’ils me parlent, que leurs mots ne produisent seulement que de brefs échos…».    Elle serre le bras de la dame un peu plus fort contre sa poitrine, donnant à croire à la mère qu’elle en attend bien plus.    « Mais… faisons fi de ma vulnérabilité apparente et dites-moi, s’il vous plaît, comment vous avez connu mes parents ? Je les pleure encore et je me surprends, depuis qu'ils sont morts, à en apprendre toujours plus à leur sujet. Nous étions, mon frère et moi, tenus à distance de ces frivolités et n’avons donc jamais pu jouir de toute la clarté si nécessaire et utile pour ne pas passer pour… des cons. Est-ce le bon mot ? Mon frère l'utilise bien plus souvent que moi, à des fins de ponctuation, j'entends. Mais il m'a semblé assez approprié, je crois ».
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| | | Perdiccas
Humain
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| Sujet: Re: Dans le blanc des yeux [Adonia] Ven 13 Sep 2024 - 6:32 | |
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Qu'il plaise à la petite noblionne de jouer les ingénues, la Rose Virginale ne s'en laisserait point compter ; la richesse de son verbiage trahissait par trop l'esprit retors qui était le sien. Elle l'écouta pérorer d'une oreille distraite, tout en serrant contre elle le bras frêle de la jeune créature qu'elle tentait de jauger. Comme de juste, l'Ypsilantis ne se cantonna pas longtemps à un innocent jabotage ; voilà qu'elle s'aventurait sur un sentier autrement plus ardu en évoquant le lien qui unissait la courtisane à ses parents. Un bref instant, un léger tressaillement parcourut la main que refermait Pasiphaé sur le bras de son interlocutrice, mais elle se ressaisit bien vite. - J'étais une amie de votre mère, encore que... nos liens se soient distendus avec le temps. Au moment où vos parents connaissaient une ascension fulgurante, ma gloire à moi appartenait déjà au passé ; il n'est guère étonnant que vous n'ayez pas entendu parler de moi. Vous étiez si jeune, à l'époque.La Rose Virginale marqua une pause, et elle se fit hésitante. Un doute s'était immiscé dans son esprit : la jeune Ypsilantis était-elle aussi ignorante qu'elle voulait bien le prétendre ? Ou bien l'apparente candeur dans laquelle elle se drapait si volontiers n'était qu'une façon bien commode de la mener en bateau ? - J'avais pour Elvira une grande admiration. C'était une femme à qui tout semblait vouloir réussir ; et pourtant, elle n'a jamais sacrifié son éthique au service de ses ambitions personnelles. D'aussi loin que je m'en souvienne, elle a toujours fait montre d'une grande empathie à l'égard de ses semblables. Ils sont rares à se parer de telles vertus, dans les plus hautes sphères de la société thaarie.
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