[Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort
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Olossûr Taenion
Norne Rasarphain
Inglor Helyanwë
Artiön Laergûl
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Artiön Laergûl
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Nombre de messages : 1629 Âge : 27 Date d'inscription : 23/01/2017
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 719 ans Taille : 2m54 Niveau Magique : Maître.
Sujet: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Jeu 11 Juil 2024 - 18:21
Kyrianos de la 1ère ennéade de Karfias 22e année du Onzième Cycle Salle du Trône d’Alëandir Le matin aux aurores
Le palais du Trône Blanc s’est levé tôt aujourd’hui. Là haut dans le ciel, le flambeau d’Aluthen brille toujours de mille feux, observant avec attention le fourmillement des Sylvains dans leur cage de pierre blanche. Le palais du Trône Blanc s’est levé tôt aujourd’hui, mais l’agitation animant ses boyaux n’est en rien comparable à celle qui verrait bientôt le jour au dehors. En ce premier jour de l’année, Alëandir est censée être en liesse. Et elle le serait. Lorsque les rayons du soleil frapperaient assez fort sur la neige, que les Taledhels auraient tracé la haie d’honneur entre Harmalaica et rives de l’Elorëa, et que les coeurs de la nouvelle génération battraient la chamade, anxieux face au premier grand choix de leur vie d’adulte.
En ce premier jour de l’année, sous la voûte immaculée de la demeure des rois serait aussi fait un grand choix. Mais celui-ci était bien moins heureux. Celui-ci ne saurait être appelé une fête. Ou alors étais-ce en une bien triste. Le cortège funèbre de ton innocence. Célébration durant laquelle au lieu des chants d’allégresse résonnerait une longue élégie – scandée timidement par ceux y croyant encore – en ton honneur.
Tu n’avais pas prononcé le moindre mot depuis le réveil, et ton épouse t’avait rendu ton silence. Et vous auriez aimé pouvoir dire votre routine matinale s’être trop rapidement échappée, mais c’était bien vous qui l’aviez pressée. Rapidement. Vous priiez tous les deux I Ëmel que tout cela se termine rapidement. Que l’on vous donne le plus vite possible l’occasion de mettre ces instants derrière vous. Que l’on vous rende à une vie moins incertaine. Dans vos rêves les plus fous, il suffisait d’un battement de cil. Un simple battement de cils, et Seigneurs-Protecteurs comme leurs représentants n’étaient plus là. Un simple battement de cils, et vous étiez, comme chaque fois que vous aviez pu durant cette dernière décennie, aux côtés des jeunes adultes à fêter leurs premiers pas dans la majorité.
Qui sait ? Peut-être avec un peu de chance, cela redeviendrait-il votre réalité
Ta peau luit toujours des restes d’un bain glacial. Les frissons qui la parcourent n’en sont en revanche aucunement conséquence. Le fait est que tu as peur. Pas de devoir abandonner la couronne, non, mais de ce qui pourrait y mener. Tu sais ce qui t’attends de l’autre côté des portes de la Salle du Trône. Tu sais ce à quoi tu as accepté de te soumettre pour prouver ta loyauté à ton Royaume. Mais sachant ce qui t’attends, tu as aussi peur de te découvrir une autre personne que celle que tu penses être, que tu crains de n’être pas vu pour qui tu es réellement. Que l’on t’écarte du Trône en dirait long soit sur toi, soit sur le Conseil en son entier.
Tes yeux vont à ceux de ton épouse, y dérobent un peu d’amour, puis s’en vont vers le Siège royal. Tes doigts se séparent des siens, et tu avances. Tu avances jusqu’aux pieds du révéré fauteuil, puis tu fermes les yeux. À ta gauche, La Main. À ta droite, Le Pergaën. Tous deux – même celui dont la silhouette n’est que tissu bleu nuit – affichant la même solennité que toi.
Vous vous retournez, comme un, en direction de l’entrée de la Salle du Trône, et attendez. Que chaque pièce du puzzle s’emboîte. Que chacun des pions de l’échiquier prenne sa place sur cet étrange terrain. Aujourd’hui, la Chambre de l’Etoile resterait vide. Ce Haut-Conseil n’aurait rien à voir avec ce qu’ils sont habituellement. Car quand derrière le dernier arrivé se refermeraient les battants de la Grande Porte, commencerait ton Jugement.
Nombre de messages : 43 Âge : 532 Date d'inscription : 23/10/2021
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Sam 13 Juil 2024 - 17:22
C'est d'une bien étrange manière que débutait la nouvelle année en Anaëh. Loin des festivités que l'on pourrait attendre de n'importe quel peuple célébrant un tel changement – et les Taledhels en faisaient partie - c'est bel et bien un sommet politique qui se tiendrait à Alëandir ce jour-là.. Et non pas n'importe lequel, puisque le Haut-Conseil d'Anaëh avait ainsi été appelé par le Roi en personne. Cet appel se montra si soudain qu'Inglor, dépêché à Quatrième-Saison pour multiples raisons, n'avait pas pu rallier Holimion pour s'entretenir avec le Pergaën avant de rejoindre la Capitale. C'est par le biais de l'Archiviste local que le Maître de l'Ordre du Repos de Tÿral avait appris les raisons d'un tel sommet, et qu'il avait directement pris la route d'Alëandir.
La froideur du ciel et du marbre lëandrin paraissaient bien ardents en comparaison du voile glacial qu'arborait Inglor depuis son arrivée. Ce dernier avait retrouvé le Semi-Mort quelques jours plus tard, avec qui il échangea quelques mots, et notamment au sujet du courrier de la discorde. Un sourire morne s'était niché sur le visage du Berceur, ne parvenant pas même à persifler d'acerbes critiques. Non seulement le Roi s'était rendu coupable de nécromancie, mais il s'était permis de le cacher, et, comme si cela n'était déjà pas assez grave, son courrier supposait explicitement que certains le savaient, ou, a minima, le soupçonnaient. Et, parmi ces derniers, plus ou moins dénombrable sur les doigts d'une seule main, personne n'avait cru bon d'en alerter ceux dont la charge principale était justement d'enquêter sur tout fait de nécromancie, quel que soit leur gravité, leur auteur, ou le lieu et la date du méfait, par ailleurs imprescriptible.
Aux aurores de ce premier jour de l'année vingt-deux du onzième cycle, Inglor s'était vêtu du même bleu que son Haut-Prêtre, quoi que d'une teinte légèrement plus clair. Sa tunique élégamment brodée là et là voyait le col remonter jusqu'au cou du Berceur, autour duquel était noué une amulette frappé du symbole de Tari. Une longue et large cape broché par dessus s'écrasait sur le sol, couvrant même ses bras gantés du même bleu marine que ses chausses. Depuis lors, il flanquait le Semi-Mort que tous admiraient non sans vénération, et ce jusqu'à la Salle du Trône Blanc. Là, le couple royal les avait attendu, l'épouse paraissant être enfant tant le Roi, géant par la taille, la surplombait. La Main d'I Emël était déjà présent à leur droite, dégageant une aura tout aussi solennelle que le souverain elfe. Les clercs d'I Hall, après une digne révérence, se placèrent alors de l'autre côté, témoignant de la même solennité que les deux autres parties. Ils seront bientôt suivis par les Protecteurs de toutes les cités d'Anaëh. Alors débuterait le Haut-Conseil royal.
Norne Rasarphain
Elfe
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Sam 13 Juil 2024 - 17:35
Passé le cadre de la Grande Porte, le cliquetis caractéristique de l'armure dorée de la guerrière daranovane se mit à résonner étrangement à l'intérieur de la salle du Trône, rapidement accompagné par l'impact de ses bottes en plaques percutant le sol. Elle était parée de son accoutrement habituel, son imposant casque ailé surmontant son crâne. Qu'il s'agisse d'un Haut Conseil ne représentait nullement à ses yeux d'une quelconque justification pour se séparer de sa seconde peau, plus particulièrement encore alors que son agitation était clairement perceptible dans l'empressement de ses pas.
Elle se planta devant l'anneau de pierre et salua rapidement les prêtres avant de lâcher un « Cin'. » à l'intention d'Artiön. Son regard vint trouver le sien, et sans doute put-il lire l'agacement et une pointe de frustration dans les traits sévères de la vieille guerrière. Au lieu de prendre place, elle commença à faire les cents pas autour de la table, y trouvant là un exutoire physique à son impatience grandissante.
Lorsque Daenor lui avait partagé la lettre de l'Aran, elle n'avait guère été en mesure de dissimuler son exaspération face à ce qu'elle ne considérait comme rien d'autre qu'une perte de temps. Le souvenir de l'empreinte sanglante des Daedhels au sein de l’œuvre ne l'avait jamais quitté, pas plus que les impressionnantes cicatrices de son combat contre le nécromancien sombre. De toute sa longue vie, elle n'avait sans doute jamais vécu pareil effroi que celui l'ayant jadis paralysé à la vue de ses frères vidés de souffle devenus marionnettes de chair.
Et pourtant, même alors qu'elle abhorrait cette arme et tout ce qu'elle pouvait représenter, elle s'était posé une simple question. Si un tel pouvoir s'était trouvé entre ses mains, l'aurait-elle utilisé pour préserver la vie des siens ?
La réponse à cette question lui était venu avec une aisance des plus déconcertantes.
Car si la chaleur et la patience d'Artiön faisaient défaut à la vieille guerrière, il était un point précis sur lequel leur sang daranovan les rendaient excessivement similaires, leur relation face au sacrifice et l'acceptation totale de son étreinte qu'il soit d'ordre physique ou moral dès lors qu'il devenait absolument nécessaire pour protéger les leurs. Et une arme, tout aussi effroyable et monstrueuse pouvait elle être, ne demeurait qu'un outil soumis à la volonté de son propriétaire.
Son mépris des Ornedhels passait également par leur incapacité à évoluer, par ce refus catégorique d'abandonner les anciennes traditions pour le bien de l’œuvre. A partir de combien de souffles, de combien de vies perdues pouvaient-ils réellement estimer qu'une notion interdite pouvait devenir éthique ?
Ainsi, l'agitation de Norne provenait plus de la nervosité et de l'agacement que de la colère. Car l'idée même de devoir débattre en ces lieux de la légitimité de Cintanno à poursuivre son règne lui paraissait absurde. La possibilité que ce Conseil puisse s'achever sur la destitution définitive de son statut d'Aran la rendait particulièrement irritée. Une période bien sombre s'annoncerait pour les Taledhels si les protecteurs se voyaient dans l'incapacité de discerner à quel point ils avaient besoin de leur roi.
Mais ce qui tracassait sans doute plus encore que tout ceci la fille des monts blancs, c'était l'incroyable futilité de la nature de ce conseil alors qu'une menace bien réelle et insidieuse planait au dehors. Plus vite tout ceci serait réglé, plus vite il leur serait possible de s'affairer au véritable danger qui les menaçait tous.
Sous le regard réprobateur de la Main, Norne continua à faire les cents pas en attendant les autres Protecteurs, répugnée à l'idée de se soumettre à la moindre forme d'immobilité.
Olossûr Taenion
Ancien
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Mer 17 Juil 2024 - 8:22
On l’entendit avant de le voir et toutes esgourdes dressées, auraient sans conteste put affirmer que, ce bruit était bien inhabituel. L’écho se réverbérait dans les couloirs du palais, poussé par la fantastique acoustique que les gens d’œuvres avaient porté à l’élaboration de ses lieux. Y revenir après tant d’année, lui laissait comme un goût de bile en bouche : il avait quitté Aëlandir pour de bonnes raisons et y revenir pour de bien plus mauvaises avait de quoi effriter le marbre dans lequel il était taillé. Ou était-ce peut être lié à son état ? Lui qui, quelques jours auparavant, avait fait une chute qui avait faillit lui coûter la vie et qui portait aujourd’hui en stigmate visible, une canne taillé afin de soutenir son pas. Façonné par l’art géomantique, aussi sobre que géométrique, légère et austère, zébré des veines rocailleuses qui entouraient sa Cité ; un accessoire en somme aussi élégant que lui rappelant fidèlement sa condition du moment. Les vitalistes s’étaient afférés sur lui avec efficacité : s’il traînerait cette état pour encore quelques jours, la guérison serait presque totale selon les praticiens qu’il avait fréquenté. Patience serait donc le maître mot même si les temps, nécessitaient autre chose que toute formes de latences.
Quand il parvint enfin à la salle du trône ou se déroulerait le Haut-Conseil, Yanasindë maqua un temps d’arrêt afin d’observer les forces en présences. Son regard s’attarda sur le Roi, la Reine, la Main, le Pergaën et la Dame Protectrice de Daranovan. Bien que cette dernière arpentait déjà la place comme une conquérante sur un champ de bataille, battant le pavé comme si elle s’apprêtait à partir en guerre. Ô, bien qu’il partageait de nombreux points communs avec la gente armée, ayant lui-même fait partie son existence entière de cette noble institution ; les Daranovans avaient toujours eu le chique pour lui tendre les méninges. Il appréciait peu leurs caractères va t’en guerre et leurs insatiables besoins de faire preuves de martialités en toutes choses. Ainsi, il avait vu et on l’avait vu et les réactions – sûrement silencieuses, ne tarderaient pas. Car c’était bien Anornedellon qui était attendu et non Olossûr. Mais le Seigneur Protecteur de la Rocheuse faisait actuellement face à des conflits internes qui le retenait loin de ses prérogatives : tous à Quatrième Saison connaissait le sort de son frère et de son affliction. Ainsi, il avait préféré ne pas quitter la Cité des Lueurs et avait opté avec l’aval de ses pairs, de nommer Yanasindë comme voix du protectorat.
Dire que la chose ne lui était pas appréciable, serait faire preuve de duperie et de mauvaise foi ; Olossûr bien que respectant sur Anornedellon, faisait partit de ses opposants au sein du conseil local. Leurs lignes de conduites étaient différentes et s’appuyaient sur des visions non partagés. Avec les années, l’Ancien Gris avait récolté partisans et soutient et cette nomination, le consacrait dans un certain positionnement quand à ses aspirations futurs. En somme, un test qu’on aurait pu qualifier de grandeur nature, mais pour lui, rien n’avait plus de sens en cet instant.
Il affichait la mine grave des jours de pluie, aussi tempétueux que la réputation qui le précédait. Les Lëandrins n’étaient pas étranger à son sort, tant il les avait côtoyés. Mais aujourd’hui, dans ses escarcelles, Olossûr ne possédait pas de bonnes nouvelles et les ficelles qui l’avaient attiré jusqu’à cette salle de pierre, lui semblait hautement improbable. Il prit place en saluant avec respect les elfes présents, se drapant dans un silence volontaire, bien loin du roulage de muscle qu’affichait la nerveuse Dame. Ses mires d’ambres, finissant leurs courses, sur le Roi-Nécromant.
Fiiriel Norionil
Elfe
Nombre de messages : 16 Âge : 39 Date d'inscription : 23/03/2024
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Jeu 25 Juil 2024 - 22:41
A quoi pensait Fiiriel Norionil au moment de franchir les lourdes portes de la Salle du Trône ? Bien des choses étaient susceptibles d'agiter les méninges de l'Intendant de Malereg alors qu'il rejoignait les plus hauts dignitaires des cités d'Anaëh pour statuer sur l'épineuse question du devenir de la couronne. En ayant poussé le roi Artiön à confesser l'utilisation d'une forme de magie impie, Fiiriel avait provoqué une crise institutionnelle dont l'issue était des plus incertaines. Les Taledhels auraient-ils encore un roi à l'issue de ce Conseil ? Allait-on au contraire blanchir le souverain de ses méfaits, pour rejeter la faute sur le dos de l'elfe par qui le scandale arrive ? En faisant vaciller la branche du pouvoir, Fiiriel savait qu'il se mettait à dos de puissants ennemis. Quelle que soit l'issue du jugement des Protecteurs, les partisans du souverain ne lui pardonneraient jamais d'avoir cherché à faire tomber leur champion.
Pourtant, l'Intendant était confiant dans l'idée que sa démarche ferait des émules bien au-delà des frontières de Malereg. Par ses réformes audacieuses autant que sa personnalité, Artiön Laergûl était un roi clivant. Ordonnateur du démantèlement d'un grand nombre de cités, il avait certes mécaniquement repeuplé les cités les plus anciennes par le déplacement des populations dépossédées de leurs toits. Ceux qui ne criaient pas au génie lui reprochaient durement d'avoir mené la politique de l'abandon, n'y voyant qu'un aveu d'impuissance à endiguer le phénomène d'exode des cités. Il avait appliqué un pansement et une amputation, mais la gangrène continuait de ronger l'Anaëh. Quelle cité abandonnerait-on la prochaine fois ? Tout était bon pour nourrir l'obole de ses détracteurs : de son intervention à Naelis, guerre lointaine dont le bénéfice direct pour Anaëh était discutable ; de sa conseillère noirelfique, qui n'était pas sans rappeler l'abus de confiance qui avait jadis perdu le roi Telrunya ; de son empressement à célébrer en grande pompe un petit règne de dix ans, quand le propre roi des humains à Diantra régnait depuis plus longtemps que lui. En somme, comme tout souverain, Artiön Laergûl avait ses admirateurs et ses opposants. Pensez donc que pour ces derniers, le jugement du roi pour nécromancie était une friandise tendue par les dieux en personne.
Il aurait également pu prendre le temps de mesurer l'importance d'un moment charnière de sa carrière personnelle. Diplomate et mage de guerre, il avait vécu une éternité de service dans l'ombre des plus grands. Aujourd'hui mandaté par le conseil de Malereg - la cité n'avait toujours pas officialisé un Protecteur - il jouissait du soutien indéfectible des notables de l'Épine Dorée et, fort de ce blanc-seing, allait siéger au sein de la plus haute instance politique qui soit en Anaëh. Il y avait de quoi vous donner le tournis.
Toutes ces pensées auraient certainement traversé l'esprit de l'Intendant si, à ce moment précis, comme il faisait face au Trône Blanc, symbole du pouvoir elfique autant que des rancœurs qui opposaient Alëandir et Malereg depuis des temps immémoriaux, et comme il saluait les Protecteurs présents de la manière la plus protocolaire qui soit, Fiiriel n'avait qu'une seule chose en tête : il repensait au repas qu'il avait servi au Mainyth Aegden Orian lors de la visite de ce dernier à Malereg le mois dernier, le jour où avait commencé à se propager la rumeur. Un délicieux Kathral rôti, agrémenté de fèves et de légumes, baignant dans sa sauce blanche saupoudrée de Meroca. Rien n'a meilleur goût que la vérité, songeait l’Intendant, et il espérait fort que le déroulement de ce Conseil ne saperait pas le bel appétit qui commençait à naître en lui.
Calithiel Aurëndil
Elfe
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Sam 3 Aoû 2024 - 6:36
La grande salle est déjà pleine lorsqu’elle se présente à la porte. Dernière arrivée, Calithiel s’incline poliment devant les gardes s’occupant de protéger le lieu. Mais lorsqu’elle voit apparaître la silhouette colossale de leur suzerain, dans l'entrebâillement laissant entrevoir l’intérieur, sa première pensée est de s’interroger sur l’utilité d’une telle protection. Pour la tradition, certainement, et parce que leur roi ne saurait assurément satisfaire toutes les missions de ses sujets à leur place. Cherchant à se faire discrète au moment de son entrée, l’espoir meurt au moment où les têtes se tournent dans sa direction. La nouvelle de son accession au rang de Protecteur d’Ardamir a traversé les frontières et la curiosité de ses frères ne saurait être rassasiée qu’en s’assurant - de leurs propres yeux - de celle qui fut nommée. Lorsque son regard croise celui d’Heru Olossur, le souvenir de leur dernière rencontre remonte à la surface. Si elle ne peut le considérer comme un allié, au moins peut-elle se rassurer de ne pas le compter parmi ses ennemis. C’est à ses côtés qu’elle prend d’ailleurs place après avoir salué respectueusement l’Aran trônant au milieu de l’assemblée.    Elle se souvient aussi de ce jeune monarque dont la durée du règne n’est qu’une goutte sur l’océan du temps. L’impression qu’elle éprouve en le revoyant reste la même que la fois où ce voisin du nord est venu quérir leur amitié. Halyalïnde était encore Protectrice et la rencontre avait été houleuse. Les Ardamiris avaient éprouvé autant de méfiance que de respect envers ce taledhel que l’on aurait déjà dit voué corps et âmes aux choses uniques de la guerre. Et ce ne fut qu’au gré de circonstances exceptionnelles que ce dernier prit la tête de leur nation. Quid de ce jour et de la tenue de ce Haut-Conseil réunissant tous les représentants d’Anaëh ? La veille encore, l’Aran célébrait sa première décennie de règne, et voilà que ses pairs lui font désormais face pour juger cette dernière ? Au moment où son regard se tourne vers l’Aran, elle ne peut éprouver d’autre sentiment que celui de l’intimidation. De par sa taille et la disproportion de ce corps dénotant drastiquement des autres taledhels ici présents, la seule impression possible est celle de se trouver au pied d’une montagne dont l’ombre recouvre la forêt. Son silence et son immobilité pourraient quant à eux lui rappeler les vers d'un poème appris dans son enfance. Ô blanches chairs ! regard noir ! Ô teintes éblouissantes ! Encens des soirs de tourment ; qui pourrait croire, hélas ! Que derrière ce front fait de marbre et de plâtre, se cache un si noir désespoir ?    Puisqu’en cet instant présent, l’image de l’Aran disparaît progressivement pour lui révéler ce que sa psyché a tant refusé de concevoir depuis qu’elle fut mise dans la confidence par son prédécesseur. Attentive et calme, Calithiel pose ses mains sur les accoudoirs de son fauteuil, puis attend que leur hôte les délivre enfin - de lui même - de toutes ces choses jusque-là à peine murmurées et manquant cruellement de clarté.
Árólindë Yuitë
Ancien
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 548 ans - 470:X Taille : 2 mètres 04 Niveau Magique : Arcaniste.
Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Mar 6 Aoû 2024 - 21:36
La missive était venue d’Artiön, peu après celle qui convoquait la toute novice Dame-Protectrice d’Alëandir au Haut-Conseil. Son chemin le reconduisant sur la voie de la Cité Blanche pour y accompagner l’Ardamirii, elle ne changeait pas les plans établis avec cette dernière. Néanmoins, pendant le voyage qui les mena jusqu’aux portes d’Alëandir, pendant la nuit à la caserne qui précéda la première aube de la nouvelle année et pendant la chevauchée jusqu’au palais du Trône Blanc, elle ne manqua pas d’alimenter ses réflexions.
Il ne les confia guère à quiconque, mettant à profit les silences de la descente de l’Elorëa pour les ruminer. Sur le point d’entrer dans le salle du trône, il n’avait toujours pas tranché en pensées.
La missive ne faisait que sous-entendre quelle pouvait être la teneur de sa mission lors du conseil. Cependant, que pouvait entendre d’autre l’affirmation de la confiance d’Artiön et sa demande qu’Árólindë soit présent ? Plus qu’à un ami, c’était à une lame sûre qu’il avait fait appel.
L’Aigle avait revêtu son plastron mordoré sur jacque blanche. Son épée pendant à son côté gauche et sa cape, agrafée sur la poitrine par sa fibule aux rémiges tendues, flottait dans son dos. Elle était d’un vert servant de champ à l’étoile et aux feuilles de l’armée royale, cousues d’or et que des fioritures brodées sur les coutures venaient rehausser.
Árólindë entra. Bon dernier, il salua d’un poing sur le torse, ponctuant son arrivée d’un « Heru, Heri, Heru Aran. ». Il considéra chacun en rejoignant le côté du trône, hocha la tête à destination de Calithiel et donna au roi un regard où dominait sa sincère compassion à sa situation, que sans doute nuançait la réprobation avec laquelle il se débattait depuis plusieurs ennéades. Il salua franchement Inglor, mais évita le regard voilé du Pergaën.
Il connaissait, de vue, la plupart de ces visages qu’il avait eu l’occasion de côtoyer sinon aux états-majors des batailles daedhelles, lors d’escortes ou de missions au sein de leur protectorat. Leur surprise de le voir ici était évidente et s’ajoutait sans doute à celle d’avoir été conduits à la salle du trône plutôt qu’à la Chambre de l’Etoile. Le cliquetis de son fourreau balançant sur sa ceinture en cadence sur sa démarche était particulièrement incongru dans le cadre d’un Haut-Conseil, qu’il fit hausser plus d’un sourcil à son passage. Sans s’en émouvoir, le soldat alla se poster à droite de la Main.
Artiön Laergûl
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Nombre de messages : 1629 Âge : 27 Date d'inscription : 23/01/2017
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 719 ans Taille : 2m54 Niveau Magique : Maître.
Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Mer 7 Aoû 2024 - 20:38
Qu’il s’agisse de ton amie d’enfance ou de celui dont les manigances vous avait mené ici, tes salutations étaient restées tant égales que mornes. Courtes révérences et politesse de circonstance avaient pris le pas sur l’habituelle grandiloquence de ton affection. Tu comptais les arrivants, impatient qu’ils soient enfin tous rassemblés, plus que tu ne les reconnaissais. Et qui pourrait t’en vouloir, toi qui – contrairement à eux – savais ce qui t’attends.
La main de ton épouse caresse la tienne. Elle t’offre un discret sourire. Ses yeux vont chercher ceux de Calemirhel, et à son tour, La Main t’offre un peu de douceur. Jusqu’à ce que ton bourreau n’arrive, et que l’ayant vu, son visage ne se referme. Ainsi débutait cet exceptionnelle séance du Haut-Conseil.
- Frères et Soeurs, les immenses battants de la salle du Trône claquent, ponctuant le début de son allocution représentants des Sept Terres Ancestrales. son regard intense court d’Elfe en Elfe, tranchant presque avec la plénitude de son timbre Vous avez été ici conviés, car de graves accusations pèsent sur notre Aran. Accusations dont il a choisi de ne pas nier le fondement. Si nous sommes aujourd’hui réunis, c’est donc à la fois pour que nous – gardiens de la Foi – et vous – gardiens de la Loi – passions jugement.
Elle recule d’un pas, en même temps que le Pergaën, vous abandonnant ton épouse et toi aux pieds du Trône. Puis à son tour, Kaëlistravaë s’écarte, et te voilà sans autre solution que de prendre place sur le siège, actuellement symbole conjoint de ton autorité et de ta vulnérabilité.
- Rares sont les temps où nos Aran ont été remis en cause. Plus rares encore sont ceux qui ne virent pas ces oppositions se muer en guerre. Chérissez le souvenir de ces instants, si difficiles soient-ils, car une main suffirait à compter les occasions, à travers l’histoire, où il fut donné aux Protecteurs d’ainsi voir leur Aran.
Calemirhel ouvre les mains, paumes vers le ciel comme en pleine prière, tandis que Mâtirith tend sa main gantée vers une fiole à sa ceinture, dont il extrait précautionneusement le liquide. Manipulée par les deux mages, la Trame tremble avec une étrange solennité, se contorsionnant en des formes étranges, seules véritablement connues des deux Haut-Prêtres.
Le corps enlacé par les bras de La Mère, le Souffle bercé par les perles de la Gardienne, puisse son regard faire face à sa vérité, et sa vérité nous être dévoilée
Il s’enroule autour de toi, le bois dont est fait le Trône, et couronnant sa floraison, s’épanouissent ses Chants. Mais tu ne le vois pas. Tu n’es plus là pour le voir. Car l’eau du Lac de Tari t’a dévoré. Entre vie et mort, tu flottes dans le néant, ton Souffle à nu, et la Symphonie parlant au nom de ton coeur.
- Chacun de vous, représentants des Sept Terres Ancestrales, avez droit à une question. Et le Souffle de l’Aran, en toute vérité, y répondra. Puissiez-vous décider, une fois son âme soupesée, de si vous le considérez toujours digne de régner. elle baisse légèrement la tête Prenez garde cependant, de ce que vos interrogations pourraient invoquer. Car le Rêve sera sa vérité, et ses corps et esprit en seront marqués. Celui qui se réveillera – si tant est qu’il se réveille – pourrait être bien différent de celui qui s’est endormi.
Il est des cauchemars dont on ne ressort pas vivant. Il est des cauchemars capables de faire de l’innocent un méchant et du méchant un monstre. Entre les mains des Protecteurs réside le pouvoir de bâtir les cloisons de ton monde imaginaire. De te préserver, de te transformer, ou de te tuer.
- Árólindë, Inglor. du bout du menton, La Main les invite à s’approcher Sa vie est entre les nôtres, mais nos vies sont entre vos mains. Que l’Aran se prouve être une menace, et ce sera à vous de décider s’il doit vivre ou mourir. elle se tourne ensuite vers les Voilés Rehtar. C’est à toi que sera confiée la tâche de lire le Rêve. Puisse la Sagesse de l’Aînée te guider.
Et le Trône fleuri Chanta la crainte qui t’enserre le cœur et la tristesse qui t’embrume l’esprit. Et de sept pas s’avança le spirite. Ainsi fut ouvert le Conseil.
Nombre de messages : 12 Âge : 19 Date d'inscription : 12/05/2024
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Jeu 29 Aoû 2024 - 8:46
Tant de cérémonies, songe-t-elle subitement en découvrant l’Aran s’employer au rituel. Eut-il fallu que ce dernier s'enveloppe dans une telle bulle de vérité, au risque de mourir, pour leur répondre par de simples mots ? La vie étant quelque chose de bien trop précieux à son goût, qu’importe le crime que ce dernier ait pu commettre, cela ne mériterait aucunement la mort. Alors, le cœur dans l’âme, résignée et attristée, par ce qu’elle peut bien observer en apercevant l’escogriffe confier sa vie en vue de son procès, elle laisse s’échapper un court soupir d’amertume. Qu’en disent les autres, ceux-là même qui décideront prochainement du sort de leur suzerain ? Ne sont-ils pas les juges d’un frère déjà condamné par la culpabilité ? Les expressions sont indéchiffrables, encore, car tous s’emploient à contempler le spectacle du roi dans sphère aqueuse qu'elle voudrait défaire. Que les rituels sont navrants, que les traditions sont tout aussi dures qu’immuables. N’éprouvant ni pitié, ni haine, ni quoique ce soit d’autre au sujet de ce taledhel plus grand que nature, il n’y a rien d’autre à faire qu’admirer une tragique scène avant d’y prendre part, avec toute la désolation qu’elle ressent.    Et pis encore, le silence glacial s’ensuivant, tandis que l’Aran vacille entre deux-eaux, est le plus difficile à supporter. Suffisamment, du moins, pour qu’elle se lève de sa chaise et ose braver les multiples regards tournés dans sa direction. Connaissent-ils l’Ascète ? Celle que l’on vient de nommer à la tête d’Ardamir ; celle aussi dont la réputation lui a attribué un visage de marbre et un cœur de pierre.    « Je regrette tout cela, mais puisqu’il le faut, alors voici ma question : avez-vous commis l’acte de nécromancie ? »    Ni plus, ni moins, elle se contenterait de trois lettres, mais elle sait déjà qu’en s’adressant à un frère plongé de la sorte dans un rêve éveillé, elle n’en tirera sûrement que les bribes d’une réponse qu’elle aurait sans-doute préféré entendre autrement.
Artiön Laergûl
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Jeu 29 Aoû 2024 - 19:55
Peur, désespoir, colère, résignation.
À tous ceux capables de l’entendre, les branches du trône Chantent les états de ton Souffle, alors que renvoyé dans le passé, tu revis l’émoi du moment.
Peur
Les arcanes tourbillonnent autour de toi, se mouvant dans un chaos informe, alors que dans tes yeux injectés de sang se reflète la promesse de la mort. Tu as vu leur mort. Tu as vu la tienne. Tu as vu ton échec. La vision de leurs corps inanimés te hante. Les voix de leurs proches te narguent. Tu pénètres la Tourmente alors que ton cœur bat toujours.
Désespoir
Vous n’êtes plus. Vous êtes des fantômes d’écorce et de liège, à l’image de vos meurtriers. Vous êtes des fantômes d’écorce et de liège, à l’image de vos victimes. Les doigts souillés du sang des plus jeunes des sculptures sylvestres, vos yeux vides se déposent sur vos héritiers, quand les leurs se dirigent vers le lointain. À leur tour, maintenant. À leur tour de nourrir le Cycle, et d’offrir à d’autres Souffles de rejoindre la Cacophonie.
Colère
Tu en veux au manque de clémence de la Sylve. L’espace d’un instant, tu hais La Dame Sauvage et ses caprices, tu hais La Gardienne qui laisse la foudre frapper la feuille qui n’est pas tombée, tu hais Le Beau Seigneur de t’avoir fait capable de haïr, mais tu te hais surtout toi, et ta propre impuissance.
Résignation
Un froid soudain te glace le sang. Ta bile te dévore l’estomac. Mais le calme s’est emparé de tes pensées. Les arcanes s’ordonnent. La tempête éthérée se concentre en un seul nuage noir. La mort devient ton bras armé, alors que dans tes yeux injectés de sang se reflète la promesse de la vie.
Et la patte griffue d’un félin mort-vif se lève. Et sa patte devient une lance. Et la lance devient une épée. Et l’épée devient une dague. Et la griffe s’enfonce dans l’écorce. Et la lance s’enfonce dans le coeur d’un Noirelfe. Et l’épée pare un estoc. Et la dague tranche une nuque de cendres. Et les voix de ceux qui vivent encore se mêlent en un millier de paroles en ton esprit.
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Mar 3 Sep 2024 - 15:55
Rehtar rejoignit l'Aran, et à ses côtés, il vivra les mêmes rêves que le souverain. En tant que figure neutre, digne représentant des clercs, lui incombera la lourde tâche d'en faire les récits le plus exact possible, ne laissant aucune place au doute quant à la véracité du vécu du Roi. Chaque parole devait s'associer parfaitement à l'image qu'il voyait, afin de convaincre les plus méfiants comme les plus retors.
Sur son trône chantant, l'Aran démarra son voyage onirique à peine la Protectrice d'Ardamir conclut sa question. Avec lui, Rehtar voyagea dans les profonds rêves d'Artiön, revivant les événements comme s'il en fut lui-même le protagoniste, alors qu'il n'y tint pas le moindre rôle. Au travers des souvenirs visuels et émotionnels du souverain, le prêtre de la Voilée, paupières closes et souffle lent, entreprit sa recherche des réponses aux interrogations de la Protectrice.
Une interrogation dont la réponse pouvait déchirer l'ensemble du royaume sylvestre.
La mémoire du Roi l'emmena alors dans un passé somme toute proche. Vraisemblablement marquants, ces souvenirs avaient demeuré intact, comme s'ils furent vécus seulement quelques jours auparavant. Au cœur même du chaos, peur et mort se côtoyaient avec assurance. Peur de la mort, mort de peur, la Sylve s'agite en d'effrayantes arcanes. Un grand danger s'annonce, la mort semblant en être la seule issue. Ou la mort peut-être leur salut. Entre fatalité et reniement, un cœur meurtri s'apprête à commettre l'inimaginable selon beaucoup, sinon tous. Pouvait-on se résigner à commettre l'irréparable pour préserver les siens ? Voilà désormais la question à laquelle les personnes présentes devront répondre.
Rouvrant les yeux après avoir mis conclu la lecture des souvenirs du Roi, Rehtar observa, impassible, le Haut-Conseil.
« Dans les bois de Malereg où il était effectivement présent aux côtés d'une troupe, l'Aran voit également son expédition s'exposer à de graves dangers. Alors que la Sylve se déchaîne et s'apprête à prendre la vie de ses hommes dans un capharnaüm sans nom, l'Aran a effectivement eu recours à la magie noire pour sauver les siens d'une mort certaine. Cela n'aura pas été vain puisque ces hommes ont vécu. »
Il avait parlé d'un ton neutre, bien que ses paroles tombèrent tel un couperet. Son rôle n'était que de relater des faits, issus même de la mémoire du Roi. Ce qu'il fallait en faire n'était du ressort que du Haut-Conseil. Laissant son regard parcourir l'assemblée, il attendit patiemment la question suivante s'élever d'un silence de plomb.
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Sam 14 Sep 2024 - 17:25
Si l’ire de Falaedhel ne se lit pas sur ses traits, c’est qu’après presque un Cycle et demi de vie, il est bien peu de choses qui le surprennent, et moins encore qui ne lui arrachent quelque élan d’aigreur. De longs siècles en tant qu’homme d’arme, à côtoyer tant le meilleur que le pire des siens l’avaient depuis longtemps forcé à se rendre à l’évidence : ainsi sont les Sylvains.
Choqué par la missive de l’Aran, il ne l’avait été qu’un court instant. Un Elfe parmi d’autres, voilà ce qu’était le roi. Ni plus ni moins. Et des Elfes ayant piétiné leur morale au nom de leurs idéaux, il en avait connu bien trop pour les compter. Peut-être en aurait-il même été un aujourd’hui, s’il avait eu moins de chance.
Le souvenir de la guerre civile qu’avait récemment traversé son Protectorat était encore brûlant. Jamais il n’oublierait la folie ayant animé les traîtres du Conseil, et jamais non plus il n’oublierait la véhémence avec laquelle y avaient répondu les Ornedhels. Au nom de leurs idéaux, au nom de ce qu’ils appellent tous « le bien », nombre d’Elfes à travers l’histoire avaient trahi l’un des prescriptions fondamentales du Lelyadin en se faisant les armes de guerres fratricides. Ainsi, l’histoire et l’histoire de sa vie avaient appris à Falaedhel que mis face aux actes des siens, le Pourquoi portait souvent bien plus de poids que le Quoi.
Maintenant, puisque le Quoi était clair, le Pourquoi méritait d’être décortiqué jusqu’au bout et sous tout ses angles. Quels idéaux justifiaient les gestes de l’Aran ? Quelles pensées avaient motivé son silence ?
- Pourquoi confesser maintenant ?
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Artiön Laergûl
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Sam 14 Sep 2024 - 20:21
Accablement, appréhension, dégoût, indignation
Le bois vivant de ton siège arme sa Voix d’un nouveau cortège de vives émotions, de plus en plus poignantes au fur et à mesure que tu te perds en songe.
Accablement
Les traits des visages de deux femmes se superposent face à ton regard éteint. Une amie et une amante se partagent tes pensées, la seconde – malgré toute la sympathie qu’elle porte à ton égard – peinant à te faire voir autre chose en son regard que le miroir des iris de la première. Les paroles de Kaëlistravaë se veulent t’offrir un pardon que tu n’arrives pas à t’approprier, car en ses prunelles, tu vois brasiller le même dégoût que celui qui brûlait dans celles de Lynn. Elle t’aime malgré tout, mais elle ne comprend pas, tu t’en es persuadé. Et si elle, d’entre tous, n’est pas capable de comprendre, alors qui le pourrait ? Qui le pourrait ?
Appréhension
Un secret de polichinelle, gardé par six Souffles. Une plume, quatre rouleaux de papier, et l’envie de s’expliquer. Iben et Alm font leur course quotidienne par trois, quatre, cinq, six fois, sans que tu n’oses poser le moindre mot à l’encre. Tu t’es muré dans le silence, et tu as reçu le silence en retour. Ils savent ce que tu as fait. Ils savent pourquoi. À quoi servirait alors de plus t’expliquer si ce n’était à tous vous replonger dans de désagréables souvenirs. Vous savez ce que tu as fait. Vous savez pourquoi. Rien ne sert d’en dire plus. Ainsi sont les choses. Tu te lèves. Tu marches vers le Trône. Tu as fait ce que tu dois. Tes responsabilités pèsent bien trop lourd, pour que tu puisses te permettre de t’infliger le poids de la culpabilité. Puisse le silence continuer de régner.
Dégoût
Une lettre, deux noms, une menace. Les mèches flamboyantes de la chevelure du Mainyth de l’armée royale crépitent autour d’un visage morne. Et ses mots te crèvent le cœur, non pas parce qu’ils remettent en cause le bien-fondé de ton acte, mais parce qu’ils te peignent le portrait d’un Elfe d’une dangereuse lâcheté. Le dégoût surpasse la peur, car tu te sais au moins le pouvoir d’empêcher le futur que les mots du lancier t’ont poussé à imaginer.
L’Anaëh scande ton nom, en paroles ou en pensées. La parole se délie, se tord puis se redresse. Elle se fait fleuve d’un mauvais vin, abreuvant l’oreille mais assoiffant l’esprit. Et c’est buvant la tasse, dans un débat houleux que les Souffles avinés choisissent de se désaltérer. Qu’est-ce que le « Bien » ? Qu’est-ce que le « Mal » ? À l’aulne de quel Temps doivent-ils être mesurés ? Apprendre du passé ou attendre l’à-venir ? Laisser vivre le présent ou bien le punir ? Peu de réponses satisfaisantes à des questions qui ont toujours été, mais beaucoup d’émotions au passage soulevées. Le souvenir d’une Cité natale abandonnée. La crainte d’une Humanité que l’on ne feint plus d’ignorer. La chaleur d’une famille rassemblée. La quiétude d’un Chant restauré. Tant d’heurs que de peines à t’imputer. Des Sylvains qui à l’un ou l’autre choisissent de s’accrocher.
Bon ou Mauvais Roi. Qu’es-tu ? Ils ne sauraient s’y accorder. Aux yeux de certains le Nécromant n’est que martyr, s’étant dévoyé par dévouement. Aux yeux d’autres il est menace latente, attendant son instant. Et aux oreilles des uns et des autres susurrent les puissants. Les familles se déchirent. Les amitiés se brisent. Le peuple se divise. Le peuple divisé s’arme. Les armes sont saisies par les puissants. Bon ou Mauvais Roi. Ils choisiront dans le sang.
Tu préfères encore mourir.
Indignation
Le Trône d’Ébène est vide, mais il a un visage. Un visage âgé dans lequel se lit un effroi habilement dissimulé. Ses lèvres se séparent pour souffler un vent mauvais. Tu tempêtes en retour, orage au ventre et foudre aux yeux. La lâcheté de l’Intendant de Malereg t’exaspère, puis t’enrage. Car tu abhorres ces faux-semblants. Tu hais profondément ces manipulations. Tu détestes voir les tiens ainsi faits les pions de celui qui refuse d’assumer avoir dressé la table de jeu. Tu exècres cette apparente volonté de se saisir d’un pouvoir qui ne lui appartient pas, là où de sincères craintes auraient pu être si aisément balayées.
Tu t’en vas, animé d’une Sainte rage, faire le seul « Bien » encore à ta portée, déplorant le fait que la lâcheté d’un Elfe t’empêche de le faire volontiers, mais l’esprit par-delà la colère nourrissant une discrète pensée, car incapable d’oublier les frémissements refoulés des chairs de l’Intendant.
Abattement
Peut-être le Maleregeois éprouve-t-il face à toi la même terreur que celle que connaît ton Souffle à l’idée de faillir à ton serment.
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Mar 17 Sep 2024 - 14:37
Après la dame protectrice d'Ardamir, ce fut le Protecteur d'Eteneril qui questionna à son tour le Roi des Elfes. Voilé par sa froide impassibilité, Rehtar s'exécuta sans piper mot, accompagnant les chants du Bois avant de s'engouffrer dans l'esprit de l'Aran. Encore une fois récité en séquences dont il était aisé de faire la connexion, le prêtre découvrit les réponses à la question posée à travers différents instants clés ayant conduit Artiön à ainsi se confesser, après avoir endossé ce fardeau seul durant tout ce temps. Du moins... presque seul.
En effet, le roi s'était effectivement confessé à son épouse une fois de retour à Aléändir. Bien entendu, toute personne présente était témoin de la scène, donc savaient. Et, comme le supposait Artiön, potentiellement plus à raison qu'à tort, rien ne garantissait qu'ils allaient garder le silence, même s'ils lui devaient la vie. À en juger les évènements suivants, Rehtar comprit alors que les langues s'étaient déliées, dans une Anaëh des Cités où la curiosité était bien loin d'être un concept abstrait.
Loin d'un remord le rongeant jusqu'à ses entrailles, encore que, l'élément déclencheur semblait malgré tout ne résulter que des pressions extérieurs à sa propre conscience. Si d'aucun pouvait juger compréhensible que l'Aran ait ainsi gardé le silence tant la gravité des actes était avérée, d'autres pourraient songer que cette confession soudaine n'aurait pas eu lieu si le Protecteur de Malereg n'avait pas agi comme il l'avait fait, quel que soit le jugement que l'on peut porter sur sa manière de faire. Mais ce n'était pas à Rehtar d'apporter ce jugement. Seuls les faits l'intéressaient, et il devait d'ailleurs les rapporter sans aucun biais.
« En dehors des témoins évidents de la scène, Heru Aran s'est, dans un premier temps, confié à son épouse à ce sujet. »
Il ne songeait pas utile de rapporter quelle fut sa réaction, et encore moins ce qu'Artiön songeait d'elle à ce moment précis. L'objectif de tout ceci n'était certainement pas de rapport quelle relation le roi entretenait avec son épouse. Et la reine étant présente,
« Malgré cela, il a quand même décidé de garder le silence, s'en remettant également à celui des témoins des événements, pensant inutile de se replonger dans ces tourments. Pour lui comme pour ceux qui étaient présents. »
Ainsi, même parmi ses plus fidèles proches, très peu savaient. Pas même le Mainyth qui ne le découvrit pas d'une manière souhaitable.
« Néanmoins, il reçut une lettre acerbe de la part du Mainyth, à l'issue d'une entrevue gardée secrète, dont les raisons semblaient tout autre que des questions de nécromancie, que celui-ci eût avec l'Intendant Fiiriel Norionil de Malereg. Aegden Orian a alors informé le Roi par courrier que l'Intendant de Malereg l'accusait d'avoir eu recours à la nécromancie, et, dans l'espoir d'éviter un conflit armé dont la crainte a été soulevé par écrit par le Mainyth, ce dernier l'enjoignit de rallier Malereg pour essayer de régler ce problème avant qu'il ne dégénère. »
Rehtar s'était effectivement permis de lire dans son entièreté le courrier expédié par le Mainyth, bien que cet écrit n'était pas une preuve aussi intangible que le vécu d'Artiön lui-même. Il ne pouvait certifier où était la vérité dans les mots d'Aegden et où les mensonges, ou les mauvaises interprétations, grevaient son rapport de quelques faussetés. Mais Rehtar supposait le Mainyth suffisamment honorable et honnête pour que ces mots soient pris au sérieux.
« Or donc, Artiön a bel et bien rencontrer l'Intendant de Malereg, bien que celle-ci ait tourné court. Ce premier a bien essayé de se justifier, le second préféra néanmoins les ignorer et s'en remettre au Haut-Conseil, convoqué aussitôt revenu à la capitale par Artiön. »
Norne Rasarphain
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Lun 30 Sep 2024 - 15:19
« Ignominie. »
Elle se leva soudainement, laissant sa voix tonnante et ses gestes vifs porter la frustration qu'elle avait conservé silencieusement en son for intérieur jusqu'à cet instant. « Un ramassis de merde, une mascarade orchestrée par les victimes d'une cécité effarante se prenant pour les meilleurs des voyants. Suis-je donc la seule en ces lieux à ne pas nécessiter... » Elle fit un geste en direction du trône. « … Ceci ? La seule à avoir assez foi en notre Aran pour placer toute ma confiance en ses mots, en son honnêteté ? La seule à voir en ses actes et sa volonté l'exact opposé de l'implication pour laquelle ce conseil a été réuni ? »
La guerrière daranovane s'adressait clairement aux protecteurs, les foudroyant du regard. « Alors dites moi, quel serait votre nombre ? Après combien de tiers sacrifiés, combien de maris et d'épouses éplorés, d'orphelins, après combien de morts considéreriez vous un tel acte comme nécessaire tout infâme puisse-t-il être ? Quelle quantité de sang devra couler avant que la nécessité ne dépasse l'éthique ? »
Elle frappa du poing sur son plastron. « Ma priorité absolue est et restera à jamais de protéger mes frères et mes sœurs. Qu'importe s'il me faut pour cela, me salir les mains, me couvrir de honte ou de déshonneur. Un pas que ne franchiront jamais les ornedhels, prêts à sacrifier le présent et le futur au nom d'un passé révolu. Une erreur dont vous êtes aussi coupable, alors que l’œuvre est menacée de l'intérieur, alors que l'armée noire peut resurgir à tout instant et tracer son sillon sanglant parmi les nôtres, vous condamnez notre souverain pour l'acte ignoble de s'être souillé afin de protéger les siens. »
Elle retira son heaume ailé et le plaqua violemment contre la table. « Je suis pour la restitution immédiate et sans appel d'Artiön à son statut d'Aran, et j'implore la mère qu'il en soit de même pour la majorité d'entre vous. Le sujet de ce conseil est une perte de temps. »
Inglor Helyanwë
Elfe
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Lun 7 Oct 2024 - 16:21
Après quelques instants de froid silence lorsque Rehtar répondit à la question de la Protectrice d'Ardamir, une voix tonnante résonna dans la salle du Haut-Conseil. La Protectrice de Daranovar, loin de suivre les règles établies, profita de ce flottement pour entamer son long monologue. L'Aran était de Daranovar. Les deux se connaissaient donc très bien, eux qui avaient certainement bataillé ensemble durant de très longs siècles. Non pas que l'on pourrait jusqu'à l'accuser de malhonnêteté intellectuelle, Norne l'avait certainement côtoyé au plus profond des batailles les plus sanglantes et le pensait incapable de s'abaisser à de telles vilenies sans raison apparente.
Elle soulevait pourtant un point qu'Inglor avait lui-même soupçonné : les raisons de ce Haut-Conseil. Celles-ci ayant été éclairées par les souvenirs oniriques du Roi, ce dernier avait effectivement agi sous la contrainte des menaces portées par le Protecteur de Malereg, qui, au lieu d'avertir les Berceurs, avait préféré faire de ces événements une arme politique dont il avait usé pour acculer Artiön. Ce faisant, il avait contourné l'autorité du Culte de Tari sur un sujet d'une telle gravité, et Inglor entendait bien, quel que soit le sort réservé à Artiön, ne pas laisser de si vils agissements impunis.
Si en cela les deux personnages semblaient implicitement s'accorder, la suite du discours de Norne ne manqua pas de dresser furieusement les oreilles du Maître du Repos de Tyräl. L'existence même des Berceurs reposait sur la nécessité d'empêcher l'usage de la nécromancie, quitte à transgresser d'autres règles imprescriptibles établies. Cela témoignait de la sacralité de la prohibition de la nécromancie, qui jusqu'à maintenant n'avait jamais été grevée d'exception, aussi rares pouvaient-elles être. La réflexion de Norne était gravissime, et ouvrait une porte à de nombreux excès, à commencer par Porte-la-Peste lui-même qui aurait pu, à bien des égards, se targuer de la nécessité pour justifier sa barbarie.
« Nos règles les plus sacrées devraient-elles souffrir d'exception qui la conduiraient à inéluctablement à leur destruction ? » intervint alors Inglor, après un second silence de plomb laissé par le discours de Norne. « Devons-nous nous rappeler pourquoi ces pratiques sont interdites ? Pourquoi les Berceurs que je commande sillonnent Anaëh jusqu'à Aduram pour mettre un terme des pratiques aussi ignobles ? Pourquoi, il y a quelques mois encore, j'affrontais aux côtés de l'Armée Royale l'infâme Ceädon, que tous connaissons sous le nom de Porte-la-Peste ? » questionna Inglor, la mâchoire serrée, la voix grave et solennelle. « N'avons pas assez côtoyé l'horreur de ces actes pour que nous commencions à les justifier ? L'ignominie de l'armée noire dont vous brandissez la menace est-elle si lointaine pour ne pas lutter de tout notre Souffle afin d'empêcher qu'une telle impiété ne commence à gangrener nos Cités ? Lèverions-nous les cadavres des défunts parce que la nécessité de protéger l'Oeuvre pourrait l'exiger ?! » tempêta Inglor, dont la voix lui semblait résonner au-delà de ces murs tant il n'était pas habitué à ainsi élever la voix.
Le Berceur observait un à un les visages des Protecteurs, reprenant son souffle et apaisant sa fureur. Il eut même un bref regard pour les Haut-Prêtres, ainsi que l'Aran, bien qu'ils n'entendaient aucunement ces échanges. Le Voilé Rehtar, à ses côtés, patientait, impassible. Ce qui aurait dû être en question devint un houleux débat de fond.
« L'acte que nous avons à juger aujourd'hui n'a rien de minime, et ce quelles que soient les circonstances durant lesquelles il a été commis. Et ce même si nous pouvons interroger la manière dont ce Haut-Conseil a fini par être convoqué. » Inglor eut alors un regard glacial envers Fiiriel. « Les dangers de la nécromancie sont bien trop importants pour que nous puissions tolérer leur utilisation, même dans des circonstances exceptionnelles. »
L'intransigeance d'Inglor sur ce sujet était connue de tous. C'était pour lui sa raison d'être. D'aucun dirait que son expédition en Aduram ne l'avait pas changé, et pourtant... Les monstruosités qu'ils avaient affrontés, l'armée de cadavres sur leur chemin, le combat final contre Ceädon, pour finir par la lecture de son grimoire dans lequel toutes ses expériences avaient été retranscrites... tout cela dans le but désespéré de rendre la vie à son amour perdu. Bien sur que cela avait bouleversé Inglor. Il était désormais plus résolu encore à fermement combattre la nécromancie, car même les objectifs les plus louables pouvaient conduire ses praticiens aux pires dérives. Ni Porte-la-Peste, ni les Daedhels n'avaient pour objectif initial de lever des légions de morts, quels qu'ils furent à ces lointaines époques. Inglor pouvait décemment supposer que l'Aran ne couve pas une telle ambition, tant la culpabilité l'a vraisemblablement rongé, et ce avant même que le Protecteur de Malereg ne le menace. Par ailleurs, le Berceur ne préjugeait pas de sa bonne foi : il a effectivement agi ainsi pour sauver la vie de ses hommes.
« Me répondrez-vous en me questionnant si j'aurais préféré voir ces hommes et ces femmes mourir si j'avais été présent à sa place. Une question légitime, sans doute, quoi que futile car à sa place je n'aurais tout simplement rien pu faire. Comme beaucoup d'entre nous présents dans cette salle. Ce pourquoi nous sommes réunis aujourd'hui n'aurait eu effectivement aucune raison d'être car nous aurions même pas pu songer à commettre un tel acte. » conclut Inglor, joignant les mains derrière son dos très légèrement voûté comme s'il désirait abaisser le ton de sa voix. « L'Aran, comme beaucoup d'autres soldats, guérisseurs, prêtres ou même Berceurs, est un vitaliste qui peut, par la simple logique des choses, pratiquer les arcanes de la mort. » Inglor se redressa, le regard rivé sur Norne. « Et s'il est aujourd'hui jugé, c'est parce qu'au delà de pouvoir le faire, il l'a fait. La nécromancie est alors devenue réponse à une situation donnée, et cela constitue un danger qui ne peut être nié, et qui doit être condamné. Un danger qui ne peut être justifié ni par le bien commun, ni la nécessité, ni n'importe quelle justification que vous pourriez trouver pour rendre cela acceptable. »
Artiön Laergûl
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Sujet: Re: [Haut-Conseil] Qui au nom de la Vie commanda à la Mort Mer 9 Oct 2024 - 21:18
- Mais Maître Inglor... le représentant de Malereg brise le court silence ayant suivi l’intervention du berceur ...les paroles de la représentante de Daranovar ne sont-elle pas preuve suffisante que l’Aran… et peut-être d’autres avec lui ! sont depuis longtemps déjà en train de glisser cette pente ? il se tourne vers le Trône Quelle preuve avons-nous qu’il s’impose les moindres limites ? les questions de l’Elfe sont assénées avec une agressivité toute maîtrisée Peut-il seulement nous prouver qu’il ne prendra pas le chemin de Porte-la-Peste ?
Interrogation indirecte, se voulant rhétorique, adressée aux Protecteurs plus qu’elle ne l’était au sujet premier de ce Conseil. Une question cependant entendue par le Trône, et – par la même occasion – par le rêveur.
Chagrin, détresse, mélancolie, délivrance
La Voix du Trône les Chante avec puissance, car en toi ces émotions sont fortes. En toi elles se sont souvent côtoyées. Car elles sont tes réponses face à un inévitable que tu as de tes yeux vu de bien plus près que la majorité : la Mort.
Chagrin
De froides larmes te lacèrent les joues, ton regard figé se refusant à quitter le champ de jeunes épineux se déployant autour d’un des grands lacs de tes montagnes natales. Pas le moindre corps entre les racines de ces arbres. À la place, quelques bouts de métal ou de cuir reposent à jamais sous la surface du sol. Parmi ces bouts de métal, un anneau. Un anneau, flanqué du sceau des Hrònmectar.
Détresse
Ton cœur bat la chamade. Seul sous le regard de l’astre nocturne, tu creuses la neige et la boue à la recherche de ce que tu avais toi-même enterré il y a quelques années de cela. Tu te presses au point de l’épuisement, espérant que cela suffise à chasser les souvenirs qui t’assaillent, mais rien n’y fait. La voix de Gelluives te poursuit. Son sourire te poursuit. La trahison que furent ses adieux se rappelle à toi comme une promesse que jamais tu ne trouverais la paix. Et puis l’anneau était entre tes mains à nouveau.
Mélancolie
Au sein du Sanctuaire, une prière s’élève. Les Guides et les Voilés accompagnent les civils en psalmodies, la salive acide, mais le cœur léger. La litanie n’est jamais la même. Car chaque fois qu’elle est entonnée, si les mots et la mélodie restent inchangés, son timbre est transformé. Le chant funèbre s’est appauvri d’une voix. Le Temple a perdu l’un de ses vieux piliers.
Délivrance
Face à la forêt de pins, tu finis par sourire. Ton regard s’échappe à la contemplation pour en croiser un autre. Les yeux de ta mère se lèvent vers les tiens, et quelques mots rassurants s’échappent d’entre ses lèvres asséchées par le deuil. Tu la prends dans tes bras une dernière fois, avant de la laisser s’envoler, poussière soufflée par le vent.
Tes doigts caressent le métal. La voix de Gelluives te hante toujours. Mais elle ne te dérange plus. Entre deux sanglots tu ris, alors que de ta poche tu sors un petit objet, brillant d’une douce lumière bleutée. C’est ici sa place. Entre les racines d’un sapin planté en leur honneur, tes parents reposent maintenant ensemble. À jamais, la lueur de ta mère continuera d’éclairer le souvenir de ton père.
Sur l’une des racines de l’Arbre-Maître de Daranovar tu t’assieds, rapidement rejoint par un jeune Elfe au regard vif. Sa chaude voix de basse t’arrache presque un sursaut. Le chant funèbre s’est appauvri d’une voix familière, mais a été renforcé d’une teneur nouvelle. Un soupir. Quelques mots perdus dans la brise, et des souvenirs d’enfance te dansent devant les yeux, tandis qu’au plus jeune des Guides de la Cité, tu contes l’histoire de celui qui fut ton enseignant.
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Interloqué, mais ultimement insatisfait, le Protecteur d’Enolir, d’un geste de la main, s’accapare l’attention de ses convives. Pour lui peut-être plus que tout autre, la position du Maître de l’Ordre du repos de Tyral paraît une évidence. Seulement, pour lui peut-être plus que tout autre, si ce n’est le Pergaën lui-même, les questionnements posés par la guerrière Daranovane – ou au moins la raison de ces questionnements – méritent d’être plus profondément explorés.
En tous temps, les habitants des Terres Ancestrales d’Holimion voient défiler des pèlerins à la recherche de la caresse de la Dame-Écume. Beaucoup d’entre eux des Elfes endeuillés. Beaucoup d’autres encore s’ennuyant simplement d’une vie qui ne semble plus leur correspondre. De combien d’entre eux pouvait-on dire qu’ils étaient victimes des conventions de votre peuple ? Et combien d’autres les auraient remplacé sans ces garde-fou ?
Le Protecteur claque frénétiquement des doigts, peinant à formuler la question qui le taraude. La « question » du Maleregeois ne lui a fourni que trop peu de réponses. À défaut de débattre avec ses convives de ce qui devrait être acceptable ou non, ce qu’il aurait aimé savoir, c’est ce qu’en pensait l’accusé. Mais sans que l’on puisse lui répondre en mots, trouver une manière de le demander qui amène à réponse intelligible s’avérait tâche plus ardue que prévu. Si bien que finalement, abandonnant l’idée d’une formulation parfaite, il pointa un doigt inquisitif en ta direction.
- Artiön. Quelles fin justifient à tes yeux d’en arriver à de tels moyens ?
Désemparement, détresse, résolution, résignation
Un déferlement d’émotions négatives s’empare de la discrète végétation courant à travers le palais. Et ça et là, en les esprits de ceux parmi les occupants des lieux qui Entendent naissent autant de raisons de s’inquiéter de la nature de ce Conseil.
Désemparement
Tes doigts s’ourlent, tremblotant, autour de pages rédigées dans une familière calligraphie. Tu retiens un haut-le-cœur, partagé entre fascination et dégoût, mais la curiosité l’emporte allégrement sur ton aversion face à ce que tu crains être réalité. Le secret aura été gardé des siècles durant, et il aura fallu la chute de ton monde pour que tu le découvres. Mais à ce moment tu comprends. Tu comprends enfin pourquoi ta mère t’a si peu souvent autorisé à la suivre au sein du cercle d’érudits qu’elle a pourtant si longtemps fréquenté.
La substance est vivante sans l’être. Elle répond à ton appel lorsque tu dessines son nom à travers la trame. Sous tes ordres elle se métamorphose, prenant lentement les traits d’autres tissus familiers. L’œuvre de la vie de ta mère est face à toi. Résultat de siècles d’expériences taboues. D’expériences taboues dont tu as besoin. Ici. Maintenant. De suite. Ton regard quitte les parchemins un court instant, tout juste le temps de se poser sur une Elfe blonde, dont le corps, pris par un mal mystérieux, lutte contre lui-même. Ce fut ce jour la première fois que tu fus heureux de savoir l’interdit. Car c’est en ce que ta mère jamais de son vivant ne t’enseigna que tu trouvas le miracle qui secourut Enoriel.
Détresse
L’odeur omniprésente du sang et de la chair brûlée ne te débecte même plus. Vous luttez depuis des jours. Vous êtes épuisés, et vos ennemis te semblent infatigables. Les murs d’Alëandir ne sont plus très loin. Vous n’arriverez pas à contenir l’invasion. Pas avant qu’elle ne s’écrase contre la Cité. Pas avant qu’elle ne déferle sur des rivages innocents.
L’odeur omniprésente du sang et de la chair ne te débecte même plus, parce que cette bataille t’auras appris qu’il est des choses bien plus abjectes qu’une mort imméritée. Vos ennemis te semblent infatigables, oui, car vos ennemis d’aujourd’hui sont les alliés d’hier. Chaque jour, vous reculez un peu plus, alors que se lèvent contre vous les lames de vos camarades tombés au combat. Chaque jour, vous reculez un peu plus, votre ardeur grignotée par un deuil que le peuple sombre vous interdit. Chaque jour, vous trahissez un peu plus la promesse faite à vos protégés, en vous refusant à lutter de toutes vos forces, trop submergés que vous êtes par l’émotion.
L’odeur omniprésente du sang et de la chair ne te débecte même plus, et les visages décharnés de tes défunts compagnons ne te font plus ni chaud ni froid. Les Sombres ont brisé la carapace de la Cité Blanche. Quelque chose est mort en toi – ou alors est-il plutôt né ? – à la vue des cadavres de pères, de mères et d’enfants ayant perdu la vie à cause de votre faiblesse. Ce fut ce jour la première fois où tu acceptas de t’abaisser à imiter l’ennemi. Et en ce jour, tes alliés fermèrent les yeux. Car pour eux comme pour d’autres, c’est l’admission de leur propre noirceur qui leur permit de continuer leur lutte face aux Sombres.
Résolution
Face au miroir, tu bombes fièrement un torse que le géant que tu es aujourd’hui aurait trouvé bien plat. Le poing contre ton cœur tu te prépares, en corps et en esprit, à ta décision prochaine. Elle sera la plus importante de ta vie.
Tu ne sais rien de la réalité. Tu es jeune. Jeune et fougueux. Tu souris d’un grand sourire, promettant monts et merveilles à qui veut bien l’entendre. Tu y crois dur comme fer. Ce jour-là, tu es persuadé pouvoir protéger l’Œuvre entière de tout mal. Vous l’êtes tous. Vous ne feriez pas ce choix si vous ne l’étiez pas. Ce jour-là, vous vous condamniez à poursuivre d’impossibles idéaux. Des idéaux que vous n’abandonneriez jamais. Vous, jeunes recrues de l’armée Daranovane. Vous, jeunes recrues du premier bastion d’Anaëh.
Résignation
L’enfant se meurt avec la promesse d’emporter avec lui nombre de Souffles naïfs. Vous avez été crédules. Confiants que vous étiez en votre capacité à le sauver lui vous vous étiez condamnés. L’Elda avait gagné cette bataille. Son poison serait bientôt répandu dans vos veines.
L’enfant vous observe, la peur dans le regard. Il ne sait ni que dire, ni que faire. Il vous ressemble. Il était l’un d’entre vous autrefois. Avant que l’Elda ne l’arrache de force à sa famille pour en faire leur arme. Il pleure à chaudes larmes, sachant intimement que son temps est compté. L’enfant s’est attaché à toi. Sans comprendre sa propre langue, il a compris que tu étais celui qui lui avait permis de vivre quelques jours de plus. Ta magie l’avait – en même temps que ces mots qu’il ne comprenait pas – aidé à lutter contre le venin qui lui coulait dans les veines.
Tu observes l’enfant du coin de l’oeil. Il dort d’un sommeil agité. Tu devrais le détruire. Le détruire est la chose la plus raisonnable à faire. Seulement tu n’arrives pas à t’y résoudre. Parce que vous n’avez pas tout tenté. Te voilà face à deux injonctions contraires. Protéger ce qui vit, ou laisser reposer ce qui dort.
L’enfant vit encore. Le poison a été vaincu. Puisse ta mère être fière, depuis son siège au sein des Terres d’Emeraudes, de savoir qu’en brisant les tabous, elle aura sauvé de nombreuses vies.
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Partagé est le représentant de la Qatrième-Saison, qui bien que se sachant face à la pleine vérité de l’accusé peine autant que le Maleregeois à ne pas lui attribuer quelconque arrière pensée dissimulée. Olossûr ne sait après tout que trop bien quel est le poids du silence, car il le sait, il le sent, il est d’autres sujet face auxquels la Couronne tente de le tenir dans l’ignorance.
- Si à vos yeux l’offense fut justifiable, Aranil lève le menton pourquoi en avoir gardé le secret ?
Orgueil, désir, méfiance
Elles se rajoutent au cortège de mélodies, peignant à qui veut bien l’écouter une image de plus en plus précise de ta psyché. Au sein du Palais quelques Elfes au coin d’un couloir sursautent, persuadés qu’ils étaient par les Chants que ton regard les attendait de l’autre côté.
Orgueil
Ils te regardent tous comme l’avait fait Lynn après Rindanim. Ils savent. Tu le leur a dis. Tu es toujours leur Roi, mais ils te regardent d’un œil mauvais, et tu ne le supportes pas. Ce que tu as fait, tu l’as fait pour eux, et tu ne supportes pas qu’ils refusent de le voir. Tu aurais préféré qu’ils te tuent, voilà ce que parfois tu te prends à penser. Tu aurais préféré qu’ils se débarrassent de toi, plutôt que d’accepter lâchement les bénéfices de tes actes tout en t’en faisant entièrement porter l’opprobre, et sans t’offrir la moindre once d’empathie.
Désir
Te voilà de retour des années en arrière, à tes premiers essais en tant que Seigneur-Protecteur d’Alëandir. Tu souhaites toujours les aider, tu souhaites toujours t’offrir à ton peuple, par-delà l’inconfort, mais tu ne sais plus comment. Tu ne sais plus trouver équilibre entre acceptable et nécessaire. Tu ne sais plus quelles douleurs leurs Souffles sont prêts à endurer pour protéger leurs corps, ni quelles douleurs leurs corps sont prêts à endurer pour protéger leurs Souffles. Tu ne sais plus où les guider qu’ils sauraient reconnaître comme un « mieux ». Tu veux faire au mieux pour ton peuple, et ils te font encore assez confiance pour te laisser essayer. Seulement, tu as peur qu’ils ne te fassent plus assez confiance pour te laisser échouer. Et la charge d’Aran est trop lourde pour que ta réussite vienne sans que tu n’aies à monter un escalier fait de tes échecs.
Méfiance
Tu peines à retrouver tes marques, tu peines à reconstruire la confiance des tiens, et dans l’ombre de tes tribulations rôdent des prédateurs de ta propre race. Des Elfes qui « savent mieux » que toi, mais ne savent rien de tes efforts. Des elfes tant aveuglés par leur vérité qu’ils ne voient pas la traînée de sang poignant à leur porte.
Dans ta faiblesse, ta parole ne porte plus assez de puissance pour tempérer la leur. Dans ta faiblesse tu n’es plus capable de faire obstacle aux plus dangereuses de leurs velléités. Dans ta faiblesse, tu ne peux plus empêcher les Elfes d’autant croire qu’eux à leurs semi-vérités. Ainsi es-tu devenu un roi impuissant. Un roi impuissant face à un peuple levant la lame là où la parole aurait été meilleure arme. Un roi impuissant face à un peuple se réfugiant à nouveau dans la peur et la haine. Un roi impuissant face à un peuple prêt à s’affaiblir en guerres intestines, quand sa haine de l’extérieur en a en plus fait la cible des autres nations de ce monde.
Tu hurles dans le vide, l’Astre du Jour perdant lentement de son éclat, les sourires se faisant lentement rage, le pavé blanc se noyant lentement sous le carmin. Tu hurles dans le vide, impuissant, et quand ta voix s’éteint enfin entièrement, l’Hydre te dévore.
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Fineldor n’avait pas prononcé le moindre mot depuis le début du Conseil. Elle aurait été précieuse pourtant, la perspective d’un elfe né à Tethien, au sein de la Terre Ancestrale de Daranovar, mais loin de sa Cité la plus rustre. Il était d’ailleurs étrange, venant du fier personnage, de ne pas faire étalage de ses façons de penser. Le mutisme du Protecteur Tethian prit cependant tout son sens, lorsque – les visages de ses convives tournés vers lui – il finit par prendre la parole.
- Je n’ai pas besoin d’en savoir plus pour prendre ma décision.
Ainsi, tous avaient eu l’opportunité de se positionner. Sauf un. Le dernier des Protecteurs présents. Ce n’est qu’après un silence presque gênant, assuré qu’il se soit fait que ce furent là les derniers mots du précédent locuteur, que le Pergaën se résout à prendre la parole.
- Aran. une voix éraillée, et un brin maladroite, insuffla un frisson chez tous les Elfes présents Avant aujourd’hui, où espérais-tu que ton règne conduise Anaëh ?
Espoir
Tu embrasses tes fils et ta fille sur le front, puis ton épouses sur les lèvres. Puis elle et toi vous endormez d’un sommeil léger, mais réparateur.
Espoir
Tu prends ton aînée dans tes bras, à l’aube d’un des jours les plus importants de sa vie. Elle s’apprête à faire son premier grand Choix. Tu la portes avec fierté, à travers une Cité différente – sans vraiment l’être – de celle qu’aujourd’hui vous connaissez. Au travers des décennies, les racines et les lianes ont continué de croître. La Symphonie résonne de plus en plus fort entre les pierres. Les effets du Voile ne sont jamais allés qu’en se renforçant. Mais la Cité ne s’est pas écroulée. La pierre se love autour de l’écorce et laisse l’écorce l’embrasser en retour. Le peuple Taledhel, à qui les Voix de la Sylve susurrent à nouveau, retrouve peu à peu les inspirations d’antan. Alëandir est à tes yeux plus belle que jamais, promise à ce qu’elle fut et aurait dû rester au travers des Cycles : un parfait mariage entre votre art et votre nature profonde, un ode à celle qu’il vous fut confié de protéger.
Espoir
Tu te recroquevilles pour passer à travers une porte de bois verni. Tes mains courent le long de murs de pierre grise, par endroits rongés par les mousses et le lierre. Tu souris, trouvant en ces discrètes Voix un peu de réconfort face à ce qui t’attends. Une prosodie étrange te chatouille les oreilles, mais aussi inquiet que tu sois, tu t’engages vainqueur dans ce duel.
Face à toi se tiennent trois hommes de petite taille, le plus jeune d’entre eux, une figure entre deux âges, la tête alourdie d’une couronne d’or. Il te salue, affable, avant de t’inviter à t’asseoir en sa compagnie. Il te sourit, mais tu entends son cœur battre la chamade. Il a peur. Pas de toi, non, mais de ce que tu représentes. Tu as connu son père avant lui, ainsi que le père de son père, et cela sur plus de générations qu’ils n’ont de doigts pour le compter. Et maintenant, c’est à son tour de te demander conseil.
Voilà près d’un siècle maintenant que l’Œuvre a englouti leurs terres royales. Près d’un siècle que génération après génération, elle gagne en force, continue de s’étendre vers le Sud, et les oblige à repenser leur manière d’exister. Mais parce que des générations durant, tu as pris soin qu’oreille et main leur soient tendues, les Arïn ont cessé de lutter contre l’Estel. Certes, ainsi auras-tu condamné ton peuple à pour l’éternité devoir enseigner la même leçon aux éphémères, mais en les invitant à devenir une part intégrale de l’Œuvre, vous avez gagné de ne pas voir naître autour d’eux un nouvel Aduram.
Espoir
La caresse d’I Ëmel s’étend inexorablement à travers le monde, une pulse comme celle que décrivent les récits des temps anciens battant à travers la lande. Tes yeux se lèvent vers l’Oliya depuis le Sud, et se posent sur des paysages comme tu n’en as jamais vu. Ce qui fut autrefois la désertique lande Vaanie est aujourd’hui une savane luxuriante, parcourue de créatures fantasmagoriques nées d’une magie renouvelée.
Ton humeur n’est pourtant pas à joyeuse contemplation. À tes côtés se tiennent des Sylvains, de cuir ou de métal vêtus, l’arme solidement à la main. Vous avancez avec précaution au travers d’un bosquet, tes sens t’ayant d’ores et déjà averti que la bataille vous trouverait de l’autre côté des frondaisons. Un sifflement retentit. Un Elfe au visage tatoué et à la chevelure d’un bleu intense émerge de la canopée, vous pointant une direction du doigt. Tu acquiesces d’un hochement de tête. Des flèches fusent vers votre cible. Et tu entends s’éteindre les pulses de vos ennemis. Dès lors, tout va très vite. Des langues de feu embrasent le bosquet. Ta magie s’empare de vos assaillants. Les arcanes et l’acier sont portés à votre encontre. Une scène comme tu en as déjà vécu de nombreuses, et comme tu en vivras de nombreuses encore.
Tu lances un ordre. Ton fils acquiesce. Une pluie de givre vient mordre tant dans les flammes que dans les chairs Sombres. Une langue de feu te cueille le visage en retour. Le brasier s’insinue sous le métal de ton heaume, et te force à fermer les yeux. Tu continues ta lutte à l’aveugle, te fiant à ce que te murmurent la Symphonie et l’éther. La trame se noue. Ton fils hurle. Un marteau de pierre s’écrase contre ton buste.
Tu t’éveilles enfin
Tu te lèves, face au reste du Haut-Conseil, des larmes perdues parmi les restes des eaux dans lesquelles tu es resté si longtemps enfermé. Tu fais un pas, ta carcasse alourdie d’un temps qui n’est pas passé, et ton visage émacié par une vie que tu n’as pas vraiment vécue.
Tes yeux brillent de reflets nouveaux alors que l’apparence de ceux rassemblés face à toi te ramène à la dure réalité. Tu vacilles. Ta mâchoire tremble. Tu les regardes eux, puis tu regardes tes mains, puis tu les regardes eux à nouveau. Tes yeux courent sur les murs de la salle du Trône, puis cherchent désespérément le regard de ton épouse.
C’est comme s’ils t’avaient tout pris
Tu inspires, souffles, lèves des mains inoffensives, puis t’avances jusqu’au Pergaën. Tu hoches la tête face au Haut-Prêtre avant de te retourner. Tu offres la même politesse à La Main. Et enfin, tu t’avances jusqu’à ton épouse. Tu la prends dans tes bras, et en retour, elle t’offre un passionné baiser.
- Artiön. La Main t’interrompt Il est temps maintenant que tu rejoignes le Conseil pour décider de…
- Ce n’est pas la peine. ton regard retourne au Haut-Voilé Ce ne sera jamais qu’un rêve, n’est-ce pas ?
Tu te fends d’un sourire meurtri, auquel le Pergaën répond par un pesant silence. Des siècles de ta vie viennent de t’être dérobés. Autant de moments passés avec ta famille, tes enfants, ton épouse, tes amis… autant de moments entourés de tes Frères et Soeurs, effacés en un instant. Et ce monde auquel tu t’étais habitué, tu ne le retrouverais jamais.
- Le Conseil ne me fait pas assez confiance, et je ne fais pas assez confiance au Conseil. tu baisses la tête Puisses I Mîngely guider le prochain Aran. tu soulèves ton épouse pour poser ton front contre le sien J’ai besoin de rentrer à la maison.
Au peuple Sylvain tu offrirais la vérité. Et parce que vérité ne peut coexister avec ton règne, tu redeviendrais qui tu as été, avant que ce fameux Conseil ne t’ait couronné.