Grièvement blessée (pv Aerandir)

Naessa était depuis peu à Diantra et déjà Alëandir lui manquait. Ici, il n'y avait que de la pierre et des humains... Des humains partout... Assise à la fenêtre de sa nouvelle chambre, la jeune prêtresse se coiffait d'un air rêveur, observant la vie de la cité. Les elfes étaient calmes, la ville était paisible. Mais Diantra était toujours en effervescence, à croire que les humains étaient toujours pressés de faire quelque chose. La verdure n'était pas abondante, en tout cas. Naessa soupira et tressa quelques cheveux sur son crâne, en y entrelaçant des perles de plusieurs couleurs.

Puis la prêtresse demanda l'autorisation de quitter le temple pour la journée. Depuis son retour, elle n'avait pas encore pris le temps de se racheter des vêtements correctes ni de renouveler son stock de potions. Elle avait tout perdu sur le trajet, à cause d'une attaque de drows. Et pourtant, elle avait été sauvée par un drow... par son drow, son bienaimé...

Naessa sourit légèrement au souvenir de la promesse de Ceylan. Après l'attaque d'Ydril, il l'emmènerait avec lui à la cité drow, pour qu'ils vivent ensemble... Vivre en tant qu'esclave n'était pas un choix facile, mais elle se comptait plus d'amis chez les drows que chez les elfes. Et les humains n'étaient que des ennemis à ses yeux.

La prêtresse enfila une cape légère par-dessus sa jupe marron, sa chemise blanche et son corset ocre. Cachant son visage, elle partit en direction du marché. Elle était dans la gueule du loup, la famille De Sigvald voulait sa mort... Elle avait bien l'intention d'enquêter sur le sujet mais, pour le moment, elle devait éviter de se faire tuer. Ceylan et Jäe n'étaient plus là pour la protéger, et elle n'avait plus de potions pour fuir efficacement.

Elle regardait les étalages en souriant légèrement. La ville lui faisait peur, mais les produits n'étaient pas tous de mauvaise qualité. Soudain, Naessa entendit un bruit familier : celui d'une dague sortie de son fourreau ! Sans plus réfléchir, elle se mit à courir, lâchant tout ce qu'elle tenait, soulevant sa jupe pour ne pas être entravée. Premier réflexe : éviter les ruelles sombres ! Deuxième réflexes : éviter la foule. Troisième réflexes : éviter de courir d'une manière droite et privilégier les mouvements aléatoires. Son seul espoir était de semer l'éventuel assasin ou de trouver quelqu'un pour la protéger. Naessa cherchait un garde...

*Arcamenel, protège-moi !*

Elle courait et courait toujours, puis elle repéra enfin un garde qui bavardait tranquillement avec un ami.

- Garde, garde ! S'il-vous-plaît aidez-moi !

Elle se jeta presque à ses pieds, mais elle ne pleura pas. Naessa ne pleurait pas, ou du moins elle s'y appliquait de son mieux. Les gardes la regardèrent, perplexes, et l'aidèrent à se relever.

- Allons demoiselle, que vous arrive-t-il ?
- On tente de me tuer ! expliqua Naessa. Pourriez-vous je vous prie m'escorter jusqu'au temple d'Arcamenel ?

Les deux gardes regardèrent les passants, mais aucun ne semblait suspect. Ils posèrent alors sur Naessa un regard condécendant que la jeune fille prit très mal. Ils ne la croyaient pas... Chez elle, elle connaissait si bien les gens qu'elle pouvait leur faire croire des mensonges. Ici, ses paroles étaient mises en doute quoiqu'elle dise.

- Nous ne pouvons pas abandonner notre poste, demoiselle. Il n'y a rien à craindre, rassurez-vous !

Naessa n'insista pas et s'éloigna. Elle avait peur, mais sa haine envers les humains ne faisaient que croître à chaque contact. Ils la livraient à ses bourreaux et ils lui souriaient comme si elle était folle ou capricieuse... Elle était peut-être même plus âgée qu'eux mais ça leur était égal...

Naessa se retrouva seule dans la foule... Elle rabattit sa capuche... et sentit une lame ouvrir sa gorge... Par réflexe, Naessa utilisa tout son pouvoir de guérison pour cicatriser la plaie avant qu'elle ne soit mortelle, mais un autre coup de dague vint la poignarder non loin du coeur. Naessa s'écroula, les yeux ouverts, tandis que les dalles de Diantra se couvraient de sang frais. Les hurlements des gens résonnaèrent à ses oreilles comme un bourdonnement insignifiant. Sa blessure à la gorge était certainement mortelle, elle n'avait fait que retarder l'échanéance. Quant à sa blessure près du coeur... L'assassin avait manqué son coup, ce qui n'atténuait que très peu la gravité de la plaie.

Doucement, Naessa commença à sombrer dans les ténèbres de l'inconscience. Elle eut l'impression de revoir le visage de son frère... et celui de Ceylan. Elle voulut bouger mais n'y parvint pas. Finalement, elle n'avait pas eu une brillante idée de venir à Diantra. Obéir aux ordres n'étaient pas toujours une bonne chose...

*Arcamenel... protège-les pour moi...*

Persuadée de mourir, Naessa s'endormit avec un sourire paisible. Elle aurait voulu revoir son frère une dernière fois...

[hrp : tu peux enchaîner avec quelqu'un qui t'amène Naessa au dispensaire, ou alors tu la trouves comme ça. A toi de voir^^]

L'oubli...L'oubli était une chose noble et nécessaire parfois, laisser ses pensées errer aux confins de sa conscience, ouvrir la cage aux sentiments emprisonnés, oublier...Il n'était qu'un homme agenouillé aux pieds d'une stèle, il n'était qu'une main qui dépose une rose, il n'était qu'un disciple qui cherche sa voie...Mais le sourire qui ombrait son visage était celui d'un maître, le regard doré posé avec malice sur une statue était celui d'un enfant, le visage aux multiples facettes était celui d'un Dieu. Qu'importe le lieu lorsque ce que l'on cherche est déjà en nous. Malgré tout, il devait se plier aux règles, même si il les trouvait parfois trop...Strictes, alors que ce qu'il prônait ne connaissait pas de limites...Les hommes au coeur de pierre avaient besoin de toute cette mascarade pour croire alors même ce qu'ils avaient devant les yeux. Pauvres aveugles qui errent parmi les ombres sans jamais trouver la lumière qui sommeille. Et pour cela, il est parfois cruel et douleur...

Au bout de quelques instants, il se releva, déploya sa haute silhouette et toucha du bout d'un doigt long et fin, le marbre de la statue. Froide. Si froide...Encore une contradiction qui fit naitre un sourire rêveur sur ses lèvres pleines.

-Qu'importe les paroles ou les pensées...Quand comprendront ils ?

Ce n'était qu'un chuchotement mêlé de rire, comme une complicité éternelle, quelque chose qui lie et que rien ne pouvait défaire. Sa longue cape argenté dansa autour de ses chevilles lorsqu'il se détourna. Son pas était dansant, léger, mais un chant d'agonie stoppa sa courte envolée. Un cri, puis un autre, horreur et peur, étonnement aussi...La lourde mélodie de la tragédie. Il accélérait le pas lorsqu'un prêtre l'arrêta :

-Aerandir ! Aerandir !

Le Haut Prêtre se retourna, offrant son visage à la vue du Prêtre, subordonné par bien des côtés, mais fidèle à la parole donnée. Son regard d'or en fusion se posa sur les mains du Prêtre, rouges, carmines, couvertes de sang...

-Que se passe-t-il ? Pourquoi tes mains ?

Le Prêtre tandis un doigt vers l'intérieur du temple, là où vivait les Disciples d'Arcamenel...

-Une soeur ! Blessée dans la foule, elle s'est écroulé sur le parvis du temple, nous craignons pour sa vie et nos soins demeurent bien trop faibles. Peut être...

Aerandir sourit paisiblement. Le don de guérison...

-Je te suis, peut être pourrais je joindre mes soins aux vôtres.

Le jeune prêtre opina du chef, et s'empressa a travers le temple en direction de l'officine, le Haut Prêtre sur les talons. Le jeune disciple fut à peine surprit d'entendre une curieuse musique s'échapper des lèvres d'Aerandir, c'était une chose qu'il faisait souvent et, sans véritablement le dire, il trouvait cela assez apaisant, bien que terriblement angoissant par moment. C'était un peu comme si Aerandir s'oubliait dans un monde connu de lui seul...Angoissant, c'était le mot et pourtant, si il savait...La présence du Haut Prêtre a l'officine fut comme si le temps arrêtait sa course, tout les visages se levèrent vers lui et, sans qu'un mot ne fut prononcé, on s'écarta pour le laisser voir la blessée...Elle reposait, pâle et transparente sur un lit de lin, Sa chevelure autrefois nattée, s'étendait tel un voile sur la couche, un sourire paisible dansait encore sur son visage de vierge...Un peu comme si...Un peu comme si elle avait accepté la mort sans tenter de la combattre. Une légère étincelle s'alluma dans les yeux d'Aerandir...Petite chose qui accepte le destin sans même lever les bras, petite âme qui s'agenouille devant l'ombre terrifiante d'une dame sombre...De la main, il effleura la blessure, la lame était entrée dans le dos, caressant le coeur sans le transpercer et, sur le devant de sa poitrine, s'étendait une fleur carmine, preuve que la lame avait pénétrée très profondément...Le Haut Prêtre leva ses doigts tachés devant ses yeux et caressa doucement le miroir qu'il portait autour du cou...Ecoute les chants, écoute les âmes...Il chantait doucement alors que ses mains procuraient enfin les soins attendus. Autour de lui tout n'était que silence, recueillement et prières...Arcamenel avait choisis la vie pour cette petite agnelle bien trop douce pour cette vie.

Lorsqu'il eu finit, il tira une chaise a lui et s'y installa, sans un mot, sans un son malgré les regards curieux posés sur lui. Il gardait le silence alors même que son visage souriait avec malice...

Naessa rêvait, et ce rêve était bercé par un chant. Elle rêvait que son frère était revenu, aussi souriant qu'elle l'avait connu, et qu'ils étaient ensemble retournés au lac d'Uraal. Là, Ceylan et Jäe les attendaient en bavardant et le petit groupe était parti loin des malheurs de la guerre, de l'autre côté de l'océan. C'était un très beau rêve, le meilleur qu'elle ait fait depuis longtemps. Etait-ce seulement un rêve ou était-elle morte ? Naessa ne savait plus. Une douleur à la gorge la picottait légèrement. Et elle avait un peu de mal à respirer comme si quelque chose la gênait dans le poumons gauche.

Lentement, Naessa ouvrit les yeux. Lorsqu'on ressent la douleur, c'est que l'on est en vie. Elle avait donc survécue à sa terrible blessure... Elle vit un plafond blanc. La jeune fille cligna un instant des yeux. La lumière du jour illuminait la pièce d'un soleil chaleureux. Pendant un instant, le calme et le silence furent les seules choses que Naessa entendit. Puis elle entendit du bruit. Des voix à l'extérieur du bâtiment. De l'agitation modérée. Les larmes commencèrent malgré elle à couler de ses yeux. Ce n'était qu'un rêve qu'elle avait fait... La guerre était toujours là, menaçante, à leurs portes. Ceylan et Jäe allaient tuer ses frères ou se faire massacrer par eux. Son frère était toujours introuvable. Et elle était chez les humains. Ces perfides humains qui ne cessaient de l'agresser.

Naessa tourna la tête de l'autre côté, entendant un mouvement. Elle remarqua alors qu'elle n'était pas seule. Un homme, un elfe... non, un demi-elfe comme elle, était là. Ses longs cheveux soyeux et bouclés encadraient un visage aux traits délicats et élégants, au milieu duquel brillaient deux yeux couleur d'or à l'éclat tendre. L'ample robe de cérémonie trahissait son rang : elle avait sous les yeux le haut-prêtre d'Arcamenel en personne, Aerandir !

Naessa voulut se lever pour s'incliner, mais la douleur eut raison de sa précipitation. Elle était silencieuse et un peu gênée de retenir ainsi le haut-prêtre à son chevet. Elle n'était qu'une simple prêtresse... Mais c'était pour elle un honneur de le rencontrer enfin.

Elle voulut parler, mais sa gorge lui faisait bien trop mal pour qu'elle puisse prononcer le moindre mot. Seuls ses yeux pouvaient parler... Mais que leur faire dire ? Elle ne respectait pas le protocole... Doucement, Naessa déplaça sa main affaiblie et chercha celle du haut-prêtre. Une présence lui faisait du bien, elle avait besoin de se sentir soutenue dans cette ville si différente de sa cité natale...

Encore une fois, elle essaya de parler. Et encore une fois, elle n'y parvint pas. Ses yeux noisettes regardaient le haut-prêtre avec reconnaissance. Elle lui devait la vie, elle ne l'oublierait pas !

Au bout d'un petit moment, Naessa parvint à prendre la parole. Elle n'avait jamais frôlé la mort s'aussi près que depuis son arrivée à Diantra !

- M... merci haut-prêtre Aerandir... Je...

Naessa inspira. Les mots restaient coincés dans sa gorge, au niveau de sa blessure. Soignée, elle l'était, mais il faudrait un peu de temps avant que la plaie ne soit totalement guérie. En revanche, Naessa ne se souvenait plus des larmes qui continuaient à couler sur son visage. Des larmes de tristesse ? Des larmes de joie ? Il y avait un peu des deux, finalement. Avoir la vie sauve signifiait qu'elle avait une chance de plus de retrouver son frère bienaimé.

La vie, la vie papillonne sous la forme de grands cils qui frémissent doucement alors que la chaleur redeviens maîtresse en ce corps. Au dehors, la foule s'ébroue et vaque a ses propres affaires, égoïste et immature par bien des côtés, lui...Lui, il attend le réveil qui illumine un instant les traits féminins de la jeune Prêtresse. Etait ce une chance qu'il se soit trouvé là ? Lui qui, d'ordinaire aime a errer au delà des frontières de la ville ? Certes. Mais tout cela avait été calculé, n'est ce pas ? Songea-t-il avec un étrange amusement en caressant les contours d'argent de son pendentif.

*Car tu ne laisse rien au hasard, pas même une petite miette d'imprévu *

Et c'est peut être cela qui rend l'Amour si enfantin et incompréhensible, tout comme il revêts parfois les habits sanglants de la cruauté. Une main se tend, frêle et blanche, douce, comme l'est sa propriétaire, des doigts agiles qu'il emprisonne entre les siens, un air amusé sur le visage. La souffrance est voyante, mais c'est le lot de la vie. Il entend la voix claire et fragile, son titre émit avec révérence...

-Haut prêtre...C'est un rôle que je joue bien souvent oui, mais pour ceux qui suivent les pétales de rose, je ne suis qu'Aerandir.

Répondit-il lentement. Un rayon de soleil vint jouer un instant avec la glace argenté, jetant des prisme ensoleillé sur les murs de l'officine, et il s'en amusa quelques secondes avant de reposer un regard un peu sombre sur la Prêtresse, sur les larmes qui parsemaient ses joues, comme autant de diamants sur une couronne maudite.

-Cela aurait été une belle journée pour mourir, ma douce, mais il semblerait qu'Arcamenel en ai décidé autrement. Ceci dit, il reste intolérable qu'une de ses suivantes soit assassinée avec autant de lâcheté, juste sur les marches de sa maison.

Change le visage pour découvrir la colère, l'amour peut être tumultueux et meurtrier, bien loin de la douceur que lui prête les ménestrels ou les jeunes jouvencelles.

-Ici, votre sécurité est garantie. Vous serez traitée comme une reine jusqu'à votre rétablissement. En attendant, et si Arcamenel vous en fait don, auriez vous la force de me conter votre histoire ?

La curiosité...Un bien vilain défaut pour certains, une qualité pour d'autre...Il ne demande pas juste le récit de l'accident, non, il demande bien au delà, il demande a découvrir l'éclat doucereux des yeux de la prêtresse, il demande l'étincelle douloureuse, il demande l'ombre vengeresse...Il demande les diamants qui s'écoulent

[hrp : texte très long, dsl^^]

Quelques rayons du soleil d'été venaient caresser le visage humide de la jeune prêtresse. Cette dernière sentit alors qu'elle avait faibli, et elle s'en voulut. Une prêtresse d'Arcamenel avait le droit à ses faiblesses, bien sûr, mais Naessa devait garder foi en l'avenir. Et la foi, elle l'avait de moins en moins. Doucement, elle se laissait sombre dans les ténèbres du désespoir, de l'incertitude. Lentement, elle laissait son coeur taire les blessures qui l'entaillaient de plus en plus profondément. Elle essayait d'arrêter le flot de ces larmes traîtresses lorsque la douce voix du haut-prêtre s'éleva.

-Haut prêtre...C'est un rôle que je joue bien souvent oui, mais pour ceux qui suivent les pétales de rose, je ne suis qu'Aerandir.

Naessa lui adressa un sourire tendre et un peu triste. Aerandir... Appeler le haut-prêtre par son nom lui paraissait étrange mais, après tout, il était encore bien jeune pour être traité avec tant de distance. Avoir un rôle aussi haut devait mener aux chemins de la solitude. Il avait tout de même Arcamenel et sa foi ne devait jamais être ébranlée. Naessa tourna un instant la tête pour poser un regard noisette sur le plafond. Elle croyait en Arcamenel, bien sûr, mais elle commençait à douter de ses interventions. Pourtant, combien de fois avait-elle échappé à la mort ces derniers temps ? Etait-ce là l'oeuvre du dieu qu'elle invoquait dans chaque périlleuse situation ? Il lui avait fait payer cher le prix de ce service...

-Cela aurait été une belle journée pour mourir, ma douce...

Ma douce... Comme ces deux mots sonnaient bien... Comme elle eût aimé que son bienaimé les prononces au moins une fois pour elle...

- ...mais il semblerait qu'Arcamenel en ai décidé autrement. Ceci dit, il reste intolérable qu'une de ses suivantes soit assassinée avec autant de lâcheté, juste sur les marches de sa maison.

Arcamenel... Oui, il était intolérable que les humains fassent preuves d'autant de lâcheté. Elle trouverait bien celui qui demandait sa tête, elle le trouverait. Mais elle ne le tuerait pas, Naessa n'ôtait pas la vie. Par contre elle devait lui parler, le raisonner... ou le dénoncer. Elle voulait voir le visage de celui qui engageait des assassins pour l'éliminer, elle qui ne souhaitait rien d'autre que la tranquilité.

-Ici, votre sécurité est garantie. Vous serez traitée comme une reine jusqu'à votre rétablissement. En attendant, et si Arcamenel vous en fait don, auriez vous la force de me conter votre histoire ?

Naessa fut un peu surprise par la dernière question. Conter son histoire... L'avait-elle seulement fait complètement une seule fois dans sa vie ? Mais il s'agissait-là d'une question du haut-prêtre d'Arcamenel, elle ne pouvait refuser aussi simplement. Peut-être aussi une part d'elle voulait-elle s'épancher sur ses malheurs, sur tout ce qu'elle avait gardé pour elle pendant plus de vingt ans de solitude. Il la considèrerait comme une folle si elle lui racontait sa vie, mais que risquait-elle de perdre, sinon un peu de liberté de mouvements ?

Naessa posa un instant son regard sur Aerandir, puis elle sourit légèrement et posa à nouveau son regard sur le plafond, sa main toujours posée dans celle du haut-prêtre. Il était plus facile de parler sans affronter le regard de son interlocuteur.

- Je...

Elle avait encore un peu de mal à parler mais elle récupérait vite. Bénie soit la magie !

- Je me nomme Naessa Mélanoelle, je suis une demi-elfe née à Alëandir il y a quarante-huit ans. Mon père était garde elfique, ma mère une noble humaine ayant fui un mariage forcé. Du moins, c'est là l'histoire que l'on m'a raconté, car je les ai à peine connu. Tout ce que je sais, c'est que mon père a été assassiné quand j'étais bébé, et que ma mère a été enlevée. J'étais trop jeune pour pleurer sur leur sort, je sais seulement que la présence d'une famille m'a souvent fait défaut.

Naessa soupira légèrement. Pourquoi éprouvait-elle le besoin de tout lui dire ? Rester simple serait la meilleure chose à faire, il s'agissait d'une histoire, elle ne devait pas laisser pointer de sentiments. Elle était devenue trop émotive depuis quelques temps.

- Ma mère a été enlevée par sa propre famille. Quelques années plus tatd, mon frère aîné a décidé de partir à sa recherche, me laissant à Alëandir avec une parente elfique. Je suis entrée dans l'ordre d'Arcamenel après ça, afin de prier nuit et jour pour qu'Arcanemel veille sur eux, pour qu'il me les ramène sains et saufs.

La jeune prêtresse porta la main au médaillon qu'elle avait au cou, ce médaillon qui renfermait une photo de sa famille, du temps où ils étaient tous en vie. L'autre médaillon avait été confié à Ceylan afin qu'il retrouver son frère. Mais il ne le retrouverait pas, il s'occupait plus de massacrer les elfes et les humains que de retrouver un demi-elfe disparu... Elle pouvait le comprendre. Elle avait toujours fait preuve de patience et de tolérance.

- J'ai prié et attendu pendant vingt ans le retour de mon frère. Et puis les humains ont commencé à me tendre des pièges, à m'agresser gratuitement. Au début, je n'attribuais ces attaques qu'au caractère des humains, mais il s'agissait d'une erreur. J'ai appris récemment qu'une famille noble, la famille de ma mère, avait appris que mon existence et celle de mon frère remettait en cause un héritage. Un héritage humain dont j'en ai coeur. Toujours est-il qu'ils veulent ma mort et qu'ils semblent prêts à tout pour l'avoir.

Naessa serrait le médaillon de plus en plus fort. C'était l'histoire, la partie visible, ou presque. Devait-elle parler de ses amis drows ? Elle serait considérée comme une traîtresse, elle ne pouvait pas le faire ! Prononcer leurs noms, seulement, risquait de les condamner à mort. Car pour les drows, être l'ami d'un demi-elfe était un grave délit. Pire encore dans leur cas, car il ne s'agissait pas de simple amitié. Les liens qui les unissaient étaient si forts que Naessa avait même renoncé à attendre son frère.

La prêtresse posa enfin son regard que le haut-prêtre. Elle était un peu gênée de s'être confiée ainsi à un supérieur hiérarchique. Elle était tellement pitoyable dans sa faiblesse...

- Je suis arrivée à Diantra sur la demande du temple. J'espère pouvoir bientôt découvrir ceux qui veulent ma mort. Je vous prie de m'excuser de n'avoir rien dit du danger qui me guettait. Je savais que ma présence mettait le temple en danger, mais je ne pouvais me résoudre à quitter ma famille, car les fidèles d'Arcamenel sont ma famille...

Naessa ferma les yeux un instant.

- Le monde devrait apprendre à faire preuve de tolérance. Cette guerre qui gronde à nos portes, je donnerai tout ce que j'ai pour qu'elle s'arrête à jamais.

Cette confession pouvait paraître étrange. Naessa espérait ne pas avoir éveillé ses soupçons quant à d'éventuels liens avec les drows. Cela dit, la grande-prêtresse d'Alëandir avait certainement dû leur faire part des évènements. De cette drow qui avait infiltré le temple et s'était fait passer pour une prêtresse pendant une matinée, de ce jeune drow que Naessa avait protégé en forêt... Elle avait été puni plusieurs fois pour ses relations avec les drows. Heureusement, le temple d'Alëandir ignorait bien des choses.

Ecoute, entend le récit qui s'écoule des pétales de roses, surprend chaque mot, bois chaque sonorité. Souffrance, une souffrance dessinée de douceur, une douleur parée d'amertume. L'éclat doré danse, doucement, au rythme du l'histoire. Ainsi voici ta vie, jeune enfant embrassant les pas d'un dieu par des côtés bien cruel. La mort a chaques secondes, la mort a chaque pas, la mort et l'amour...La trame d'une symphonie sans âge, la pulsation qui rend la vie si intense...

-Une vie si jeune...Une existence déjà meurtrie.

Il sourit, il sourit doucement, il connait chaque labyrinthe traversé, chaque océans carmins défiés. Tout les visages, tout les sourires...

-Veux tu entendre la mienne ?

De question, il n'est point, de permissions, il n'en a nul besoin. D'un geste, d'un ongle doux, il libère la joue d'une perle, il la garde, fragile et vibrante au bout de son doigt, la regarde, semble voir aux travers de ses reflets. Peut être entend-t-il son chant d'agonie.

-Ainsi Arcamenel résuma ma vie...Né dans le sang, ombré d'un amour si fort qu'ils tuèrent de leur propres mains...Ces mains si fines et douces, ces mains assassines m'accueillirent lorsque vint pour moi le moment de naitre...Des paroles prononcées par une bouche maudite me donnèrent un nom...Un nom qui naquit sur les lèvres d'un Prisonnier Eternel. Dans sa vengeance, dans sa colère, Arcam nous para d'une couronne d'épine, nous, fruits nés du pêché mais...Il adoucit notre existence. Quelques soit la forme qu'empreinta l'amour, il restait encore et toujours l'Amour. Mais l'Amour n'est pas né seul non, voilà sa forme aigrie, ravagée, ses traits durs et venimeux. La Haine.

L'éclat salin d'une larme s'écrasa sous l'attaque impérieuse d'un index. L'orbe doré de ses yeux devinrent puits éternels, méandres extatiques, brumes enivrantes et ils n'arrimèrent aux éclats pures de la jeune Prêtresse...

-Crois tu que l'Amour n'est qu'un visage ? La mort et les souffrances sont ces enfants, car il les a eut avec la Haine. La guerre...Tu souhaite sa continuité, mais...Quelle sera ta place ? L'Harmonie est un cadeau offert, un présent précieux et seul Arcam peut en établir la mélodie immortelle. Peut être l'Amour n'est il pas mélopée douce, peut être qu'il se déverse comme un torrent furieux, peut être ouvre-t-il des blessures a jamais suintantes, peut être mène-t-il a la mort, mais...Qu'est il de plus précieux que de savoir que l'on puisse aimer ? Cette guerre n'est rien...Affrontement stérile pour une suprématie inutile. Je vois dans ton regard ces doutes qui te rongent, ils grignotent peu à peu ce que tu croyais juste et droit, mais songe...Que serait un monde sans l'Amour ? Que serait le monde sans la Haine ? Accepte les deux visages, vois en eux les essences de la vie, car c'est ce que chante depuis la nuit des temps Arcamenel.

Naessa avait parlé, presque sans s'arrêter. Elle avait raconté sa vie, son histoire, même si elle avait éludé une partie des plus importantes et qui provoquait le déchirement qu'elle ressentait. Ce déchirement que la guerre et la haine provoquaient.

-Une vie si jeune...Une existence déjà meurtrie.

Le sourire du haut-prêtre avait quelque chose d'apaisant, comme s'il comprenait parfaitement la douleur que Naessa pouvait ressentir. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait vu quelqu'un la rassurer lorsqu'elle racontait sa vie. En réalité, elle ne s'était jamais à ce point confié à une autre personne, pas même à sa meilleure amie.

-Veux tu entendre la mienne ?

Naessa était de nature curieuse mais elle ne pouvait décemment écouter l'histoire du haut-prêtre... Elle voulut secouer la tête, mais Aerandir avant déjà commencé à lui compter ses problèmes. Il porta un doigt le long de la joue de Naessa pour y capturer une larme fugitive. Il raconta sa naissance. En tant que demi-elfe, son enfance n'avait pas été des plus heureuses. Un couple qui s'aimait si fort qu'ils en vinrent à tuer... L'amour, la haine... Naessa savait que ces sentiments étaient liés. Mais, Arcamenel, pourquoi fallait-il que la haine existe pour que l'amour perdure ?

- Quelques soit la forme qu'empreinta l'amour, il restait encore et toujours
l'Amour. Mais l'Amour n'est pas né seul non, voilà sa forme aigrie, ravagée, ses traits durs et venimeux. La Haine.

Une larme coula, une larme qu'Aerandir essuya rapidement. Il n'avait certainement pas tout raconté, mais Naessa n'avait pas besoin d'en savoir plus pour comprendre. On disait que les demi-elfes vivaient heureux et dans l'amour. On oubliait trop souvent que ces deux espèces, même avec des pensées en harmonie, n'étaient pas faites pour se mélanger, notamment du point de vue de leur espérance de vie...

- Crois tu que l'Amour n'est qu'un visage ? La mort et les souffrances sont ces enfants, car il les a eut avec la Haine. La guerre...Tu souhaites sa continuité, mais...Quelle sera ta place ?

Naessa se redressa légèrement, voulant protester. Non, elle ne voulait pas de cette guerre ! Jamais ! Elle ne voulait pas voir ceux qu'elle aimait mourir ou pire encore, s'entretuer. Et c'était ce qui arriverait immanquablement... Sa place ? Auprès des blessés à prier pour ceux qu'elle aimait en attendant leur retour. Elle ne se faisait pas d'illusions. Sa place était certes dans la bataille, mais du côté des elfes. Sa place était de soigner ceux qui voudraient tuer ses amis drows...

- L'Harmonie est un cadeau offert, un présent précieux et seul Arcam peut en établir la mélodie immortelle. Peut être l'Amour n'est il pas mélopée douce, peut être qu'il se déverse comme un torrent furieux, peut être ouvre-t-il des blessures a jamais suintantes, peut être mène-t-il a la mort,
mais...

Il avait raison, elle ne pouvait le nier. Il avait raison... L'amour était un sentiment doux et violent à la fois. Elle n'avait jamais autant pleurer que depuis qu'elle aimait, mais elle ne voulait pas retourner à son état précédent, quand elle prodiguait des conseils d'amour à des coeurs en peine alors qu'elle-même ignorait tout de leurs souffrances.

- Qu'est-il de plus précieux que de savoir que l'on puisse aimer ? Cette guerre n'est rien...Affrontement stérile pour une suprématie inutile. Je vois dans ton regard ces doutes qui te rongent, ils grignotent peu à peu ce que tu croyais juste et droit, mais songe...Que serait un monde sans l'Amour ? Que serait le monde sans la Haine ? Accepte les deux visages, vois en eux les essences de la vie, car c'est ce que chante depuis la nuit des temps Arcamenel.

Arcamenel, dieu de haine et d'amour... Accepter la haine c'était accepter de perdre ceux qu'elle aimait, mais Aerandir ne pouvait pas le savoir. Elle tourna légèrement la tête vers lui et lui sourit tristement.

- D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours donné des conseils aux autres pour les aider à accepter l'amour et la haine, l'inquiétude et le rejet. Mais il est bien difficile de suivre ses propres conseils !

Naessa avait envie de vivre et de vivre libre. Serait-ce possible un jour ? Elle devait garder espoir et foi en Arcamenel. Joignant les mains en une prière silencieuse, elle décida d'achever son histoire.

- Il y a quelques semaines, j'ai rencontré un drow par accident. Un tueur de l'ombre, aujourd'hui second brigadier des archers longs. Arcamenel a décidé de me punir pour toutes les fois où il a du se porter à mon secours, car à présent mon coeur bat pour ce tueur, cet homme qui hait les elfes plus que tout.

Naessa sourit doucement et poursuivit.

- Plus tard encore, j'ai croisé un autre tueur de l'ombre, une femme qui m'a apporté du réconfort au moment où je me sentais seule. Nous sommes devenues de grandes amies.

La jeune prêtresse posa à nouveau son regard sur le haut-prêtre, redoutant sa réaction. Elle était sans cesse traitée de folle pour sa volonté de préserver l'amour et l'amitié qu'elle éprouvait.

- Les humains n'ont eu de cesse de me tuer, mais les drows m'ont apporté des sentiments que je ne connaissais pas. La guerre va éclater, je dois choisir mon camp. J'aime le peuple elfique mais je ne veux pas que mes amis meurent. Et mes amis ne s'arrêteront que lorsque tous les elfes seront morts. Les aider revient à trahir les miens. Aider les miens revient à perdre mes amis. Fuir revient à perdre les deux, en une solution lâche que je n'envisage même pas. Que suis-je censée faire, haut-prêtre ? Je ne peux lutter contre les sentiments que j'éprouve, mais je suis déchirée.

La déchirure. Elle est là, présente en ce sein si jeune et explorateur. L'or deviens douceur, miel lorsqu'il caresse les traits tournés vers lui. Douce enfant...Ne t'arrête pas a ce qu'a décidé ces peuples.

-La haine entre les êtres...La face sombre d'Arcamenel...

Un souffle léger, à peine perceptible. Amoureuse. Les reflets d'argent du Miroir Divin se pose un instant, une infime seconde, ils ouvrent une porte secrète cachée en tout coeur...Une seconde d'infinie pour entendre le chant Eternel, une goutte d'eau...

-Est ce réellement une punition ? Ton amour est il maudit ? Sacré ?

L'éclat malicieux revient, fort et dansant dans les yeux du Haut Prêtre. Il se penche sur cette silhouette affaiblie et alanguie.

-L'amour est un don. Qu'importe sur qui tes yeux se portent avec en leurs iris le flamboiement. Arcamenel a le pouvoir de chanter ton coeur, mais, il te laisse le choix. Vivras-tu torturée et emplie de souffrance ? Ou accepteras-tu d'aimer ce que les lois des hommes ont nommé ennemis ? De punition, il n'est point.

Cela dit, son visage se durcit quelque peu, bien que les mots qu'il prononça restèrent de douceur.

-Choisir ton camp ? Nul parti n'est a prendre, car l'ombre de la Rose s'étend sur tout les êtres. Ce combat est il le tien ? Arcamenel n'a pas de parti prit, comme l'amour possible entre les âmes, il a crée la haine de l'autre. Une vengeance que nous subissons peut être, mais qu'il faut accepter.

( désolé, c'est assez court xD )

Naessa l'écoutait et réalisait qu'elle avait depuis longtemps besoin de paroles réconfortantes. Elle sourit. Qu'importait la suite des évènements ? Elle suivrait le chemin que son coeur lui montrait et rien d'autre. Doucement, Naessa se redressa et s'assit sur le bord du lit. Elle se sentait un peu mieux mais ses blessures n'étaient pas complètement guéries. Instinctivement, elle porta la main à son médaillon.

- Je vous remercie, Aerandir, vos paroles m'ont fait beaucoup de bien.

Elle se sentait tout de même honteuse de s'être ainsi confiée. Elle en avait bien besoin, mais se confier à son supérieur était tout de même quelque chose qu'elle aurait dû éviter. Bien sûr, s'il devenait son ami, la situation était tout autre.

- Je vous prie d'excuser ma faiblesse, j'ai fait un long et pénible voyage et ma situation m'a quelque peu destabilisée. Je vais me ressaisir afin de servir au mieux Arcamenel.

Naessa voulut se lever mais la douleur l'en empêcha. Elle grimaça légèrement et ne bougea pas.

- Ne considérez-vous pas que je suis folle d'éprouver des sentiments pour les drows ? La grande-prêtresse d'Alëandir m'a consigné plus d'une fois dans mes quartiers pour me punir de mon inconscience. J'ai peur aussi d'en venir à trahir mes frères, en révélant des éléments que je ne devrai pas. Si j'avais plus de courage, sans doute ferai-je voeux de silence... Mais dans ce cas mon bavardage n'assomerait plus personne !

Naessa eut un petit rire cristallin et pencha légèrement la tête, laissant ses longs cheveux s'étendre sur ses épaules et sur le lit. Des cheveux qui lui arrivaient aux hanches, alors qu'autrefois ils tombaient jusqu'à terre, une chevelure longue qui témoignait de sa longue attente, en ce temps où elle priait pour le retour de son frère.

- Avec votre permission, pourrais-je me promener un peu dans les jardins ? L'air frais me fera le plus grand bien. Si vous pouviez me faire l'honneur de m'accompagner, j'en serai ravie, Aerandir...

Le baume d'un sourire, l'écrin de velours des lèvres s'étire dans un mouvement gracieux. Il écoute et parfois, hoche la tête. l4amour et ses tourments, Ah ! Le Prisionnier n'a pas épargné ses suivants, non, car il en attends un respect sans failles, une croyance absolue. Alors, il démontre sa puissance, celle que l'on ne voit pas, celle qui s'éveille ailleurs que dans le sang et la colère, bien que parfois, elle puisse s'y lover. La main, légère et fine, du Haut Prêtre danse dans l'air, ailes imagée d'un coeur envolé.

-La Grande Prêtresse est bien trop empreinte de haine et de faux semblants pour voir au délà de ces préjugés. Cela n'est pas une critique, plutôt un constat qui nous amena, elle et moi, a maintes conversations plus ou moins houleuses.

Il y a du rire dans sa voix, comme un jeune enfant ravi qui asticote sa mère. Aerandir est beaucoup et plus, parfois enfant, parfois adulte, parfois sagesse et calme, parfois colère et houle. Il est comme Arcamenel l'a dessiné, comme il la vu dans le reflet de son miroir Divin, celui là même qui danse sur la poitrine du Sang mêlé...

-Quant à la folie...Un gout de liberté, sauvage et acide en même temps, une saveur d'interdit, un piment exahlté. La folie est ce que nous décidons d'en faire, peut être es tu bien plus saine d'esprit que beaucoup d'entre nous...

L'air et le calme malgré la douleur, c'est ce qu'elle désire. Un instant de paix au milieu du tumulte de son coeur, de son âme qui crie grâce...Le Sang mêlé se redresse et offre, comme a une reine, son bras en soutient.

-Appuie toi sur moi, je guiderais tes pas jusqu'a ce magnifique jardin qu'Arcamenel arrose de son souffle.

Naessa avait besoin de prendre l'air, de se remettre de ses émotions. Il était pénible d'avoir autant à endurer, elle était trop jeune pour accumuler autant de sentiments néfastes. Néfastes ou non, d'après Aerandir. Et il avait raison. Arcamenel était dieu de l'amour et de la haine. Mais Naessa reportait toute sa haine sur les humains, ces humains qui tentaient de la tuer pour une stupide question d'héritage. D'accord, elle avait rencontré une guérisseuse humaine qui lui avait sauvé la vie, et oui elle l'avait trouvé très sympathique, mais elle n'arrivait pas à pardonner ce que les humains avaient fait. Ils avaient détruit sa vie, ils avait tué son père, ils lui avait arraché sa mère, ils avaient provoqué le départ de son frère. Et à présent ils voulaient la tuer, elle qui ne demandait rien d'autre que la tranquillité et la paix d'âme.

Naessa s'était complètement ouverte au haut-prêtre Aerandir. Elle ne le regrettait pas, Naessa ne regrettait jamais rien. Il fallait toujours aller de l'avant, on ne changeait pas le passé. Elle avait vécu trop longtemps dans l'attente du retour de son frère. Kaylan lui avait ouvert les yeux sur la monotonie de sa vie. Elle avait recommencé à vivre après leur rencontre.

Il ne semblait pas la considérer comme folle, il ne lui reprochait rien. Naessa s'était attendue à de sévères remontrances, la grande-prêtresse d'Alëandir n'avait eu de cesse de lui reprocher son comportement trop enclin à aimer les drows. Naessa ne l'avait pas écouté, car elle voulait être la seule à décider de ce qui était bien ou non pour elle. Les drows lui avaient sauvé la vie, les humains avaient voulu la lui ôter... A ce point, elle ne savait plus où elle en était, seule restait la confiance qu'elle éprouvait pour les elfes, pour ses frères, sa famille.

Aerandir lui proposa un bras que la prêtresse accepta avec joie. Elle avait retrouvé le sourire, elle se sentait mieux. Etrangement, elle comprenait mieux, à présent, pourquoi les fidèles ressortaient plus confiants de leurs entretiens. Ce n'était pas tant les conseils prodigués que le bonheur d'être écouté et compris par quelqu'un. Aerandir lui avait apporté le soutien dont elle avait besoin depuis si longtemps.

Prenant son bras avec timidté, elle le suivit dans les jardins du temple. L'été était là, resplendissante, faisant tomber une chaleur étouffante. Les rayons du soleil, éblouissants, éclairaient des arbres aux feuilles verdoyantes et des massifs de roses soigneusement entretenus... Naessa eut un petit cri de joie et se précipita pour les humer. A cet instant, elle ressemblait plus à une petite fille qu'à une prêtresse aguérie.

- Je réalise seulement que je n'étais encore jamais allé dans les jardins du temple !

Elle posa sur Aerandir un visage rayonnant.

- Ces roses sont magnifiques ! Qui les entretient ?

Les jardins se découpaient en allées terreuses ou légèrement pavés, des chemins sinueux bordés de divers massifs de fleurs. Les roses, évidemment, étaient à l'honneur, car elles étaient l'un des symboles d'Arcamenel. Naessa n'en avait pas souvent vu, A Alëandir le temple n'avait pas de jardin, car les prêtres et prêtresse n'avaient guère le temps de s'en occuper. Naessa se demanda l'espace d'un instant si elle ne pouvait pas s'en occuper... Mais non. Elle devrait partir pour Ydril, sans la permission de son temple. Elle devrait partir pour aider Kaylan, elle devrait partir pour lui servir d'ôtage dans son projet démesuré.

Le regard de Naessa s'obscurcit l'espace d'un instant, puis elle retrouva le sourire et huma une rose aussi rouge que ses lèvres. Pour l'instant, elle pouvait profiter de sa promenade. Souriante, elle retourna près d'Aerandir. Le respect elfique l'empêchait de cueillir la moindre rose, ni même d'en avoir l'intention. Elle reprit doucement son bras afin que la promenade puisse reprendre.

Telles joyaux étincellants, dormaient en ces lieux bénis l'éclat de milliers de roses. Talisman, insigne, étendard de leur dieu, Prisonnier Divin qui embrassa la terre avec amour et rage...De cette union étrange naquit la rose...Pétales de rubis, d'immaculé, de rose pâle, elle étendait son tapis de douceur sur eux, les baignant dans leur parfum envoutant. Tout était harmonie et tendresse dans ce décor qui s'ouvrait a eux. Jeune Prêtresse appuyée au bras d'un serviteur dévoué...

La douce voix de Naessa se mêla aux murmures sensuels des roses qui les entouraient et la question le fit sourire. Mélange de malice et de fierté.

-C'est moi. Chaque jour, je viens leur parler et entendre ce qu'elles ont a me chanter. Je prends soin d'elles comme elles prennent soin de moi.

Son regard or caressa lentement les boutons a peine naissant, promesse d'une future beauté. Ici, nul hiver, nul gel, la main d'Arcamenel se posait en bouclier contre la rage du temps...

-Ainsi ma soeur, cet endroit devient paix et douceur pour les âmes esseulées. Laissent les t'enchanter de leur mélodie et tu trouvera maintes réponses.

continua-t-il avec la douceur d'une aile de papillon. Puis, il reprit la parole, toujours avec cette même tendresse dans la voix.

-Que vas tu faire de l'avenir qui s'offre a toi ?

Naessa était charmée par les jardins. Elle aimait cette beauté, ce murmure soyeux, cette tranquillité. Elle fut très surprise lorsqu'Aerandir expliqua que c'était lui qui entrenait les roses. Elle fut surprise, oui, mais au fond elle s'en doutait un peu. Les prêtres d'Alëandir, bien qu'elfes, ne prenaient pas le temps de s'occuper d'un jardin. Elle sourit, ravie. Aerandir lui semblait bien différent de ceux qu'elle avait rencontré au temple. Elle était fière d'être sous ses ordres.

-Ainsi ma soeur, cet endroit devient paix et douceur pour les âmes esseulées. Laissent les t'enchanter de leur mélodie et tu trouvera maintes
réponses.

Il parlait avec douceur. Naessa se laissa imprégner par cette douceur, ces odeurs... Apporteraient-elles des réponses à ses questions ? Naessa avait surtout besoin d'apaiser ses doutes, ses craintes. Elle avait entre les mains le moyen de sauver des vies humains, sans doute au prix de la vie des drows. Pourquoi devait-elle choisir ? Cette guerre ne la concernait pas ! Mais ne rien faire revenait à participer.

-Que vas tu faire de l'avenir qui s'offre a toi ?

Il était toujours aussi doux, aussi tendre. Il n'avait rien d'un noble guindé ni d'un haut-gradé sévère et sec telle la grande-prêtresse d'Alëandir ! Naessa reporta son attention sur la question. Quel avenir s'offrait à elle ? Doucement, son sourire se fâna. Son avenir était d'oeuvrer pour le temple en attendant son frère... Un frère qui ne revenait pas. Doucement, la proposition de Ceylan lui revint et elle sourit avec tendresse.

- Oui, je sais ce que je veux. Je trouve simplement difficile d'avoir à choisir un camp plutôt qu'un autre. Personne ne devrait avoir à choisir ce genre de chose.

Elle savait ce qu'elle voulait, bien sûr. Elle abandonnerait tout pour suivre Ceylan chez les drows. C'était un sacrifice, oui, mais quel mal y avait-il à vouloir vivre aux côtés de son aimé ? Elle posa son regard que Aerandir et son sourire s'évanouit une nouvelle fois. Si elle partait pour la cité, elle ne reverrait plus jamais les amis qu'elle avait dans le reste du monde. Ce serait également comme trahir Aerandir et sa confiance, puisqu'elle quitterait son ordre... Elle perdrait toute possiblité de revoir son frère, de revoir ses compagnons de voyage ou encore cette étrange guérisseuse qui l'avait sauvé.

- Chaque décision s'accompagne de sacrifices plus ou moins lourds. Tant que j'aurai des forces, j'oeuvrerai à mettre fin à cette guerre d'une manière pacifique. C'est peut-être irréaliste, mais j'agirai toujours selon mon coeur.

Elle posa la main sur son coeur et sourit avec tendresse.

- Je vous remercie, parler avec vous me fait beaucoup de bien, Aerandir. Pourriez-vous me parler un peu du temple et de Diantra ?

Elle changeait de sujet. Pour être honnête, elle avait l'impression qu'elle commençait une nouvelle erreur, car elle avait tellement soif de tendresse... Aerandir était son supérieur, elle ne devrait jamais l'oublier. Quoiqu'il arrive, elle lui devait respect, obéissance et humilité. Et pourtant, c'était bien difficile de rester neutre fasse à un regard si doux. Elle souriait, au calme. son âme tourmentée s'apaisait pour quelques instants, c'était déjà bien plus que ce qu'elle n'avait eu depuis quelques jours.

-Ne choisis pas, ne choisis jamais car ce n'est pas ton rôle. Aime oui, hais aussi, car là est la vie, mais...Fais le libre.

Ah Prisonnier Divin, qu'inflige tu a ta servante ? Montre lui le chemin car la jeunesse trop présente enflamme les coeurs et perds l'esprit. Il se pose en guide doucereux dans les méandres du jardin, accompagne cette enfant esseulée sur les rives d'un paysage irréél, né de son esprit, né de son coeur...Elle souffrira, atrocement...Oui, la douleur sera sa compagne, atténuée par la vérité d'un amour que les lois des hommes condamnent. Il osa une caresse légère et volage sur la joue ronde, les larmes avaient quittés ce coeur pour le moment, mais elle reviendront et terniront ce regard trop innocent. Ses lèvres s'incurvent, se plient et révèle l'éclat d'un sourire doux et vengeur, une promesse muette, reviens si tes pas te perdent...Elle réclame la connaissance de ces lieux, de leur histoire et Aerandir entend la douce musique des mots cachés. Tu veux oublié...

-Diantra...Ville des hommes, capitale de leur engeance. Arcamenel se dresse partout, un temple n'est qu'une image mais il est présent dans chaque poitrine. Ici se recueille les suivants humains de notre Voix. Le temple vit le jour lors de ma nommination au rang de Haut Prêtre et ouvre ses portes a chaque homme désireux d'ouvrir leur âme au dieu enfermé. Diantra était une ville accueillante lorsque la guerre n'étendait pas encore son ombre sur elle...Aujourd'hui, il n'est pas sur d'en arpenter les rues, et pourtant, nous le faisons encore. Prends garde a tes pas, mais tu sais qu'il siège un ami entre ses murs, n'aie crainte de venir m'enchanter de tes paroles...

Naessa continuait à marcher dans les jardins, doucement accrochée au bras d'Aerandir. Elle se sentait mieux à présent, plus sereine. Ca ne durerait sans doute pas, mais elle devait en profiter pleinement.

-Ne choisis pas, ne choisis jamais car ce n'est pas ton rôle. Aime oui, hais aussi, car là est la vie, mais...Fais le libre.

Naessa baissa légèrement la tête. Comment pouvait-elle ne pas choisir ? Elle aimait certains drows, elle haissait les humains. C'était un fait. Mais voir mourir des gens, elle ne le pouvait pas. Elle avait le pouvoir de sauver les humains d'Ydril, en condamnant ses amis. Elle savait déjà qu'elle se tairait, qu'elle garderait toujours le silence sur ce que lui avait dit Ceylan.

Le jardin était des plus magnifiques, presque irréel. Naessa pouvait y reconnaître la trace du savoir elfique. Les siens lui manquaient terriblement. Elle huma les parfums et laissa le vent caresser son visage. Un sourire étirait son visage que le soleil matinal réchauffait doucement, séchant complètement les larmes qui avaient coulé peu de temps auparavant. Elle sentit la main d'Aerandir venir lui caresser la joue, d'une manière très légère. Elle en frémit doucement et leva un visage souriant vers le haut-prêtre. C'était si agréable... Elle vit un sourire se dessiner sur son visage, mais elle n'en comprit pas le sens.

-Diantra...Ville des hommes, capitale de leur engeance. Arcamenel se dresse partout, un temple n'est qu'une image mais il est présent dans chaque poitrine. Ici se recueille les suivants humains de notre Voix. Le temple vit le jour lors de ma nommination au rang de Haut Prêtre et ouvre ses portes a chaque homme désireux d'ouvrir leur âme au dieu enfermé.

Ainsi, c'était avec Aerandir que le temple de Diantra était né ? Il avait eu raison : parler de haine et d'amour avec les humains était un important travail, car ils étaient ceux qui réclamaient le plus souvent l'aide du dieu. Les elfes n'étaient pas si compliqués, ils prenaient toujours le temps de la réflexion. Enfin... Leurs peines de coeur duraient si longtemps que Naessa ne pouvait pas les consoler. Les elfes faisaient tous sur la durée, que ce soit le bonheur comme la tristesse ou l'ennui.

- Diantra était une ville accueillante lorsque la guerre n'étendait pas encore son ombre sur elle...Aujourd'hui, il n'est pas sur d'en arpenter les rues, et pourtant, nous le faisons encore.

Même sans menace de mort, il était dangereux d'errer dans Diantra ? Pour elle, elle ne survivrait pas une semaine dans cette ville ! Pas avec des assassins à ses trousses ! Mais elle trouverait un moyen. Naessa avait hérité de son côté humain la soif de vivre pleinement.

- Prends garde à tes pas, mais tu sais qu'il siège un ami entre ses murs, n'aie crainte de venir m'enchanter de tes paroles...

Naessa leva les yeux et croisa le regard d'Aerandir. Elle lui sourit avec tendresse, heureuse de ces paroles.

- Mes paroles n'ont été jusque là que le résultat de ma faiblesse, j'espère pouvoir parler de sujets plus joyeux en votre compagnie.

Elle cherchait un sujet de conversation plaisant qui puisse intéresser Aerandir. Difficile...

- Pourrais-je vous aider à entretenir ce jardin ? Mes connaissances sur les plantes sont limitées au savoir ancestral des elfes, mais je serai heureuse de pouvoir vous apporter mon aide afin de garder cet endroit aussi enchanteur.

Elle songea malgré elle que ce serait l'occasion pour eux de parler à nouveau ensemble, tout en profitant des bienfaits de ce beau jardin.

-Ce jardin...Je te l'offre.

Oh incrédulité, surprise ? Certainement mais ainsi est le serviteur. Ces milliers d'éclats ne sont pas son seul bonheur non, ils doivent a leur tour porter en offrande ces murmures sensuels qui sont les leurs. Sourire. Oui, il sourit doucement, a peine si ces lèvres frémissent, un rire contenu ? Peut être. L'or s'éveille et scintille sous la caresse de l'astre solaire, relfètant l'ambre lumineux des iris. Le rire habite ce métal si précieux lorsqu'il croise la lueur des yeux de la jeune fidèle.

-Je n'ai pas appris de mon peuple l'art d'enjôler les plantes, mais toi qui a vécu au creux de leur paumes, tu saura éveillé ce que j'ai oublié...

Puis, le sérieux et la sagesse reprennent vie, apporte la profondeur à l'or, le mêle d'argent et de nacre. Il laisse le silence envahir de ces bras langoureux cette place que seule leur respiration occupe. Que vit dans ce regard dont il la couve ? La nébuleuse de ces iris demeurent insondables, presque hypnotisante, mais toujours, les coins de sa bouche s'incurvent doucement. Il sourit comme le lui a apprit ce chant déversé dans ces rêves. Perdue ? Tu retrouvera le chemin qui mène au coeur même de la Rose...Suis de tes pas légers le sentier ombré de l'amour et peut être trouveras tu la paix qui te manque...Chut, apprends a écouter les chants éternels, ils s'évanouissent dans l'air au grè du souffle de Zéphyr, mais écoute les lorsqu'ils se glissent au creux de tes songes. D'une main aérienne, il lève ce petit visage vers lui, le scrute attentivement, les lèvres closes sur ce qu'il pourrait dire ou taire. Du pouce, il redessine les courbes rêveuses d'une bouche au rose irisé...Puis, il se penche, dépose sur les lèvres ainsi offerte, l'amour de son dieu, ces méandres et ces tourments...Il embrasse oui, caresse, oui, effleure, encore oui, mais jamais ne force...

-Tu es ici chez toi, n'oublie jamais. Arcamenel te verra en songes du fond de sa Prison Dorée...

Il murmure, il murmure et se détourne, laissant les questions sans réponses, digne et droit, il se retire, laissant l'enfant au prises avec ces démons, ces anges...Son ...coeur.

Naessa regardait le jardin d'Aerandir, se demandant le temps qu'il y avait passé. Les embruns qui remontaient jusqu'à elle la détendaient et l'apaisaient. Elle n'avait plus envie de pleurer sur son sort, ça ne l'avancerait à rien. Il fallait toujours avancer... Ou presque. Elle attendait son frère et quant à Ceylan... Elle devait le retrouver à Ydril. Une promesse de bonheur, aussi légère soit-elle. La promesse de vivre avec lui après... Mais serait-elle vraiment heureuse . Pourrait-elle se contenter de ça ? Vivre sans pouvoir sortir ni voir personne, regarder son bienaimé dans les bras d'autres femmes... Ce serait bien difficile à vivre.

-Ce jardin...Je te l'offre.

Naessa écarquilla les yeux, incrédule et stupéfaite. Il lui laissait ce jardin dont il s'était occupé avec tant d'amour ? Mais pourquoi ? Pour qu'elle ait une occupation, sans doute... Elle sourit doucement. C'était gentil à lui, vraiment. Mais alors qu'elle imaginait comment elle entretiendrait ce bel endroit, le souvenir de son départ proche la fit frémir. Elle voulait rester... Elle ne voulait pas partir et affronter la guerre, elle n'était pas faite pour ça.

- Ah euh... Merci... Oui, merci beaucoup !

Aérandir souriant doucement, d'une manière à peine perceptible mais qui ne pouvait pas échapper à une prêtresse d'Arcamenel... Elle le regarda dans les yeux et vit que ces derniers brillaient, comme s'il contenait un rire. Pourquoi le contenir ? Elle aimait entendre rire après tout, même s'il devait certainement s'amuser de son incrédulité. Elle eut un sourire gêné. Aérandir était un spécialiste dans son domaine, elle avait beaucoup à apprendre pour atteindre un tel niveau dans la voie d'Arcamenel.

-Je n'ai pas appris de mon peuple l'art d'enjôler les plantes, mais toi qui a vécu au creux de leur paumes, tu saura éveillé ce que j'ai oublié...

Naessa en doutait, elle n'avait jamais cultivé autre chose que l'amour dans le coeur des autres. Elle était même incapable de juger et de prendre soin du sien... Mais elle ferait de son mieux pour laisser ce jardin aussi beau qu'il était. Elle regrettait un peu cependant de ne pouvoir travailler avec Aérandir. Une puérile pensée d'enfant, sans doute. Mais elle l'aimait beaucoup, il était son premier ami depuis qu'elle était à Diantra. C'était étrange de parler ainsi de son supérieur, sans doute. Elle ferait au mieux pour ne rien laisser paraître.

Un silence dura un léger instant. Naessa n'arrivait pas à détacher son regard noisette des yeux d'Aerandir. Il semblait avoir perdu cette lueur d'amusement, mais elle ne comprenait pas ce qui y faisait place. Elle se sentait comme hypnotisée par ce regard. Et il souriait toujours, légèrement... Puis doucement il releva le visage de Naessa, comme s'il voulait voir en elle quelque chose qu'elle ne voyait pas. Elle ne résista pas non, au contraire. Elle se sentait envoûtée par ce regard. Qu'est-ce que c'était ? De la tendresse ? Elle ne savait même pas la reconnaître lorsqu'elle la voyait ! Il passa son pouce sur ses lèvres avant de se pencher... et d'y déposer un baiser. Naessa ferma les yeux, ne cherchant pas à réfléchir, profitant simplement de cette tendresse qu'on lui offrait.

-Tu es ici chez toi, n'oublie jamais. Arcamenel te verra en songes du fond de sa Prison Dorée...

Elle était ici chez elle... Toujours hypnotisée elle le regarda s'éloigner avec grâce... Lorsqu'il eut disparu, ce fut comme si le charme s'était brutalement rompu. Elle devint écarlate et posa ses mains sur ses lèvres, son coeur battant la chamade comme à retardement. Qu'est-ce qu'elle faisait ? Elle n'était pas ce genre de coeur changeant et infidèle, jamais ! Pourquoi l'avait-il embrassé alors ? Simplement comme un frère, oui, sans doute. Comme s'il avait été son grand-frère, ce baiser n'était qu'innocence et rien d'autre. Alors pourquoi se sentait-elle aussi troublée ? Pourquoi éprouvait-elle... le besoin d'être enlacée ?

Elle passa ses mains sur ses bras. La tendresse était aussi étrange que l'amour dans ce monde. Il était difficile de séparer les deux, mais il pouvait y avoir de l'amour sans tendresse alors que l'inverse était impossible. Portant un doigt à ses lèvres, elle resta un long moment immobile, se souvenant de chaque mouvement, de chaque lueur de son regard et enfin de la douceur de ses lèvres. C'était vraiment troublant, elle ne savait plus très bien que penser d'Aérandir, sinon qu'elle voulait passer du temps en sa compagnie. Mal à l'aise ? Sans doute au début. A présent elle souriait doucement.

Lorsque le silence de la solitude revint, Naessa décida de reprendre sa promenade dans ce jardin dont elle devrait à présent prendre soin. Elle regardait les plantes et cherchait ce qui pouvait mieux leur convenir. Elle passerait au marché pour acheter de nouvelles graines. Bientôt l'automne... L'hiver était la période la plus délicate pour un jardin. Mais serait-elle encore là pour en prendre soin ?

[topic terminé]