Au milieu de la nuit, rencontre indésirable [Terminé]

Le charme de la forêt d’Aduram devenait tout autre lorsque le soleil commençait la longue descente derrière l’horizon. Sarifa était debout depuis l’aube et avait entreprit la traversée de la forêt en suivant le vieux sentier bien tracé par les passages incessants des voyageurs. Elle avait rencontré nombre d’entre eux, mais elle ne s’était pas attardée en vaines discutions. Plus vite elle serait sortie d’ici, mieux elle irait. Sarifa détestait la forêt pour plusieurs raisons. Premièrement elle regorgeait d’endroit pour se cacher et ainsi tendre une embuscade à ceux qui ne se méfiaient pas, deuxièmement elle devait contenir toute la population mondiale de moustiques et de mouches noire et finalement racines d’arbres et grosses roches représentaient autant d’obstacles qui ralentissaient sa progression tout en augmentant les risques de blessure de sa jument qui pouvait trébucher à tout moment. De plus, l’épais feuillage des arbres ne laissait pas filtrer les faibles rayons de lune, rendant ainsi la visibilité complètement nul pour un humain normal comme Sarifa.

« Nous allons arrêter ici pour cette nuit, Una. »

Elle caressa le flanc de sa jument qui hennit doucement en signe d’acceptation. Sarifa descendit de selle d’un mouvement un peu lourd. Elle venait de passer plusieurs heures de suite sur le dos de sa jument, ses membres inférieurs étaient raides et ankylosés. Elle fit quelques pas pour chasser cette sensation de lourdeur sous l’œil fatigué d’Una.

« Comme toujours, tu as bien travaillé. Nous dormirons ici toute la nuit et demain, lorsque le soleil sera bien au-dessus de l’horizon, nous reprendrons la route vers la ville la plus proche. Je te jure que demain tu seras dans un confortable box d’écurie avec du foin sec et de l’orge à volonté. »

La bête pointait ses oreilles vers elle, l’écoutant avec une attention polie, mais sans comprendre un seul mot de ce qu’elle venait de dire. Sari sourit, caressa les naseaux soyeux qui frémirent sous ses doigts.

En la tirant par la bride, elle conduisit lentement sa jument à travers les fourrés, hors du sentier là ou personne ne pourrait l’apercevoir. Elle l’attacha à un tronc l’arbre lui laissant juste aller de corde pour atteindre les hautes herbes qui tapissaient le sol. Ensuite, Sarifa lui retira la selle et le reste de son fardeau pour ne lui laisser que la couverture. Elle déposa le tout au pied d’un arbre. La jeune femme retourna sur le sentier en prenant garde qu’il n’y ait personne pour vérifier si on pouvait y voir sa jument. On ne voyait rien. Satisfaite, elle revient vers sa cachette et fouilla dans une de ses sacoches à la recherche de nourriture.

« Je mange et ensuite je m’occupe de toi. »

L’idée de manger avec les mains empestant le cheval ne l’enchantait guère ! Elle dénicha un quignon de pain plus sec que frais, un morceau de fromage et le restant d’eau de sa gourde. Un bien maigre repas il est vrai. Elle avait hâte de s’installer dans une taverne où on lui servirait un morceau de viande généreusement arrosé de sauce. Cette perspective lui donnait l’eau à la bouche !

Une fois rassasiée, Sarifa s’arma de sa brosse pour chevaux et fit la toilette à Una. Celle-ci semblait particulièrement apprécier. À chaque passage de la brosse, elle se détendait un peu plus jusqu’à être à moitié endormie. Avec son couteau a dépecer, elle nettoya soigneusement ses sabots pour enlever les saletés et les cailloux coincés en prenant bien garde de ne pas la blessé. Une fois le toilettage terminé, Sarifa revint à ses bagages. Elle prit sa cape d’hiver doublée de fourrure et l’étendit sur le sol. Celle-ci ferait office de lit pour la nuit et sa cape normal de voyage, de couverture. Après s’être munie de son poignard de Drow, elle disposa ses sacoches pour en faire un oreiller avant de se coucher sur son lit de fortune, poignard à la main. Il était dur même si la fourrure de la cape l’adoucissait légèrement. Toutefois, elle était si fatiguée qu’elle dormirait n’importe où. Après tout, elle était habituée à ce genre de condition. Les premières étoiles scintillaient déjà sur le ciel qui s’assombrissait de plus en plus. Les paupières lourdes, la jeune femme s’abandonna rapidement au sommeil.

Les heures s’étaient égrainées sans que Sarifa n’ouvre l’œil. Même si elle semblait dormir profondément, en forêt, elle n’arrivait jamais à totalement s’abandonner à un profond sommeil. Seule une chambre dans une auberge pouvait peut-être lui offrir assez de sécurité, mais encore en ces temps incertains, nous n’étions jamais sur de rien. Bref, une partie de son être restait toujours en alerte, prête à réagir au moindre bruit suspect de la forêt. Jusqu’à présent, tout était silencieux. Seul le chant plaintif d’un hibou ou le léger frémissement du feuillage des arbres brisait le silence. C’est pourquoi elle ne réagit pas lorsque le Drow s’aventura aussi silencieux qu’une ombre dans son campement improvisé. De même, Una ne fit pas un bruit, elle aussi abrutit par le sommeil. Habituellement elle aurait henni doucement à la fois pour accueillir le visiteur que pour avertir Sarifa de cette visite. Cette fois, sa tête était penchée, les yeux fermés signe qu’elle dormait aussi à la manière de tout cheval.

L’esprit de la jeune femme vagabondait alors que la créature était si proche d’elle qu’elle aurait pu sentir son souffle ou la chaleur que dégageait son corps. Sari rêvait de sa vie d’avant, de la vie qu’elle aurait pu avoir si elle avait marié le jeune meunier. Elle soupira, un brin nostalgique. Mais aucun de ses rêves ne montrait la réalité. Celle-ci était beaucoup plus cruelle et beaucoup plus incertaine.

Puis le craquement de brindille mit brusquement fin à toute rêvasserie.

Elle ouvrit les yeux au même moment où Una redressait la tête, alerte. Son corps se tendit comme une corde d’arc et sa main serra convulsivement le manche du poignard. Son poids lui apportait un certain réconfort. Sarifa tourna alors la tête lentement pour découvrir l’origine de ce bruit… Et elle le vit.

Ses yeux étaient maintenant assez accoutumés à la noirceur pour distinguer les formes des objets qui l’entouraient. La nuit donnait aux arbres des airs sinistres, leurs branches comme des mains tordues cherchant à attraper les imprudents. Mais lui, il était particulièrement visible. Elle bondit vers l’arrière, une lueur de frayeur brillant un instant au fond de ses yeux. Sarifa ne devait pas lui montrer sa peur. Il s’en servirait contre elle. Son regard se durcit tandis qu’elle se mettait en position, prête à lui sauter dessus. Toutefois, dans sa poitrine, son cœur battait durement, complètement affolé sous l’effet de l’adrénaline. Elle pouvait maintenant le détailler à sa guise. Sa peau d’ébène était à peine visible dans la nuit, mais sa chevelure blanche brillait comme des rayons de lune. Que faisait-il ici ? Comment l’avait-il trouvé ? De la route, on ne voyait rien ! Il était probablement tombé sur elle par hasard. Un bien mauvais hasard.

« Tu reconnais sans doute cette arme. » tonna Sari en brandissant le poignard.

« Si tu ne passes pas ton chemin immédiatement, c’est ton arme que je vais voler. »

Les menaces étaient inutiles avec lui. Sarifa sentait que l’affrontement était inévitable et cela ne fit qu’augmenter sensiblement son stress qui se répandait autour d’elle comme un signal d’alerte. Una le sentait bien. Elle s’agitait, piétinant le sol en hennissant comme si elle voulait venir en aide à sa maîtresse. Si elle continuait ainsi, elle en alerterait peut-être d’autres. Sarifa devait faire quelque chose. Sans quitter le Drow des yeux, elle siffla doucement. La jument s’arrêta aussitôt, pointant les oreilles, intéresser. Elle n’était pas pour autant calmée, mais le pire serait peut-être évité.

Se moquait-il d’elle ? Pourquoi ne réagissait-il pas ? Sarifa était prête à bondir et à lui trancher la gorge, mais le drow restait accroupis à l’observer, un étrange sourire suspendu à ses lèvres. Une telle désinvolte de la part de son adversaire ne fit qu’augmenter sa colère. Pire encore, elle voyait bien ses yeux glisser sur son corps, la jaugeant sans aucune discrétion.

« Je voulais être certaine que tu m’ai entendu. » répondit-elle aussitôt avec un petit sourire ironique.

Elle vit alors le drow esquisser un lent mouvement vers son dos. Il allait prendre une arme. Sarifa voulu profiter de se moment avant qu’il se sorte une arme, mais le drow fut plus rapide. Il brandit une superbe rapière qui laissa Sari interdite. Ce genre d’arme n’était pas porté par n’importe qui. Sarifa n’avait donc pas un jeune néophyte comme adversaire, mais un guerrier confirmé et de haut rang. La jeune femme avait peut-être une chance si le combat ne s’éternisait pas. Elle n’avait que peu d’heure de sommeil comparativement au drow qui semblait, au plus grand malheur de Sarifa, dans une forme resplendissante.

*Il ne doit être debout depuis bien longtemps.* pensa Sari avec amertume.

Heureusement, rien dans son visage ne laissait deviner le léger doute qu’éprouvait Sarifa. Elle allait jouer le tout pour le tout. Son regard s’attarda sur l’arme qui scintillait sous les rayons de lune. Si elle parvenait à s’en emparer, elle pourrait peut-être la vendre et en tirer un bon prix. Mais elle pouvait aussi la garder, ce qui lui ferait une arme de qualité. Une leur d’envi s’alluma dans ses yeux.

« Moi ? Reculer ? Ne me sous-estime pas. »

Toutes ses armes étaient près d’elle, à porté de main. Elle n’avait qu’à étirer le bras pour attraper son épée ou pour prendre un de ses couteaux à lancer. Toutefois, elle devait agir vite. Les drow étaient des créatures rapides et celui-ci semblait particulièrement sournois. Elle devait réfléchir vite et ne pas lui laisser l’initiative. Surtout, dès qu’elle prendrait une décision, elle ne devait plus hésiter.

Après un court instant à rester sans bouger, Sarifa esquissa un pas vers le drow en se penchant vers l’avant. Elle attrapa un de ses couteaux à lancer et sans hésiter elle le projeta sur son adversaire en visant ses membres inférieurs. Elle n’avait qu’une fraction de seconde pour agir, une fraction de seconde durant laquelle elle bondit sur le drow en essayant d’oublier le fait que c’était peut-être la chose la plus stupide qu’elle pouvait faire.

Sarifa n’avait pas une grande expérience dans les combats corps à corps. Elle était beaucoup plus douée avec les armes à distances comme sa lance et ses poignards à lancer. Sa victoire avec l’autre drow tenait plus du coup de chance que de l’expérience. Elle avait frappé vite et l’inexpérience de son adversaire avait joué en sa faveur. Là, il s’agissait d’une autre sorte de combat. Un niveau supérieur qu’elle n’avait pas atteint encore. Son lacé était d’une grande précision, mais elle aurait mieux fait de viser son ventre ou sa poitrine et non pas ses jambes comme elle l’avait stupidement fait. Puis se bond… Elle ne pouvait pas revenir en arrière, elle était lancée. Maintenant, c’était tout ou rien. Pendant le bref instant où elle était suspendu entre ciel et terre, elle pouvait entendre la voix de Sernigade lui souffler à l’oreille : mauvaise idée.

La jeune femme écarquilla les yeux lorsque le drow la saisie au poignet. Elle voulu se dégager, mais elle était implacablement entraînée dans une sorte de roulade parfaitement maîtriser par son adversaire. Cette fois, la surprise devait parfaitement se lire sur son visage. Comme une débutante, elle s’était fait avoir et avec un pincement au cœur, elle pensa que s’était peut-être la dernière fois.

Sans trop comprendre comme il s’y était prit, le drow était maintenant à califourchon sur ses hanches. Le combat était terminé, même s’il donnait l’impression de n’avoir jamais vraiment commencé. Ses poignets fermement maintenus l’empêchaient de tout mouvement. Elle tenait encore le poignard, mais elle ne pouvait pas le retourner dans sa main et tenter de le toucher au bras. Ses jambes n’étaient pas immobilisées, mais elle ne pouvait pas le frapper assez durement pour qu’il la lâche. La seule chose qu’elle pouvait faire était de replier une jambe pour tenter de lui donner un coup de genoux dans le dos. Ce qui devait donner l’impression d’un massage musclé plutôt que des coups signification.

« Lâche-moi. J’te jure que je vais te faire la peau. »

Sous son emprise, Sarifa se tordait dans tout les sens, mais il était drôlement lourd. Son poids sur ses hanches lui faisait mal à force de se débattre. Toutefois, de son point de vue, la cavalière avait tout le loisir d’observer sa moue moqueuse. Non seulement il était fier de l’avoir vaincu, mais il s’en amusait ouvertement.

« Je n’avais pas le choix. La seule issue qui s’offrait à moi était le combat. Si j’avais pris la fuite, tu m’aurais sans doute rattrapée. Et puis même si j’avais pu m’enfuir, j’aurais tout perdu. Tu m’aurais détroussé, volé ma jument ou encore tu l’aurais tué d’un coup d’épée dans le poitrail. »

Une expression étrange se dessinait sur le visage de Sarifa et un petit sourire ironique modula ses lèvres.

« C’est bien connu, les drow ne parlemente jamais. Et puis, cette odeur que je sens, ce n’est pas ton sang par hasard ? Je t’ai touché, une égratignure certes, mais je t’ai touché. Tu garderas cette cicatrice en souvenir de moi ! »

En désespoir de cause, Sarifa planta solidement les talons de ses bottes dans la terre et poussa de toutes ses forces pour tenter de glisser entre les jambes de son opposant.

Malgré toute la répugnance que Sarifa avait à l’admettre, le drow n’avait pas tord. Son enseignant lui avait bien dit de ne jamais défier ce qu’elle ne pourrait pas maîtriser. Toutefois, la situation était différente. Sarifa dormait, c’est lui qui est venu la déranger. Si personne n’était venu la déranger, elle aurait probablement dormis jusqu’à l’aube. Elle n’y pouvait rien si le drow qui passait par là avait décidé de la réveiller juste pour s’amuser un peu. Apparemment, il s’amusait beaucoup et le nouveau surnom dont il avait affublé Sarifa n’était pas pour lui plaire. Son père l’appelait ainsi lorsqu’elle était enfant. Il disait qu’elle avait les griffes aussi acérées qu’un petit chaton et que celui qui tenterait de lui faire du mal n’avait qu’à bien se tenir. De cette remarque, elle en avait ri, mais il avait raison, Sari avec du caractère. Elle n’allait pas se laisser abattre aussi aisément, peu importe ce que voulait faire le drow.

« Comment pouvais-je le savoir. Je n’avais pas vu ta superbe épée et puis, j’imagine qu’un drow ne crache pas sur un petit trophée de guerre, non ? »

Elle avait prononcé ces mots sur un ton badin, comme si elle n’était absolument plus concernée par la situation actuelle. Elle tentait encore de se dépendre, mais la seule chose qu’elle réussissait à faire était de se faire mal. Ses poignets la faisaient souffrir sans parler de son ventre et de son bassin qui n’en pouvait plus d’être tortillé dans tous les sens.

« Je n’ai plus rien à t’offrir… Du moins, rien que tu ne pourrais regretter un jour ou l’autre. »

Elle regardait le drow dans les yeux. Ses prunelles brillaient encore d’une lueur de défi. Elle connaissait la réputation de ses créatures perverses. Elle avait entendu des histoires horribles concernant des jeunes filles. Plusieurs d’entre elle ne survivaient tout simplement pas à leur rencontre avec un drow. Déjà, s’était une fin atroce pour elles, mais s’ils étaient plusieurs, on pouvait deviner que les derniers instants de sa vie auront été les plus horribles.

Le regard que son adversaire lui rendait ne cachait absolument rien de ses intentions. Sarifa venait peut-être de perdre un combat perdu d’avance, mais elle n’était pas idiote pour autant. L’expression de son visage se durcissait et tout son corps frémissait de colère et de répulsion. Il était peut-être musclé comme un dieu, mais ce n’est pas pour autant qu’il lui faisait envie.

« Un souvenir ? Je ne garderai aucun souvenir de toi… À la limite, tu ne seras qu’un mauvais rêve qui finira par disparaître. Une erreur que je corrigerais rapidement. »

Un sourire éblouissant illumina son visage. Elle ne quittait tout simplement pas des yeux le drow. Une vrai provocation, purement et simplement. Pour en ajouter un peu plus, elle redressa la tête au maximum qu’elle pouvait faire, question d’approcher un peu plus son visage.

« Tu m’entend ? Aucun souvenir… »

Sur ces belles paroles délicieusement susurrées, elle lui cracha au visage.

Il n’était pas question de la façon dont se percevait Sarifa, mais plutôt de comment le drow la voyait. Elle n’appartenait à personne d’autre qu’à elle-même. Peu importe ce que son adversaire en décidait. Il ne pouvait rien contre ça. Pourtant, lorsqu’il se pencha vers elle et qu’elle sentit ses lèvres effleurer sa joue, un frisson parcouru son corps. Avec un autre, la sensation aurait été agréable, mais là c’était tout le contraire. Sari tourna brusquement la tête de côté pour échapper à se contact. Bien futile comme défense, elle ne pouvait pas aller bien loin. Pourtant, elle tentait désespérément de repousser l’inévitable. Sarifa ne voulait pas baisser les bras. Elle ne pouvait pas le faire.

Devant ce mur de pierre qui se dressait devant elle, le courage de la cavalière s’effritait petit à petit. Elle avait tout essayé pour le faire sortir de ses gonds. Elle lui avait même craché au visage, mais rien n’y faisait. C’était un vrai guerrier. Il n’y avait plus aucun doute. Son entraînement lui avait appris à rester calme peu importe sa situation. Avec d’autre, probablement qu’elle aurait réussit. Il savait que ça la déstabilisait totalement. Dans ses yeux, une furtive lueur s’allumait, montrant que la jeune femme était repoussée dans ses derniers retranchements. Elle avait déployé toutes ses armes. Maintenant, elle ne savait plus quoi faire.

« Non… Ce n’est pas un manque de courage. » le contredit-elle d’une voix calme. Elle n’avait plus envie de rire.

« Au contraire, je voulais te tenir tête jusqu’au bout. Ne l’as-tu pas remarqué toi qui semble lire en moi comme dans un livre ouvert ? »

Encore un sourire ironique, mais il manquait de conviction. Elle tentait de se convaincre du fait que le drow se trompait, qu’il ne pouvait pas faire ça. Sournoisement, la peur commençait à l’envahir. Son cœur s’emballait à nouveau. Sari avait du mal à respirer. Elle se sentait oppressée. Les quelques heures de sommeil lui étaient insuffisante et elle avait du mal à réfléchir normalement. La jeune femme en venait même à souhaiter que ce n’était qu’un horrible cauchemar et qu’elle se réveillerait bientôt, secoué mais seule et en sécurité.

« Peut-être… Alors je me souviendrai de toi et je n’aurais de repos que lorsque tu mourras sous ma lame. J’en fais la promesse. »

Elle déglutit péniblement. Son corps commençait à montrer des signes nerveux qui ne trompaient pas. Sarifa tremblait comme si elle avait froid alors que ce n’était pas le cas. Ses barrières s’effondraient.

« Que crois-tu que tes paroles me font ? Ce n’est pas comme si tu me donnais le choix ! Tu ne pourras pas me faire aimer ça… »

Son regard la dégoutait. Elle ne pouvait même plus le supporter. Elle ferma les yeux, sentant la nausée lui contracter l’estomac.

Sarifa n’avait plus envie de l’entendre lui et sa sale tête de drow. Il ne lui suffisait pas de l’avoir vaincu, il devait l’humilier. Et il anticipait déjà tout le plaisir qu’il allait en retirer. La jeune femme le sentait presque frémir d’envie. C’est du moins ce qu’il ferait s’il avait moins de contenance et de maîtrise sur sa petite personne. Le drow était en maîtrise de tout, de lui-même autant que de Sarifa. Répliquer à ses paroles était tout a fait futile, car il trouvait toujours quelque chose à répondre. Elle ne pouvait pas croire qu’il aurait le dernier mot !

Sentir l’index se poser sur sa lèvre inférieure lui donna une furieuse envie de le mordre. Comme un piège qui se referme sur la patte du renard et tenir jusqu’à ce que le doigt soit coupé. Pourtant, elle ne le fit pas. Pourquoi ? Quelque chose lui disait qu’elle ne pourrait jamais le faire, qu’il était beaucoup trop rapide pour se faire prendre à un piège aussi stupide. La preuve, si elle avait pu le faire, il ne l’aurait jamais touché de la sorte. Voilà qu’elle anticipait tout, mais de façon négative. Celle qui respirait la confiance habituellement semblait bien loin maintenant. En fait, elle préférait oublier le contact de se doigt qui traçait maintenant le contour de son visage avec autant d’insouciance que tout le reste.

Elle essayait de se détacher de cette scène qui lui semblait irréelle. Toutefois, quand le drow lui arracha son arme, Sari tressaillit. Jusqu’à présent, elle lui avait été d’aucune utilité. Pourtant, le fait qu’on lui ait arraché signifiait qu’elle n’avait plus rien pour se défendre autre que ses poings. Elle tenta d’étirer sa main comme si elle espérait la reprendre.

« Dis ce que tu veux, pense ce que tu veux, mais toi et moi, nous n’avons pas la même morale. »

Sarifa entendit clairement le bruit de sa tunique se déchirer sous la lame du poignard. Sur sa peau à nu, elle pouvait percevoir le souffle léger de la brise nocturne, fraiche malgré tout qui lui donnait la chair de poule. Elle n’avait pas d’armure pour se protéger. Jamais dans sa vie elle ne s’était sentit aussi vulnérable. Il n’y avait plus rien pour la protéger de ses envies lubriques.

« Ça te ferais beaucoup trop plaisir. »

Pourtant, elle ne pouvait pas rester à rien faire. Sari devait essayer encore de se débattre, pour son honneur de femme. Un dernier sursaut d’espoir… ou de désespoir comme il avait dit plus tôt. Elle se tordait dans tous les sens, dévoilant un peu plus encore de ce qu’elle tentait de protéger.

Finalement, Sarifa cessa de lutter. La batail était perdu, il n’y avait plus rien à faire. Elle pouvait juste se promettre à elle-même de prendre un jour sa revanche et celle-ci viendrait bien un jour.

Sarifa essaya tant bien que mal de rester insensible à toutes ses caresses. Mais une fois encore, le Drow avait eu raison en affirmant que le corps avait sa propre raison. Celui-ci s’enflammait sans qu’elle puisse y faire quoi que se soit. La jeune femme gardait les yeux fixés sur la lune, dont l’éclat était filtré par le feuillage des arbres. Sa lumière était réconfortante. Mère de toutes les femmes, elle l’envoutait de son appel silencieux.

Enfin, se fut terminé. Sarifa regarda le drow une dernière fois dans les yeux, juste avant que le rideau ne tombe. Ses yeux se renversèrent dans leurs orbites et tout son corps se détendit. Elle dormait, profondément. Elle n’entendit rien du départ de la sombre créature, mais la lune continuait à la regarder et à l’envouter de son appel fertile…

Lorsqu’elle se réveilla, le soleil était bien levé dans le ciel. Elle avait mal partout et pendant un bref moment, elle cru que sa nuit n’avait été qu’un horrible rêve. Non, l’absence de vêtement en était preuve. Sarifa gisait encore dans les lambeaux de sa tunique. Elle était fichue. Un léger hennissement la fit sursauter. Una la regardait, paisible mais réclamant son attention.

« Oui… je viens… »

Sarifa se couvrit de sa cape et commença à fouiller dans ses sacoches pour trouver ses vêtements de rechange. Quelques minutes plus tard, elle était à nouveau vêtue, mais conservait quand même l’odeur du drow sur elle. Un bon bain remédierait sans doute à ça.

« Nous partons ma belle… »

Elle était fébrile malgré ses efforts pour garder son calme. Les évènements l’affectaient beaucoup plus qu’elle ne le voulait. C’est à se moment qu’un éclat rouge attira son attention. Le drow avait laissé sa belle rapière derrière lui. Pourquoi ? Elle n’en avait aucune idée, mais cela signifiait qu’ils allaient se revoir très bientôt. Sarifa arracha l’arme à la terre. Légère et maniable, elle ne pouvait qu’admirer le travail du forgeron. Toutefois, c’était un bien cruel souvenir. La cavalière l’enveloppa soigneusement dans sa cape et l’attacha à la selle de sa jument.

Après un bref détour vers un ruisseau pour faire boire sa monture, Sarifa s’élança sur le sentier, bien loin de ce lieu maudit. Elle ne se doutait pas encore à quel point sa rencontre avec ce drow allait changer bien des choses pour son avenir.