Entrainement dans des conditions extrêmes... seul? (libre)

Agrilaz était furieux. Cela faisait maintenant plusieurs semaines qu'il était affecté à la garde de l'entrée de Kirgan. L'innaction des nains face à la menace de ces oreilles pointues à la peau noire l'exaspérait. Il était entré dans l'armée plein d'espoir, voulant consacrer sa vie à défendre les innocent de l'invasion menaçante. Les recruteurs lui avaient proféraient de belles paroles sur le patriotisme, les dangers possible, les longues campagnes en prévision, les sièges fastidieux...

Du vent, tout n'était que du vent, songea-t-il.

Après une matinée passée à ruminer pendant ses tours de garde il eut un excès de folie. Il alla voir ses hommes, leur précisant qu'il quittait son poste pour l'après midi. Une affaire urgente avait-il prétexté. L'avantage de sa récente promotion est que personne ne lui posa de questions. Si un de ses supérieurs l'apprenait il risquerait de se faire tirer la barbe mais cela lui était égal. Son armure risquait de rouiller à force de rester inactif, et ses muscles aussi.

Il se dirigea alors vers les falaises d'Arkan. Le lieu ne lui était pas inconnus, la carrière de son père, où il officiat pendant plusieurs années, se trouvait dans les environs. Il hésita un instant à aller voir sa famille mais y renonça. Affronter le sourire de son père face à sa désillusion de la vie militaire le démotiva. Arrivé au pied des falaises il leva la tête. Cet endroit était réellement le toit du monde. Il ne parvenait même pas à y voir le sommet. Et son intention n'était pas de l'atteindre, pas aujourd'hui du moins. Il commença son ascension. Il savait où il allait. A quelques mètres seulement il y avait un renfoncement dans la roche où il pourrait s'entraîner tranquillement. Ses mains s'accrochait aux prises difficiles qui parsemaient le mont rocheux, se tractant sur ses bras. De la sueur ruisselait sur son front, ses muscles étaient contractés à l'extrême. Après plusieurs heures d'ascension il parvint à l'endroit désiré. S'adossant un instant à la paroie grîsatre pour reprendre son souffle il admira la vue qui s'offrait à lui. La neige qui tombait avec au loin les remparts de Kirgan donnait une impression de pureté, une vision apaisante. Il enleva alors son plastron et ses épaulières, défit sa chemise afin d'être torse nu. Comme tout les nains il ne craignait pas le froid mais par Mogar il ne faisait pas très chaud quand même. Il saisit, les yeux déterminés, sa hache et entama son entrainement. Face à des ennemis invisibles Agrilaz donnait des coups de hache puissants. Sa lame fendait l'air avec assurance, ses bras ne tremblaient pas. Il se mit alors à tourner sur lui même, sa hache continuant sa danse mortelle, comme s'il était encerclé. Au bout d'un moment il saisit son bouclier, afin de muscler son autre bras. Combien de soldat avait il vu, après plusieurs heures de combat, contraint d'abandonner leur bouclier, leur bras perclus de crampes, et ainsi perdre la vie. Par Mogar cela ne lui arriverait pas, il en faisait le serment. Il continua son combat contre les flocons, comme en transe...

[hrp : je me permets de m’incruster, parce que c’est moi le Roi hum je déconne, si tu veux je me remballe mon post hein^^]


Garmin était fatigué. Il n’en pouvait plus de tous ces préparatifs… Ne penser qu’à la manière d’enterrer ses frères ou à celle de les venger le lassait, lui, pauvre tavernier devenu Roi en l’espace de quelques semaines… N’en pouvant plus de réfléchir, il prenait parfois le chemin des montagnes, passant par les couloirs d’évacuation de la cité troglodyte, connus des seuls Conseillers et du Roi lui-même. Là, il gravissait et dévalait les pentes des falaises, à la seule énergie de ses bras et de ses jambes, en ce sens qu’il préférait laisser la hache magique d’Ikthor au Palais. Elle l’aurait aidé à se mouvoir, lui apportant vigueur et assurance, mais il voulait regagner la forme tout seul. Il en était de même pour le casque de Yaron… C’était donc un Roi bien ordinaire, vêtu d’une tunique et d’un simple pantalon, portant à la ceinture un marteau-piolet tout-à-fait banal, qui errait au flanc des falaises d’Arkan.

Garmin reprit son souffle. Son organisme souffrait d’une activité bien différente de celle qu’il connaissait à la taverne : ses genoux notamment n’étaient plus si forts que quand il guerroyait en Brissalion… Il se pencha pour regarder la vue qui s’offrait à lui… et ne fut pas déçu. Là, à quelques mètres en contrebas, un autre Nain tournoyait en faisant des moulinets de sa hache. Sa prise était ferme tant sur son arme que sur son bouclier, et il semblait ne jamais pouvoir s’arrêter de frapper dans le vide. A cette vue, Garmin ressentit un pincement au cœur… La plupart de ses frères étaient comme ce brave Nain : ils attendaient avec fébrilité l’heure de la vengeance, tandis que Garmin, de son côté… En fait le futur Roi faisait tout pour retarder le moment de la contre-attaque, tant il avait peur de mener son peuple à une mauvaise guerre… Là, en regardant son frère, il se dit que toute attente était désormais superflue! Il était trop tard pour repousser les cérémonies d’enterrement désormais, mais le couronnement devait être prompt, et les tractations avec les alliés Elfes et Humains devaient être courtes et efficaces.

Sortant de sa pseudo-rêverie, Garmin constata qu’il n’était plus à l’abri de la neige. Il frissonna légèrement, puis se dressa et descendit lentement la paroi jusqu’à arriver à la hauteur de son camarade Nain, qui donnait toujours des coups de hache et de bouclier en l’air. Cela lui rappela d’ailleurs le vieil adage nain qui disait « Hache solde vaincra mais sera défaite ; bouclier ferme jamais ne faiblira. » Un guerrier sage devait veiller tant à sa défense qu’à son attaque, et ce guerrier le faisait à merveille. Le Roi ne sut s’il avait été remarqué, aussi parla-t-il au Nain.


« Tu m’as l’air d’être un soldat lucide, mon ami. T’entraîner aussi dur et aussi sérieusement est sage en cette période sombre. Moi-même j’avoue ne pas m’entraîner assez… »


Garmin prit son marteau-piolet et fracassa un bloc de glace sur le mur de pierre à sa droite. Au combat, les ennemis seraient autrement plus solides, et surtout plus froids et insidieux encore que la glace ou la neige…


« Quel est ton nom, mon frère? Et es-tu soldat de métier? Car tu manies la hache comme je le faisais moi-même il y a bien des décennies, quand j’étais moi-même sous les ordres de… de mon seigneur. »

L'intensité de l'entrainement augmentait, Agrilaz enchainant ses coups avec sa hache et son bouclier avec frénésie. Cela lui procurait un bien fou, même s'il aurait préféré affronter un être de chair et de sang plutôt que des flocons. Une voix pleine d'assurance et familière le héla.

« Tu m’as l’air d’être un soldat lucide, mon ami. T’entraîner aussi dur et aussi sérieusement est sage en cette période sombre. Moi-même j’avoue ne pas m’entraîner assez… »

Surpris le jeune nain se retourna promptement. Il reconnu immédiatement Garmin le Vengeur. La première fois qu'il avait vu cet homme Agrilaz buvait une chopine à l'Elfe pédant, sans doute la meilleure taverne de Miradelphia. On le lui avait présenté en tant que patron de l'établissement mais Agrilaz ne lui avait jamais adressé la parole. Cependant le nain lui inspira du respect, qui augmenta encore plus après. En effet Garmin était devenu conseiller du roi et désormais, suite au décès Bromar, que Mogar prenne soin de son âme, le roi des nain. Son couronnement n'avait pas encore eu lieu mais cela ne saurait tarder d'après la rumeur. L'ascension de ce simple patron de taverne forçait le respect d'Agrilaz. Cependant dernièrement l'attitude de Garmin l'avait déçu, qu'attendait il donc pour s'engager dans le conflit contre les Drows? Pourquoi cet homme de caractère et d'action fuyait les choix qui s'imposaient?

Le roi saisit le marteau-piolet accroché à sa ceinture et fit exploser un bloc de glace d'un seul coup. Une telle puissance impressionna Agrilaz. Par Mogar le roi avait le bras fort! Il lui demanda son nom et s'il faisait parti de l'armée. Par respect le nain s'agenouilla et répondit.

Chef de caserne Agrilaz Skalfson votre Majesté. Mon bras et ma hache sont vôtre. Et vu ce qu'il reste de ce bloc de glace je suis sur que vous êtes toujours aussi fort avec votre marteau. Quelques passes d'armes tenteraient peut être sa Majesté. Et par la même occasion j'aurais quelques questions à vous poser.

Le guerrier se redressa. La tenue simple montrait que le roi n'était pas en visite officiel et qu'il s'agissait juste de Garmin le Vengeur, patron de l'Elfe Pédant. Il n'aurait pas fait une telle proposition à un autre roi mais Garmin était différent, il le sentait. Agrilaz adopta à nouveau une position offensive, jambes fléchies, le bouclier face à lui, sa main tenant fermement sa hache.

Avant d'agir observe. Etudie le terrain et ton adversaire. Et reste calme, se dit-il mentalement

La zone de combat était restreinte, ils seraient donc souvent au corps à corps et peu de repli serait possible. De plus il venait de s'entrainer depuis plusieurs heures et la fatigue se faisait sentir alors que Garmin ne semblait même pas essouflé par son ascension. Le seul avantage dont disposait le chef de caserne était son bouclier, dont le roi était dépourvu. Mais le combat allait être difficile. Ce serait juste un entrainement et de plus contre le roi mais Agrilaz prenait cela très au sérieux, il voulait voir ce que le chef de sa nation avait dans le ventre. Agrilaz attendait désormais ce qu'allait faire Garmin...

« Quelques passes d'armes tenteraient peut être sa Majesté. Et par la même occasion j'aurais quelques questions à vous poser. »


Garmin fut heureux de sentir qu’Agrilaz ne s’embarassait pas plus que ça des questions de protocole ; peu de ses frères lui auraient proposé un simple duel d’entraînement désormais… L’espace d’un instant, le Roi se sentit redevenir un jeune guerrier, plein d’énergie et de soif de combat. Toutefois, le vent glacé de ce début d’hiver réveilla ses articulations endolories par la vieillesse et par cette escalade, le ramenant à la réalité. Il hésita un instant, puis vit Agrilaz se mettre en garde, apparemment prêt à frapper tant qu’à parer. Garmin sourit, ajusta correctement ses gants de cuir, puis saisit de nouveau son marteau.


« Frère Agrilaz, c’est avec honneur et humilité que j’accepte ta proposition. Je ferai tout pour t’être un adversaire de valeur. »


Il balança son bras droit en avant, celui qui tenait le marteau, mettant ainsi son arme entre lui et son partenaire de duel. Il resta ainsi quelques instants, jaugeant l’aire de combat : elle mesurait environ dix mètres sur six, bordée d’un côté par la paroi rocheuse par endroits couverte de glace, de l’autre par le vide. Le sol commençait d’être légèrement glissant à cause de la neige, aussi feraient-ils mieux de ne pas trop s’approcher du bord, juste au cas où… Pour l’instant, tous deux étaient au milieu de l’arène improvisée, à quatre mètres de distance l’un de l’autre.


« Bien sûr, tu peux poser toutes les questions que tu voudras… Mais que cela ne nous devienne pas un prétexte pour souffler trop souvent! »


Garmin rit quelques instants, puis fléchit les jambes, raffermit sa prise sur son arme, et finalement s’élança! D’un bond, il fut à un mètre du bouclier du chef de caserne. Le tavernier fit mine de vouloir donner un coup de marteau alors qu’il était en l’air, mais, à sa réception, ne se stabilisa pas, se laissant glisser afin de passer sous le bouclier d’Agrilaz et de le faucher de ses jambes. Cela avait le double avantage de pouvoir surprendre l'adversaire et de ménager les genoux quasi-arthritiques du souverain. Comment allait réagir le soldat?

Le roi accepta l'offre d'Agrilaz avec joie, se mettant en garde, prèt à attaquer. La tension était palpable, chaque adversaire se jaugeait, examinait le terrain. La neige avait cessé un instant comme si même Mère Nature souhaitait voir cette petite joute. Garmin semblait être un nain ouvert, acceptant de répondre à toutes les questions du militaire, si cela n'était pas un motif pour se reposer. Tout à coup Garmin serra la garde de sa hache un peu plus fort et fléchit les jambes un peu plus encore. Agrilaz comprit que son roi allait donné le premier assault. D'une détente surprenante pour un homme de son âge le tavernier fut dans les airs, son marteau au dessus de sa tête, filant sur sa proie tel un rapace. Par réflexe Agrilaz leva son bouclier et attendit que Garmin s'écrase sur lui. Il aurait assez de force dans le bras pour supporter ce premier assault puis repartirait dans une contre attaque immédiatement.
Quel fut sa surprise quand il vit Garmin glisser sous son bouclier et lui faucher les jambes. Agrilaz s'étala de tout son long dans la neige.

Le vieux renard il m'a piégé, songea Agrilaz, un sourire amusé aux lèvres.

La vigueur dû à sa jeunesse lui permit de se relever rapidement, la barbe parsemée de petits flocons de neige, cependant il abandonna son bouclier au sol afin de pouvoir exercer une traction suffisante sur ses bras.

Pourquoi restons nous aussi passif dans le conflit face aux Drows mon roi? Tous les autres peuples s'organisent alors que notre peuple reste cantonné dans Kirgan, attendant seulement une décision de votre part.

Agrilaz avait entendu parlé de la mobilisation des humains et des oreilles pointues, soit de manière officielle au sein de l'armée soit officieuse en formant des organisations en marge du pouvoir mais décidées à en découdre avec cette maudite sous race que sont les Drows. Agrilaz saisit son bouclier par la tranche et le lança en direction de Garmin. Dans la foulée il s'élança, hache à la main afin de porter une attaque. Ainsi il perdait l'avantage défensif que lui conférait le targe mais le roi devrait l'éviter et parer l'attaque du soldat dans le même temps.

Après l’attaque de Garmin, Agrilaz se retrouva la barbe dans la neige. Il se releva quasi immédiatement tandis que le vieux nain, deux mètres plus loin, mit un plus de temps. Tous deux se firent face, et le chef de caserne posa une question, peut-être seulement la première d’une longue liste.


« Pourquoi restons nous aussi passif dans le conflit face aux Drows mon roi? Tous les autres peuples s'organisent alors que notre peuple reste cantonné dans Kirgan, attendant seulement une décision de votre part. »


Puis il lança sa targe avec force. Garmin vit arriver sur lui le disque qui tournoyait, prit son marteau en main et, lorsque le bouclier fut sur lui… tapa d’un coup sec avec son arme, arrêtant net la targe,qui retomba au sol. Dans le même temps, Agrilaz avait foncé sur le vieux tavernier, qui ne pouvait plus parer l’attaque à l’aide de son marteau. Garmin, comme par réflèxe, tendit sa main droite en l’air, apparemment au bon moment puisque la hache de son adversaire s’arrêta à dix centimètres de son épaule. La situation se figa ainsi, les deux combattants se jaugeant pendant quelque temps. Puis Garmin parla.


« Attention, mon ami. Si je n’avais arrêté ta targe, elle se serait sûrement perdue dans le vide, et tu ne l’aurais pas récupérée. Sur un champ de bataille, c’eut été pareil : tu aurais eu bien du mal à la récupérer. […] Enfin, je ferais peut-être mieux de ne pas parler ainsi vu mon acrobatie de tout-à-l’heure! »


Garmin s’élança dans un grand rire. Puis il ramassa le bouclier d’Agrilaz et le lui tendit.


« Sinon, pour répondre à tes interrogations sur notre passivité… Eh bien mes Conseillers et moi avons jugé qu’il était bon de faire notre deuil avant de partir au combat. Si nous étions allés guerroyer immédiatement après la bataille d’il y a trois semaines, notre cœur aurait été empli de notre seule colère. La colère peut être mauvaise conseillère : seule un esprit de vengeance froid et lucide doit nous guider. Pendant un demi-mois, nous avons eu le temps de réfléchir, de nous préparer aussi, de nous entraîner exclusivement pour ce combat, comme nous le faisons en ce moment…
J’ai moi-même eu bien du mal à résister à l’appel de la bataille, mais je te garantis qu’elle est très proche. Bien plus que ce que tu ne crois… »


Garmin lui sourit, puis se mit en garde pour signifier la reprise de l’entraînement. Il prit en main son marteau, puis se déplaça jusqu’à être tout proche d’Agrilaz. Puis… il planta son piolet dans un bloc de glace sur la paroi, juste à sa gauche. Ne laissant pas à son frère le temps de la réflexion, il saisit à deux mains le manche de son arme, fermment ancrée dans la glace. Il tira fermement sur ses bras, se soulevant rapidement du sol. Il propulsa ses jambes en avant, à hauteur de la tête d’Agrilaz, voulant lui donner un grand coup de pied.

Les premières étoiles parsemaient le ciel, les premières lumières apparaissaient dans les roches de l'enceinte de Kirgan et à quelques lieues de là, à plusieurs mètres de hauteur, pieds pendant dans le vide, deux nains conversaient, une outre de bière passant de main à main fraternellement. Inquiétude et interrogation régnaient autour des deux gaillards, inquiétude sur l'avenir, interrogation sur le sens de leur vie respective. Derrières eux de nombreuses traces de pas parcemaient le renfoncement, des mottes de neige se dressaient à certains endroits, un bouclier gisait seul, à moitié recouvert de neige, signe d'un combat appartenant désormais au passé.
Quelques heures auparavant le targe, tournaoyant en direction du roi des nains, avait vu sa course stoppée nette d'un coup massif de marteau-piolet. Avait suivi une réprimende sur l'emportement et l'inconscience de se séparer d'un tel atout défensif. L'assaillant, le jeune Agrilaz, avait pesté contre lui même. Ordinairement il était le dernier à agir ainsi, surtout en combat, sachant garder son calme et une vision objective des situations. Dans le cas présent il avait agit tel un débutant, envahit par ses émotions et ses doutes. Le froid contrôle de soi qui l'habitait l'avait soudainement déserté. Heureusement Garmin était d'humeur joviale, et d'un rire gras rendit le bouclier de bois à son frère. Les réponses données par le nain à la tête du peuple aux interrogations du jeune soldat furent pleines de sagesse, et prometteuses pour l'avenir.

« Sinon, pour répondre à tes interrogations sur notre passivité… Eh bien mes Conseillers et moi avons jugé qu’il était bon de faire notre deuil avant de partir au combat. Si nous étions allés guerroyer immédiatement après la bataille d’il y a trois semaines, notre cœur aurait été empli de notre seule colère. La colère peut être mauvaise conseillère : seule un esprit de vengeance froid et lucide doit nous guider. Pendant un demi-mois, nous avons eu le temps de réfléchir, de nous préparer aussi, de nous entraîner exclusivement pour ce combat, comme nous le faisons en ce moment…
J’ai moi-même eu bien du mal à résister à l’appel de la bataille, mais je te garantis qu’elle est très proche. Bien plus que ce que tu ne crois… »

Agrilaz n'avait jamais envisagé les choses sous cette angle. Il pesta à nouveau contre lui même. Une fois de plus il avait manqué de recul et de clairvoyance sur la situation, cédant à un emportement typiquement nain. Il avait encore beaucoup de lacunes à améliorer, notamment en terme de diplomatie et de psychologie s'il voulait poursuivre son ascension au sein de la hiérarchie naine. Plongé dans ses réflexions l'offensive peu orthodoxe menée par le bon roi Garmin lui échappa, nouvelle erreur. Se servant d'appui sur son arme le nain s'éleva et fondit sur Agrilaz pieds joints. Par pur réflexe le sous officier effectua une roulade au sol, les bottes adverses lui effleurant le crâne. Se relevant dans la foulée il retint Garmin qui manquait, de par son impulsion, de s'échouer contre la paroie. Le roi ayant mis trop de fougue dans son auto-lancer l'intervention n'eut pas l'effet escompté, mais Agrilaz parvint tout de même à amortir leur choc contre la roche glacée. Désormais on pouvait observer deux nains accoudés à la falaise, un peu sonné, et à bout de souffle, l'un à cause de son âge, l'autre victime d'un long entrainement au préalable.

La nuit ne va pas tarder à reprendre ses droits on dirait. Il est peu être temps de stopper notre petit jeu où l'un de nous risque de voir les charognards lui rendre une petite visite. Et, par Mogar, je pense que l'on attend de nous d'autres choses plus importantes dans un avenir proche. Asseyons nous un instant.

Agrilaz alla s'asseoir à l'extrémité de la ravine, saisit l'outre de bière qui ne le quittait jamais et pris quelques rasades. Un rire sortit soudainement de sa gorge.

Cette bière vient de l'elfe Pédant, vous devriez aimer. Une de vos serveuses m'en remplie une chaque début de semaine. Mais ne la réprimendez pas je vous en prie. Elle est bien brave cette petite. Je vous avoue que j'ai appris beaucoup aujourd'hui, sur le travail sur moi même qu'il me reste à accomplir principalement. Et par tous les Dieux, cela est effrayant pour l'avenir. Je ne sais pas ce que l'avenir me réserve et cela me fait peur... Enfin non un nain n'a jamais peur, mais cela me tracasse. C'est peut être pour ça que j'étais si impatient de me battre. Au moins sur le champ de bataille seul le présent compte, rester en vie jusqu'au lendemain. L'avenir est éphémére lors d'un conflit. Que dois-je faire pour servir au mieux mon peuple, pour vous servir au mieux? J'avoue que la confusion envahit mon âme.

Les premières étoiles parsemaient le ciel, les premières lumières apparaissaient dans les roches de l'enceinte de Kirgan et à quelques lieues de là, à plusieurs mètres de hauteur, pieds pendant dans le vide, deux nains conversaient, une outre de bière passant de main à main fraternellement. Inquiétude et interrogation régnaient autour des deux gaillards, inquiétude sur l'avenir, interrogation sur le sens de leur vie respective.

L’outre de bière circulait entre les mains des deux Nains depuis quelques minutes seulement, et déjà uen légère ivresse se faisait sentir chz eux : les rires étaient fréquents, et les langues se déliaient. Chacun livrait à son camarade ses inquiétudes, ses hésitations, ses questionnements. Garmin, après une gorgée de bière, commença à parler.


« Il est vrai que trop se plonger dans l’avenir donne le vertige. C’est à la fois grisant et effrayant. C’est aussi pour cela que diriger un peuple implique tant de difficultés… L’on dit que les Humains sont tous avides de pouvoir, mais ils ne se rendent probablement pas compte de ce que ce type de pouvoir implique comme responsabilités. »


Le Roi jeta un regard absent à l’horizon. Face à lui, l’Océan reflétait un ciel nuageux, comme présageant des temps sombres qui s’annonçaient, sans aucune éclaircie durable avant bien longtemps… Il était inquiet, et commençait tout juste à vouloir le laisser paraître. Puis il se rappela sa fonction de guide du peuple, rôle qui lui avait été laissé par Bromar lui-même. Le tavernier ferma ses traits et regarda le soldat assis à ses côtés.


« Tu ne sais que faire pour me servir et servir ton peuple? Mais tu le fais déjà fort bien… Tu t’entraînes avec ferveur, et à chaque instant tu te questionnes, tu te remets en cause. Ta sagesse est grande, frère Agrilaz, car seul celui qui est sage, qui sait se poser les bonnes questions, celui-là jamais ne sera dans l’erreur. Mais comme il se remet toujours en cause… c’est un éternel insatisfait, et jamais il ne trouvera non plus de vérité qui lui laisse l’esprit en paix. »


Garmin avait ajouté cette dernière phrase avec un large sourire, et se demanda lui-même s’il faisait partie de ceux qui avaient cette sagesse. Eh bien non… Il n’avait pas cette sagesse, et ne devait pas l’avoir. Il n’avait pas le temps de se poser tant de questions, ne devait pas hésiter. Il se leva, rendant l’outre quasiment vide à Agrilaz.


« Frère Agrilaz, ne t’inquiète donc pas. Mes Conseillers et moi trouverons le juste chemin, et tu n’auras qu’à le suivre. En attendant, ne change rien. […] Dis-moi, Agrilaz, totalement autre chose, souhaiterais-tu faire partie de ma garde personnelle? J’aurai grand besoin de soldats sages et talentueux comme toi à mes côtés, lorsque la guerre fera rage… Je te laisse le temps de la réflexion : tu as encore une semaine, avant la cérémonie et l’enterrement, pour te présenter à la salle du Trône, que je ne devrais pas quitter souvent… A bientôt. Et… Ne t’inquiète pas pour l’outre chaque semaine, c’est avec plaisir que je partage ma bière! »


Il salua son nouvel ami, jeta un dernier regard à l’Océan, puis s’en retourna à son passage secret, afin de rentrer au Palais.