Au bout du voyage ? [à quiconque à l'autorité de guider George vers le roi]

Camille est presque rendue à la fin du voyage. Elle est épuisée, exténuée, mais si près du but, elle ne va pas flancher. Elle a atteint Diantra, enfin, mais le château lui semble encore à une éternité de marche. Elle parcours les rues, demandant parfois si elle est encore dans la bonne direction. On lui répond que oui, alors elle marche encore et encore.

Elle est toute proche. Dans quelques heures, elle sera avec Merri et tout ira mieux. Toute une saison voir un peu plus à traverser une partie de Miradelphia. Pour une jeune femme qui n'a que très rarement les terres de son maître, c'est le voyage de sa vie. D'autant plus que Camille n'a jamais vraiment connu de difficulté. Aimée de sa famille, lui retournant avec amour, elle n'a jamais manqué de rien et elle a été surprotégée. Ici, c'est tout le contraire. Euh... non, pas le contraire.... disons plutôt rien de tout ça. Personne ne la déteste, mais personne ne l'aime. Personne ne veut sa mort, mais personne ne s'en soucie. Elle a pourtant rencontré des tas de gens, mais c'est comme s'il n'y avait personne, que des étrangers... c'est terrifiant pour une jeune femme comme Camille. Pourtant, elle s'en est plutôt bien sortie et elle avance toujours. Elle a toujours la certitude que maintenant qu'elle est à Diantra, c'est qu'une question d'heures. avant de retrouver Merri. C'est ce qui la garde debout. elle retrouvera bientôt Merri et il saura quoi faire.

Elle s'arrête quelques secondes devant le château. Elle pousse un sifflement admiratif. C'est un très joli château. Rien à voir à ce qu'eux appellent château chez elle.

- Waw...

Elle poursuit son avancée, lentement, parce que se précipiter a toujours l'air louche, mais surtout parce que physiquement, elle n'arrive plus à être rapide. Elle est épuisée, autant mentalement que physiquement. Dormir à la belle étoile, si elle adorait ça chez elle, pour de vrai, sur Miradelphia... et surtout seule, ça ne permet pas de dormir beaucoup.

Elle se retrouve assez rapidement face aux gardes et ils n'ont pas l'air commode. Qu'à cela tienne, Camille n'a jamais trouvés d'obstacles chez les gens mal commodes.

- Bonjour !, lance-t-elle avec son plus beau sourire.

Ça aurait peut-être marché si elle avait été bien coiffée, bien habillée, propre et fraîche et dispose. Mais c'était pas du tout le cas. D'une propreté douteuse, ses longs et fins cheveux noirs en bataille... et plus d'une en y regardant de plus près... cernée de fatigue et les vêtements ayant visiblement été portés plus d'un jour de suite, même s,ils sont définitivement de bonne facture, elle a l'air de tout, sauf d'un bon jour.

- Je voudrais rencontrer le roi Ultuant, s'il-vous-plait.

Le garde la détaille des pieds à la tête et elle jette un regard à l'autre qui fait de même... ok, les gardes d'ici détaillent des pieds à la tête.

- Le roi Ultuant n'est pas là, gronde le plus gros des gardes.
- oh... dit-elle, déçue, mais se reprend aussitôt, Il revient quand ?
- On sait pas.
- Oh... quelqu'un pourrait le savoir ?

Les deux gardes se regardent. Elle vient de loin, celle-là, se disent-ils d'un regard. Ils ne savent pas à quel point c'est vrai. Techniquement, les gardes comme ça n'ont pas vraiment le droit de divulguer des infos de ce genre. Ils doivent se référer à un supérieur. L'un des deux quitte sont poste et disparaît à l'intérieur. il revient quelque secondes plus tard, seul.

- S'en vient.
- Ah, bien, d'accord.

Tout sourire, parce que le calvaire qu'elle vient de vivre s'achève, croit-elle, elle attend avec la patience désespérée de ceux qui croient n'avoir plus que quelques temps avant d'atteindre leur but.

Puis elle voit arriver ce qu'elle devine être le chef de gardes, ou quelque chose du genre. Elle va à sa rencontre, tout sourire,bien qu'ayant très peu d'éclat.

- Bonjour ! Je voudrais rencontrer le roi Ultuant, s'il-vous-plait. C'est très important, prétend-elle.

Et au désespoir dans son regard, ça semble l'être.

Cette belle journée d'automne là, un ciel à peine couvert surplombait Diantra. Le nouvellement nommé conseiller politique du Roi réglait quelques affaires courantes avec ses assistants. Rien de bien grave ce jour là. Quelques affaires de taxes mal répartis dans le domaine royal avec les plaintes qui s'ensuivaient mais rien de plus. Ils avaient fini une demi heure plus tôt que habituellement. L'aristocrate en avait profité pour prendre l'air dans le jardin, se promenant seul, saluant quelques groupes de courtisans ça et là, sans jamais engager de discussion néanmoins. Le cumul de ses tâches commençait à lui peser légèrement et la solitude était le meilleur des remèdes à ses maux. De plus, les négociations avec la famille des Isles pour le mariage de leur fille l'accaparait assez souvent, notamment sur la question de la somme qu'il engagerait pour la famille de la mariée. Voilà que le marié apportait la dot maintenant ! Rien n'allait plus en Royaume Humain.

Fichtre, cesse donc de penser à l'argent Hannibal, tant que tu obtiens ce titre..., songea en souriant le courtisan en lissant pensivement sa barbe au détour d'une allée.

Quelques écureuils parcouraient les jardins royaux, furtifs mais si actifs pour emmagasiner quelque réserves pour l'hiver qui s'annonçait. Un vrai trésor dans Diantra que ce jardin : Hannibal y avait discrètement investit, sans tapages ni affiche, une petite partie de sa fortune pour tailler les arbres, planter des fleurs, élargir les allées, installer quelques fontaines, pour en faire un havre de paix à côté du château ronflant d'intrigues basses et tordues entre courtisans. Quoique nombre de ces personnages aimaient venir comploter au calme dans les bosquets...

Souriant, Hannibal griboullait dans les graviers de son bâton de cour, avant d'effacer le tout d'un balayement du pied pour reprendre sa marche. Un froncement de sourcils se figea sur son visage lorsqu'il vit arriver à grands pas un garde la porte. Tudieu, n'y avait-il pas de responsables pour accueillir les visiteurs ? Le colosse, il fallait bien ça pour garder les portes de Leurs Majestés, s'inclina respectueusement avant de commencer :

"-Messire, une jeune femme demande à voir le Roi."

Le courtisan leva un sourcil interrogateur :

"-Et bien ? Le capitaine des portes n'est-il pas là ?
-Non point, il est allité à cause d'une forte fièvre. Et en tout et pour tout dans le château je...
-Oui oui soit j'ai compris. J'arrive.
-Grand merci monseigneur, acheva le soldat avant de repartir au pas de charge vers les portes. "

De Roch resta un instant face à un petit bassin où quelques nénuphars servaient de terrasses à d'indolents crapauds. Un rictus leva la lèvre supérieure du vétéran :

Fin de l'entracte...

***

La première réaction d'Hannibal en voyant cette jeune femme fut d'abord de la curiosité. Il fallait en effet plus que de l'audace pour oser venir demander audience au Roi, dans cette tenue, à cet âge, et surtout en étant seule. Insistons un instant sur le "e" de seule. De reste, malgré sa mise des plus déplorable, l'inconnue était tout à fait délectable à la vue, ses yeux étant des plus captivants. Des sourcils longs et arqués donnant ce regard ourlé de biche dont bénéficie peu d'élues...Mais cela ne put empêcher un rire tonitruant d'Hannibal à la demande de la jeune femme :

"-Le Roi Ultuant ? Voyons ma belle...votre jeune âge ne vous dispense point de vous tenir au courant de l'identité de votre suzerain ! C'est le Roi Trystan et la Reine Lilianna qui gouvernent les fils de Néera d'Ydril à Oësgard dorénavant. Mais dites moi, vous comprenez bien qu'on ne peut rencontrer Leurs Majestés ainsi...j'aimerais ainsi en savoir un peu plus sur vous et votre requête avant de, peut être, vous introduire. Exceptionnellement de plus ! Nous ne sommes pas en jour d'audience publique !"

L'aristocrate commença à marcher vers le bâtiment de corps tout en faisant signe à la visiteuse de le suivre. Les traditions importaient beaucoup à l'ancien routier, et l'hospitalité en faisait partie :

"-Mais quel goujat je fais...Hannibal de Roch, conseiller politique de Leurs Majestés ! "

Ils arrivèrent finalement dans les cuisines, où de Roch fit signe à un marmiton :

"-A boire et manger mon gars !"

Le courtisan s'assit alors au banc de la longue table des cuisines, intimant à la jeune femme de faire de même, avant de plonger son regard perçant dans ces yeux si attirants, reprenant d'un ton malicieux :

"-Dites moi tout ma chère..."

Eh bien, cet homme, lui annonce de bien... euh... comment exprimer ça... des détails... en fait, elle ne sait pas du tout si ce sont de bonnes nouvelles ou non... le roi Ultuant n'est plus roi ? Oh... c'est d'ailleurs sa première réaction à ces informations.

- Oh...

Elle semble désemparé. Son regard vert s'agrandit davantage et devient quelque peu humide. Elle avait préparé un scénario et cet homme venait d'en ébranler les fondations. Le départ et l'amorce du voyage de Camille avait été guidé par la certitude que Merriadek se trouvait à Diantra, avec le roi Ultuant. Et il n'y a plus de roi Ultuant. Ce scénario lui avait fait tenir bon durant ce difficile voyage et là... il s'effritait.

- Euh... il faut qu'elle remette ses idées en place. Je... je ne viens pas d'ici... je... Ultuant n'est plus le roi... se dit-elle à elle-même. Mince...

Elle suit tout de même cet homme. Parce qu'elle n'a pas d'autre alternative. Et puis, troublée, elle le fait presque machinalement, sans vraiment y penser, parce que quand on perd sa ligne directrice, on suit tout ce qui semble solide. Et lui, il semble solide. Il finit par se présenter et elle s'en rend à peine compte, ou du moins, ça lui prend quelques secondes à saisir...

- Oh... euh... enchantée...

Elle est nettement trouble, parce qu'elle ne lui retourne pas la politesse de se présenter. Lorsqu'il lui indique, elle s'assoit, le regard un brin perdu... puis elle répond à la question. Du moins en partie. Elle ne racontera pas tout... c'était pas prudent.

- Je... je cherche Merriadek... il... il devait venir ici... son père l'a envoyé à Diantra, avec l'accord du roi Ultuant... à cause de la magie, vous voyez... et pis les complots et tout ça... dit-elle en balayant l'air de sa main.

Visiblement, elle est du genre à connaître un peu ce qui se passe, mais n'avoir aucun idée des détails. Comme si on lui avait donné des informations, sans lui expliquer en quoi elles consistent.

Puis elle semble réaliser quelque chose de capitale. Elle devient fébrile, quand elle fait un lien entre le boulot de cet homme et Merriadek. Il est conseiller politique non ? L'accord entre le roi de Diantra et le père de Merri est sans doute un truc politique.

- Vous savez où est Merri ? Il devait venir ici. Vous vous occupez de politique, non ? Vous devez être au courant, c'est politique entre Aënor et Diantra, certainement... Merri est un noble... d'Aënor. C'est politique !

En fait, elle n'en a aucune idée, mais elle doit s'agripper à cette possibilité. Pas le choix. Elle est désespérée, épuisée et ça se voit.