Une vie (presque) parfaite

Ça avait commencé par un simple commentaire. Il était rentré et l'avait trouvé à hacher des herbes fraîches à faire macérer.

- Oh, t'es rentré.

D'un ton si détaché. Une intonation presque déçue. Du moins, c'est ainsi qu'elle le perçoit. L'air de rien, comme si ça ne l'avait pas choqué, elle avait tout de même répondu d'un ton sec, glacial.

- T'inquiète, je repars demain.

Ce qui avait évidement été suivi d'un "Quoi ? Et pourquoi ça ?" puis la réplique avait fusée "Je bosse, tu sais et la nature n'attends pas". Et des tas d'autres trucs ont suivi, de plus en plus acerbes.

Maintenant, la vaisselle volait, en particulier les assiettes et les bols. Marion, elle, préférait les bols, jetés le plus fort possible sur les dalles de pierres de la cuisine. Il y avait déjà un joli monticule à ses pieds. Pourtant, Marion avait l'air très calme. Fracasser un bol au sol était pour elle un parfait moyen d'évacuer dans ce simple mouvement de jeter le bol au sol le plus fort qu'elle peut. Elle avait eu la présence d'esprit de poser son couteau à hacher les herbes. Heureusement.

- Cocu certainement pas, grince-t-elle, furieuse qu'il remette ça sur la tapis chaque fois. Mal baisé, quand on sait le pourquoi de notre mariage, t'en est entièrement responsable de ton état. Elle agrippe un autre bol. Si tu voulais une servante, fallait te payer une servante, pas moi.

BLANGK ! Suivit du tintement des éclats de porcelaine. Nan, Marion était loinde l'épouse parfaite. Elle était beaucoup trop libre et indépendante.

Décidément elle trouvait toujours un moyen de le faire s'énerver. Pourtant lorsqu'elle n'était pas là il était d'un naturel calme et posé, assez froid dans ses manières ce qui le rendait bien plus professionnel et respectable. Elle avait ce don incroyable de faire ressortir les pires choses possibles d'un être. Pour une guérisseuse c'était un peu paradoxal quoi que tout à fait normal... Il fallait bien créer le désordre pour pouvoir le guérir...

- Si tu voulais une servante, fallait te payer une servante, pas moi.

Une servante ! Pourquoi parler d'une servante ? Il est avait autant qu'il voulait et elles étaient bien plus efficaces que Marion sur tous les plans. Et puis surtout est-ce qu'il lui avait demandé d'être une servante ? Être mieux considéré n'était pas une chose extraordinaire non plus, surtout lorsque l'on est marié. Il s'agit juste d'un échange de bons procédés et d'être le moins détaché possible de l'autre. Ce n'était pas un couple qu'elle voulait et pourtant elle était obligée de l'avoir alors pourquoi ne pas l'accepter une bonne fois et jouer le jeu ? Elle n'était pas tombée sur le pire mais presque sur le meilleur du duché ou du moins un des plus désiré. Cette phrase, en plus de l'énerver toujours plus l'avait quelque peu vexé. Il n'avait payé personne mais juste proposé un marché honnête, comme s'il n'avait eu que ça à faire de débourser son argent alors qu'il aurait pu demander à une de ses nombreuses conquêtes de se marier immédiatement. La plupart n'attendaient que ça de lui sous certaines conditions financières ou de fidélité ou de service... Enfin une de ces foutaises que les femmes appréciaient par dessus tout et exigeaient là où la simple patience et gentillesse permettait de l'avoir.

" Des servantes j'en ai c'est bon ! On te demande juste d'être un peu aimable et présente merde ! *fuuuuushKLASH* Mais non Marion s'en fout ! Elle veut juste faire la belle dans ses plantes médicinales ! Dommage elle est obligée de voir des gens pour vivre, c'est bien la seule raison qui la pousse à voir des gens et à les aider ! "

Voila, c'était dit. Elle n'était qu'une sale petite égoïste qui passait son temps à marchander pour gagner sa vie. Si elle avait pu empoisonner les clients ou ne pas les voir elle aurait même préféré. Preuve en était : dès qu'elle devait subir la présence de son mari elle s'énervait. La seule personne qu'elle avait à subir un peu plus longtemps que ses clients éphémères, le seul qui demandait un peu plus d'attention que des conseils intéressés par l'argent et désintéressés d'humanité.

Oui, Marion s'énervait rapidement. Elle n'avait de patience qu'avec les blessés, les malades et parfois les enfants. Et les clients qui allaient bien payer, très bien payer, c'est vrai. Elle en avait cependant beaucoup moins avec les gens en parfaite santé qui se plaignait sans arrêt. Bon, Aldénor ne se plaignait pas sans arrêt, juste quand elle était là. Mais c'était suffisant pour l'agacer.

- Des servantes j'en ai c'est bon ! On te demande juste d'être un peu aimable et présente merde ![color] *fuuuuushKLASH* [color=silver]Mais non Marion s'en fout ! Elle veut juste faire la belle dans ses plantes médicinales ! Dommage elle est obligée de voir des gens pour vivre, c'est bien la seule raison qui la pousse à voir des gens et à les aider !

BLANK

Cette fois, c'est pas sur les dalles du plancher que le bol éclate, mais sur le mur juste au niveau des oreilles d'Aldénor. Il en reçoit sans doute quelque fragments, mais rien pour le blesser. Le regard plissé, c'est difficile de savoir si elle voulait le lui balancer en pleine tronche et qu'elle a raté son coup ou si elle a fait exprès de le lancer juste à côté.

Elle avait horreur qu'on puisse prétendre de telles choses à son sujet. Certes, elle avait commencé par être une apothicaire, celle qui ne fait que les potions et remèdes, mais avec elle temps, elle s'était découverte un intérêt à soigner les gens. Les humains en particuliers. Elle les appréciait et s'efforçait de les soigner et surtout de les guérir au mieux de sa connaissance. Aldénor se trompait, elle n'était pas si égoïste.

Elle décide pourtant de ne pas relever cet aspect de la conversation. Ça la rendait sans doute trop émotive, trop à fleur de peau.

- Je t'avais prévenu que la belle saison était celle de voyage, grince-t-elle en élevant la voix. T'en a rien à foutre, je sais, mais oui ! J'ai des plantes à aller chercher ! J'ai des réserves à faire, pour cet hiver ! Pour soigner les gens ! T'es vraiment mal barré, Aldénor, parce que quand la saison des plantes sera terminés, ce sera la saisons des gens ! Je ne suis pas présente à cause des plantes et bien je t'annonce que je ne serai pas présente pour les gens quand la saison froide arrivera, conclue-t-elle d'un ton sec.

Et elle lui tourne le dos, avant d'avoir trop envie de lui sauter à la figure pour le griffer. Elle reprend le couteau et se remet en frais de recommencer à couper ses herbes.

toc toc toc toc toc toc toc fait la lame sur la planche de bois.

toctoctoctoctoctoctoctoctoctoc

- Dois-je te rappeler qui t'as sorti de prison ? Oublies-tu qui t'as sauvée ? Qui t'as permis de continuer ton train-train ?

Elle résiste un moment, mais il la voit se crisper. Le toctoctoc ralentit et il la voit presque trembler. Bons dieux, elle croyait bien qu'il avait oublié ce détail. Ou du moins qu'il ne le lui remettrait pas sous le nez.

- C'est peut-être ça finalement le problème, tu n'arrives pas à diriger de devoir ta vie à un homme et d'avoir une dette envers lui.

Bravo, Einstein ! Mais elle ne va tout de même pas l'avouer de vive voix. Elle avait renié parents, famille et presque la race parce qu'ils avaient voulu l'empêcher de faire ce qu'elle voulait faire et voilà qu'elle se retrouvait coincée par un type, un seul, qui tenait sa vie, sa liberté et tout ce qu'elle avait choisit entre ses mains. Et qui de plus, voulait la restreindre sur ses choix. C'était plus que son calme pouvait en supporter. Elle continue de couper les herbes, tremblante de fureur et de rage, qu'elle retient par elle ne sait quel force en elle.

- En plus, je te demanderais des efforts incroyables. Je ne te demandes pas d'être tout le temps là ni d'être une femme irréprochable mais juste d'être présente un peu plus souvent en étant aimable et serviable au lieu de rester dans ton coin à t'occuper de tes plantes à me railler, m'agresser, m'ignorer ou me délaisser. Nous sommes mariés depuis plus d'un mois et nous n'avons même pas couché ensemble une seule fois !

Elle se fige. Le toctoctoc cesse. Elle se retourne, lentement et le pointe de la pointe de son couteau.

- N'y compte pas., dit-elle en détachant chacune des syllabes, tremblante.

Et elle s'efforce de lui adresser le regard le plus méprisant qu'elle puisse lui octroyer. Mais son regard est teinté du doute raisonnable qu'il n'a pas tout à fait tort.

- Alors oui, je n'en ai rien à faire de tes plantes tout simplement parce que tu m'en dégoûtes ! Tu y accorde tellement d'importance que je ne peux que les détester. Alors occupe-toi un peu de ton mari et je suis certain qu'il te le rendra.

Elle plisse les yeux et serre le manche du couteau tellement fort que ses jointures blanchissent. Et il le dit d'un ton qui lui semble tellement sirupeux qu'elle en a presque une nausée. C'est sans doute une pointe de paranoïa caractéristique des bêtes prise au piège, mais elle a la nette impression qu'il se moque d'elle, victorieux de l'avoir coincé. Elle en frissonne de rage.

- A moins qu'il ne faille te rappeler quelles seraient les conséquences pour toi si ce mariage capotait par ta faute. N'oublie pas que l'histoire d'empoisonnement n'est qu'enterrée, rien n'empêche de la déterrer. Tandis que mes frasques de jeunesse sont dors et déjà effacées et que je serais un très bon parti. Ta remplaçante n'ayant pour le moment aucun risque d'être pire...

Elle ne trouve rien à répliquer. Il a raison, elle est coincée et pour l'instant trop furieuse pour trouver une réplique raisonnable. Et au grand dam de Marion, il peut voir son impuissance dans toute sa splendeur. Elle est coincé, il le lui a balancé en pleine figure et elle vient d'en saisir toute l'ampleur.

Elle serra la mâchoire et baisse machinalement le couteau. elle ne va quand même pas le poignarder, même si durant un moment, elle y a pensé. Mais c'est une maître d'arme et il est trop loin pour l'effet de surprise. Et puis elle n'est pas une tueuse.

- N'oublie pas Marion... N'oublie pas... N'oublie jamais !

Pas la peine de le lui rappeler, salaud ! Elle lui fait face encore quelques secondes, tandis qu'il va s'assoir, l'air parfaitement détaché, du moins le croit-elle. Elle retourne à ses herbes.

toctoctoctoctoctoctoc

Marion avait eu, jadis, lorsqu'elle s'appelait encore Angadilwen, un entrainement minutieux, parfait. L'arc est une arme capricieuse. Angadilwen avait apprit à se maîtriser. Mais lui, il venait de bousiller sa maîtrise d'elle-même.

TOC

La lame acérée s'enfonce dans la planche à découpée, assez profondément pour rester à l'horizontale. Marion pose ses mains sur le comptoir, bien à plant, pour reprendre contenance, mais en vain. Dans un fracas de bois épais, de pierres du plancher, le froissement ténu des herbes et le raclement métallique de la lame du couteau, elle balaie le tout avec une rage contenue seulement par l'absence d'exclamation de rage.

Elle se détourne du comptoir et inspire. Elle lisse sa robe de feutre grossier, puis quitte la cuisine.

Quelques secondes plus tard, la pièce entière tremble quand elle claque la porte de sa chambre.

Elle a beau ressentir toute la colère qui puisse exister dans ce monde, elle ne peut pas s'empêcher d'être reconnaissante à elle ne sait trop quoi que Aldénor ne soit pas du genre à courir derrière pour savoir ce qui ne va pas. Plutôt que ça, elle préfère la probable indifférence qu'il manifeste. Tant mieux, ça lui faisait un bon point.

Marion est habituellement calme et réfléchie. Des accès de fureur comme celle-là ne lui arrivent quasiment jamais. En fait, ça ne lui est arrivée qu'une seule fois, avant aujourd'hui. Et c'était y'a plus de 250 ans, quand son père a voulu l'empêcher d'abandonner l'arc pour les livres de botanique, entre autre. Tenter de contrarier ses choix, ça la met dans un de ces états. Surtout que c'est pas la première fois qui lui balance ses trucs de délaissement et d'abandon. Non, mais qu'est-ce qu'elle en sait de ce que doivent faire les épouses, hein ? elle ne sait même pas ce que doivent faire les époux. Elle est vraiment mal placée pour lui réclamer quoique ce soit, en plus, puisqu'elle ne sait même pas de quoi il est question.

Elle a vécu très peu de temps avec sa famille, pour ensuite vivre avec les autres des patrouilles et enfin vivre toute seule, vachement toute seul, pendant bien plus longtemps, jusqu'à ce que ce... ce... cet Aldénor vienne la sortir de cellule. Elle est une elfe, une pure elfe. Les changements chez les elfes se font très lentement. Ils ont tout le temps de changer. Tout ça, c'est beaucoup trop rapide pour elle. Elle doit, en quelques jours, semaines, tout au plus quelques mois, changer totalement de rythme de vie.

Elle met, quoi, au moins une heure avant de retrouver une respiration normale et sans doute la moitié de ça pour se calmer. Elle n'a pas pleuré. Elle était beaucoup trop en colère pour ça. Une sourde colère. Ce qui reste quand on a déjà évacué rageusement ce qui devait l'être.

Ça lui avait semblé la seule solution, dans la cellule. Ensuite, elle avait cru pouvoir le rouler. Enfin, pas le rouler, mais au moins garder un maximum de ses habitudes. Un mari à temps partiel, très partiel, lui avait semblé pas trop contraignant. Finalement, elle se rend compte qu'Aldénor se l'est attaché avec beaucoup plus qu'un acte de mariage. Marion ne supportait pas les menaces qu'il lui balançait. Elle se sentait comme un cheval sauvage, habitué de galoper là où il en a envie qui se retrouve soudainement, non seulement dans un enclos, mais en plus attaché à un arbre au centre. Et le pire, ce qui la rendait folle, c'était que le salaud de palefrenier s'amusait à tirer sur le licou pour bien lui faire sentir qu'elle a beaucoup moins de corde que de clôture.

Elle avait choisit le mariage, parce que c'était moins pire que la cellule, voir la mort. Tandis qu'elle coupait les herbes, elle avait eu un doute. Elle avait eu d'horribles pensées. Une cellule, c'était bien défini, restreint, ça ne faisait pas voir tout l'espace autour, on y restait confiné. La mort ne lui avait pas semblé pire qu'une cellule. Ça l'avait terrifié. Comment avait-elle pu penser ainsi ? C'était loin, très loin de ses habitudes. Elle qui était d'une originalité sans borne pour vivre et surtout vivre libre, la voilà qui remettait tout ça en doute.

A moins, on ne pourra pas l'accuser d'assumer ses actes. Après presque deux heures enfermée, elle se sent toute relativement prête à affronter Aldénor à nouveau. Bon, elle n'aura pas l'audace d'aller le provoquer. D'ailleurs, s'il s'est poussé, ça lui donnera un moment de répit souhaitable. Mais elle ne peut quand même pas restée enfermée dans sa chambre indéfiniment.

Elle inspire profondément, puis soupire. Quand faut y aller, faut y aller. Autrement, elle ne se pardonnera jamais de ce qu'elle risque de faire.

Elle se lève, puisqu'elle s'était assise sur le rebord de son lit, puis lisse les couvertures. Tant qu'à avoir un lit plutôt qu'une couche d'auberge, pourquoi pas le garder à l'ordre. Elle marche ensuite vers la porte de sa chambre et inspire. Allez, un peu de courage, Marion. Elle déverrouille la porte et sort. Elle referme soigneusement la porte et verrouille derrière. Il y a des trucs dans sa chambre sur lesquelles c'est préférable qu'Aldénor ne tombe pas.

Elle se compose une apparence d'impassibilité, mais ne peut s'empêcher de soupirer quand elle voit sa dernière récolte fichue. Bravo... c'était vraiment pas malin... au moins, elle le reconnaît. Elle ne regarde pas du tout en direction d'Aldénor. Elle l'a entendu, le parchemin froissé.

Et lentement, avec un naturel et une indifférence parfaitement feinte, elle entreprend de faire un petit tas de toutes les herbes hachées qu'elle a éparpillée partout. La mâchoire serrée, elle tente d'oublier que Aldénor se moque sans doute d'elle. Oh qu'il est préférable qu'elle ne voit pas son sourire de prétentieux et victorieux.

Le temps de balayer les herbes hachées éparpillées sur dalles du plancher, plus la planche et le couteau. Elle s'efforce de se faire discrète. Peut-être qu'il ne la verra pas. Espoir frôlant le fantasme.

- Bon, maintenant que les choses sont au point on va peut-être pouvoir repartir sur de meilleures bases, tu ne penses pas ?

Nan, il l'a vu. Évidement. Une meilleure base ? Oh oui, une basée qui mise sur l'idée du "j'te tiens par les couilles" c'était une bonne base. Vraiment une bonne base. Saine et tout... pfffff ! Elle lui balancerait la planche en pleine figure. Mais sa vie en serait sans doute très écourtée.

- Hum...

Elle termine de balayer de se relève, avec la planche et son stock perdu d'herbes. Et c'est là qu'il la souffle.

- J'ai une proposition à te faire. Dès demain on prends un peu de temps pour nous et on ira récolter tes plantes à deux comme ça au moins je me rendrais un peu mieux compte de ce que tu fais et la semaine d'après c'est toi qui vient au château, ça te va ?

Elle se fige.

Planche dans une main, pleine d'herbes perdues, couteau dans l'autre, elle reste en suspend et dévisage Aldénor. Il est sérieux ? Aldénor à faire des kilomètres dans la forêt pour couper des plantes, herbes et autres ingrédients ? Nan, ça ne lui va pas du tout. Inimaginable. Il n'a pas le tempérament, ni la patience de faire ce boulot là. C'est un maître d'arme, pas un chercheur...

- Toi, à chercher des plantes en forêt ?

Ça pourrait être marrant, quand même... le voir se dépatouiller dans les hautes herbes... à marcher à travers les branches... déterrer des racines... oui, ça pourrait être marrant. Du moins pour elle. Ensuite quoi, elle n'aurait qu'à aller faire la belle avec les nobles. C'était pas pire que de vendre ses produits. Non ? elle aurait affaire à une clientèle qui n'achète rien, c'est tout. C'était presque injuste pour Aldénor. Un parcours dans la forêt à dénicher ses ingrédients, c'était loin, très loin de la cours des nobles. Rien à voir.

- Pour ta récolte, je demanderais à des herboristes de la Corporation de te ramener de la qualité supérieure, tu me diras ce dont tu as besoin.

Elle fronce légèrement les sourcils, cherchant le piège. Ouais, c'est ça, il venait de lui proposer de partir en expédition à la recherche d'ingrédients et là, il lui offrait de les faire chercher ? Par soucis de professionnalisme, elle préférait aller les chercher elle-même, quitte à ce qu'il la suive.

- Je ne fais confiance qu'en ce que je cueille moi-même, lâche-t-elle, froidement et avec une fierté mêlés de mépris. Mais elle s'efforce au moins de nuancer ses propos. Enfin, je pourrai quand même voir si c'est potable...

Minime effort de sa part, elle avait déjà péter une crise. Lui en demander davantage pour l'instant serait de l'abus. Elle se détourne et pose le couteau sur le comptoir avant de jeter les herbes. Faudrait ramasser la vaisselle brisée également... Marion avait beau ne pas avoir de chez elle stable, il n'en reste pas moins qu'elle sait balayer un plancher. Elle se met donc à la tâche, tout en réfléchissant à la proposition d'Aldénor. Lui ? Plusieurs jours en vadrouille pour cueillir des plantes ? Bons dieux, elle n'allait pas aller bien loin. Mais ça valait le coup d'essayer... non ? Hum... non, probablement pas... mais elle aurait peut-être de quoi rigoler un moment.

Elle reste silencieuse un long moment, comme si elle avait évité de répondre à la proposition. Elle termine de ramasser toute la vaisselle brisée et range le balais. Puis elle vient se planter devant Aldénor.

- De combien de temps, en jours, disposes-tu pour venir avec moi chercher les plantes dont j'ai besoin ?

C'était une question légitime après la proposition, non ? S'il lui accordait trois jours, ils n'iraient pas bien loin... mais s'il lui en accordait plus, ça pourrait devenir amusant.

Elle hausse un sourcil. Ne pas s'en faire pour lui ? Elle n'a pas cette délicatesse. Du moins pas encore. Elle ne s'en fait pas pour lui. Pas du tout. Mais il risque de la ralentir. Bon, ok, il pense qu'elle le sous estime. C'est vrai. Ok, c'est un demi-elfe, qui a probablement fait mumuse dans les bois. Mais elle, elle avait eu une formation d'archer elfique et elle était une pure elfe. elle devra manifestement ralentir le pas. Si elle ne sortait pas d,une crise de nerf, elle aurait probablement trouvé la situation assez amusante pour rigoler. Mais c'était pas le moment. Elle se contente d'hocher la tête, l'air indéchiffrable. Oui, il arrivera à la suivre... une journée... peut-être.

- Ah... euh... la chance...

Oh, oui, c'est vrai, il croit qu'elle est humaine. Mieux vaut ne pas lui faire perdre ses illusions. Pas maintenant. De toute façon, s'il avait voulu d'une elfe, il aurait pas choisit ce qu'il a cru être une humaine.

Oui, sans doute que les autres pas si mauvais pourraient l'aider. surtout à déterminer quoi éviter. Genre leur produits à eux. Non, mais... les produits Factisiryss n'avaient pas une renommée à prendre les produits des autres... pfff. elle allait quand même feindre prendre ce que les autres allaient lui apporter en considération. Elle aura qu'à les balancer ensuite. Au moins elle aura "essayé".

Elle affiche une mine pensive. 9 jours... ça lui permettait de se rendre jusqu'à... hum... non, moins, puis qu'il viendra... alors peut-être serait-elle mieux de prendre à l'ouest plutôt que le nord... et tout ça en même temps qu'une interrogation se forme.

De quel genre de découverte sur l'autre parle-t-il ? Mais non, il ne faut pas qu'il fasse trop de découvertes sur elle. Elle n'avait pas dissimulées certaines choses durant près de 2 siècles pour qu'il découvre certaines choses ! Malgré tout, elle répond.

- D'accord. Ça me va. Mais quel repos elle allait prendre au retour ! Elle va royalement s'emmerder, croit-elle. Elle hoche la tête. Tu veux partir dès demain ?

Il avait effectivement mentionné le lendemain. Elle seule, demain, ça allait... mais un type comme lui, ça ne devait pas faire des bagages légers souvent. Elle allait devoir le supporter dans la confection de bagages.

- T'as déjà fait des bagages pour une expédition à pied comme ça ?

Elle va quand même pas tout traîner toute seule... pffff !

Non, il ne voyait jamais les piécettes et pour l'instant, il n'avait pas beaucoup vu Marion non plus. Et puis, les piécettes, il ne les verrait pas pendant un bout. Marion se comparait elle-même à un écureuil. 200 ans de stockage. Le tout regroupé dans le calepin de Marion. Un calepin bien précieux, toujours dans le fond de son sac.

Il était d'accord avec le demain ? Ah ouais ? Bien ! Et aux premières lueurs de l'aube ? Mieux ! Ils allaient pouvoir faire bonne route avant qu'il ne fasse trop chaud et trop clair. C'était une bonne chose. Très bonne chose. Elle hoche la tête, approuvant la décision. elle n'a pas vraiment besoin d'en dire plus.

Aldénor est... pour le moins étonnant. Il a presque l'air enthousiaste. Bagages prêts ? Mais y a 2 minutes, il ne se doutait même pas qu,ils allaient partir demain... à moins que... non... il avait prévu qu'elle dirait oui ? Non, elle ne pouvait pas être si prévisible... il la feintait... nécessairement.

- Prêts ? Il va probablement préparer tout ça cette nuit et faire croire qu'il était prêt... où alors, il n'aura pensé à rien... elle hoche la tête. Bien... Elle ferait mieux de penser à mettre quelques trucs de plus dans les siens. Ce sera plus sûr.

Déjà, elle liste mentalement ce qu'elle doit apporter et quelques items en double.

- Et toi chérie, tu es prête ?

C'est parce qu'elle réfléchit sérieusement qu'elle ne réagit pas immédiatement quand il s'approche. Mais aussitôt qu'il la touche, il sent tous les muscles qu'il touche et qu'il peut voir se raidir. Elle déteste qu'on la touche et, heureusement pour Aldénor, elle n'est pas du genre à répliquer brusquement et sans réfléchir. Sans doute qu'elle aurait pu être plus agressive en cas de réel danger. À la voir se raidir, Aldénor ne peut pas vraiment en douter. Bon, peut-être pas au point de pouvoir rivaliser au corps à corps avec lui, mais elle aurait pu lui faire mal... un peu.

D'un mouvement étonnamment gracieux et fluide, étonnant parce qu'on ne s'attend pas à une telle fluidité en la voyant si raide et si sèche en temps normal, elle s'échappe à sa prise et remet une distance respectable entre eux.

- Pour le moment, non, mais à l'aube, je le serai. Je comptais repartir demain matin de toute façon, lance-t-elle, l'air de ne pas s'être rendu compte de ce qui s'est passé, comme s'il ne s'était rien passé. Elle lui refait face. elle préfère faire face... ou être juste deux ou trois pas derrière... J'y vais de ce pas d'ailleurs..., dit-elle en reculant prudemment vers sa chambre ou du moins dans le couloir y menant. Si j'veux avoir le temps... que tout soit prêt. Avant l'aube.

Lorsqu'elle estime que la distance est assez grande entre eux, elle fait un demi tour et marche rapidement vers sa dite chambre. Marion est aussi glissante qu'une anguille.