Sur un malentendu (PV - Seren) TERMINE

« AHHHHHHH !!! »
Le coup porté résonne avec fracas dans la petite chambre, des bouts de poutre étant délogés par le bout de bois. Celui-ci ne se casse pas, se contentant de me renvoyer le choc dans les mains. Mais ce n’est pas le moment de me laisser déconcentrer. Je porte un nouveau coup de mon épée de bois sur la poutre, cette fois de haut en bas. Elle encaisse de nouveau, et je continue mes attaques. Sans doute vaines contre un guerrier réel, mais au moins ça m’entraîne à tenir une épée, et peut-être à survivre un peu plus longtemps.

« KYAHHHHH !!! »
Cette fois-ci le bout de bois se fend au niveau de la poignée, manquant de me couper. Je vais pour en prendre un autre lorsque j’entends un bruit sourd sous mes pieds, suivi d’un : « C’est pas un peu fini tout ce cirque ?! », lancé avec colère par mon voisin du dessous, monsieur Saillot. Je n’ai pas spécialement envie d’arrêter pour ce vieux rabat-joie, mais la dernière fois il a appelé la garde. Et puis de toute façon mon bâton est cassé.

Je me saisis donc d’Ascalon, qui est déjà bien plus lourde, et essaye quelques passes. Je fais attention à mes pieds, essayant de toujours garder un bon appui au sol. Là encore je n’ai aucune idée de la qualité des coups, peut-être que je fais tout de travers, mais si je veux progresser il faut bien essayer. Aussi j’essaye de frapper des coups droits, des coupes de tailles et des parades contre des adversaires invisibles. Malgré le froid hivernal je ne porte qu’un tricot, que la sueur commence à tremper. Je ne m’arrête que lorsque ma lame percute le petit candélabre, l’envoyant balader dans la pièce. Le vieux Saillot ne manque pas de gueuler de nouveau, mettant un point final mon entraînement.

Je me toilette rapidement à l’eau froide (glacée), puis me prépare à sortir. Je descends discrètement les escaliers en bois grinçant, ne voulant pas croiser mon voisin du dessous, et parviens à ne pas faire crier trop fort les marches. Une fois en bas, c’est la vieille Graillure qui vient à ma rencontre :

« Bruyère ! lance-t-elle de sa voix grésillante. Ton canasson a encore bouffé tout le foin, et il reste plus rien pour mon âne ! T’as intérêt à mieux le surveiller idiot ! Et je mettrai le foin sur ton loyer ! »

Je m’en vais donc dans la petite écurie, m’excusant au près d’Iscariote pour le manque d’espace. Le pauvre animal ne doit pas être habitué à pareille vie, même si le vendeur de chevaux n’avait pas l’air de spécialement bien s’en occuper. Je la prépare alors, vérifiant que sa patte est bien bandée et que la jument ne risque pas de se blesser sur les pavés. Une fois prête, je la sors du box et la monte. Elle est un peu difficile, mais se laisse faire après quelques caresses sur l’encolure.

Ainsi donc me voilà, vêtu d’un manteau d’hiver, épée de Chevalier à la taille et montant mon shire. De loin on peut vraiment me prendre pour un Chevalier. Mais voilà, je me rends simplement à la taverne pour gagner quelques écus. Tout juste de quoi me payer une chambre sous les toits, et de donner du mauvais foin à ma monture. Je ne sais combien de temps je pourrai vivre comme ça. Si seulement cela pouvait s’arranger... Mais cela relevait plus du miracle qu’autre chose.

...

« Et ben alors El ? T’as une de ses têtes... t’as trop fêté ça hier, c’est ça ?
-Hum... Si on veut. T’as besoin d’aide pour le vin ?
-Ouais. Si tu pouvais monter un tonneau de rouge, tu m’aiderais bien ! »

C’est préoccupé que je m’attelais à la tâche. Les filles lancèrent encore quelques remarques devant les clients, qui ne semblaient pas vraiment les prendre au sérieux. Heureusement d’ailleurs pour moi, certains avaient parfois l’air plutôt costaud. Ce fut donc une soirée plutôt stressante, mais moins que la veille. Finalement on pouvait peut-être vivre avec un mensonge plus gros que soi.

Alors que je remonte avec le troisième tonneau de vin de la journée, Iselle me tire par la manche. Le tonneau manque de m’écraser le pied, ou pire encore de se casser. Mais ma collègue n’y prête pas attention, et me pointe du doigt la table du milieu. Un homme plutôt baraqué discute avec une femme dont je ne vois pas le visage, de dos. Une chevelure longue et noble, qui fait assez décalé par rapport à l’ambiance de la taverne.

« Regarde cette fille, elle est encore plus belle de près. Elle doit être noble, c’est un bon parti pour un chevalier !
-Iselle...
-Et bien allez ! Tu arrêteras peut-être de nous fatiguer avec tes exploits ratés ! »

Je lui jette un regard noir, avant de me diriger vers la table. Il est vrai que son corps a l’air fin, et que la courbe de ses épaules est jolie. Sans que je ne puisse le contrôler, je sens mon cœur se serrer un peu, alors que les battements de mon cœur résonnent à mes tympans. Un regard en arrière et je vois Iselle qui me fait des signes d’encouragement. Je me demande ce que je fiche là, quand enfin je suis au niveau de la table :

« Euh... Mademoiselle. Je... »

Mes yeux se posent alors sur son visage, aux traits si fins et si féminins. Son regard se lève lentement vers moi, me faisant battre la chamade encore plus fort. Ses yeux, d’un beau bleu se posent sur moi, alors que ma gorge est sèche. Mes mains sont moites. Mais qu’est-ce que je fais là...

« La liqueur vous convient-elle ? »

Iselle avait raison, cette femme est vraiment magnifique. Trop pour moi certainement. En plus elle est accompagnée. Et je ne sais pas quoi lui dire. L’autre homme, par contre sait quoi dire lui :

« C’est parfait. Maintenant du vent gamin. »

Je ne sais pas quoi répondre à cela, restant comme figé un instant. De toute façon je n’ai aucune chance, c’est sûrement une noble. Elle ne voudrait jamais d’un simple serveur. Mais comme l’a compris Iselle, elle serait plus à même de parler à un chevalier. C’est pourquoi elle vient à ma rescousse, et avec son bagout habituel répond au malotru :

« Quel manque de respect ! Vous ne le savez peut-être pas, mais c’est là le fameux Chevalier de la Bruyère ! »

Merci Iselle... Merci...

L’homme éclate de rire en entendant l’ineptie, alors que la belle ne peut offrir qu’un sourire. Elle me regarde de bas en haut, ce qui ne fait qu’ajouter à ma gêne. C’est cependant elle qui s’exprime en premier, me demandant depuis combien de temps je suis Chevalier. Sa voix s’accorde avec son physique, tant et si bien qu’elle pourrait me traiter de chat puant que ce ne serait encore que mélodie à mes oreilles.

Iselle semble moins déconcentrée, et continue en sautant les deux pieds dans le plat :

« Depuis hier ! Il a été fait Chevalier par le grand messire de Javelin en personne. Il est juste trop modeste pour s’en vanter.»

Une aura semble me clouer au sol, s’alourdissant de plus en plus à chaque échange. Si cet homme veut vraiment tester mes talents, je risque non seulement ma vie, mais aussi le peu de réputation que j’ai. De plus la charmante créature doit connaître des personnes influentes, qui sauraont que cela était faux. Si on l’apprenait...

Son regard toujours plongé dans le mien, je me sens déglutir.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce n’est pas à boire un verre ou à déguerpir que la femme m’invite, mais au contraire à tester ma lame. J’en reste perplexe, ne comprenant pas s’il s’agit d’une plaisanterie ou pas. Son regard pourtant ne trahit pas un quelconque sens de l’humour, et elle a l’air plutôt sérieuse. Même Iselle a abandonné ses flatteries, me regardant d’un air inquiet.

La créature sourit, avant de sortir après avoir invité l’autre homme à regarder. Une rapière pend à sa ceinture, je m’en rends compte alors. Décidemment, les choses commencent mal. Avant de sortir à son tour, l’homme me suggère d’aller chercher mon épée de Chevalier, si je veux survivre.

« Je suis sûr qu’ils plaisantent... me lance Iselle. Fais attention quand même, j’aime pas ce type. »

Je lui souris, allant alors chercher ma lame. L’acier froid contre ma main a quelque chose de réconfortant, mais de sérieux en même temps. Et ses yeux, plus j’y repense plus je me dis que ce n’était pas une simple boutade. Je n’avais jamais lu une telle intensité dans un regard avant.

« Reste là Iselle, de toute façon je ne lui ferai rien, n’aie crainte.
-C’est pas vraiment pour elle que je m’inquiète El...
-... »

Je me rends alors dans l’arrière cour, me maudissant de ne pas avoir pris mon manteau. Le froid est vraiment coriace à cette heure, et je sens déjà mes doigts geler. Je rejoins la jeune femme, alors que son ami s’est un peu éloigné.

« Je... Euh... Enfin vous voulez vraiment vous battre contre moi? »

Sa démarche est presque féline, mais ce n’est au fond qu’une jeune femme. L’idée même de dégainer Ascalon contre elle me fait froid dans le dos. Et si je la blessais ? Elle est si belle, ce serait un vrai gâchis. Je pensais que mon premier combat serait quelque chose d’héroïque, contre un cruel guerrier drow. Pas contre une jeune princesse. Enfin il est toujours possible d’éviter cela.

La jeune femme me dit que je ne devais pas avoir peur, et que mes bases seraient certainement à même de me sauver. Il est vrai que j’étais particulièrement redouté de mon bougeoir, mais c’était bien le seul adversaire que j’avais jamais touché. Quand à mon « adversaire », elle avait sorti son arme dans un geste fluide. Elle semblait vraiment sûre d’elle, et m’adressa un salut. Que je lui retournai, avant de parler de nouveau :

« Oui, hum enfin vous êtes tout de même une femme. Enfin je dis pas ça négativement, c’est un compliment ! »

Mais qu’est-ce que je raconte encore moi...

« Enfin ce que je veux dire, c’est que mon entraînement est surtout de... euh... lever l’arme pour défendre les faibles. Et se battre contre une femme, aussi élégante et comment dire, redoutable soit-elle, ce n’est pas être Chevalier mais juste lâche. »

C’était bien dit ça. Un peu plus de conviction et on y croirait...

« Et puis je vous avoue, je n’ai pas envie de vous faire du mal. Vous êtes... très belle. Et je... Enfin je m’en voudrais de vous blesser. Peut-être que d’autres hommes seraient ravis d’être le centre d’attention de quelqu’un comme vous, mais de là à essayer de vous tuer... Enfin si vous voulez nous aurons qu’à dire que vous avez réussi à parer quelques passes avec fourreau, mais je ne veux pas dégainer cette arme. »

La belle me lance alors que je m’avance bien vite, et qu’il ne vaut mieux pas la prendre pour une faible femme. Ses pieds semblent glisser sur le sol, et l’instant d’après elle est devant moi. Sans que je n’aie le temps de faire le moindre geste, sa lame fond vers mon épaule. Si elle ne l’avait pas ralentie au dernier moment, cette touche m’aurait perforé la peau.

Je reste figé, son regard dans le mien alors que la pointe de sa rapière est toujours contre ma chair, l’éraflant légèrement. Je me recule, saisi par un sentiment d’incompréhension et de peur mêlés. Je me rends alors compte que mon souffle est coupé, et je le reprends dans une grande inspiration. Ma main vient se placer là où quelques instants plus tôt se logeait une arme, alors que peu à peu je réalise. Si elle avait placé son attaque un peu plus à droite, c’est ma gorge qu’elle aurait eu.

Les sensations se mélangent en moi. J’ai peur, réellement peur de cette femme. Je m’en rends compte à présent, elle ne plaisantait pas et sait vraiment se battre. Elle est plus forte que moi, et semble bien entraînée. C’est la première fois que je rencontre quelqu’un sachant vraiment se battre. Et si je suis impressionné et dominé, je suis en même temps excité. Jamais je n’ai dégainé cette arme devant quelqu’un, et jamais je ne m’en suis servi. Est-ce que je pourrais tenir face à elle ? Un frisson d’impatience me parcours l’échine.

C’est avec une voix plus forte et plus sûre que je m’exprime :

« Je m’excuse. Je vous pensais faible, alors que vous êtes bien plus forte que moi. Je ne vous ferez pas l’affront deux fois, et me battrai de toute ma force. »

La lame émet un crissement en sortant de son fourreau, alors que pour la première fois je la libère vraiment. Je positionne mes pieds comme j’ai longuement pratiqué dans ma chambre, et ma main sert fermement la garde. Je dépose le fourreau au sol, le poussant légèrement du pied. Je salue de nouveau la dame, avant de m’élancer, donnant un puissant coup de taille, suivit d’une frappe de bas en haut.

Les esquives de la jeune femme sont rapides et précises, si bien que ma lame ne s’approche pas d’elle un seul instant. Finalement elle me lance un contre, et bien que j’ai le temps de me décaler légèrement, la pointe de sa lame me touche de haut en bas. Je recule sur le coup, sentant que cette fois-ci elle y a été au sang. Une démonstration de contrôle et de talent.

Elle s’exprime alors, mettant en doute le fait que je sois chevalier. Comme quoi mes appuis sont mauvais, et que je ne suis pas précis. Je sens ma poitrine en feu là où elle l’a marquée, et ses mots sont plus coupants encore. Je sens que je pourrais facilement craquer si elle continuait d’ainsi jouer au chat et à la souris. C’est alors que je repère un bout de bois, posé contre un des murets. Je me recule vers celui-ci, et je le saisis alors de ma seconde main.

Je reprends une grande inspiration, essayant de contrôler mon souffle. Mon adversaire m’est de loin supérieure, mais je ne dois pas perdre ma contenance. Un Chevalier ne perd jamais son sang-froid, peu importe les difficultés. Chevalier je ne suis peut-être pas, mais je ne le deviendrai jamais si je n’applique pas les préceptes dès aujourd’hui. Je pose alors ma lame, prêt à me battre avec ce bout de bois. Avec lui plus besoin de retenir mes coups, et de plus j’ai d’avantage l’habitude de ce contact et de ce poids.

« Un vrai Chevalier ne recule pas devant le danger, n’est-ce pas ? Et il met son cœur au combat ? Je ne reculerai pas. Mon nom est Elnath Bruyère, et je suis heureux de vous rencontrer, vous êtes une adversaire de valeur. KYAAAAAAA !! »

Je charge alors, frappant un coup droit, tournant sur moi-même pour frapper de nouveau. Les coups sont aisément parés, mais je continue, affirmant ma prise sur le bout de bois. Je tente alors un puissant coup de haut en bas, mettant toute ma force non pas pour l’asséner, mais pour le stopper quand il est devant moi, embout vers elle. Je poursuis alors d’estoc, cassant le mouvement en plein milieu pour la surprendre.

Le coup ne porte cependant pas ses fruits, la belle l'esquivant avec une facilité déconcertante. Elle se recule alors, me saluant de sa lame. La fin de mon procès, et j'ai été jugé coupable. Alors que je reprends ma respiration, les muscles me tirant après l'effort, elle s'exprime, aussi fraîche que tout à l'heure. Elle me dit que des années de travail m'attendent, mais que cela ne serait pas en vain. Que je ne suis pas si mauvais que ça en somme.

L'autre homme s'approche alors, et la félicite. Seren. Un bien joli nom, pour une bien jolie femme. Je reprends peu à peu mon souffle, la douleur à mon torse me saisissant de plus belle. Elle ne m'a pas raté, mais aurait pu être bien plus terrible. Et puis pour m'être fait passé pour un Chevalier, certains m'auraient pris la tête plutôt qu'un peu de chair.

Ainsi elle est magnanime, en plus d'être belle et forte. Une femme comme je n'en ai jamais vu, avec une prestance et une aura qui vous feraient presque pleurer. Je me suis vanté il y a peu d'être courageux, et je pense bien que c'est le meilleur moment. Et puis les choses ne peuvent plus vraiment empirer.

Je me rapproche donc un peu d'elle, le bâton toujours entre mes mains. Arrivé à deux mètres de Seren, je pose un genou à terre:

"Merci pour vos conseils. Je... Je... J'aimerais que vous m'appreniez... A être comme vous je veux dire."

Relevant les yeux vers elle, je poursuis sur ma lancée, déclâmant avec passion:

"Je vous en supplie, Dame Seren, apprenez moi votre art. Je ferais ce qu'il faut pour le mériter, n'importe quoi."

Être pris pour écuyer était la seule façon de devenir Chevalier à ce que m'en avait dit Messire de Javelin. Et si cette femme n'était pas Chevalier, elle en avait mille fois le talent. Apprendre d'elle me rendrait plus fort à coup sûr. C'est peut-être là la seule chance qu'il ne me sera jamais donner de réaliser mon rêve.

Le regard de Seren est tout d’abord planté dans le mien, comme sondant mon âme. Mais bientôt elle s’éloigne, en me disant que supplier ne servirait à rien. Elle m’invite cependant à venir le lendemain matin, pour voir si je suis digne de recevoir ses leçons. L’homme l’accompagnant soulève la chance que j’ai de me faire entraîner par une célèbre duelliste, dont le nom m’est pourtant inconnu. Une preuve supplémentaire que je n’ai pas encore ma place dans ce monde.

« Je... Merci, j’y serai. »

La silhouette de la créature finit par disparaître, et bientôt seul Iscariote plus loin fait du bruit. Je me relève, jurant en sentant la morsure de la lame. Elle n’y est pas allée de main morte. Je ramasse mon épée, la rangeant au fourreau. Je maîtrise bien mieux le bâton, et je ne pense pas que ce soit un bon début... Enfin, si elle compte vraiment m’aider à progresser, et elle n’a pas l’air d’être une plaisantine, je verrai comment faire demain.

Je me dirige alors vers la taverne, rentrant après une grande inspiration. La chaleur des lieux serait agréable si je savais sur quel pied danser. Elle m’a percé à jour, et Iselle ne va sûrement pas me rater. D’ailleurs la voilà qui se ramène vers moi :

« Alors ? Hé mais tu es blessé ? Il s’est passé quoi ? C’est ce type là ?
-Non, non. C’est juste une égratignure. Et c’est elle qui me la faite.
-Quoi ? Comment ça ?
-C’est une grande duelliste, elle m’a... rousté.
-Sérieusement ?
-Ouais sérieusement. »

Iselle jette alors un regard à la jeune femme, à la fois méfiant mais aussi admirateur. Celle-ci passe bientôt devant nous, me faisant hésiter entre détourner le regard et laisser celui-ci posé sur son magnifique visage.

La belle duelliste quitte finalement les lieux, la porte se refermant derrière le noble l'accompagnant. Iselle reste perturbée un moment, puis me prend par la manche et m'entraine à travers la salle. Nous nous retrouvons bientôt dans la cuisine, et alors qu'elle s'empare d'un bout de tissu, elle me lance:

"Enlève ta chemise.
-Ça va aller. Je t'ai dit que c'était qu'une...
-Oh ça va hein, arrête de faire ton dur et enlève moi ça. Tu auras l'air malin si ça s'infecte."

Je m'apprête à y redire quelque chose, mais me retiens. De toute façon c'est peine perdue. J'ôte donc ma chemise, grimaçant un peu alors que le tissu frotte contre la plaie fraiche. Du sang coule et me recouvre déjà une partie du ventre. Finalement Iselle a peut-être raison.

Elle se rapproche, le tissu humide entre les mains, et me dit de me taire. Elle s'occupe alors de la plaie, tandis que mes ongles marquent ma chair.

"Et bien, elle t'a pas raté.
-Ouais.
-Tu as eu de la chance, elle aurait pu te faire bien plus mal que ça. Enfin, tu t'en sortiras avec une belle cicatrice, pas trop laide avec du pot.
-Merci de ton soutien.
-Bah, c'est ça aussi la vie de Chevalier. Faut souffrir mon grand. Et elle était si douée que ça?
-D'après l'homme c'est une grande duelliste. Et elle avait vraiment l'air sacrément redoutable. Si elle avait été sérieuse, je serais mort.
-Je vois... Et sinon elle te plait?
-Iselle!
-Non mais j'ai bien vu les yeux que tu lui faisaient. Elle t'a amoché, et on aurait dit que tu étais d'autant plus sous le charme. Ah vous les hommes... Enfin bon, en même temps une femme duelliste, assez forte pour battre des hommes, j'aime bien l'idée. Juste qu'elle pourrait en battre d'autres quoi.
-T'en fais pas, je dois pas être le premier, ni le dernier."

Un juron s'échappe de ma bouche alors qu'elle s'attaque vraiment à la blessure. Pas profonde, mais faisant le même effet qu'une griffe de chat. Bien pernicieuse.

"Je pense que ça ira. Pas besoin de recoudre."

Elena rentre alors, demandant ce qui se passe. Iselle lui fait le topo, n'omettant rien de mon humiliation du soir. Enfin, en même temps je l'ai bien chercher, dire que je suis Chevalier. Ce serait sûrement le bon moment de leur avouer... Si le mensonge dure, il n'en sera que plus dur à tenir. Et être Chevalier, c'est être courageux.

"Je... J'ai quelque chose à vous dire.
-Oui?
-Je... En fait mon... entretien avec de Javelin. Et bien il s'est pas si bien passé que ça. A priori on m'aurait... menti. Et je peux pas être Chevalier comme ça. J'ai dépensé mes économies pour rien. Je... OUTCH!"

Je n'ai pas senti venir la gifle d'Iselle, qui vient de ranger le tissu. Je ne parviens pas à la regarder. Un silence gênant prend place, avant que finalement Elena ne le rompe:

"Je t'avoue qu'on s'en doutait un peu. Enfin, pas qu'on doutait de toi, mais tu avais pas l'air si heureux que ça. Ça aurait été quand même mieux que tu nous le dise franchement.
-Je... Je suis désolé."

Je me lève alors, et enfile bientôt mon tricot de rechange, ainsi qu'un pull. C'est le cœur lourd que je vais chercher Iscariote, pour rentrer chez moi.