[Arcani] Rencontre au sommet [Harnyll]

Il dormait. S'éveilla soudain.
Bras léger sur le sien, seins frôlant son dos, nichait contre lui Merena, la jeune servante. A peine percevait-il son souffle, doux et régulier. Ils s'étaient entortillés dans le drap. La jeune servante du château l'avait éreinté. Avant qu'il ne la mande, elle n'avait vécu ses dix-huit printemps dans le château que comme simple habilleuse au service de la maisonnée du baron. Aussi n'était-elle venue l'y rejoindre, onduleuse et moite, que plus ardemment. Et c’avait indéniablement épicé les choses que de se farcir une vulgaire servante du baron dans son propre château.
La chambre n'était que silence. Il se versa une coupe de vin et lui caressa les cheveux. De beaux cheveux sombres, bien que leurs ébats les eussent emmêlés.
Elle émergea doucement, s'étirant comme un félin en ouvrant les yeux.


_ " Ai-je satisfait Messire ? Minauda-t-elle d'une voix émoussée, les yeux
mi-clos.

_ Pas mal, lui sourit-il en réponse.

_ Je pourrai venir avec vous, dit-elle. Je le ferais, s'il vous agréait...

_ Tu le pourrais ma douce, acquiesça-t-il en descendant ses mains sur sa poitrine, mais pas avec moi, je le crains. Des seins petits, mais d'une délectable fermeté.

_ Je travaillerai dans votre château, Messire. Je sais habiller et entretenir les costumes, effectuer les petites retouches comme les ourlets ou les boutons décousus. Madame dit que je n'ai pas mon pareil pour lui choisir de beaux habits. Vous me trouveriez... une place auprès d'une dame de votre maisonnée.

_ Et tu me chaufferais mes draps, la nuit ? " Sourit-il à nouveau, amusé devant tant de naïveté. Si jeune, si candide et si... naïve. Son doigt traçait
des spirales autour d'une aréole en se rapprochant peu à peu du gras téton. "Et que ferai-je dits-moi, d'une nouvelle maitresse... j'en ai déjà plus que tu ne peux compter. Et qu'en dirait l'intendant du baron ? Et le baron lui-même, si je lui enlevais ses propres domestiques ? " Il prit dans ses lèvres le mamelon et le mordit jusqu'à la faire hoqueter.

_ Monsieur le baron court déjà la gueuse à ce que l'on dit et un enfant illégitime aurait déjà vu le jour de ses multiples conquêtes ", lui murmura-t-elle à l'oreille le souffle coupé tandis qu'il suçait.
Quand il releva la tête, la chair du sein portait une marque violacée. Que le baron courut la gueuse, la rumeur lui était bien connue. Quant à savoir si l'une de ces gueuses avait engrossé un bâtard, après tout, quel mal ? La moitié des nobles du royaume entretenait des flopées de bâtards. Et l'autre moitié ne tarderait pas à en faire autant. Mais depuis la veille, les rumeurs couraient encore plus sur la prétendue liaison entre la baronne et un obscure chevalier de sa parenté. Quelle humiliation ! Rabaissée en public par sa propre dame, devant sa cour, ses seigneurs et les centaines de gens que comptait la populace. Sans compter les chevaliers Ydrilotes venus avec Adhémar, la fine fleur de son comté. La présence d’un inconnu portant l'un de ses propres titres et se présentant aux yeux de tous comme le champion de sa propre femme n'était rien d'autre qu'un message de faiblesse aux yeux de ses voisins les plus retors... ou de ses vasseaux en quête d'indépendance. Qu'il n'y ait eu aucun héritier mâle de la maison d'Adamantine ce jour là au tournoi, il en avait le cœur net à présent, par ses écuyers, qu'il avait envoyer aux nouvelles. Mais après le tournoi et la chute du baron, nulles traces du mystérieux chevalier... Et ce petit sourire aux lèvres, qu'avait arboré la damoiselle ! Il trouvait la baronne autrement à son goût que cette servante. Innocente et candide, fine et élancée, avec des lèvres exquise et une peau d'albâtre. Vicomtesse, baronne et femme de son hôte ? d'autant plus piquante...
Elle ébaucha le geste de lui caresser la joue, mais il écarta la main tendue et la roula sur le dos, histoire de la foutre encore un coup. Il fut tiré de ses prétentions par une série de coups, discrètement frappés à la porte et suivit du chuintement d'une voix étouffée.
Il s'immobilisa, dévala de sa couchette et se rendit à moitié nu près de la porte qu'il entrebâilla. Quelques instants passèrent avant qu'il ne la referme et qu'il s'avance au milieu de la chambre, décrochant son manteau et s'en drapant les épaules. Quelques braises rougeoyaient encore dans la cheminée. " J'ai bien peur que notre nuit d'amour ne s'arrête là, ma belle, sourit-il à nouveau, en agrafant son manteau avec une broche en or.

_ Emmenez-moi, messire, mendia la fille. Ce n'est pas aller à votre château que je veux. Je peux loger dans une ville, on dit qu'Ydril regorge de taverne...

Une moue désapprobatrice vint s'inscrire sur les lèvres d'Adhémar.

_ Une taverne ? Et que crois-tu que j'irai faire dans une taverne petite sotte, quand j'ai des palais à ma disposition ? Penses-tu qu'une taverne est un endroit convenable pour un comte ?

_ Je ne peux rester, Monseigneur ", s'affola-t-elle.

Il renoua ses braies. " Et pourquoi cela ?

_ L'intendant, les autres habilleuses, elles le diront à l'intendant Messire,
après votre départ il me punira et on me traitera de tous les noms, je serai
renvoyée. Mon père me battra. "

Le régent soupira et la prit par le menton d'un air amusé. " Les choses sont ainsi, ma douce. Tu diras à ton père qu'il devra se montrer content. Vu le nombre de fois où je t'ai besognée, tu dois être grosse, et tout le monde n'a pas l'honneur d'élever le bâtard d'un comte. Saches-le. " Il l'embrassa une dernière fois, délicatement. Et elle le dévisageait d'un air si stupide qu'il la planta là, sans rien ajouter.

Pour rencontrer le baron, Adhémar choisit des chausses en laine d'agneau moelleuse gris-argent, des bottes souples de cuir noir et un doublet de velours noir brodé du lion ailé d'or d'Ydril. Il s'entoura le col d'une fine chaîne d'or, la taille d'une ceinture de cuir blanc où il enfila d'un côté un poignard, de l'autre une rapière, tous deux en fourreaux rayés noir et or. Après avoir éprouvé le du poignard sur son pouce, il tira de son aumônière une pierre à aiguiser et, en un tournemain, le peaufina. L'acuité permanente de ses armes faisait son orgueil. " Qu'à mon retour, ma chambre soit vide ", prévint-il les gardes en faction devant l'entrée de sa chambre, le tout en se gantant de soie noire délicatement brochée d'arabesques d'or.
Il regagna le donjon par une galerie couverte, emprunta une série de couloirs, gravit un escalier tournant qui menait à la loggia du baron et arriva enfin devant une porte bardée de fer, qu'un garde lui ouvrit.
Assis dans un fauteuil près de la cheminée, une jambe cassée, le baron
l'attendait là.

" Votre Grandeur. " Il referma la porte derrière lui.

Lorsqu’il avait déclenché sa venue à Arcani pour y faire le ménage parmi ses vassaux rétifs, le baron n’avait pas pensé à la suite que pourrait donnée de tels événements, et une suite, le conseil du régent en avait trouvée une toute faite, lui. Gregor de Hautetour était un militaire expérimenté, un vétéran. Les terres du jeune Allasten, l’héritier d’Ydril, se trouvaient à proximité de la frontière. De là à ce que l’on crie à la menace voilée d’une guerre, il n’avait fallut que quelques minutes. Et les pontes d’Ydril d’exiger une réponse sans tarder, contre l’avis d’ingérence que désapprouvait Adhémar… Il avait fallu calmer la situation. En tant que Régent d’Ydril, il était tenu de vérifier que les actions du baron ne cachaient pas d’intentions belliqueuses et Adhémar et Harnil avait convenu d’une rencontre diplomatique dont l’occasion officielle ne serait autre que le tournoi qui venait de se dérouler à Arcani. A présent que le tournoi était fini, les dernières évolutions politiques deviendraient l’enjeu de nouvelles joutes d’une toute autre nature.

Oui, délicieuse… si belle…si… désirable, répliqua Harnyll d'une voix un peu trop froide.

Adhémar se retourna et s'inclina devant le baron en souriant.

Naturellement, Votre Grandeur, je n'entendais aucunement vous manquer de respect, dit-il d'une voix amusée.

Le baron n'en avait pas l'air très convaincu, mais il n'insista pas.
Revenant aux affaires plus politiques. Il aborda d'abord le sujet de la guerre civile et le pouvoir du roi qui en était sorti renforcé. Ses paroles furent disséquées par Adhémar, qui préparait sa réponse en se caressant pensivement le menton. Plutôt que de répondre de suite aux propos du baron, il le laissait étaler son jeu, dévoiler ses cartes une à une et n'interviendrait qu'ensuite.

Harnyll poussa un soupir désenchanté et enchaina alors sur une proposition beaucoup plus alléchante. Un petit sourire ourla les fines lèvres du Régent. Avait-il bien compris le sous-entendu ? Il venait d'y avoir dans ces intonations quelque chose qui avait lui fait se dresser les cheveux sur la nuque: le profit. Adhémar acquiesça de la tête, il sourit. Il avait devant lui un seigneur opportuniste et malin.

Le Régent leva très légèrement un sourcil en écoutant les derniers propos du baron. Manifestement, Harnyll tentait de lui rappeler qu’il n’était qu’un régent, un comte temporaire et une autorité vouée à s'éteindre avec le temps. Il se tut, semblant réfléchir.

L'instabilité n'a rien à voir là-dedans. Votre Grandeur ne doit pas être surprise si votre remise à l'ordre a donner lieu à quelques remous de l'autre côté de la frontière... La nomination d'un vétéran, Gregor de Hautetour, près des terres de mon neveu a été mal perçu par mon conseil. Tout comme le peuple, qui c'est vite fait l'écho de cette crainte. Comprenez, baron, que l'attaque qu'a pu subir le port d'Ydril tout récemment, à donner lieu à un certain nombre de peur et de colère. Des peurs et des colères qui appellent des questions. Certains seigneurs malavisés pourraient profiter de la situation actuelle du royaume et du désordre qui y règne en y voyant comme une aubaine...

Adhémar s'était jusqu'ici amusé du petit jeu auquel semblaient se livrer les deux dirigeants et son amusement avait donner aux yeux du régent un éclat de jais. Mais à présent, les insinuations du baron se faisait plus directes et il n'y goûtait que très peu.

Ne voyez pas dans le jeune âge de mon neveu une cause d'instabilité ou de... "faiblesse" pour Ydril, Baron. La majorité du jeune Allasten ne viendra que dans une quinzaine d'année... D'ici là, mon neveu à le temps de se former à l'art ô combien subtil de gouverner et moi, de lui laisser les rênes de l'état dans les meilleurs conditions qui soit.

Il avait délibérément employé le terme de baron pour rappeler à son interlocuteur qu’il était le seul maître d'Ydril jusqu'à nouvel ordre, et comte, de surcroît. Au baron de s'en souvenir. Adhémar tenait les rênes de son état bien en mains. Il embraya ensuite sur la guerre civile que venait de connaître le royaume.

Ce n'est un secret pour personne, que menée comme elle le fut, cette rébellion était vouée à l'échec... Merwyn était un sot. Un incapable. On ne lance pas une rébellion sans savoir ce que l'on mettra à la place de celui qu'on détrône. Les rebelles n'offraient aucune alternative claire à laquelle se rallier pour les seigneurs du sud et du médian.

Adhémar marqua une pause et sourit.

S'ils avaient proposé de donner au roi un meilleur conseil, ou... au royaume de lui donner un remplaçant, qui sait ? Les choses en seraient peut-être aller différemment. Au lieu de ça, le roi prend pour le conseiller de simples roturiers, des traines savates... comme ce Lelland Gaunt, soupira Adhémar. Et cette engeance du bas peuple lui souffle dans l'oreille qu'il faut rogner les droits et privilèges de la noblesse ! Vous rendez-vous compte de la portée de cet édit ? La mise à égalité des nobles et des roturiers, rien de moins. Et jusqu'où cela continuera-t-il, je vous le demande ?

Le Régent croisa ses mains derrière le dos et fit un signe de tête en direction d'une carafe de vin.

Plus personne désormais n’a la force de remettre en cause l’autorité militaire du roi, c'est vrai. Mais si l'on ne peut forcer un monarque à danser au son d'un autre violon que le sien, peut-être peut-on l'influencer... C'est du vin de Hautval que vous buvez là ?



[Désolé pour la réponse, pas d'inspiration ce soir ]

Adhémar haussa un sourcil curieux devant la saillie du baron : Harnyll venait assez peu subtilement de lui rappeler qu’Ysari n’accepterait aucune remise n’en cause de son statut. Le tout sur un ton assez direct. Bien qu'il ne se rappela pas un seul moment l'avoir mit en doute, Adhémar préféra ne pas en prendre ombrage. Il n'était pas utile de déclencher une guerre entre ces deux voisins après... seulement cinq à dix minutes de discussion. Si le baron était soucieux de montrer au comte qu'Ysari était un état non moins soucieux de son intégrité, libre à lui. Mais c'était quelque peu inversé le problème, c'est bien Ysari qui avait nommé Gregor de Hautetour à ce poste après tout. Le Régent dirigea pendant un moment son regard vers son interlocuteur, comme plongé dans ses songes.

A dire vrai, le problème n'est pas aussi simple, répondit-il sans la moindre gêne à la mise en garde voilée mais néanmoins très directe d'Harnyll. Ma très regrettée sœur, les dieux la gardent, était d'un naturel suspicieux... et comment le lui reproché, après que notre cité aie été attaquée par des pirates... ou des corsaires. Sans oublier que le climat actuel du royaume n'est pas le plus propice à la confiance. Ma très regrettée sœur donc, a vu dans cette "nomination" un premier pion déplacé sur l'échiquier, dans le but de s'en prendre probablement aux terres de son jeune fils et très aimé héritier. Ce n'est un secret pour personne que Ysari c'est fortement renforcée militairement durant le règne de votre père, la chose a pu être prit comme une menace à venir: nous savons tout deux que Ydril et Ysari ont un lourd passé de contentieux... Aussi ma belle-sœur lorsqu'elle était régente, avait envoyer des troupes stationées dans certains passages. Oh, guère, rassurez-vous. Pas assez pour constituer une menace viable. Pour ma part, les troupes coûtent un prix pharamineux et restent en attente la lance à l'épaule. J'ai donc décider de réinvestir quelques uns des ouvrages de l'ancienne ligne de forteresses qui assuraient la défense d'Ydril.

Ces antiques forteresses jouaient un rôle fondamental dans la stratégie défensive des Ydrilotes en leur terre. L'un des comtes d'Ydril l'avait définit comme étant « la clef des terres d'Ydril ». Cette importance stratégique était due à deux facteurs principaux : leur position géographique et leur impressionnabilité supposée et avérée pour certaines, comme Blanchegarde, tant il est vrai que l'ancienne forteresse Ysaroise ne fut jamais reprise par la force après avoir été réduite par les Ydrilotes en des temps immémoriaux, puis rendu quasiment invulnérable par les travaux ultérieurs. Il n'en allait malheureusement pas autant de toutes les forteresses.
Mais la plupart étaient capable de tenir un siège long et coûteux à condition d'être bien approvisionnée et pourvus de quelques centaines d'hommes.

Comme vous le savez, cette ligne de fortifications est ponctuée de six forts, mais aujourd'hui, des garnisons permanentes ne subsistent que dans les trois principalles : les deux aux extrémités est et ouest, Blanchegarde et Rougefort et la plus grande au centre : Belcastel. Je me propose d'en renforcer la garnison et de réinvestir Gibelacar. Au nord de Belcastel. Ces mesures rassureront les sujets de mon neveu, ainsi que le Conseil et ne constitueront pas une menace conséquente pour Ysari du fait du peu de soldats en garnison. Du reste, c'est une décision que j'ai depuis longtemps proposé à mon frère, qui n'y voyait pas d'utilité... Mais la psychologie n'était pas vraiment l'apanage de mon frère.

Adhémar prit une petite gorgée, se la fit clapoter dans la bouche et l'avala. De l'eau rouge... se dit-il. Il n'en exprima pas moins un claquement de langue appréciateur afin d'indiquer que le vin avait reçu son approbation et afin de ne pas vexé son hôte. Se servant de nouveau, Adhémar prépara également un second verre qu’il amena à son hôte.

Il n'est pas mal en effet. Bien que... je lui préfère notre corsé d'Ydril. Aussi corsé que notre tempérament, dit-on. Le Régent sourit.

Sur ces mots, Adhémar se reversa une coupe de vin et concentra son attention sur les propos du baron. Harnyll lui proposait tout bonnement une alliance renforcée entre les riches greniers à grain d'Ysari et les puissantes guildes marchandes d'Ydril. En somme, un accord économique susceptible d'attirer du profit et le profit, c'est le premier amour de l'Ydrilote.

L'idée est alléchante - comme tout profit, soit dit en passant, sourit à nouveau Adhémar. Je gage, que notre Grand Argentier jetterait volontiers un œil attentif sur une proposition d'accord ou une ébauche de traité, si vous la lui soumettiez... Et je pourrai également la soutenir, le moment venu. Le Régent fit tournoyer doucement son vin et en sirota une nouvelle gorgée. Nous avons aussi besoin d'un importateur de blé. La domination d'Ydril sur la Terre Ferme est réduite, comme vous le savez tout particulièrement. Et si la cité - sans arrière-pays conséquent - importe des denrées alimentaires ; céréales, huile et vin qui font l’objet d’un monopole de l’État... nous manquons de blé...

Adhémar revint prendre ses aises contre le confortable fauteuil en face du baron et croisa les jambes l'une sur l'autre sans quitter son regard. Il se pencha un peu en avant et s'adressa au baron sur un ton de confidence, comme si ils étaient assis dans un confessionnal.

Que vous dit Messire ?

« L'Orgueilleuse », comme on la surnommait dans Diantra, était devenue le centre des échanges maritimes de Miradelphia. La citée dominait l'économie maritime de l'époque grâce à ses implantations de comptoirs sur les côtes et grâce à son influence notable dans les cités libres de la Gnollie. Ydril se trouvait au cœur du système de circulation le plus vaste de l'époque, étendu à la mer entière.
Elle s'adjugeait la plus grosse part des achats d'épices en provenance des contrées exotiques et elle était par excellence le revendeur de ces denrées précieuses au reste de Miradelphia, notamment au royaume, le plus gros consommateur. Les marchands Ydrilotes étaient actifs sur toutes les places commerciales, d'Ydril à Langehack, de Diantra à Serramire, des terres des nains aux cités libres et voyageaient jusque dans l'hors-Mira. Cette domination était assurée par la supériorité de la marine Ydrilote qui était le premier employeur du royaume humain et avait dans ses temps les plus prospères enregistré jusqu'à dix-sept-mille employés, la flotte marchande comptant alors vingt-cinq-mille marins.
Au fait de sa gloire, l'Orgueilleuse avait pu recenser trois mille navires marchands, deux cent navires de guerre. Ydril était alors au summum de sa puissance et le comte se comportait toujours et encore comme une gigantesque compagnie de navigation : tous les ans, il affrétait, sous son autorité, quinze à vingt vaisseaux de 300 à 500 tonneaux, navigant toujours groupés par deux ou quatre, vers les quatre coins du monde à la recherche de nouvelles denrées exotiques.
Depuis un millénaire, Ydril était une ville de marchands et ses institutions avaient été rédigées à leur profit. Le commerce avait contribué à sa puissance et sa puissance était associée à la mer. Ydril tirait la plupart de ses ressources d’impôts sur le commerce : des droits de vente et de transit la taxe ad valorem d’un vingt-quatrième exigée des caravanes, des droits d’importation et d’exportation. Ils possédaient aussi le produit de monopoles industriels (teinturerie, forge et acier, savonnerie, tannerie... ainsi que soie, épices, or, pierre précieuse et alun qu'elle exportait dans tout le royaume et par-delà). Des bruits et des rires en provenance du couloir vinrent interrompre leur discussion.

Je pense que notre frère va tenter de séduire la baronne si ce n'est pas déjà fait.

Tu as vu comment ils se regardaient? J'ai l'impression que ce n'est pas la première qu'ils se rencontrent.

Tu as raison...

Adhémar remarqua que ce petit échange avait fait grincer les dents au baron et il se demanda s'il s'agissait du jeune homme qu'il avait surprit dans une position assez embarrassante avec la vicomtesse, quelques instants plutôt. Ou d'un autre soupirant tel ce mystérieux chevalier d'Adamantine ? Quoi qu'il en soit, les propos avaient étés tenus devant son invité et voisin... ainsi que jusqu'alors potentiel rival. Une situation humiliante pour son hôte, tourné en ridicule dans sa propre demeure. Les mains jointes en pointe sous son menton, Adhémar émit un claquement de langue réprobateur, mais préféra s'abstenir de tout commentaire.