Au bout du chemin (pv Nicolaï)

" Bien-sûr. Si nous ne la voyons pas d'ici demain, elle sera au moins là à la fête. Elle est très...très stricte. "

Aïe. Nicolaï n'était pas tout à fait se qu'on pouvait appeler un noble très à cheval sur les convenances. Bien au contraire. Il était même plutôt du genre à ne pas en faire grand cas. Ça risquait des friction entre lui et la fameuse tante d'Aureane. Mais bon. D'un autre côté, il voyait surtout cette femme comme un genre de ceinture de chasteté ambulante.

S'il n'y avait que ça, pas de grands soucis à se faire.

Aureane lui adressa un de ses jolis sourire et se leva du banc.

" Allons dire à Père que vous acceptez ! "

Repassant prêt de la maison, ils récupérèrent avec eux Guilaine qui s'apprêtait elle aussi à partir pour les champs.

" Je t'accompagne ! J'allais voir Amaury de toute façon... il a oublié sa galette. "

Amaury...Nicolaï n'avait pas la moindre idée qui il pouvait être, mais quelque chose lui disait que c'était le fameux fiancée de la jeune femme. Aureane avait très brièvement parlé de cette histoire. Honnêtement, Nicolaï ne croyait pas un seul instant qu'un des paysans du village puisse avoir oublié sa galette avant de partir. Elle avait sans doute surtout envie de voir un peu son futur époux. Nicolaï eu un léger sourire.

Tout les trois remontèrent le long du chemin boueux pour arriver jusqu'au lieu où les villageois travaillaient.

" Tante Clémence va nous accompagner à Dyriet, "annonça Aureane.

Guilaine ne manqua pas de faire une grimasse et de jeter un coup d'œil un peu inquiet à Nicolaï.

" Oh... c'est... bien... "

Elle n'en pensait pas un seul mot. C'était tout à fait certain. Même Aureane mentait mieux que sa sœur à cet instant précis.

Ils arrivèrent tout les trois aux champs après quelques minutes supplémentaire de marche. Guilaine n'avait rien dit de plus sans doute Nicolaï l'impressionnait-il encore. Il n'aurait put en jurer, mais c'était tout de même fortement probable. Les hommes retournaient la terre pendant que les femmes derrière eux semaient les graines. Certains travaillaient en silence, d'autres chantaient pour se donner du courage. On voyait déjà là où les laboureurs étaient passé. La terre grignotée par le labour. Même si la tâche qu'il leur restait encore à faire était tout à fait titanesque.

Quelques personnes s'arrêtèrent de travailler lorsque Nicolaï arriva. Mais tous reprirent rapidement leur ouvrage. Guilaine avait fait un signe de main à un jeune homme un peu plus loin et les laissaient déjà pour e rejoindre à l'autre bout du champ. Aureane quant à elle fila directement vers son père en sautillant d'un sillon à l'autre. Nicolaï quant à lui restait planté là comme deux ronds de flan sans savoir quoi faire et surtout ne pas faire. Il avait été marmiton dans les cuisines d'Arcani, le page et l'écuyer de Gregor de Hautetour, s'était improvisé maçon et jardinier dans les travaux de reconstruction à Dyriet. Mais il n'avait jamais manipulé de charrue ou travaillé la terre.

" Oh Nicolaï ! Tu nous donnes un coup de main ? "

Il regarda qui l'avait appelé. C'était Colin avec ce désagréable air de défi collé au visage. Un air de défi que Nicolaï voulut effacer de ce visage. Il y eu quelques murmures outré alors que les villageois surveillaient la scène du coin de l'œil. Des regards choqué par cette demande. On ne demandait pas à un noble de venir se salir les mains à retourner la terre.

Oui mais voilà. Nicolaï avait une idée de la noblesse non validée par la plupart des mœurs de la société. En fait, par toute la société sauf lui si on y réfléchissait un peu.

" Je vais vous montrer, c'est pas compliqué. "

Tout le monde guêtait la réaction de Nicolaï du coin de l'œil. Qu'allait-il faire? Il n'y avait sans aucun doute qu'Aureane qui aurait put déjà le prédire. À la grande surprise de Colin, le chevalier remonta ses manches pour venir l'aider. Découvrant sans vraiment y faire attention les cicatrices qu'avaient laissé sur son avant bras droit les crocs du Gorlock. Et voilà Colin qui n'avait plus qu'à lui apprendre à faire des sillons droits.

Nicolaï, concentré sur sa tâche ne vis pas le regard que les autres travailleurs portaient sur lui changer du tout au tout. Il entendit le père d'Aureane déclarer:

" Tu vas aller voir immédiatement ta tante, Aureane, et la prévenir que l'affaire est entendue. "

La jeune femme s'apprêtait à repartir et adressa un petit signe de la main à Nicolaï. Sauf que Colin intervint avant qu'il ait eu le temps de faire ou de dire quoi que se soit.

" Je t'accompagne, Aureane, il faut que je vois ma mère au village. Garder la charrue un peu plus ne vous abimera pas trop les mains, j'espère. "

Nicolaï grogna. Le défi et le ton narquois à peine voilé de Colin commençait doucement à l'énerver. Comprenant que Nicolaï n'abandonnerait pas et ne lâcherait pas cette fichue charrue, il rejoignit la jeune femme avec un air triomphant plaqué sur le visage. Bon sang se qu'il aurait aimé pouvoir lui éclater la boite crânienne d'un coup de bêche bien placé. Légèrement à cran, Nicolaï poussait aussi fort qu'il pouvait pour faire avancer la charrue avec un certaine dose de colère dans ses yeux de métal.

" A tout à l'heure ! " lança finalement Aureane.

La charrue faisait des siennes, Nicolaï se débrouillait tout seul. Personne ne venait l'aider, sans doute pour voir comment il était capable de s'en sortir tout seul. Et puis de toute façon, énervé comme il était de s'être fait avoir de la sorte, il aurait sans doute envoyé balader quelqu'un qui lui aurait proposé son aide.

Colin refit son apparition aux environs du déjeuné. Aureane n'était pas là. Il fallut un peu de temps pour que Nicolaï décide de lâcher la charrue qui était définitivement un excellent moyen de passer ses nerfs sur quelque chose. Enfin. Sans avoir à distribuer des coups de poings dans la vigure de Colin se dont il fallait bien avouer qu'il rêvait. Nicolaï partagea un peu de pain et être une espèce de cidre dilué. Avec les autres travailleurs. Il avait totalement oublié de rabaisser ses manches et tout le monde put profiter de la vu de son bras droit. Colin était de bonne humeur et plaisantait d'une voix forte, faisant rire tout le monde et, il faut bien l'avouer, finissant par tirer un sourire à Nicolaï. Lorsqu'il fut question de se remettre au travail, le chevalier eu la surprise de constater qu'il avait été intégré au groupe. Se n'était plus un invité gênant ou un peu encombrant comme la veille et le matin. Le jeune homme retourna donc ravis à sa charrue. Ravis d'avoir été ''adopté'' et d'avoir quelque chose à faire, lui qui détestait rester inactif très longtemps.

En fin d'après-midi, le travail cessa. Chez Aureane, il régnait une certaine effervescence on préparait apparemment la fête pour les fiançailles de la jeune femme. Ça sentait très bon tout ça. Des planches et autres tréteaux étaient apportées pour dresser d'autres tables. Il y avait pas mal de gâteau soit qu'on enfournait, soit qu'on sortait. D'où cette délicieuse odeur. Nicolaï avait vaguement remarqué qu'il manquait une ou deux têtes qu'il connaissait, mais la famille d'Aureane était tellement grande qu'il n'était même pas certain de ça. Tout cela était tout à fait joyeux. Certes, il y eu quelques murmures et on se calma quant on s'aperçut que le chevalier était de retour. Mais se qui s'était déroulé dans le champ était apparemment vite remonté aux oreilles du reste du village. La plupart des gens trouvaient le comportement de Nicolaï sans le moindre reproche. Il ne s'était pas contenté de rester dans son coin sans rien faire. Il avait mit la main à la patte. Bon. On avait toujours quelques critiques. Mais on ne peut pas plaire à tout le monde non plus. Et surtout, on entendait plus le mot ''sorcière''.

Difficile d'imaginer un repas plus énergique. Même à Dyriet on en était pas là. Tout le monde allait et venait dans tout les sens. Agathe demandait sans arrêt l'avis de Nicolaï sur les plats ou l'organisation de la table. Le jeune homme eu un instant de satisfaction tout à fait agréable quant il constata que Colin serait placé à une distance assez respectable de lui et Aureane. Bien sur, Nicolaï ne faisait pas de critiques négatives. Mais c'était sincère. Et Agathe en était tout à fait ravie. La petite soeur d'Aureane, Justine, suivait Nicolaï partout en lui posant toute sorte de questions semblant presque se sentir fautive à chaque fois qu'elle en posait une nouvelle. Nicolaï était ravis de répondre. Et même ravis tout court de l'ambiance qui régnait ici.

Petit à petit, les voisins quittèrent les lieux et il ne resta sur place que la famille d'Aureane. Edward ne tarda pas à envoyer tout le monde au lit. On lui fit également gentillement comprendre qu'il fallait qu'il regagne la grange, se que Nicolaï fit après avoir salué tout le monde et receptionner le discret ''bonsoir'' d'Aureane.

* * *

Sable.

Mort.

Sang.

Fer.

Le fer de l'épée rencontrait le fer de la hache dans de grandes gerbes d'étincelles qui mettaient le feu au désert.

Le sable était brûlant. Brûlant comme le soleil.

Et Veshork riait alors que sa terrible hache de guerre déchirait son flan.

Nicolaï tombait, crachant du sang.

* * *

Le chevalier se réveilla en poussant un cris:

« Veshork !!! »

Le souffle court, il regarda autour de lui. Non. Tout allait bien. Il était dans la grange. Veshork était mort. Le désert loin derrière eux. Le village était calme. Pas un seul bruit ne venait perturber le silence. Tout était calme. Ils étaient en sécurité lui et Aureane.

Se forçant à respirer calmement, Nicolaï se rallongea sur son lit improvisé pour tenter de dormir se qu'il lui restait de nuit. Il y avait beaucoup de choses qui l'attendaient demain.

Au petit matin, comme la veille, Damien apparut pour porter de quoi se laver à Nicolaï, même s'il ne fut visiblement pas question de se changer.

" Euh...il avait quelque chose à ajouter, mais était encore un peu hésitant avec le chevalier. La fête commencera à midi et durera jusqu'à la nuit... Si vous voulez, je vous prêterai une de mes chemises et un chapeau... pour la fête... "

C'était une offre généreuse pour le paysan qui n'avait pas grand chose. Mais il était heureux de faire ça pour sa sœur. L'information donnée, il disparut à nouveau.

Dehors, il y avait déjà de l'agitation chez les Eldons. Aidés de quelques voisins, ils dressaient les tables à l'arrière de la maison, l'idée étant de tout déplacer dans la grange si le temps tournait, car le soleil jouait à cache-cache avec les nuages. Des enfants tressaient des guirlandes de fleurs pour décorer les tables et trois jeunes gens se mettaient d'accord sur les airs à interpréter avec leurs flutes de roseaux. Les voisines commençaient à apporter des gâteaux cuisinés la veille, les plats arrivèrent plus tardivement car ils avaient besoin de mijoter. Il y avait de plus en plus de monde et les gens commençaient à retourner chez eux pour en revenir en habits de fête. Pour être honnête il n'y avait pas grande différence avec ceux qu'ils portaient habituellement, mais on remarquait des couleurs plus vives, des broderies discrètes et des tabliers qui avaient vocations à faire joli plus qu'à protéger les vêtements.

Justine avait décidé de servir de guide à Nicolaï et lui expliquait à quoi correspondait chaque plat, lui disait un mot sur les personnes présentes. Untel était fâché avec la famille, c'était pour cela qu'il détournait sans cesse le regard, une telle n'aimait pas les étrangers et elle s'exprimerait sans doute dans une espèce de patois local dès que Nicolaï serait à proximité. Ce ne serait d'ailleurs pas la seule, il pouvait déjà s'en apercevoir. Apparemment, tout le monde, sous couvert de célébrer les fiançailles, ne s'entendait pas si bien que ça et les tensions étaient nombreuses. La plupart des gens, exceptés ceux qu'il avait déjà rencontrés, ignoraient simplement le chevalier pour plus de simplicité. Finalement, Agathe rappela sa fille qui devenait trop bavarde à son goût et Nicolaï se trouva seul au milieu de l'agitation. Les femmes qui lui avaient témoigné tant d'attention lors de son arrivée se tenaient tranquilles à présent qu'elles étaient en présence des hommes de leur famille.

Aureane avait salué Nicolaï d'un grand sourire réjoui dès qu'elle l'avait vu, mais semblait trop accaparée par les préparatifs pour lui dire un mot. A chaque fois qu'elle voulait s'approcher de lui, on lui demandait quelque chose. Une nuée de filles de tout âge lui tournait sans cesse autour en lui posant des questions sur son fiancé auxquelles elle essayait de ne pas avoir à répondre, toute gênée.

Elle finit pourtant par réussir à s'éclipser un instant, contournant la grange, lorsqu'un jeune homme fit son apparition. Apparemment, elle n'avait pas vraiment envie qu'on les voit ensemble. Mais comme toujours dans ce village, ils ne purent être assez discrets et Edward ne tarda pas à s'apercevoir de l'absence de sa fille. Il ne dit pourtant rien et prit un air pincé. Les deux jeunes gens refirent leur apparition un instant plus tard, rejoints bientôt par Colin qui semblait aimer le jeune homme au moins autant qu'il appréciait Nicolaï. Glissant quelques mots à Aureane, celle-ci le regarda en haussant les épaules puis termina de disposer des bouteilles sur les tables avant de parvenir enfin à rejoindre Nicolaï.

" Avez-vous bien dormi ? "

Elle souriait, radieuse. Elle avait bien le droit de lui parler, le jour de ses fiançailles, tout de même.

" Ma tante ne devrait pas tarder... voulez-vous que je vous apporte les affaires de Damien pour vous préparer ? Il sera bientôt midi, nous avons juste les temps de nous changer, nous pourrons la saluer ensuite ? "

Elle l'entraina dans la maison à présent vide et grimpa à l'étage pour y dénicher les affaires de son frère. Le calme qui réglant là par rapport à l'extérieur faisait du bien. Elle lui rapporta sans tarder une chemise qui avait meilleure allure que celle qu'il portait et un chapeau à la mode du coin avec une plume.

" Voilà... je vais remonter me changer... nous pourrons accueillir ma tante ensemble. "

Il y avait une nuance d'interrogation dans sa voix, n'étant jamais certaine de ce que pouvait en penser le jeune homme. En tous cas, elle paraissait d'excellente humeur et impatiente de participer à la fête.

Aureane fronça légèrement les sourcils lorsque le jeune homme prétendit avoir bien dormi. Elle le connaissait suffisamment bien pour s’apercevoir que ce n’était pas forcément tout à fait vrai. Mais, fidèle à elle-même, elle n’insista pas et l’entraina à sa suite dans la maison. Elle ne cessait plus de sourire, enchantée à l’idée de cette fête qui annonçait leur mariage. Lorsqu’il lui dit de se dépêcher, elle hocha la tête et disparut pour se préparer. Justine entra un instant plus tard et la rejoignit pour mettre aussi ses vêtements de fête.
Près de la cheminée, une voix s’éleva soudain.

" Ma fille, la petite Clémence, n’est guère facile à émouvoir, remarqua la grand-mère que tout le monde semblait avoir oublié dans son fauteuil et qui se faisait un malin plaisir de garder les oreilles grandes ouvertes. Il vous faudra vous montrer plein de sagesse et de pondération avec elle, jeune homme. "

La porte d'entrée s'ouvrit :

" Vous ne croyez pas si bien dire, mère, " répondit aussitôt la femme qui venait d’entrer.

D’une quarantaine d’années, austère, elle portait une robe noire délavée et une coiffe stricte. Elle observa Nicolaï avec attention, sans l’ombre d’un sourire.

" Seigneur KalonErc’h, c’est un plaisir de vous rencontrer. "

C’était dit sur un tel ton qu’il était évident que ce n’était pas vrai. On se demandait même si elle avait la moindre idée de ce que le mot "plaisir" signifiait, mais étant donné son expression sévère on n’avait pas vraiment envie de le lui demander. Et puis, à défaut d'être aimable, elle n'avait pas l'air spécialement hostile, juste incroyablement sèche.

" Clémence Eldon, je suis la tante d’Aureane, " compléta-t-elle en esquissant une légère révérence.

Aureane choisit ce moment pour redescendre. Elle avait gardé sa robe, n’ayant rien de mieux à porter, mais y avait ajouté un châle et tablier légèrement brodés. Sa sœur lui avait tressé les cheveux et les avait ornés d’un ruban coloré. Le sourire resplendissant qu’elle affichait depuis le matin s'atténua pourtant considérablement lorsqu’elle vit sa tante et elle descendit les derniers barreaux de l'échelle en hésitant.

Clémence ne lui laissa pas le temps de prononcer un mot. Sitôt qu’elle la vit, elle la toisa des pieds à la tête, puis acquiesça pour elle-même.

" Bien, te voilà présentable, il ne… se coupant subitement, elle alla lui prendre vivement la main et posa les yeux sur le fil qui était lié à l’un de ses doigts. Hum ! Qu'est-ce que... puis n'osant comprendre, elle bredouilla, indignée, ba... bague de fiançailles ? "

Elle ne semblait pas apprécier beaucoup la qualité du "bijou", mais si elle foudroya la jeune fille du regard, elle n’osa rien dire à Nicolaï. Aureane se contenta de baisser la tête en rougissant, embarrassée, tandis que sa tante, que rien ne semblait pouvoir arrêter, la poussait dehors :

" Vous devriez déjà accueillir les invités ! "

Puis elle les abandonna, allant auprès de sa mère pour l’aider à rejoindre les festivités.

Sitôt dehors, ce fut à nouveau l’agitation de la fête. Les invités arrivèrent en masse et Aureane chassa sa tante de ses préoccupations et entreprit de faire les présentations pour Nicolaï qui n’arriverait sans doute jamais à tout retenir d'un coup. Le jeune homme qu’il avait vu avec Aureane un peu plus tôt se révéla être l’un de ses frères, Beaudoin, mais, cette fois, elle garda une distance prudente avec lui, pour le grand plaisir de leur père. Tout le monde surveillait tout le monde, mais finalement on se tolérait les uns les autres le temps de boire, manger et danser tous ensemble et il y avait une relative bonne ambiance.

Nicolaï et Aureane furent installés à ce qui devait être les places d’honneur et si la jeune fille était visiblement gênée de toute cette attention, elle était trop heureuse pour faire attention au fait qu'elle rougissait sans cesse pour un oui ou un non. Agathe dirigeait les opérations pour servir les convives et tout le monde se mit bientôt à manger en bavardant. On ignorait soigneusement Nicolaï tout en l'évitant : avec les nobles, on ne savait jamais. Ça voulait faire ami-ami et tout à coup, ça se révélait bien plus dangereux qu'il n'y paraissait. Mais bon, s'il se mariait à la petite des Eldon, on voulait bien le tolérer : qui savait ce que cela pourrait apporter au village, à l'avenir ?

Assise en face de Nicolaï, Aureane ne parlait pas beaucoup mais lui jetait régulièrement des petits sourires un peu nerveux. Sa tante s'était installée à côté d'elle et gardait un air impassible à tout ce qui pouvait se passer... jusqu'à ce que Justine, assise à sa gauche, ne fasse une plaisanterie de trop et se prenne un soufflet magistral qui lui fit retenir et ses larmes et plonger le nez dans son assiette jusqu'à la fin du repas. Pour Aureane, cela jeta un froid et elle se mit aussi à fixer son assiette. Personne d'autre ne semblait avoir pris garde à la réprimande d'une gamine de huit ans qui aurait effectivement mieux fait de se taire. Cette dernière quitta la tablée dès qu'elle en eut l'occasion, sous prétexte d'aider sa mère.

Colin n'avait pas été placé à proximité des fiancés, mais l'absence de la fillette fut une aubaine : il ne tarda pas à s'installer à sa place avec un grand sourire.

" Guilaine, Amaury te fait dire qu'il aimerait que tu lui réserves ta première danse, tout à l'heure. "

L'intéressée hocha la tête, ravie, mais elle se doutait que ce n'était là qu'une bonne raison pour Colin de se rapprocher du bout de la tablée. En effet, il semblait avoir surtout envie de discuter avec Nicolaï.

" Eh bien, en voilà une ambiance morose ! fit-il en voyant la tête que faisait Aureane suite au départ de sa petite sœur. Et si vous nous parliez un peu de votre château, Nicolaï, pour faire rêver un peu tout le monde ? "

Il avait l'air sincèrement intéressé et avait décidé de passer outre le coup d'œil agacé de la tante. Taquin, il ajouta en riant :

" Aureane va se retrouver à la tête de toute une armée de domestiques, je me trompe ? "

La jeune fille se remit à rougir, gênée, ne sachant que répondre. Si Colin mangeait une part de tarte à belles dents, elle avait finalement à peine touché à la nourriture, trop mal à l'aise devant toute cette assemblée qui se préoccupait bien trop d'elle à son goût. Clémence, elle, ne perdait pas une miette de la conversation, délaissant aussi son repas : celui qu'allait épouser sa nièce était-il un si bon parti que cela ? Quand elle voyait ce qui faisait office de bague, elle en doutait un peu. Et si la petite avait une fois de plus pensé avec son cœur plutôt qu'avec sa tête ? Pressé de la marier vu son âge déjà avancé, son père faisait trop confiance. Le reste des convives les plus proches, essentiellement de la famille, tendaient aussi l'oreille, curieux de savoir si Aureane allait ou non se transformer en princesse.

Aureane gardait à présent toujours ce jolis sourire aux lèvres. Elle semblait tout à fait ravie que cette fête annonce le mariage. Elle hocha la tête et disparut immédiatement à l'étage quant il lui dit qu'il fallait qu'elle se dépêche un peu. Justine entra quelques instants plus tard et rejoignit sa sœur. Sans doute pour l'aider un petit peu et se changer elle aussi. Tout le monde était en train de se faire beau et il était normal que les filles Eldon (particulièrement les filles Eldon d'ailleurs) fasse de même. Après tout, on célébrait des fiançailles aujourd'hui.

Le jeune homme sursauta légèrement en entendant une voix qui s'élevait prêt de la cheminée.

" Ma fille, la petite Clémence, n’est guère facile à émouvoir. Il vous faudra vous montrer plein de sagesse et de pondération avec elle, jeune homme. "

Sagesse et pondération? Mouai. En général, se n'était pas les thermes que l'on utilisait le plus souvent pour le définir. Tout Diantra avait put en être témoin d'ailleurs.

D'un seul coup, la porte d'entré s'ouvrit et Nicolaï manqua de sursauter à nouveau. Bon sang, on s'était passé le mot aujourd'hui ou quoi?

" Vous ne croyez pas si bien dire, mère. "

Nicolaï eu comme un tic nerveux à l'oeil en appercevant la femme qui venait d'entrer. Aïe. Ils étaient mal barré. D'instinct, le chevalier se sentit le poil se hérriser face à cette femme. Tipiquement le genre de personne qui l'énervait et dont il supportait assez mal la présence. Une Anne de Hautetour à la mode de Trois-Chemins en résumé. Une quarantaine d'année, l'air froid, sec et haustère, une robe noire et une coiffe arrangée avec la plus grande rigueur.

*Toi et moi, je sens qu'on est pas partit pour une grande histoire d'amour.*

Le regard limite dédaigneux qu'elle lui lança acheva de confirmer cette idée. Oui oui. Je sais. C'est du délis de sale gueule et c'est pas bien du tout du tout du tout. Je me repend et me répand. Enfin, avouez que certaines fois, les apparences se confirment parfaitement. Et rien dans les quelques mots qu'avait prononcé Clémence ne démentaient pas vraiment cette impression.

" Seigneur KalonErc’h, c’est un plaisir de vous rencontrer. "

Bon. Au moins les bases étaient posées, elle aurait sans le moindre doute préféré qu'il ne mette jamais les pieds à Trois-Chemins. Bon. C'était quoi son problème à elle? Vieille fille? Le mari allait pêcher à droite à gauche? On n'était jamais aussi aigri par nature. Se n'était tout simplement pas possible. D'un coup, il comprenait bien mieux la grimace de Guilaine la veille quant on lui avait dit que cette femme allait les accompagner à Dyriet. Bon. Il fallait dire au moins qu'elle n'était pas particulièrement hostile pour le moment. Peut-être qu'elle n'était pas si mauvaise qu'elle en avait l'air quant on la connaissait un peu.

" Clémence Eldon, je suis la tante d’Aureane. "

« Ravis de faire votre connaissance, déclara Nicolaï avait autant de conviction qu'il pouvait. Vous savez déjà qui je suis apparemment. »

Aureane descendit à ce moment. Toujours vêtue de son éternelle robe bleue, elle avait ajouté à sa tenue un petit châle ainsi qu'un tablier arborant de très légères bordures. Ses cheveux avaient été tressé et orné d'un ruban. Elle avait sans le moindre doute eu recours à l'aide de sa sœur pour se qui était de la coiffure. Son sourire si radieux pourtant se fana au moment ou elle aperçut sa tante. La descente des dernier barreaux se fit dans l'hésitation.

Aussitôt qu'elle eu posé le pied par terre, elle fut soumise à un examen rapide de sa tante qui fini par acquiescer.

" Bien, te voilà présentable, il ne…''

Cette coupure ne pouvait être qu'une mauvaise nouvelle en perspective. Clémence se précipita sur Aureane et lui prit la main, ouvrant de grands yeux en regardant le fil qui se trouvait noué à l'un de ses doigts.

''Hum ! Qu'est-ce que... ba... bague de fiançailles ? "

Apparemment, elle trouvait ce bijou tout à fait médiocre. Il fallait bien lui rendre raison, il était pitoyable. Enfin. Ce n'était pas à Aureane de se faire foudroyer du regard. C'était à lui. Alors qu'elle ne passa pas ses nerfs sur elle cette harpie. Si elle voulait trouver un fautif, qu'elle ose seulement le regarder lui.

Aureane baissait la tête en rougissant. Nicolaï s'apprêtait à dire quelque chose. Mais il s'arrêta. Une petite vois dans sa tête lui criait que s'il voulait s'opposer à cette femme, il fallait qu'elle attende un petit peu. Attendre d'être sur son propre terrain à Dyriet. Là ou il pouvait éditer sa propre loi dans sa demeure. Ici, il n'était qu'un invité. Cela aurait été mal se comporter que d'émettre une critique. Toute justifiée soit-elle.

Déjà Clémence les poussaient dehors.

" Vous devriez déjà accueillir les invités ! "

Sitôt qu'elle les eu lancé dans la cage aux fauves, elle disparut pour aller apporter son aide à sa mère.

À l'instant ou Nicolaï et Aureane sortirent, l'agitation de la fête les happas sans la moindre pitié. Nicolaï se retrouva très rapidement face à un tourbillon de visage et de noms. Aureane faisait les présentations. Jamais il ne pourrait retenir le nom de tous ces gens. C'était tout simplement impossible. Le jeune homme qu’il avait vu avec Aureane un peu plus tôt était en réalité l’un de ses frères. Beaudoin. Sans doute le maris de la descendante du cousin avec qui l'arrière grand père s'était fâché. Ou quelque chose de ce genre là en tout cas. L'ambiance en apparence conviviale était en réalité assez tendue et semblait menacer de tourner à ''Règlement de compte à OK Coral'' d'un moment à l'autre. Heureusement, les gens savaient enterrer la hache de guerre ou tout du moins, le faire croire. Aussi, l'ambiance fut assez rapidement très joyeuse et cette impression disparut.

Nicolaï et Aureane furent installés à ce qui devait être les places d’honneur. Logique en même temps. C'était tout de même leurs fiançailles qu'on était en train de célébrer. Aureane rougissait pour un oui ou pour un non et semblait plus heureuse que jamais. Nicolaï quant à lui s'efforçait de faire la conversation à son voisin de table, mais au bout du dixième ''messire'', il préféra laisser tomber et se contenter de suivre les conversations des autres. Agathe, en chef d'orchestre autoproclamé dirigeait tout ce cirque de main de maître. Le jeune homme ne faisait plus vraiment attention au fait qu'on l'évitait ou qu'on tentait de faire comme s'il n'était pas là. C'était comme ça depuis son arrivée, il n'y avait pas de raison que cela change. Certes, ils devaient se dire que ce jeune homme à l'air calme était plus dangereux qu'il n'en avait l'air. Surtout si la rumeur sur ses cicatrices s'était répendu. En effet, les cadavres des Gorlock et d'un certain nombre de personnes pouvaient témoigné qu'il était plus dangereux qu'il ne le semblait au premier abord. Mais bon. Il célébrait ses fiançailles. Il n'était pas menacé. Alors il n'avait pas l'intention de faire quoi que se soit de particulier.

Assise en face de Nicolaï, Aureane ne parlait pas beaucoup. Comme toujours pouvait-on dire. Clémence s'était installée à côté d'elle et gardait un air impassible. Difficile de savoir se que cette femme pouvait bien avoir en tête. Soudain, sans que rien ne puisse le prédire, Justine, assise à la gauche de Clémence, fit apparemment la plaisanterie de trop et prit un soufflet qui lui fit retenir et ses larmes aux yeux et plonger le nez dans son assiette. Cela jeta instantanément un froid du point de vue du chevalier. Il sera les poings. Personne ne semblait avoir pris garde à la réprimande d'une gamine de huit ans qui aurait dut se taire. Justine quitta d'ailleurs la table dès qu'elle eut l'occasion. Nicolaï restait aussi impassible que possible.

Aucune réaction de la part du reste du village. Il allait falloir la jouer un peu plus fine qu'à l'accoutumer. Mais Clémence risquait de ne pas aimer. Si ce genre de réprimande était toléré ici, se ne serait pas le cas à Dyriet.

En bon parasite, Colin profita du départ de Justine pour venir prendre la place de cette dernière à côté d'Aureane. Toujours avec son air satisfait de lui même.

" Guilaine, Amaury te fait dire qu'il aimerait que tu lui réserves ta première danse, tout à l'heure. "

La jeune femme hocha la tête, visiblement ravie. Hum. Non mais honnêtement. Est-ce qu'il espérait vraiment faire gober que c'était pour cette raison qu'il était venu les rejoindre? Et comme les fois précédente, Colin semblait très intéressé par le chevalier.

" Eh bien, en voilà une ambiance morose ! Et si vous nous parliez un peu de votre château, Nicolaï, pour faire rêver un peu tout le monde ? "

Il avait l'air sincère. Mais c'était aussi le cas la veille. Difficile de savoir se qu'il voulait cette foix-ci. En effet. Était-il vraiment interessé ou metait-il en place un nouveau teste?

" Aureane va se retrouver à la tête de toute une armée de domestiques, je me trompe ? "

Aureane se remit à rougir. Pour être honnête, Nicolaï ne savait pas se qu'il devait répondre à cela. Il lui fallait trouver une réponse et rapidement. Sinon ça allait finir par être un peu étrange cette histoire. Clémence, ne perdait pas une miette de la conversation. Forcément me direz vous. Tout le monde l'écoutait. On cherchait sans le moindre doute à savoir si il était un si bon partit pour Aureane. En tout cas, c'était au moins le cas de Clémence et d'Edward. Et tout le village écoutait. Curieux de savoir.

Bon. Il n'avait pas le choix. Il allait devoir débâler toute l'histoire.

« Mon château...en fait, c'est un peu plus compliqué que cela. Déjà, se n'est pas vraiment un château. En tout cas, pas une forteresse. C'est, un sorte de très grande maison plutôt... »

*Avec trois bâtiment, des jardins et la propriété qui doit faire à peu de chose prêt la taille du village.*

« Manoir si vous préférez. Enfin bref. C'est le baron d'Ysari, Harnyll de Hetalia, qui me l'a confié. Il avait appartenu à un traitre. Un homme qui rançonnait les passant sur la route assez proche de la propriété et les villages alentours. C'était surtout un geste politique pour montrer que le temps des félons était terminé. Lorsque la nouvelle de l'exécution du traitre était arrivée aux oreilles des villageois qui avaient eu à souffrir de cette histoire sinistre, ils ont pillé le manoir. Harnyll, en me mettant à cette place voulait me tester. Et regagner la confiance des gens de la région. »

Nicolaï marqua une petite pose.

« Objectif atteint pour ces deux choses. Malgré quelques difficultés avec des anciens partisans du traitre, reconvertit en bandits. »

Instinctivement, Nicolaï passa sa main sur son épaule, comme pour la masser. Personne ici à l'exception d'Aureane ne savait que c'était là que la hache de Veshork avait entamé sa chair. Ce geste eu la conséquence malheureuse de faire légèrement glisser sa manche, réfélant en partie les cicatrices sur son bras droit. Il remit rapidement sa manche en place. Mais pour qui l'avait regardé avec attention, les cicatrices avaient dificiment put lui échapper.

« Il y a encore du travail avant de pouvoir prétendre à une armée de domestiques. Et je ne crois pas qu'Aureane serait très à l'aise dans cette situation. Je lui ai promis sa bibliothèque. Je commencerais par tenir cette promesse. »

Il attendit quelques secondes.

« Et je ne suis pas très à l'aise non plus lorsque l'on parle de domestiques. Mais ça, c'est plus...personnel. Donc non. Désolé de te contredire Colin. Pas d'armée de domestiques. »

Le jeune homme fit un sourire à son interlocuteur.

« Le récit concernant le tournois royal de Diantra est plus prompt à faire rêver à mon avis. »

" Mon château... en fait, c'est un peu plus compliqué que cela. Déjà, ce n'est pas vraiment un château. En tout cas, pas une forteresse. C'est une sorte de très grande maison plutôt... "

Les convives se regardèrent, perplexes. Ils avaient tous imaginé un château, sauf peut-être Guilaine qui avait davantage échangé avec Aureane.

" Manoir si vous préférez. Enfin bref. "

Ah oui, ils préféraient ce terme, ça sonnait bien mieux. Eh puis bon, on n’appelait pas "seigneur" le propriétaire d’une grande maison, autrement ils auraient tous habité dans leur grange.

" C'est le baron d'Ysari, Harnyll de Hetalia, qui me l'a confié. "

Chouette, il était à présent question d’un baron ! C’était presqu’aussi bien que d’introduire un dragon dans l’histoire. Et puis, les barons, ils existaient pour de vrai, ce n’étaient pas des légendes juste bonnes à faire peur aux petits enfants. Les gens dressèrent l’oreille, même ceux qui n’étaient pas juste à côté.

" Il avait appartenu à un traitre. Un homme qui rançonnait les passants sur la route assez proche de la propriété et les villages alentours. C'était surtout un geste politique pour montrer que le temps des félons était terminé. "

On échangea des regards, même si tout le monde restait suspendu aux lèvres du jeune homme. Ils comprenaient que les temps avaient dû être difficiles si les gens se faisaient agresser dans leur propre village.

" Lorsque la nouvelle de l'exécution du traitre était arrivée aux oreilles des villageois qui avaient eu à souffrir de cette histoire sinistre, ils ont pillé le manoir. Harnyll, en me mettant à cette place voulait me tester. Et regagner la confiance des gens de la région. "

Personne ne dit mot, les gens essayant d’imaginer Nicolaï tentant de se faire accepter des villageois.

" Objectif atteint pour ces deux choses. Malgré quelques difficultés avec des anciens partisans du traitre, reconvertis en bandits. "

Aureane blêmit à ce souvenir, mais personne n’y prêta attention. Elle n’avait pas vraiment envie que Nicolaï se lance dans le récit des détails. Voir ses cicatrices ne pouvait que la conforter dans cette idée. Elle ne voulait plus avoir à y penser. Elle retrouva néanmoins ses couleurs et un petit sourire timide lorsqu’il fut question de bibliothèque. Mais il avait raison, elle était gênée à l’idée d’avoir le moindre domestique et même le fait de parler de la bibliothèque la mettait mal à l’aise vis-à-vis de sa famille. C’était un luxe impensable.

" Et je ne suis pas très à l'aise non plus lorsque l'on parle de domestiques. Mais ça, c'est plus...personnel. Donc non. Désolé de te contredire Colin. Pas d'armée de domestiques. "

L’interpellé haussa les sourcils, rétorquant gentiment :

" Oui, j’imagine aisément Aureane prendre en charge un manoir entier ! Ce sera bien pratique ! "

Il plaisantait, certaines personnes se mirent à rire et il y eu quelques bavardages qui commentaient l’histoire des traitres. Ils devaient se rendre à l’évidence, que par chez eux, le village était tellement perdu, qu’ils ignoraient tout ce qui pouvait se passer en haut lieu.

Mais Colin était prêt à poursuivre la conversation et il se tenait prêt à rebondir sur la dernière phrase, au grand désespoir d’Aureane qui jeta un coup d’œil discret mais clairement implorant au chevalier.

" J’aurais bien aimé y assister, remarqua Damien avec enthousiasme. C’est là que vous avez gagné vos cicatrices ? "

Il se calma un peu sous le coup d’œil de rappel à l’ordre de sa tante. Mais Colin était prêt à prendre la relève :

" Ce doit être fabuleux de voir un tel spectacle, encore plus d’y participer ! Y avait-il beaucoup de monde ? "

" Dis, pourquoi t’es pas venu habillé en chevalier, messire ? demanda soudain un petit garçon barbouillé de confiture qui se faufila sur le banc où était installé Nicolaï. Il est où ton cheval ? "

Une jeune femme surgit aussitôt pour le prendre dans les bras et s’excuser en bafouillant de l’interruption. On écouta ce que voulait bien raconter encore Nicolaï, puis on discuta encore un peu en mangeant, les gens commençant à oser parler au chevalier sans craindre ses foudres. Damien l’avait définitivement adopté comme futur beau-frère et prétendait à présent en faire un parfait laboureur. Le énième vin de cidre devait sans doute aider à ce qu’il dise tout haut ce qu’il avait pu penser tout bas, mais au moins c’était une sincère camaraderie qu’il s’employait à développer. Malgré la présence de sa tante, les questions de Colin et ce que Nicolaï pouvait évoquer comme souvenir, Aureane avait retrouvé le sourire à l’idée de ce que représentait cette fête.

Le repas en lui-même ne dura pas très longtemps car il n’y avait pas tant de nourriture que cela pour le nombre de personnes présentes. Presque pas de viande, mais beaucoup de plats à base de céréales ou de farine de châtaigne. Nicolaï était servi en priorité mais c’était toujours moins copieux que ce qu’Aureane avait pu cuisiner à Dyriet. On resta pourtant un long moment à table, car les histoires de Nicolaï divertissaient tout le monde. Puis la grand-mère prit la parole pour raconter l'histoire bien connue de Marozia et Merlin, les deux amoureux. Aureane écoutait tranquillement, bien qu'elle connaisse par cœur le récit que son aïeule ressortait à chaque repas de fiançailles.

Puis lorsque tout le monde eut bien digéré, il fut soudain question, parmi les jeunes gens, des jeux qu'ils projetaient de faire pour animer un peu l'après-midi avant que ne commencent la soirée et les danses. Le débat ne dura pas très longtemps et il fut bientôt question de lancer une partie de soule. Colin et les frères d'Aureane étaient des participants, évidemment. Quelqu'un apporta une vessie de mouton remplie de paille qui devait servir de balle et on s'éloigna quelque peu des maisons pour délimiter le terrain et deux buts. Les joueurs avaient filé changer de vêtements pour reprendre ceux qui pouvaient être salis sans souci.

Damien revint assez rapidement vers Nicolaï :

" Vous jouez ? C'est simple, les deux équipes s'opposent pour marquer le but dans le camp adverse, il désigna un arbre d'un côté et un seau de l'autre qui devait les représenter, tous les coups sont permis ! "

Il avait l'air d'adorer ce jeu. Ceux qui ne participaient pas s'installaient sur l'herbe à distance raisonnable du terrain qui n'était pas vraiment délimité. Les joueurs, une dizaine de chaque côté, faisaient déjà les malins pour impressionner leurs adversaires et le public. Le père Colin venait de déclarer qu'on jouerait sans crosse, à mains nues, ce qui rencontra un bel enthousiasme. Justine trépignait à côté de ses sœurs : elle aurait volontiers participé, mais il était évident que ce jeu n'était pas digne des demoiselles et elle n'essaya même pas de demander à jouer. Aureane s'installa dans l'herbe à côté de Guilaine qui ne cessait de discuter avec elle, heureuse d'avoir retrouvé sa sœur. Quant à la tante Clémence, elle était rentrée se reposer chez elle, n'appréciant en aucune manière cette pratique barbare. Le jeu n'avait pas commencé que le public et les joueurs étaient déjà survoltés à l'idée de ce qui allait suivre.

Aureane avait blêmis quant il avait aborder les bandits. Il n'était pourtant pas idiot. C'était un sujet dont il savait qu'il valait mieux ne pas parler. C'est pour cela qu'il avait enchainé rapidement sans entrer dans les détails.

Au moment ou Nicolaï interpela légèrement Colin, celui-ci haussa les sourcils, mais ne se laissa pas démonter et lui rétorqua presque du tac au tac.

" Oui, j’imagine aisément Aureane prendre en charge un manoir entier ! Ce sera bien pratique ! "

Tout le monde était en train de plaisanter brillamment ou de débattre de se qu'il venait de raconter. Enfin. Tout le monde faisait comme ça sauf une personne bien entendu: Colin. Celui-ci était prêt à rebondir sur se que le chevalier lui avait dit en dernier. Prêt à rebondir dessus pour repartir tester les limites de son interlocuteur.

Aureane quant à elle semblait implorer Nicolaï. Mais de quoi? De ne pas répondre ou de faire attention à se qu'il disait? Difficile à dire.

" J’aurais bien aimé y assister, fit Damien avec enthousiasme. C’est là que vous avez gagné vos cicatrices ? "

Nicolaï se crispa légèrement.

« Non. Se n'est pas là. Et gagné n'aurait pas été le terme que j'aurais employé. »

Heureusement, le regard sévère que Clémence posa sur lui le fit se ratatiner sur lui même. Malheureusement, la tante d'Aureane n'avait pas cet effet sur toutes les personnes qui pouvaient se trouver ici. Et particulièrement sur l'autre machin. Colin.

" Ce doit être fabuleux de voir un tel spectacle, encore plus d’y participer ! Y avait-il beaucoup de monde ? "

Nicolaï ouvrit la bouche quant une petite voix vint l'interrompre.

" Dis, pourquoi t’es pas venu habillé en chevalier, messire ? Il est où ton cheval ? "

C'était un petit garçon qui visiblement avait trouvé le moyen de s'amuser avec un pot de confiture tout en échappant à la vigilence de ses parents. Dangereux mélange.

« C'est une histoire vraiment très longue et vraiment très compliquée, dit Nicolaï avec un sourire. Je la raconterait peut-être tout à l'heure. »

A peine eu-t-il fini de parler qu'une jeune femme surgit et prit le petit dans les bras en bafouillant des excuses. Avec un sourire, Nicolaï tenta de la rassurer avec un effet il faut bien l'avouer assez peu concluant au final. Les gens continuaient à écouter Nicolaï raconter se qu'il pouvait ou répondre aux questions qu'on lui posait. Plus le temps passait et plus les habitants commençaient à parler librement. Celui qui menait la marche était sans aucun doute Damien. L'alcool aidant sans doute un peu, il s'était mit à prétendre faire du jeune homme un parfait laboureur. Au moins lui l'avait définitivement adopté comme futur beau-frère. Et puis. Plus important encore, Aureane avait retrouvé le sourire.

Il fallait bien dire se qui était, le repas lui-même ne dura pas très longtemps. Il n'y avait au final pas tant à manger que cela par rapport au nombre bien plus important de convives. Le repas suffit très largement à Nicolaï pourtant. Et il fallait avouer que le fait d'être toujours servit de façon prioritaire le mettait un peu à l'aise. Tout le monde resta à table. Bavardant de tout et n'importe quoi. En fait, c'était surtout lui qui faisait l'animation du repas avec tout se qu'on lui demandait de raconter. Enfin, la plupart du temps, il ne faisait que répondre aux questions de Colin. Puis, ils se turent pour écouter la grand-mère d'Aureane raconter l'histoire bien connue de Marozia et Merlin.

Quant tout le monde eu digérer, une certaine agitation commença à monter chez les jeunes gens de Trois-Chemins. Apparemment, l'après midi promettait d'être animée. Ils parlaient de certains jeux. Nicolaï en connaissait quelques uns qu'il n'avait pourtant pas pratiqué depuis des années. Mais n'avait jamais entendu parler de la majorité de ceux qui avaient été évoqué. Les débats ne durèrent pas très longtemps et il fut bientôt on décida de lancer une partie de soule. Colin et les frères d'Aureane étaient des participants, tout de suite. Quelqu'un apporta une vessie de mouton remplie de paille qui devait servir de balle et on s'éloigna quelque peu des maisons pour délimiter le terrain et deux buts.

Damien revint assez rapidement vers Nicolaï après être partit se changer.

" Vous jouez ? C'est simple, les deux équipes s'opposent pour marquer le but dans le camp adverse. Tous les coups sont permis ! "

Le jeune homme seemblait tout simplement adorer ce jeu et il fallait dire que le principe était simple et assez tentant.

« Garde moi une place dans ton équipe. J'arrive, dit Nicolaï en fonçant vers la grange. »

Il eu tôt fait de retirer les beaux habits qu'on lui avait prêté et, les pliant avec soin, il enfila ensuite ceux qu'il portait lors de son arrivée à Trois-Chemins. Étant donné leur état, ils ne craignaient plus grand chose. Le terrain était délimité lorsqu'il revint.

Ceux qui ne participaient pas s'installaient sur l'herbe à une certaine distance de ce terrain de jeu afin de ne pas déranger les joueurs ou ne pas risquer de se prendre un joueur lancé dans son élan. Il y avait une dizaine de personnes dans chaque équipe. Nicolaï nota dans la sienne la présence de Damien bien sur, mais aussi celle de Colin et d'Adelphe. Un des frères d'Aureane. Il y avait Beaudouin et Fald dans l'autre équipe. Mais les noms des autres lui étaient inconnu. Déjà, ce jeu sentait la testostérone et de chaque côté, on se pavanait autant pour impressionner les autres joueurs que pour attirer l'attention du publique. Il n'aurait plus manqué qu'un petit haka. Un homme déclara que le jeu se ferait à main nue et non avec des crosses. Ah? Ou pouvait jouer avec des crosses? Aureane s'installa dans l'herbe à côté de Guilaine. Quant à la tante Clémence, elle était rentrée se reposer chez elle, n'appréciant en aucune manière cette pratique barbare. Le jeu n'avait pas commencé que le public et les joueurs étaient déjà survoltés à l'idée de ce qui allait suivre.

Nicolaï quant à lui faisait comme toujours avec une certaine sobriété et se contenta de se mettre en place comme on le lui indiquait. Faisant face à Beaudouin.

Le coup d'envois fut donné.

Les deux équipes se rentrèrent dedans avec une certaine violence. Ne s'y attendant pas et ne voulant pas tenter de blesser qui se se soit, Nicolaï se retrouva écarté et par terre en un rien de temps. Guère plus qu'il ne lui en fallut pour se relever et foncer sur le ballon. À voir la façon dont Colin venait de plaquer son propre adversaire au sol, tout les coups étaient vraiment permis.

Autant dire que pour Beaudoin qui avait la balle, recevoir Nicolaï sur le dos fut une surprise assez complète et les deux jeunes gens roulèrent par terre.

Le récit du tournoi remporta un vif succès et il en fut question encore un bon moment à table. Finalement, trois types de personnes se détachaient des habitants de Trois-Chemins : ceux qui avaient adopté Nicolaï ouvertement, conquis par ses manières amicales, ceux qui continuaient à l'ignorer froidement et attendaient avec impatience qu'il dégage et une bonne majorité qui ne demandait pas mieux que l'accepter mais dont les préjugés avaient la vie dure. Beaucoup de méfiance, encore, même si les jeunes prenaient peu à peu l'habitude de le côtoyer.

Aureane s'était à nouveau détendue, voyant que le récit de Nicolaï omettait les points gênants de leur rencontre. Il avait dû comprendre le sens de son coup d'œil et se contenta de parler des combats et de la fête en général.

Puis il fut question de la partie de soule et tout le village trouva un nouveau centre d'intérêt. Certains joueurs essayaient de mettre en place un semblant de stratégie et désignèrent un ou deux gardiens de buts. Damien faisait l'idiot au milieu du terrain, histoire de capter l'attention de quelques demoiselles, d'autres se disputaient déjà gentiment la balle, jusqu'à ce que le père Colin la reprenne et la lance en l'air pour annoncer le début du match. Aussitôt, tous se ruèrent dessus, même les gardiens qui n'avaient pas la moindre envie de rester en arrière.

Beaudoin avait attrapé la balle et s'éloignait déjà en courant vers l'un des buts, lorsque Nicolaï lui sauta sur le dos, le forçant à s'arrêter pour tenter de s'en débarrasser. Damien vint en renfort, crochetant les jambes de son frère pour le mettre à terre et en un rien de temps, ce fut une mêlée générale sous laquelle se trouvait Nicolaï et Beaudoin. Certes, on avait essayé de ménager un peu le chevalier, au début, histoire de ne pas avoir d'ennui, mais lorsqu'on l'avait vu se démener pour avoir la balle, les belles résolutions avaient fondues comme neige au soleil.

La balle s'échappa à nouveau et l'équipe adverse la récupéra, tentant un nouveau but. Colin s'interposa, la récupéra, l'envoya à un de ses coéquipiers, qui fit de même. La bagarre générale se transforma en jeu de passes à toute vitesse, jusqu'à ce que quelqu'un laisse échapper la balle, ce qui déclencha rapidement une nouvelle mêlée.

Dans le public, Justine et quelques autres encourageaient de toute la force de leur voix, tantôt les uns, tantôt les autres. Aureane se mordillait la lèvre, inquiète à l'idée qu'il puisse y avoir un blessé. Elle aimait bien le jeu en lui-même, mais elle ne savait que trop bien à quel point cela pouvait dégénérer. Fald ne tarda pas à être sorti, d'ailleurs, le nez en sang, tempêtant contre son adversaire, furieux de ne pas pouvoir continuer à jouer et de devoir passer les prochains jours avec une pastèque à la place du nez. La mère d'Aureane alla s'occuper de son fils qui ne cessait de râler, et la partie reprit de plus belle.

Les joueurs commençaient à se fatiguer, les équipes étant bien équilibrées. Aucune ne parvenait à prendre l'avantage et après deux autres sorties pour blessures diverses, le jeu devint plus technique, mais aussi plus violent : les joueurs commençaient à vouloir en finir. Nicolaï eut la chance de rattraper une nouvelle fois la balle et en fut quitte pour se retrouver sous la mêlée. Que Colin lui colle un coup de botte dans la figure à ce moment, fut d'ailleurs un parfait hasard étant donné qu'ils étaient dans la même équipe. Enfin, ce dernier avait décidé de profiter de sa carrure, pour mettre à terre tous ses adversaires... l'équipe adverse perdit deux nouveaux joueurs qui avaient envie d'être encore en état de demander aux jeunes filles du village une danse et sortirent avant de se faire davantage massacrer.

Profitant d'une de ces légères pauses, alors qu'il buvait à un seau que se partageaient les joueurs pour se désaltérer, Colin lança un grand sourire à Nicolaï :

" Alors ? Ça vaut un tournoi ? "

Pour sa part, il s'amusait comme un petit fou. Le jeu reprit aussitôt et ce fut Damien qui récupéra la balle, réussit à faire une passe à l'un de ses coéquipiers pendant que Colin parvenait à bloquer d'autres joueurs... L'autre équipe se fatiguait et le but fut marqué peu de temps après. Ce fut aussitôt l'explosion de joie dans le public. Aureane s'était levée en battant des mains et ne tarda pas à s'approcher de Damien et Nicolaï :

" Vous allez bien ? "

Son frère arborait un magnifique bleu sur la pommette et sans doute pas mal d'autres un peu partout ailleurs, mais il l'attrapa par la taille et la ft tourner en hurlant :

" On a gagnéééé !!! "

Souriante, la jeune fille reporta son attention sur Nicolaï en espérant qu'il aille aussi bien, mais Colin surgit, l'empêchant de parler :

" Merci pour le soutien ! " lui glissa-t-il avec l'un de ses clins-d'œil, avant de s'éclipser.

Les enfants s'étaient emparés de la balle et se la disputaient, imitant les joueurs. Ces derniers se dispersèrent finalement pour aller se préparer pour la soirée. On retourna vers les maisons. Un groupe de voisines aidait Agathe à débarrasser les restes du déjeuner et à préparer le diner. Trois jeunes gens vinrent voir Aureane et Nicolaï pour leur demander leur avis sur la musique qu'ils joueraient le soir même sur leurs petites flûtes. La fille montra avec une fierté mal dissimulée son tambourin et annonça timidement qu'elle l'avait fabriqué elle-même, comme ses compagnons avaient fait avec leur flûte.

" Aureane, tu veux bien demander à Père l'autorisation que je chante ? " demanda Justine avec de grands yeux implorants.

La jeune fille promit, sachant qu'elle avait plus de chance d'obtenir ce genre d'autorisation le jour de ses fiançailles, que sa sœur que leurs parents avaient décidé de remettre dans le droit chemin sans tolérer un seul écart. Si maintenant elle n'avait même plus le droit de chanter...

Puis Aureane donna à Nicolaï un petit pot d'onguent permettant de soigner les bleus, et murmura en souriant malicieusement qu'il avait à présent l'air d'un vrai trois-cheminois, ce qui était apparemment un compliment sincère. Puis elle la laissa aller se préparer et en attendant, elle entreprit d'aider sa mère.

Alors. Mémo pour plus tard. Quant on se retrouve par terre à proximité de la balle, une seule chose à faire: fuir. Cette leçon, Nicolaï en fit l'amer expérience. Alors que Damien, Beaudouin et lui étaient par terre et se disputaient la balle, ils furent rejoint par tout les autres joueurs qui leur foncèrent dessus et se lancèrent dans une mêlée assez violente. Le chevalier avait vu des mêlé de tournois qui avaient l'air plus organisées. Si les autres joueurs avaient commencé par jouer assez souplement avec Nicolaï. Sans doute un peu par peur du chevalier. Mais après ces premières passes, les bonnes résolutions ne firent pas long feu.

La balle fini par s'échapper et la bagarre général fini par se changer en un grand jeu de passes. Au moins jusqu'au moment ou la balle se retrouve à nouveau immobilisée et que tout le monde se jette dessus comme une bande d'affamé sur un buffet à volonté.

Le jeu était, comme Nicolaï l'avait pensé, un déchainement de force et de testostérone typiquement masculin. En fait, les nobles et le peuple n'étaient pas si différents que cela. Les nobles avaient leurs batailles et leurs tournois. Quant aux paysans, ils avaient ce jeu somme toute un peu idiot. Enfin. Guère plus que de tailler gentiment en pièce son voisin.

Le premier blessé ne tarda pas à sortir. Il s'agissait de Fald qui venait de se prendre un coup dans le nez et était en train de saigner assez abonnement. Se qui ne l'empêchait pourtant pas de râler et de pester. La partie pourtant n'attendit pas un instant et des qu'il fut partit, on se jeta à nouveau les uns sur les autres.

Plusieurs des joueurs commençaient à fatiguer, et aucune des deux équipes ne parvenait à prendre de réelle avantage sur l'autre. C'était à présent un véritable marathon. Petit à petit, les joueurs abandonnaient la partie. Soit blessé comme l'avait été Fald, ou, plus prudent et comprenant qu'ils n'avaient plus la force de continuer, ils s'arrêtaient avant de risquer de se blesser. Sauf que plus le temps avançait, plus le jeu était violent. Comprenant qu'on ne pourrait pas gagner en marquant des points, les joueurs cherchaient plutôt à décourager les autres membres. Nicolaï eu droit à un coup de poing discret dans les côtes qui le fit grimacer de douleurs. Les mêlées devenaient de plus en plus dangereuses cas il était facile d'y dissimuler un coup assez déloyal et antisportif qu'on portait à un adversaire...ou ami. Le jeune homme en fit l'amer expérience en recevant un coup accidentel de la part de Colin.

Lorsque le dernier but fut marqué, le publique parut littéralement exploser. Aureane se leva et se mit à battre des mains avant de s'approcher de son frère et de son fiancé.

" Vous allez bien ? "

Damien semblait parfaitement ignorer le sublime bleu qu'il avait à la pommette ni des diverses courbatures qui lui faisaient un mal de chien. Nicolaï quant à lui n'avait, à part le fait que tout son corps lui faisait mal et qu'il se découvrait des muscles dont il ignorait l'existence jusqu'alors. Et pourtant, les entrainements de Gregor étaient du genre musclé. Sans rien dire, Damien attrapa Aureane par la taille et la fit tourner en hurlant :

" On a gagnéééé !!! "

Souriante, la jeune fille reporta son attention sur Nicolaï peut-être allait-elle dire quelque chose, mais Colin surgit tout d'un coup.

" Merci pour le soutien ! " lui glissa-t-il avec un clins-d'œil.

Mais c'était quoi son problème à la fin à celui là?

Les enfants s'étaient emparés de la balle commençaient déjà à se disputer pour l'avoir. Si ça continuait, une nouvelle partie risquait de bientôt commencer sur le terrain. Les joueurs quant à eux se dispersèrent pour aller se préparer pour la soirée. Quelques voisines aidairent Agathe à débarrasser les restes du déjeuner et à préparer le diner. Les trois jeunes musiciens vinrent voir Aureane et Nicolaï pour leur demander leur avis sur la musique qu'ils joueraient le soir même. Le jeune homme resta un peu pantois, ne sachant pas vraiment se qu'il pouvait bien leur demander de jouer. Il n'avait assister qu'à un seul et unique bal pour l'anniversaire d'Harnyll. Il se doutait que l'ambiance serait ici un peu différente.

La jeune femme qui les avaient approchée fut fière de lui montrer son tambourin, lui annonçant un peu plus timidement en revanche qu'elle l'avait elle même fabriqué.

" Aureane, tu veux bien demander à Père l'autorisation que je chante ? " demanda Justine avec de grands yeux implorants.

En temps normal, faire ce genre de demande à Aureane était tout à fait idiot. Elle n'osait pas s'imposer. Mais aujourd'hui, c'était un jour différent. Ses parents seraient forcément moins enclin à refuser cette demande si elle émanait d'Aureane puisqu'on fêtait aujourd'hui ses fiançailles.

Puis Aureane lui donna un petit pot d'onguent afin de soigner ses bleus, et murmura en souriant malicieusement qu'il avait à présent l'air d'un vrai trois-cheminois. Dans sa bouche, c'était un compliment. Le jeune homme alla faire un brin de toilette dans le seau qui se trouvait dans la grange. Il avait mal un peu partout, mais s'était assez rarement autant amusé que cela.

Enfin prêt, espérant qu'on allait pas lui sauter au cou, Nicolaï quitta la grange à nouveau vêtu des habits de Damien. Il se dirigea rapidement vers Aureane avec un grand sourire.

« Tu m'accorderas la première danse? »

Aureane passa tout son temps à aider sa mère en bavardant avec Guilaine, durant l'absence de Nicolaï. Il fallait reconnaitre qu'il était plus agréable de converser directement sans l'intermédiaire des lettres. Cette ambiance familiale lui avait manqué, même si elle ne se l'avouait pas trop pour ne pas regretter. Ici, même si elle se faisait toujours discrète, elle se sentait comme un poisson dans l'eau. C'était chez elle et sa famille faisait tout pour qu'elle en soit sûre. Étant donné que les villageois ne paraissaient pas déterminés à la chasser à nouveau, on n'avait guère envie qu'elle s'en aille et sa mère la couvrait d'attentions.

Lorsque le chevalier revint, Aureane discutait encore joyeusement avec sa sœur. Elle avait prit le temps de demander l'autorisation pour Justine et cette dernière était enchantée à l'idée de participer aux réjouissances en chantant. La jeune fille, elle, accueillit Nicolaï avec un grand sourire, bien qu'elle rougisse légèrement quand il lui demanda de lui accorder sa première danse.

" Bien-sûr... vous savez, tout le monde attend que nous ouvrions le bal. "

Cela avait d'ailleurs l'air de la rendre nerveuse. Elle n'avait jamais tellement dansé, si ce n'était avec Nicolaï. Mais alors, ils étaient seuls et personne ne les regardait. Là, il y aurait tout le village et elle se sentait tendue rien que d'y penser. D'ailleurs, à mesure que le temps passait, elle devenait plus nerveuse et sa mère finit par lui dire d'aller faire un tour avec Guilaine et Nicolaï en attendant que les invités ne reviennent.

Acceptant avec reconnaissance cette occasion de se changer les idées, la jeune fille proposa à Nicolaï :

" Voulez-vous que je vous montre l'endroit où nous jouions quand nous étions enfants ? "

Bien-sûr, sa mère entendait que Guilaine les accompagne, il n'était pas question de les laisser aller se promener en amoureux. Mais à peine se furent-ils un peu éloignés du village qu'Amaury pointa le bout de son nez et que Guilaine fut tout-à-coup beaucoup moins présente. Décidant qu'après tout ce n'était pas sa faute si sa sœur allait voir ailleurs, Aureane continua à marcher un peu, jusqu'à un bosquet d'arbres.

" C'est par là... Elle écarta quelques branches qui gênaient leur progression dans ce qui semblait être un début de forêt, il faudra bientôt rentrer, mais je me suis dit que l'endroit vous plairait... "

Il ne fallut pas longtemps pour tomber sur ce qui ressemblait à une petite clairière. On y voyait entre autres une balançoire toujours fixée à un arbre, qui avait dû laisser s'asseoir nombre d'enfants.

" Nous venions jouez des heures, ici, quand j'étais petite. Les garçons avaient fabriqué une cabane et j'avais cousu des petits rideaux... il ne reste plus rien à présent... "

Mais Aureane n'était pas venue ici pour cela, mais pour l'atmosphère qui, elle le pensait, plairait à Nicolaï : les plantes qui les environnaient dégageaient une bonne odeur de citron. Certes, il n'y avait aucun citronnier dans les alentours, mais cela y ressemblait beaucoup lorsqu'on voulait bien se donner la peine d'y croire.

" Vous sentez ? " demanda la jeune fille en fermant les yeux et en humant l'air avec plaisir.

Au moins, ici, elle ne pensait plus aux danses ou à quoi que ce soit d'autre. Ils étaient tranquilles et ce n'était pas de refus après ces derniers jours passés dans une communauté plutôt agitée et quelque peu envahissante. En même temps... elle se plaisait chez elle. D'ailleurs, elle finit par demander, un peu hésitante :

" Vous voudrez rentrer bientôt à Dyriet, je suppose ? J'imagine que vous avez beaucoup à faire... "

Bien-sûr, Trois-Chemins n'était qu'une étape sur le trajet du retour. C'était déjà bien qu'il ait accepté de s'y arrêter. Il n'avait pas de temps à perdre maintenant qu'Edward avait donné son accord.

Nicolaï fut accueillit par un grand sourire de la part d'Aureane ainsi que qu'un des jolis rougissement dont elle avait le secret au moment ou il lui posa la question concernant sa première danse.

" Bien-sûr... vous savez, tout le monde attend que nous ouvrions le bal. "

Oui, en même temps, c'était tout à fait logique qu'ils ouvrent ensemble le bal. En même temps, il avait lieu pour leur fiançailles. Se serait sans doute assez mal vu que la première danse d'Aureane soit dédiée à un autre. La jeune femme paraissait d'ailleurs assez nerveuse à l'idée de devoir danser devant tout le village. Il n'y avait pas vraiment de quoi avoir peur pourtant. Certes, se n'était pas la meilleure cavalière de tout le royaume. Mais elle ne lui avait presque pas écrasé les pieds la dernière fois qu'ils avaient dansé ensemble pour la dernière fois, elle ne lui avait écrassé les pieds qu'un seule fois. Elle était nerveuse et cela se voyait. C'était même tellement flagrant qu'Agathe finit par lui proposer d'aller faire un tour avec Guilaine et Nicolaï pour se détendre un peu.

Excellente idée. Cela ne pourrait que lui faire du bien. Même si elle ne l'avouerait jamais. Preuve qu'elle en avait besoin, l'enthousiasme dont elle fit preuve au moment de la proposition. Enfin...enthousiasme. On parle d'Aureane là tout de même. Alors n'exagérons pas non plus.

" Voulez-vous que je vous montre l'endroit où nous jouions quand nous étions enfants ? "

Nicolaï lui accorda un sourire.

« Oui, bien sur, dit-il. »

Le petit trio se mit en route tranquillement sans vraiment se presser. Guilaine leur servait de chaperon bien sur. Il n'aurait pas été très convenable de laisser Nicolaï et Aureane se promener tout seuls à travers le village et ses alentours. Non. Pas convenable du tout même. Bon. Par contre, il aurait falut faire attention. Parce que tant qu'Aureane et Nicolaï avaient Guilaine comme chaperon, tout allait bien. Mais qui surveillait Guilaine? À l'instant même ou Amaury pointa le bout de son nez, Guilaine fut tout de suite beaucoup moins attentive à son rôle de chaperonne.

Aureane entraina Nicolaï en direction d'un petit bosquet d'arbre.

" C'est par là...il faudra bientôt rentrer, mais je me suis dit que l'endroit vous plairait... "

Elle était en train d'écarter quelques branches qui lui gênait la route, faisant attention à ne pas les lâcher dans la figure du chevalier. Se dont il lui était fort reconnaissant d'ailleurs. Au bout de quelques minutes, ils finirent par arriver dans une sorte de petite clairière. Elle n'avait rien de bien particulier à l'exception d'une balançoire qui avait apparemment très largement servit.

" Nous venions jouez des heures, ici, quand j'étais petite. Les garçons avaient fabriqué une cabane et j'avais cousu des petits rideaux... il ne reste plus rien à présent... "

En effet. Il n'y avait plus nulle trace ni de la cabane dont elle venait de parler, ni de ces rideaux qu'elle avait cousu. Il flottait dans l'air une ambiance assez heureuse et tranquille dans ce lieu. Et puis, cette bonne odeur. Ça ressemblait à du citron. Ça n'en était pas. Pourtant, ça y ressemblait beaucoup.

" Vous sentez ? " demanda Aureane en fermant les yeux et en humant l'air avec plaisir.

Le calme de cet endroit était un bienfait après toute l'agitation à laquelle ils avaient tout les deux eu affaire. Le silence se prolongeait. Nicolaï avait fermé les yeux et profitait pleinement du silence ainsi que de cette odeur de citron qui flottait dans l'air. Il rouvrit les yeux lorsqu'Aureane lui demanda d'une voix un peu hésitante:

" Vous voudrez rentrer bientôt à Dyriet, je suppose ? J'imagine que vous avez beaucoup à faire... "

Oui, c'est vrai qu'ils allaient sans le moindre doute avoir du travail à leur retour. Et puis, pour être honnête, Nicolaï ne voulait pas faire attendre Harnyll. Ils avaient des affaires importantes à régler. Il y avait des choses que le chevalier voulait encore comprendre. Quelque chose ne collait pas avec leur enlèvement. Et le jeune homme n'aimait pas ne pas comprendre quelque chose. Malgré tout l'attachement qu'il pouvait avoir pour Trois-Chemins, il ne pouvait pas non plus faire durer éternellement leur séjour ici.

Aussi, le chevalier hocha-t-il la tête.

« Oui, il nous faudra bientôt reprendre la route pour rentrer à Dyriet. Je pensais à repartir peut-être après demain ou le jour d'après. »

Nicolaï fit une grimasse. Il savait que se serrait difficile pour Aureane de le faire. Mais il fallait bien qu'ils rentrent en Ysari. Elle serait sans le moindre doute triste de devoir se séparer à nouveau de sa famille et pour être honnête, c'était se qui l'avait poussé à proposer qu'ils les accompagnent à Dyriet. Mais malheureusement, c'était un projet aussi fou qu'irréalisable.

« Je suis désolé que ça doive te séparer à nouveau des tiens, s'excusa-t-il. Malheureusement, je vais devoir un jour ou l'autre. Il vas bien falloir que tu me suive et ta famille ne peux pas venir avec nous. »

Il y eu un instant de silence avant qu'il ne reprenne.

« Il vas peut-être falloir rentrer non? »

" Oui, il nous faudra bientôt reprendre la route pour rentrer à Dyriet. Je pensais à repartir peut-être après demain ou le jour d'après. "

Aureane hocha légèrement la tête pour signifier son accord, mais il n'était pas facile pour elle de cacher sa déception. Enfin, elle n'était pas vraiment déçue, car elle s'y attendait, mais ce n'était pas plus agréable pour autant. Elle savait pourtant que c'était déjà mieux que rien, surtout qu'elle avait pensé pendant longtemps ne plus jamais avoir de chance de revoir sa famille. C'était déjà un magnifique cadeau que lui avait offert Nicolaï... mais à présent qu'elle était là, c'était difficile d'envisager de repartir. Elle détourna le regard pour qu'il ne puisse pas trop lire en elle, mais elle savait qu'il se doutait sans doute de ses sentiments à ce sujet.

" Je suis désolé que ça doive te séparer à nouveau des tiens. Malheureusement, je vais devoir un jour ou l'autre. Il va bien falloir que tu me suives et ta famille ne peux pas venir avec nous. "

La jeune fille fit un effort sur elle-même pour lui sourire, ne voulant pas le voir s'inquiéter à cause d'elle ou qu'il se dise qu'elle préférait rester sans lui que le suivre.

" J'ai déjà eu beaucoup de chance de pouvoir revenir, et c'est grâce à vous, alors ne vous désolez pas... ce n'est pas votre faute si j'ai dû partir. "

Il était hors de question qu'il se fasse des reproches ou quoi que ce soit. Elle garda le silence un instant, puis s'apprêta à faire remarquer qu'on devait les attendre lorsqu'il la devança. Elle n'eut donc qu'à acquiescer, même si elle aurait préféré de loin retarder le moment où elle devrait danser.

Ils reprirent donc le chemin du retour et ne tardèrent pas à être rejoints par Amaury et Guilaine. Cette dernière bavarda tout du long sur les danses qui pourraient avoir lieu. Aureane se contentait de hocher de temps en temps la tête. Elle n'avait pas vraiment envie de danser devant qui que ce soit. Enfin, le fait de partager ce moment avec Nicolaï la rassurait un peu, mais elle n'arrivait pas vraiment à se détendre.

On commençait bel et bien à les attendre et ils purent remarquer que Clémence était de retour dans sa robe noire, plus revêche que jamais, les lèvres pincées sous sa coiffe d'un blanc immaculé. Les frères d'Aureane s'étaient à nouveaux habillés pour la fête et Damien arborait avec fierté son énorme bleu à la pommette, comme s'il avait gagné une cicatrice en affrontant un dragon. D'ailleurs, c'était ce qu'il racontait, en faisant le pitre, à qui voulait l'entendre. Beaucoup de personnes étaient rassemblées autour du buffet, sachant très bien que la nourriture partirait très vite. Aureane, pour sa part, avait l'estomac trop noué pour avaler quoi que ce soit. Guilaine essayait bien de lui changer les idées en discutant, mais cela ne fonctionnait pas tellement.

" Tu attends que tout le monde se soit endormi ? " lui assena soudain sa tante, qui avait surgit derrière elle, en la foudroyant du regard.

La jeune fille sursauta, ne l'ayant pas vue venir et eut l'air de vouloir disparaitre sous terre... ce qu'elle ne réussit pas à faire, malheureusement. Agrippée à Nicolaï plus qu'autre chose, elle eut l'impression d'être poussée sur la piste de danse et commença à paniquer quelque peu. Personne n'avait l'air de comprendre qu'elle puisse être effrayée à l'idée d'une simple danse, mais l'idée qu'on la regarde avait tendance à la paralyser.

Finalement, les musiciens se mirent à jouer un air entrainant et il fallut bien s'y mettre. Au moins, avec ce genre de danse, Aureane ne risquait pas de piétiner Nicolaï, car il y avait de la distance entre les partenaires. Avancer, reculer, tourner, le tourdion joué à la flute n'était en soit pas très compliqué et après s'être quelque peu emmêlé les pieds à cause de sa nervosité, la jeune fille commença à trouver la cadence. Guilaine et Amaury ne tardèrent pas à les rejoindre, puis d'autres couples et le bal fut vraiment lancé.

Aureane n'appréciait vraiment pas de danser en public, mais c'était quand même un peu ce qu'on attendait d'elle et puis cela avait l'air de faire plaisir au jeune homme, aussi, elle enchaina une seconde danse avec lui. Finalement, elle devait bien reconnaitre que si elle oubliait un peu les gens, elle aimait bien danser avec Nicolaï, sans lui écraser les pieds. Et puis, c'était la première fois qu'elle dansait avec lui avec de la vraie musique, et c'était plutôt agréable. Soyons honnête, c'était vraiment agréable. Elle retrouva donc peu à peu le sourire et continua à virevolter en essayant de ne pas faire de bêtise.

Puis ils firent une petite pause pour se désaltérer, Guilaine venant faire la remarque que c'était la première fois qu'elle voyait sa sœur danser ainsi... voir même danser tout court. Aureane ne quittait plus son sourire réjouit, mais cela ne l'empêcha pas de devenir toute rouge. En tous cas, elle restait près de Nicolaï, absolument pas disposée à aller danser sans lui. D'autres jeunes femmes avaient tendance à lui tourner autour sans vraiment oser l'aborder autrement que pour les féliciter pour leur futur mariage. Mais plus d'une aurait bien aimé danser au moins une fois dans leur vie avec un chevalier. Aureane ne disait rien, se contentant de répondre aimablement aux marques de pseudo affection de ses voisines.

Puis Colin fit son entrée alors que la nuit commençait à tomber et qu'on commençait à allumer quelques lumières pour prolonger la fête. Le jeune homme s'était bien habillé et s'il avait fait danser d'autres demoiselles lors des premières danses, il se dirigea clairement vers Aureane, à présent qu'elle n'était plus accaparée par Nicolaï.

" J'ignorais que vous dansiez aussi bien, jolie demoiselle, lui lança-t-il en riant. Me feriez-vous l'honneur d'une danse ? "

Il venait de lui faire une petite révérence et lui tendait le bras. Rougissante, la jeune fille ne sut que faire d'autre que d'accepter d'un léger signe de tête et elle quitta Nicolaï en lui lançant un coup d'œil gêné.

Danser avec Colin n'était pas aisé. Certes, il dansait lui-même très bien et paraissait ravi, mais elle était tellement nerveuse qu'elle ne savait plus du tout où elle en était. Et puis, il avait visiblement décidé de lui parler et en profitait. L'air joué était plus lent que les premiers et leur permettait de s'échanger quelques mots. S'efforçant au début de sourire, Aureane finit bientôt par paraitre plus mal à l'aise. Elle répondait à peine à Colin qui, lui, parlait toujours en souriant, réussissant à danser en même temps. La jeune fille, secouait de temps en temps la tête, haussait légèrement les épaules et murmurait quelques mots en détournant les yeux.

Lorsque la danse se termina, Colin paraissait contrarié, mais le cachait plutôt bien. Bien mieux qu'Aureane qui, la danse finie, fila directement chez elle et monta à l'étage où elle savait qu'il n'y avait plus personne.

" Calme-toi Aureane. Tout va bien. Ne fais pas attention à ce qui se passe autour. "

Ces quelques mots de réconfort suffirent à détendre un peu la jeune fille qui renonça une bonne fois pour toutes à partir en courant. Et puis, finalement, ce n'était pas si terrible. Elle finit même par vraiment apprécier et n'aurait pas dit non à une nouvelle danse avec Nicolaï après s'être rafraichie. Mais...

Lorsque Nicolaï la retrouva dans sa chambre, elle ne songeait plus du tout à la fête et s'essuya rapidement les yeux en le reconnaissant. Même dans l'obscurité, il devait voir son visage quelque peu défait et elle esquissa un sourire assez peu convainquant pour tenter de donner le change. Elle baissa la tête lorsqu'il posa les mains sur les siennes.

" Rien... rien du tout... "

Elle déglutit, se mordit la lèvre. Il ne se contenterait pas d'une réponse aussi vague et elle ne voulait pas qu'il s'inquiète.

" Je vais bien... ce n'est rien... "

Il n'aurait pas dû monter. Elle s'était isolée pour éviter entre autres qu'il ne la voit dans cet état. Il finit par relever son menton pour tenter de capter son regard et elle plongea dans ses yeux en essayant de ne pas paraitre trop bouleversée. Par contre, elle sursauta et secoua la tête dès qu'il avança avoir pu faire quelque chose :

" Non, non, bien-sûr que non ! Vous n'y êtes pour rien ! Ce... "

Elle baissa à nouveau les yeux et bredouilla :

" Ce n'est rien... rien du tout... ce n'est pas important... "

Elle soupira, serra un peu ses mains et se ressaisit légèrement :

" Ça n'a aucune importance, vraiment. C'est juste... juste... juste... revoir ma famille m'a un peu... enfin... et mon père a accepté... ça fait beaucoup d'émotions... c'est tout... "

Mais elle ne se décidait pas à redescendre pour autant. Même si elle savait très bien que sa tante était du genre à débarquer en s'offusquant et qu'on allait finir par se demander où étaient les rois de la fête. Elle n'avait plus qu'à espérer qu'elle parviendrait à se ressaisir et que Nicolaï se contenterait de cette explication désorganisée.

" Aureane... pourquoi tu ne me laisses pas t'aider ? "

La jeune fille détourna à nouveau les yeux. Parce qu'il ne pouvait pas l'aider... pas cette fois. Elle n'avait pas besoin d'aide... enfin, pas ainsi.

" S'il te plait. Dis moi ce qui ne va pas. Comment tu penses que ça puisse aller mieux si tu ne parles pas ? "

Elle se leva, mal à l'aise devant son insistance. Elle avait beau chercher quoi lui répondre, elle n'arrivait pas à trouver comment se dépêtrer de cette histoire. Elle ne pouvait pas lui dire...

" C'est comme avec Veshork. J'ai l'impression que c'est la même chose. S'il te plait. Pas deux fois pareil. "

Aureane se figea. Le coup avait porté. Elle ne voulait pas qu'il fasse de tels rapprochements : ils avaient besoin tous les deux d'oublier cet épisode, du moins, c'était ce qu'elle pensait. Elle ne voulait en aucun cas lui rappeler cela. Mais il lui en demandait trop et elle secoua la tête :

" Non... Nicolaï... Je... "

Elle se tut encore et fit un pas pour s'éloigner et ne plus croiser son regard. S'il continuait à la regarder ainsi, elle allait craquer... et, loin de la soulager, la situation s'envenimerait. Mais si elle se taisait, il allait continuer à s'inquiéter pour elle...

" ... " Elle prit sa respiration, faillit tout dire, mais s'arrêta au dernier moment. Elle ne pouvait pas. Se mettant à jouer nerveusement avec sa "bague", elle commença à se justifier confusément :

" Vershock... c'était vraiment grave... si... si c'était si grave, je vous parlerais, mais... mais ça n'a rien à voir, je vous assure. Ce n'est pas grand chose... Je suis juste un peu déboussolée... je vais me reprendre, ne vous inquiétez pas pour moi... Je... ça ne ferait que tout compliquer... s'il vous plait... "

S'il vous, plait, n'insistez pas. Ce n'était pas souvent qu'elle refusait quelque chose. Au final, elle lui avait toujours obéit lorsqu'il s'était montré aussi directif avec elle. Mais pas cette fois, elle ne pouvait pas lui parler. Il n'aurait même pas dû la voir dans cet état. Si seulement il était resté avec les autres !

En bas, ils entendirent quelqu'un entrer et elle se raidit :

" Nous devons redescendre. "

Elle ne lui laissa pas le choix et joignit le geste à la parole. Au rez-de-chaussée se trouvait Guilaine qui semblait quelque peu gênée :

" On commence à se demander où vous êtes... Notre tante ne va pas tarder à venir voir par elle-même, vous devriez... "

Voyant l'expression quelque peu défaite d'Aureane, elle s'arrêta, avant de demander :

" Tu vas bien ? "

Un coup d'œil inquiet à Nicolaï lui apprit qu'il ne savait pas de quoi il retournait. Prenant sa sœur par le bras, elle l'entraina avec elle, sans lui laisser le loisir de protester :

" Viens, on va faire un tour... "

Aureane fit un petit sourire qui se voulait rassurant au jeune homme et disparut avec sa sœur.

A l'extérieur, la nuit était tout à fait tombée, mais on continuait à danser et à bavarder gaiement. Colin s'amusait bien, l'air pas plus perturbé que ça, la famille d'Aureane n'avait pas vraiment l'air de s'inquiéter non plus. la jeune fille finit par revenir avec Guilaine et elles se joignirent au reste des invités. Aureane paraissait un peu triste mais avait bien séché ses larmes et elle fit bonne figure à ceux qui lui adressaient la parole. Elle évita pourtant soigneusement Colin et ne chercha pas à rejoindre Nicolaï, restant près de sa sœur qui ne la quittait plus.

Finalement, Aureane décida de seconder activement sa mère et lorsque ce fut la fin de la fête, elle s'était entièrement absorbée dans les tâches ménagères. Les invités partirent peu à peu, ne restèrent que la famille et les amis proches, dont Colin qui discutait avec Adelphe. On ramena les plats vides à l'intérieur et tout le monde se retrouva dans la salle du rez-de-chaussée, la grand-mère ayant retrouvé son fauteuil et y ronflant avec application. On s'installa au coin du feu et l'aïeule sembla refaire surface, prête à raconter une de ses histoires dont elle avait le secret. Les plus petits s'endormaient dans les bras de leurs parents ou des enfants plus âgés. Aureane, Justine et leur mère, continuaient pourtant à ranger ce qui restait de la fête. Lorsqu'elles eurent terminé, la jeune fille prétexta une grande fatigue et fila directement se coucher, sous le regard inquiet de Guilaine.

Nicolaï vit la jeune femme se lever et se mettre à secouer la tête. Elle était en train de se refermer. Comme quant il avait fallut qu'elle lui raconte se qui s'était passé avec Veshork. Et lui, il était en train de remuer le couteau dans cette plaie qui n'était pas encore totalement refermée.

" Non... Nicolaï... Je... "

Elle ne dit rien de plus, ne parvenant pas à aller plus loin que cela. Elle était en train de s'éloigner de lui afin de ne plus croiser son regard. Presque apeurée comme s'il venait de la frapper. Cette situation était de pire en pire. Plus il tentait de comprendre et de l'aider, plus cela paraissait la faire souffrir. Mais également plus cela se passait, plus il était en train de s'inquiéter. Et ça, elle en était sans doute tout à fait consciente. C'était sans le moindre doute se qui rendait les choses si difficiles.

Elle prit sa respiration, faillit parler, mais s'arrêta au dernier moment. Au lieu de cela, elle se contenta de se mettre à jouer nerveusement avec le fil qui était enroulé autour de son doigt. Tout en essayant de se justifier de façon on ne peu plus confuse.

" Vershock... c'était vraiment grave... si... si c'était si grave, je vous parlerais, mais... mais ça n'a rien à voir, je vous assure. Ce n'est pas grand chose... Je suis juste un peu déboussolée... je vais me reprendre, ne vous inquiétez pas pour moi... Je... ça ne ferait que tout compliquer... s'il vous plait... "

Et elle mentait à nouveau. Si c'était grave surtout Aureane ne lui en parlerait jamais. Encore moins s'il y avait quelque chose de vraiment grave. Parce qu'elle ne voudrait pas lui causer du soucis alors elle ne dirait absolument rien du tout. Et quant à s'inquiéter pour elle, il faisait ça si bien et depuis si longtemps qu'il n'était pas certain de pouvoir vraiment ne pas le faire.

Mais insister n'aurait servit à rien du tout.

Quelqu'un entra en bas et Aureane se tendit comme un ressort.

" Nous devons redescendre. "

C'était un fait. Elle ne lui laissa pas le choix d'ailleurs et entreprit de descendre. Guilaine les attendaient en bas et semblait quelque peu gênée.

" On commence à se demander où vous êtes... Notre tante ne va pas tarder à venir voir par elle-même, vous devriez... "

La jeune femme ne tarda pas à remarquer l'expression de sa soeur. En même temps, il n'était pas difficile de le voir.

" Tu vas bien ? "

Elle adressa un coup d'œil inquiet à Nicolaï qui lui fit comprendre qu'il ne savait pas. Attrapant sa sœur par le bras, elle l'entraina avec elle.

" Viens, on va faire un tour... "

Aureane adressa à Nicolaï un petit sourire qui se voulait rassurant avant de disparaître en compagnie de sa sœur.

Dehors, la nuit était tout à fait tombée, les villageois continuaient à danser et à bavarder gaiement. Colin s'amusait, apparemment pas atteint une seconde de l'état dans lequel pouvait se trouver Aureane. Pas plus que sa famille d'ailleurs. C'est pas vrai. Il était le seul à avoir remarqué qu'elle avait l'air perturbée en quittant le bal? Il avait fallut attendre une dizaine de minutes ensuite pour que Guilaine aussi le remarque? Bon sang, mais qu'est-ce qu'ils fichaient? La jeune femme finit par revenir avec Guilaine et elles se joignirent au reste des invités. Aureane semblait un peu triste mais avait bien séché ses larmes et fit bonne figure. Évitant pourtant soigneusement Colin et ne cherchant pas à rejoindre Nicolaï. Elle restait avec Guilaine qui ne la lâchait pas d'une semelle.

Nicolaï ne tenta pas de se rapprocher. C'était inutule à moins de vouloir déclencher une nouvelle crise chez Aureane. Mais son attitude l'inquiéta au plus haut point. Elle commença à seconder sa mère dans les tâches. En soit, venant d'Aureane, se n'était pas forcément très inquiétant. Se qui l'était en revanche, c'était qu'elle semblait totalement accaparée par cela et ne faisait plus attention à quoi que se soit d'autre. Pas comme avec Veshork. Mais bien sur. C'était exactement comme avec Veshork. Elle se noyait dans le travail pour ne pas voir se qui lui arrivait et ne pas y faire face. Et une fois de plus, il était totalement impuissant pour l'aider. Il n'avait d'autre choix que de se contenter de regarder sans rien pouvoir faire. Constatant juste l'étendue des dégâts.

Les invités partirent peu à peu, ne restèrent que la famille et les amis proches. Colin qui discutait avec Adelphe. On ramena les plats vides à l'intérieur et tout le monde se retrouva dans la salle du rez-de-chaussée. La grand-mère n'était apparemment pas là pour avoir entendu se qui s'était passé un peu plus tôt puisqu'on la remis dans son fauteuil à côté de la cheminée où elle commença à dormir. En tout cas, jusqu'au moment ou on vint se mettre au coin du feu et ou elle se réveilla, prête à raconter une de ses histoires. Les plus petits s'endormaient dans les bras de leurs parents ou des enfants plus âgés.

Lorsque tout fut rangé, Aureane prétexta une grande fatigue et fila directement se coucher. Le regard inquiet de Guilaine n'échappa pas à Nicolaï qui se rapprocha de la jeune soeur d'Aureane.

« Guilaine. Il faudrait que je te parle, dit-il l'air un peu grâve. »

Tout deux se mirent très légèrement à l'écart, hors de portée d'oreilles indiscrêtes. Nicolaï était un peu nerveux et ne savait pas se qu'il devait dire, ne pas dire ni par où il fallait qu'il commence. Finalement, il lâcha tout d'une traite.

« Il y a quelque chose qui ne vas pas. Si je peux faire quoi que se soit, je veux le savoir. Je ne supporte pas de la voir dans cet état. »

Nicolaï soupira avant de reprendre.

«Si tu me dit que se n'est pas grâve et que je n'ai rien à faire, je m'en contenterait. Mais je suis inquiet pour Aureane. »

Guilaine hésita, gênée que Nicolaï la prenne à part. Oh, elle se doutait bien qu'il allait lui parler d'Aureane, mais, justement, elle ne savait pas tout à fait quoi lui dire. Il avait vraiment l'air inquiet pour elle, mais elle ne tarda pas à secouer la tête :

" Je ne sais pas... elle n'a rien voulu me dire. "

Elle hésita encore à continuer, mais souffla finalement :

" Elle est contrariée, je ne sais pas par quoi... je sais aussi qu'elle ne m'en parlera pas. Quand elle se ferme comme cela, ça ne sert à rien de persévérer. "

Elle n'était pas très sûre de ce qu'elle pouvait lui révéler ou non, mais devant son air désespéré et étant donné que finalement elle n'avait pas grand chose de consistant à dire, elle poursuivit à voix basse :

" Elle n'a jamais aimé étaler ses ennuis et inquiéter les gens mais... elle n'est pas stupide. Si nous pouvions l'aider en quoi que ce soit, je pense qu'elle nous le dirait. Elle prétend que les changements la perturbent et je pense que c'est vrai, du moins en partie... il lui faut peut-être juste un peu de temps pour s'y faire. Elle vient peut-être seulement d'en prendre conscience. "

Certains membres de la famille commençaient à se demander ce qu'ils murmuraient ainsi tous les deux et elle reprit à voix haute :

" Oui, bien-sûr, je vais vous montrer où puiser de l'eau ! "

Elle l'entraina dehors sans laisser à quiconque le temps de réagir et le mena vers le puit, se remettant à parler doucement :

" Colin a passé le reste de la soirée contrarié, même s'il ne le montrait pas... je me suis demandé ce qu'il lui avait dit, mais elle prétend qu'il n'a rien à voir là-dedans et elle en a l'air convaincue... elle lâcha un petit rire, je ne vous apprends rien en disant qu'elle fait une piètre menteuse. "

Elle remonta le seau rempli d'eau et accompagna Nicolaï jusqu'à la grange en concluant :

" Je pense que nous ne tirerons rien d'elle en insistant. Si elle veut parler, elle le fera d'elle-même, mais ce n'est pas par elle que nous saurons ce qui se passe pour le moment. "

Elle haussa les épaules et déposa le seau à la porte.

" Désolée de n'avoir pu vous aider. Je vous souhaite une bonne nuit, monseigneur. "


***

Le lendemain, Nicolaï fut à nouveau réveillé par le chant du coq et le scénario de sa première journée à Trois-Chemins commença à se répéter. Damien rentra dans la grange avec ce qu'il fallait pour se laver et, dans la maison, on s'occupait de se préparer pour aller travailler.

Aureane faisait cuire ses galettes et fit un petit sourire à Nicolaï lorsqu'il arriva. Edward se porta au devant du chevalier, le salua, puis entra une fois de plus dans le vif du sujet :

" Ma fille m'a confié votre désir de nous quitter aujourd'hui ou demain... Si je peux me permettre, demain, Adelphe pourrait vous conduire en charrette jusqu'à chemin fréquenté, cela vous évitera de la marche à pied, monseigneur. "

Justine venait de s'approcher en entendant la conversation, l'air désappointé :

" Vous partez déjà ? "

Adieu récits de tournois et de château qui la faisaient rêver... Elle était triste, mais l'expression de son père la fit battre en retraite et retourner à son travail en silence. Aureane resta consciencieusement concentrée sur la distribution des galettes.

" En attendant... vous nous donnez un coup de main aujourd'hui ? proposa Damien avec son éternel entrain. J'ai promis de faire de vous le plus parfait des chevaliers-laboureurs ! "

Il crut un instant que son père allait le tuer pour son effronterie mais, visiblement, les foudres paternelles ne l'effrayaient pas beaucoup ! Aureane vint leur donner une petite galette toute chaude et retourna près du foyer s'occuper des cendres. Puis tout le monde partit vers les champs sauf celles qui travaillaient à la maison, dont Aureane et sa mère.

Sur le chemin qui menait aux champs, les gens bavardaient gaiement, commentant pour beaucoup la journée de la veille entre deux commentaires sur l'hiver qui ne s'annonçait pas très bien. D'autres familles se joignirent à eux et Colin ne tarda pas à débarquer à son tour. Le regard qu'il posa sur Nicolaï n'avait plus rien de désinvolte : c'était à présent une haine pure qu'il ne cherchait même plus à cacher. S'il avait pu le tuer par la seule force de son regard, le chevalier n'aurait déjà plus été qu'un petit tas de cendres dispersées par le vent. Le coup d'œil meurtrier n'échappa pas à Damien qui fronça les sourcils : qu'est-ce que c'était encore que cette histoire ?

Mais contre toute attente, Colin ne chercha pas les ennuis et resta de son côté, s'acharnant sur la charrue en silence et ignorant Nicolaï. Damien se hâta de donner une tâche à ce dernier pour éviter un éventuel affrontement et tout le monde fut bientôt au travail.

La matinée s'écoula rapidement et il fut bientôt l'heure de déjeuner. On se contenterait d'encore moins, cette fois-ci, les repas de la veille ayant beaucoup puisé dans les réserves. Colin croisa une nouvelle fois le regard de Nicolaï et parut se retenir de ne rien faire. Il finit par quitter le petit groupe sous le regard médusé des autres paysans, et alla manger plus loin, sous un autre arbre, l'air haineux.

L'après-midi se passa également dans le travail, puis ce fut l'heure de rentrer. Colin se joignit aux Eldon sans mot dire. Les autres sentaient venir l'orage mais ne savaient comment réagir. Chez elles, Aureane et sa mère s'activaient pour préparer la soupe du soir. Damien et Fald dressèrent la table et l'on prit place autour. Edward commentait l'avancée des travaux aux champs et la grand-mère somnolait dans son fauteuil. Aureane, elle, aida sa mère puis s'absorba dans l'observation de sa soupe, ce qui sembla contrarier Colin au plus haut point. Il expédia le repas, remercia et prit congé des Eldon, non sans avoir foudroyé Nicolaï du regard.

Avec la journée de fête de la veille et celle de travail, la famille était épuisée et il fut juste convenu qu'Adelphe viendrait pour organiser le début du voyage dès le lendemain, aux aurores. Comme la veille, Aureane ne resta pas pour la soirée, mais à vrai dire, tout le monde était pressé de se coucher. Les adieux seraient pour le lendemain.

Nicolaï n'eut donc plus qu'à retourner à la grange et à passer aussi une nuit tranquille. Il n'avait pas fait un pas à l'intérieur que la porte se refermait, le plongeant dans le noir. La seule lumière provenait des fentes qu'il y avait un peu partout dans les murs et qui laissaient passer la clarté de la lune. Une silhouette se découpait et il ne fallait pas être devin pour deviner Colin.

" J'crois qu'il faut qu'on parle tous les deux. "

Le ton était menaçant, qui incitait davantage à sortir les arguments frappant qu'autre chose. Mais le jeune homme ne fit rien de plus que se placer entre la sortie et le chevalier. Ils étaient apparemment seuls et Colin ne laissait pas le choix à Nicolaï. Il reprit fermement :

" Je veux juste une chose, je suis pas un gars compliqué, moi. Je veux simplement que vous partiez. Maintenant ou demain, avec ou sans adieux, je m'en fiche. Mais seul. Vous allez laisser Aureane tranquille. Vous l'avez assez faite souffrir comme ça. Je peux pas vous laisser continuer. "

Il était tendu et luttait pour garder son calme et s'exprimer de façon claire. Malgré l'obscurité, on voyait que le sujet avait l'air de lui tenir à cœur et qu'il ne laisserait pas Nicolaï s'en tirer comme ça.

Guilaine parut hésiter un moment. Elle était sans doute un peu gênée d'être ainsi prise à part par Nicolaï. Certes, il pouvait y avoir de quoi. Mais les Cinq soient loué, elle était moins timide que sa sœur. Sinon Nicolaï l'aurait sans doute tué sur place en agissant de la sorte. La jeune femme secoua un peu la tête quant le chevalier acheva sa demande.

" Je ne sais pas... elle n'a rien voulu me dire. "

Guilaine eut alors quelques instants d'hésitation avant de poursuivre assez rapidement pourtant. Mais aussi bas qu'il était possible:

" Elle est contrariée, je ne sais pas par quoi... je sais aussi qu'elle ne m'en parlera pas. Quand elle se ferme comme cela, ça ne sert à rien de persévérer. "

Ça, le chevalier le savait fort malheureusement. Aureane était pire qu'une huitre à certains moment. D'ailleurs, elle était pire qu'une huitre la plupart du temps.

" Elle n'a jamais aimé étaler ses ennuis et inquiéter les gens mais... elle n'est pas stupide. Si nous pouvions l'aider en quoi que ce soit, je pense qu'elle nous le dirait. Elle prétend que les changements la perturbent et je pense que c'est vrai, du moins en partie... il lui faut peut-être juste un peu de temps pour s'y faire. Elle vient peut-être seulement d'en prendre conscience. "

Nicolaï hocha la tête. Il aurait crut que cela se passerait plus tôt. Et surtout, que se serait moins violent que cela. Revenir à Trois-Chemins lui avait parut une très bonne idée. Mais il n'était plus certain de lui à présent. Certes, cela faisait de la joie et ils avaient put obtenir le consentement du père d'Aureane. Mais...d'un autre côté, elle avait à présent à souffrir de cela.

Bien entendu, il était logique qu'on commence à se poser des questions sur se qu'ils pouvaient bien être en train de raconter tout les deux. Aussi, Guilaine se lança dans une pirouette explicative tout se qu'il y avait de plus parfait.

" Oui, bien-sûr, je vais vous montrer où puiser de l'eau ! "

Sans plus attendre, Guilaine l'entraina dehors avant que qui que se soit chez elle ait eu le temps de faire la moindre remarque. Ils se dirigeaient tout les deux vers le puis alors elle se remettait à parler.

" Colin a passé le reste de la soirée contrarié, même s'il ne le montrait pas... je me suis demandé ce qu'il lui avait dit, mais elle prétend qu'il n'a rien à voir là-dedans et elle en a l'air convaincue... je ne vous apprends rien en disant qu'elle fait une piètre menteuse. "

Nicolaï sourit en entendant se qu'elle venait de dire.

« La pire menteuse que j'ai jamais vu, confirma-t-il. »

Mais il y avait quelque chose d'important. Premièrement, cela n'avait aucun rapport avec Colin et s'était tant mieux. Deuxièmement, celui-ci avait passé une mauvaise soirée. Plus le temps passait et moins Nicolaï aimait ce type. Alors que personne ne s'attende à se qu'il regrette ou qu'il soit désolé. Bien, au contraire même.

" Je pense que nous ne tirerons rien d'elle en insistant. Si elle veut parler, elle le fera d'elle-même, mais ce n'est pas par elle que nous saurons ce qui se passe pour le moment. "

Elle n'avait pas tord. Alors dans ce cas, autant attendre. Ils retournèrent tout les deux en direction de la grange et elle le laissa pour retourner chez elle non sans avoir oublié un petit ''monseigneur'' pour la nuit.

***

Nicolaï fut à nouveau réveillé par le coq le lendemain. Il commençait à voir en quoi Dyriet ressemblit à Trois-Chemins. La vie y était assez réglé et cyclique. À nouveau, Damien rentra dans la grange avec ce qu'il fallait pour se laver. Dans la maison des Eldon on était en train de préparer tout se qu'il fallait pour la journée de travail.

Aureane faisait cuire ses galettes. Elle parvint même à adresser un petit sourire à Nicolaï lorsqu'il arriva. Edward ne lui laissa pas le temps de faire ou de dire quoi que se soit et l'attrapa immédiatement au vol.

" Ma fille m'a confié votre désir de nous quitter aujourd'hui ou demain... Si je peux me permettre, demain, Adelphe pourrait vous conduire en charrette jusqu'à chemin fréquenté, cela vous évitera de la marche à pied, monseigneur. "

Ah, comme toujours il faisait preuve de son habituel franchise. Justine afficha un air désappointé en entendant se qui venait de se dire.

" Vous partez déjà ? "

Elle paraissait triste, mais le regard que lui lança son père la fit battre en retraite de façon un peu précipitée. Aureane quant à elle restait consciencieusement concentrée sur la distribution des galettes.

« Oui, se serait avec plaisir, dit Nicolaï. Merci de nous faire cette proposition. »

Et c'est là que Damien, toujours un peu rentre dedans décida d'intervenir.

" En attendant... vous nous donnez un coup de main aujourd'hui ? J'ai promis de faire de vous le plus parfait des chevaliers-laboureurs ! "

Nicolaï ne put s'empêcher de sourire en acceptant la proposition. Et cela malgré l'air particulièrement en colère de son père qui parut à deux doigts de l'étrangler de ses propres mains. Étrangement, ce regard n'eu pas tout à fait le même effet sur Damien que sur sa soeur.

Aureane vint leur donner une petite galette toute chaude et retourna près du foyer s'occuper des cendres. Tout le monde partit assez rapidement en direction des champs à l'exception de ceux qui devaient rester et travaillaient à la maison.

Sur le chemin, les gens bavardaient tranquillement. Le principal sujet de conversation était bien entendu se qui s'était déroulé la veille. Mais aussi l'hiver qui ne s'annonçait pas très bien à cause des récoltes qui avaient été en partie gâchées par l'éclipse. Comme les jours précédents, il furent rejoint par d'autres villageois. Dont Colin. Celui-ci foudroya littéralement Nicolaï du regard. Il n'y avait plus là la moindre petite trace de désinvolture ou de moquerie. Seulement de la haine.

Oh. il avait comprit maintenant. Oui. Il avait sans doute comprit qu'il n'aurait pas Aureane et cela ne lui plaisait pas du tout. Si Damien se demandait se qui était en train de passer, se n'était pas le cas de Nicolaï qui était persuadé d'avoir comprit la raison de ce changement chez Colin. Ça avait peut-être un rapport avec se qui s'était passé hier soir pendant qu'il dansait avec Aureane. Peut-être. Mais ça avait un rapport avec Aureane ça il pouvait en mettre sa main à couper.

Pourtant, Colin ne chercha pas les ennuis et resta de son côté, s'acharnant à la tâche en silence. Se contentant simplement d'ignorer Nicolaï. Damien quant à lui fit aussi vite que possible pour confier au jeune homme une tâche aussi loin que possible de Nicolaï afin d'éviter autant que possible un affrontement.

La matinée s'écoula assez rapidement et il fut bientôt l'heure de déjeuner. Colin croisa une nouvelle fois le regard de Nicolaï et parut se se faire violence pour ne rien faire. Nicolaï quant à lui ne bougeait pas d'un pouce. Soutenant sans la moindre difficulté le regard de Colin. Qu'il soit détesté, il en avait l'habitude. Et puis, à côté des drows ou de Veshork, Colin n'était qu'un petit caniche. Il pouvait grogner et montrer les dents tant qu'il voulait. Nicolaï n'était pas assez stupide pour faire le premier pas lui même. Colin cherchait depuis qu'il était arrivé à le provoquer. Peut-être pour déclencher une bagarre. Mais s'il voulait se battre, se serait lui qui devrait porter le premier coup. Le jeune homme finit par quitter le petit groupe sous le regard médusé des autres paysans.

L'après-midi fut en tout point semblable à la matinée. Puis, le soir tomba et se fut l'heure de rentrer au village. Colin se joignit aux Eldon sans dire un mot et surtout, sans jeter le moindre regard dans la direction de Nicolaï. La tension entre eux était tout à fait palpable. Mais sans doute personne ne savait-il se qu'il fallait faire. Il aurait sans le moindre doute fallut agir plus tôt. Aureane aurait été promise à Colin. Et aujourd'hui, celui-ci la voyait bientôt épouser un autre. Un chevalier sortit tout droit d'un compte de fée et qui plaisait assez à sa famille. Personne n'avait vraiment fait attention à cela et tout le monde avait laisser les choses se gangrener. À présent, il était trop tard.

Aureane et Agathe s'activaient pour préparer la soupe du soir. Damien et Fald dressèrent la table et toute la famille s'installa rapidement autour de celle-ci. Edward commentait l'avancée des travaux aux champs et la grand-mère somnolait dans son fauteuil. Aureane, elle, aidait sa mère puis s'absorba dans la contemplation de sa soupe qui devait avoir une allure fort interessante à n'en pas douter. Cela sembla plus encore énerver Colin et la tension entre lui et Nicolaï parut monter d'un cran malgré tout le calme du chevalier. Colin expédia le repas, remercia et prit congé des Eldon. Foudroyant le chevalier au passage. Heureusement qu'ils partaient demain. Quelques jours de plus et il était possible que Colin en vienne au poing.

Un spectacle sans doute des plus navrant. Et ça quel qu'en soit l'issue. Se n'était pas quelque chose auquel le chevalier voulait participer. Loin de là.

On décida juste qu'Adelphe préparerait le départ demain aux aurores avant que tout le monde, épuisé ne décide d'aller se coucher pour se reposer et récupérer un peu de la veille et de cette journée de travail.

Nicolaï retourna tranquillement dans la grange. Mais apparemment, les Cinq (et sans doute plus précisément Mogar) avaient autre chose en tête pour lui. À peine fut-il à l'intérieur que quelqu'un referma la porte. Un réflexe de combattant, Nicolaï s'éloigna des battants de bois et fit face à un éventuel assaillant. Il n'y avait presque pas de lumière qui rentrait dans cette grange. Mais avec les quelques fenêtres et les fentes un peu partout dans les murs, il distinguait sans la moindre difficulté une silhouette avancer dans sa direction.

Colin.

La situation se compliquait.

" J'crois qu'il faut qu'on parle tous les deux. "

*Discuter ou cogner?*

Vu le ton employé par le villageois, il y avait de quoi se poser des questions tout de même. Sans compter cette éttitude agressive, le fait de bloquer la seule sortie de la grange ainsi que cet effet de surprise et d'isolement. En effet, il voulait juste parler lui.

Colin reprit fermement, son regard haineux fixé sur le chevalier :

" Je veux juste une chose, je suis pas un gars compliqué, moi. Je veux simplement que vous partiez. Maintenant ou demain, avec ou sans adieux, je m'en fiche. Mais seul. Vous allez laisser Aureane tranquille. Vous l'avez assez faite souffrir comme ça. Je peux pas vous laisser continuer. "

Un rictus déforma les lèvres de Nicolaï. Il en était sur. Colin était d'une simplicité infantile.

« Bien sur et tu seras là pour la consoler de la perte de son chevalier je suppose, répliqua Nicolaï avec sarcasme. »

Bon. Il ne fallait pas non plus trop énerver Colin. Mais tout de même. Nicolaï n'avait pas la moindre envie de lui laisser croire une seule seconde qu'il était face à un idiot.

« Ma réponse est simple. Je refuse. Se n'est pas discutable. »

Il y eu un instant de silence.

« Elle m'aime. Je l'aime. Nous sommes fiancé. Tu as dut remarqué cette petite fête hier. Je ne sais pas se que tu espérais en venant ici. Si tu m'a bien observé et testé comme je sais que c'est le cas, tu devais te douter de la réponse que je te ferais. Mais tu ne me fait pas peur Colin. Demain je partirait avec Aureane. Je peux offrir à Aureane une vie dont elle ne pourrait pas même rêver avec toi. Alors maintenant demande toi bien. Est-ce que c'est pour son bien que tu veux qu'elle reste ici ou par simple égoïsme parce que tu la veux pour toi? »

Nicolaï restait sur ses gardes. Prêt à parer à toute éventualité.

« Et maintenant Colin? Quel est la suite du programme? »

" Bien-sûr et tu seras là pour la consoler de la perte de son chevalier je suppose. "

Le regard de Colin se durcit. Il serra les poings mais se força à écouter la suite. Casser la figure de ce minable n'était pas dans ses plans... enfin, pas dans ses plans immédiats.

" Ma réponse est simple. Je refuse. Ce n'est pas discutable. "

Prétentieux. Sale petit nobliaux prétentieux. Il allait lui faire ravaler son arrogance. Mais pas à coups de poings, même s'il en mourrait d'envie. Il le laissa continuer, mais ne put en supporter davantage lorsqu'il demanda la suite du programme et fit un pas en avant en rugissant :

" Pour son bien ? Tu oses prétendre que tu agis pour son bien ? "

Pas de "vous", non. Il n'était pas d'humeur à jouer au gentil paysan docile. Cet abruti ce méritait pas ça. Colin dut faire un effort surhumain pour ne pas l'étrangler de ses propres mains à l'instant, mais se maitrisa assez pour poursuivre :

" C'est moi qui suis égoïste ? Tu t'es regardé ? Tu as pensé deux secondes à son bonheur, toi ? "

L'imbécile ! S'était-il seulement écouté ? Il ricana et lâcha avec mépris :

" Ah oui, j'oubliais, tu as raison, tu lui offriras tout ce que tu voudras... C'est vrai que tu dois drôlement l'aimer et avoir pris le temps de la connaitre pour prétendre que l'argent fera son bonheur ! C'est le genre de fille qui se plaira au milieu des nobles, sans aucun doute, elle sera ravie de parader à tes côtés alors qu'elle est déjà mal à l'aise à l'idée que des personnes qu'elle connait depuis toujours osent la regarder danser ! "

Il était hors de lui mais parvint à ne pas faire un pas de plus. Réduire la distance de sécurité les aurait fait en venir aux mains sans aucun doute.

" Tu l'aimes assez pour l'arracher à sa famille et la projeter dans un monde où elle n'a pas une chance ! Alors oui, c'est peut-être moche ici et je n'ai peut-être pas un magnifique manoir à lui offrir, mais elle a grandi dans un monde où la famille avait son importance. Suffit de voir comment elle vit son départ ! "

Colin respira un grand coup et serra les dents. Il ne voulait pas se laisser déborder. Le chevalier le laissait parler, alors autant en profiter, c'était quand même mieux que de devoir l'assommer à moitié pour pouvoir en placer une.

" C'est bien beau de jouer au brave gars proche du petit peuple, mais tu peux me dire ce qu'elle fera quand elle se retrouvera plantée dans son manoir ? Tu n'as peut-être pas pris le temps d'y réfléchir, trop occupé à te glorifier de cette belle action charitable, mais moi j'y ai pensé. Elle se tuera à la tâche pour tenir la maisonnée qu'elle n'a pas choisi ou bien elle finira par devoir engager du monde et culpabilisera de ne pas réussir à assumer. "

Il se força à desserrer un peu la mâchoire, mais ce fut pour conclure sèchement :

" Tu as raison, c'est sûrement moi, qui suis égoïste. Elle sera sûrement très heureuse dans la dentelle à converser aimablement avec ton baron, c'est bien son style, tu l'as tellement bien cernée que j'en reste pantois. Elle sera ravie qu'un noble quelconque lui donne le bras pour la mener à l'autel. "

Qu'il ose lui dire le contraire ce sale petit orgueilleux. Il était noble, alors il se croyait au-dessus de tout, hein ?

" Vous savez quoi ? demanda-t-il avec amertume alors que sa colère retombait, remplacée par de l'écœurement, vous me dégoutez. Vous êtes tellement sûr de vous, tellement content de vous... Elle vous aime, alors vous profitez... c'est tellement facile avec une jeune fille aussi gentille. Vous la voyiez vous dire franchement ce qu'elle pense de tout ça ? Non, bien-sûr, vous ne vous posez même pas la question, ça vous arrange bien ! Et c'est moi qui suis égoïste... "

Il haussa les épaules, ne cherchant même plus à voiler son mépris.

" Sûrement, oui. Vous êtes tellement malin, monseigneur, vous m'avez percé à jour. "

Une hache. Un bon coup de hache qui ferait dégouliner la cervelle et toute cette bêtise accumulée à l'intérieur. Colin n'était pas spécialement réputé pour ses crises de colère, c'était un jeune homme plutôt tranquille, mais là, il était hors de lui. La suffisance que lui opposait Nicolaï ne pouvait que lui donner envie de lui faire ravaler sa prétention, mais il n'était pas certain qu'Aureane apprécierait de trouver un cadavre au petit matin. Aussi, il se maitrisa et écouta la tirade de Nicolaï en croisant les bras.

... Cet imbécile... cet imbécile aimait vraiment Aureane... c'était un fait. Ou alors il était bon comédien...

Nicolaï montait déjà à l'échelle et Colin soupira :

" Le plus triste c'est que vous êtes sûrement convaincu de ce que vous dites. Vous dites qu'elle arrive à peine à ne plus vous appeler "messire" et vous prétendez qu'elle s'habituera à une vie pareille ? "

Nicolaï pouvait bien dire ce qu'il voulait, un manoir restait un manoir et devenir une dame, même si on jouait à ne pas y prêter attention serait forcément lourd à porter pour la jeune fille. Il soupira :

" La vérité c'est que vous essayez de la changer en espérant qu'elle s'y fera et en vous justifiant en disant qu'elle est plus forte qu'elle n'y parait. Mais justement... elle n'est pas du genre à crier grâce pour s'épargner, pensez-y. "

Le chevalier l'aurait à l'usure et elle n'aurait même pas l'idée de protester, trop occupée à le ménager alors que tous ses ennuis viendraient de lui ! Dans cette obscurité, Colin ne savait pas si Nicolaï l'écoutait encore, mais il se devait au moins de terminer. Personne ne pourrait dire qu'il n'aurait pas tout tenté pour éviter la catastrophe vers laquelle le chevalier précipitait gaiement Aureane.

" C'est pour ça... Si vous aviez pris un peu le temps de l'observer ces derniers jours, vous n'envisageriez même pas de la déraciner et vous feriez ce que je vous dit sans poser de question : vous la laisseriez en paix. A vous entendre, elle a déjà souffert, alors il serait peut-être temps d'arrêter les frais. "

Sur ces quelques mots, il fit demi-tour et quitta la grange en silence. Nicolaï avait raison : discuter ne servait à rien. Le chevalier aimait trop Aureane pour faire attention à ce qu'il allait provoquer.

***

Le jour se leva une nouvelle fois sur Trois-Chemins, au grand soulagement des habitants qui n'avaient pas oublié l'éclipse. La mère d'Aureane était d'ailleurs de ceux qui priaient Néera tous les soirs à ce sujet.

Chez les Eldon, on se leva, puis Adelphe arriva avec sa charrette et la tante Clémence fit de même avec un petit sac de voyage. Toute la famille et quelques amis s'étaient réunis pour ce dernier petit-déjeuner. Mais les trois-quart des villageois venaient assister au départ de ce couple qui alimenterait longtemps les conversations des veillées. Colin, lui, était absent.

Aureane était bien entourée et essayait de cacher tant bien que mal son émotion. Justine retenait ses larmes mais ne la lâchait pas d'une semelle, répétant à quel point sa sœur avait de la chance de voir de nouveaux paysages et qu'elle allait terriblement lui manquer. Il fallait dire que la fillette n'était pas vraiment à sa place au village, elle qui était si vive et ne supportait que difficilement l'autorité. Guilaine aussi restait auprès d'Aureane et lui promettait une correspondance régulière. Leur mère semblait avoir disparu.

Lorsque Nicolaï arriva, Agathe refit soudain surface, portant un petit coffre, et s'approcha des fiancés, toute émue :

" Je sais qu'il ne devait pas y avoir de trousseau, mais nous nous y sommes toutes mises... Si tu étais restée parmi nous, nous aurions aidé à ton installation, mais puisque tu t'en vas... je sais bien que ce n'est pas grand chose, monseigneur, continua-t-elle à l'attention de Nicolaï, mais nous voulions qu'elle ait quand même un petit quelque chose. "

Aureane voulant ouvrir le coffre, sa mère reposa une main sur le couvercle.

" Non, pas avant d'arriver à Dy... Ryd... chez... vous. Pas avant. "

Elles avaient toutes les deux les larmes aux yeux et s'étreignirent, les protestations d'Aureane moururent dans l'embrassade. Ce fut le tour de son père de la saluer, de façon plus formelle bien qu'on sente l'émotion contenue. Puis ses frères et sœurs, les uns après les autres, qui lui glissèrent quelques mots affectueux. La jeune fille s'essuyait les yeux au fur et à mesure et elle resta longtemps dans les bras de Guilaine. Justine se mit à pleurer franchement lorsque ce fut son tour.

" Tu vas me manquer, Aureane ! Et puis, tu me raconteras, hein, tu me raconteras ? "

La tante se faisait discrète, pas l'air émue pour un sou, mais ce fut Edward qui craqua et attrapa sa cadette par une oreille pour la tirer brutalement en arrière et la faire taire. Justine lâcha un gémissement et alla se placer derrière Damien, la tête basse, sachant qu'elle allait tôt ou tard se prendre une raclée. Bon, les adieux déchirants agaçaient leur père et il chargea un petit sac de nourriture dans la charrette pour assurer le début du trajet aux voyageurs et leur faire comprendre qu'il était peut-être temps de partir. La plupart des femmes de la famille pleuraient et Damien serra une nouvelle fois sa sœur dans les bras, avant de serrer la main à Nicolaï une seconde fois. Le chevalier avait eu droit à des adieux plus froids, sauf de la part de Justine qui l'avait regardé d'un air tout malheureux. Le couple avait eu droit à tous les vœux de bonheur.

" Promets-moi de continuer à écrire à Guilaine, elle nous donnera de tes nouvelles, " répéta Agathe pour la cinquantième fois au moins.

La tante embrassa tout le monde d'un petit baiser sec et monta dans la charrette où attendait Adelphe.

" C'est quand vous voulez, " lâcha-t-elle froidement.

Aureane hocha la tête en s'essuyant les yeux qui coulaient malgré tous ses efforts pour ne pas pleurer.