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 La Louve et l'Aigle (PV)

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Jeanne de Sephren
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MessageSujet: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeJeu 9 Juin 2011 - 13:25

Il était une fois par une douce fin de journée de Barkios, dans le duché de Langehack, une jeune duchesse soupirant auprès d’un âtre à demi-éteint. Lovée sous une couverture, seul son fin index quittait la tiédeur rassurante pour se risquer sur le sillon des mots d’un ouvrage particulièrement rébarbatif. Soudainement, trois coups retentirent. Sursautant vaguement, tirée de son étude silencieuse, Jeanne chercha d’abord la provenance du bruit. Se redressant presque fébrile, elle fit le tour de sa chambre parée de sa couverture-mante. D’un doigt, elle effleura le linteau marbré de la cheminée, puis recula de quelques pas. Sourcils froncés, elle jaugea l’endroit d’air sévère. Mordillant nerveusement ses lèvres, elle se risqua à avancer à nouveau la main.

Deux brefs coups. Elle lâcha une expiration craintive. « Duchesse ? Puis-je entrer ? » La porte cette fois-ci, Guilhem. Mettant de l’ordre dans sa tenue, elle souffla plusieurs fois pour reprendre contrôle de son cœur battant la chamade. « Entrez ». Pliant sa liseuse, elle étira un sourire à l’attention de son mentor, comme si de rien était. Délivrant à sa protégée une missive, le vicomte patienta durant la lecture de celle-ci, attentif aux réactions de la jeune femme. Après le déchiffrage de l’écriture fine et serrée, Jeanne sourit, oubliant le menu incident précédent.

- Faites préparer une chambre. La baronne d’Olyssea arrive demain. Demander également à Michelle de prévoir quelques activités pouvant convenir à des jeunes filles de notre rang. Et par pitié, pas une séance de jeu de carte en picorant des tartes. Quelque chose de plus actif !

Prenant soudainement compte du messager, elle pencha légèrement la tête interrogative.

- Il n’y avait plus assez de domestiques de libre pour faire le coursier que mon conseiller en personne se déplace ?

- Nous devons parler, Jeanne.

Le ton paternaliste renvoya la jeune fille quelques mois en arrière le temps d’un instant. Obéissante, elle prit place sur un fauteuil et observa son interlocuteur.

- Il est temps que vous cherchiez un époux. Nous en avions déjà parlé. Pour faire taire les rumeurs et les indécis, un homme doit se tenir à vos côtés.

Le discours dura quelques heures. Les mots changèrent, mais la substance restait similaire « trouver un mari ». Jeanne était loin d’être contre l’idée, mais elle craignait de se retrouver au bras d’un de ces vieux rétrogrades déjà à moitié grabataire. S’il était facile d’oublier l’union romantique de deux cœurs épris, se retrouver aux prises, et accessoirement dans le lit, d’un homme repoussant de l’âge de son père taraudait et aiguillonnait les craintes les plus folles de la rosière.

Soupirant de soulagement au départ de Guilhem, Jeanne put enfin se concentrer sur ce qui la mettait d’excellente humeur. L’arrivée d’une « congénère », une autre femme de pouvoir. Curieuse, la duchesse se demandait comment était la baronne, quelles étaient ses idées, ses aspirations. Après tout, Clélia serait sa première rencontre de ce type. Oui, naturellement, elle avait espéré rencontrer sa vassale de Merval, mais Eulalie semblait particulièrement occupée depuis quelques temps. Une fois la situation stabilisée en Langehack, elle rêvait de se risquer à la cour de la Duchesse de Soltariel, malgré les rumeurs de décadence soltariie. Beaucoup de bruits circulaient sur l’Inèssique souveraine et la femme intriguait grandement la toute jeune tête ducale.

Le lendemain, le château en effervescence attendait la venue de la baronne. Si la visite impromptue du Seigneur d’Ysari avait permis de déceler quelques failles dans l’organisation langecine, l’arrivée de l’hôte de marque était, cette fois-ci, attendue de pied ferme.
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MessageSujet: Re: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeSam 11 Juin 2011 - 19:32

    Le soleil entamait timidement sa montée par delà les cimes des arbres alors que le trot des chevaux se faisait plus régulier. Soigneusement peignées, les crinières sombres des montures étincelaient d’une arrogante fierté dont se paraît tout le cortège ; et pour l’occasion – que la baronne avait tenu à marquer d’une croix blanche -, ce dernier se faisait assez important : le premier carrosse, le plus imposant, voilé de tentures écarlates, masquait l’invitée de marque qui guettait par la légère ouverture qu’elle avait créé de la main, aussi curieuse qu’impatiente. Derrière eux, les autres convois qui suivaient se composaient d’une autre partie de sa garde, ainsi que de toutes les affaires dont elle avait besoin. Non sans être précieuse, la jeune femme savait qu’entre Langehack et Olyssea, il n’y avait pas un monde, certes, mais suffisamment de distance pour encombrer une calèche de robes, de chaussures et de menus présents pour la duchesse. Après tout, les relations, il fallait bien les entretenir, et quoi de plus efficace qu’une délicate attention enrubannée d’or pour faire bonne impression ?

    Qui plus est, Clélia avait éprouvé une curiosité toute naturelle pour la nouvelle héritière du duché langecin. Toutes deux étaient des jeunes filles jugées par leurs pairs comme des débutantes ; chacune à sa manière faisait parler d’elle. Il était donc temps pour l’olysséenne que les deux damoiselles se rencontrent ; face à la forte dominance masculine qu’elle ne considérait pas comme une concurrence pour autant, il aurait été aussi naïf qu’illusoire de ne pas profiter d’un trop rare soutien du sexe faible. Les hommes avaient leur part de ruse utilisée à plus ou moins bon escient, et ils pouvaient, peut-être trop hâtivement et maladroitement ! juger la femme manipulable à sa convenance. Créer le lien avec la duchesse langecine était donc un impératif autant qu’une volonté personnelle.

    Dans le passé, elle doutait que les relations entre leurs deux domaines eut été clairement approfondie, ou même simplement imaginée. Il n’y avait pas de haine, mais pas plus d’affection, comme si après tout, chacun ignorait l’existence de l’autre et ne ressentait clairement pas le besoin, l’envie ou même l’utilité de se connaître. Et pourtant, la connaissance paraissait être une judicieuse arme aux yeux de la jeune femme.

    Après un court échange de missives, rendez-vous avait été convenu. Laissant à Innocent le soin minutieux dont il savait faire preuve de préparer l’entièreté du voyage, elle avait d’ailleurs enfin fait revenir son intendant de Sharas, savourant la présence familière du vieillard à ses côtés. Il n’était pas de la partie, mais la raison était positive : Clélia savait qu’elle pouvait lui confier la responsabilité du domaine le temps de son absence.

    La calèche aux armoiries de la Louve s’avançait, s’approchant de la demeure à un rythme mesuré. A l’intérieur, la blonde enfant trépignait quelque peu, tendant le cou pour chercher à voir ce qu’elle ne pouvait encore distinguer que d’un œil plissé. Langehack était différent d’Olyssea et de toutes les contrées avoisinantes de sa région, ca, c’était un fait avisé. Et pour Clélia, qui ne s’était encore jamais aventurée sur les terres de la jeune duchesse fraîchement nommée, tout ce qu’elle voyait là était si changeant, différent des lignes d’horizon auxquelles ses yeux se heurtaient par habitude. Ici, il semblait avoir régné pendant longtemps une atmosphère aussi douce que cotonneuse, peut-être un peu trop ? La faute au raffinement architectural, qui, poussé, avait cette qualité et ce défaut d’être bavard. Malgré tout impressionnée par la recherche, le détail dans le luxe de la moindre parcelle de jardin ou d’espace de circulation, Clélia retint un sourire un brin désabusé ; la jeune Jeanne de Sephren devait être totalement perdue dans cet univers surdimensionné et étouffant d’enluminures.

    La cadence des chevaux ralentit, et la jeune baronne lissa un pli imaginaire de sa tenue, soucieuse de l’apparence première qu’elle ferait face à sa « consoeur » : pour ce jour là, elle avait subi les avis divergents de ses dames de compagnie, les congédiant finalement par agacement pour décider elle-même de ce qu’elle porterait. Une robe d’un gris perle au col haut et aux manches longues lui ceignait la taille et les hanches, laissant sa démarche libre et fluidifiée. Ses cheveux avaient été pour l’occasion relevés en un sobre chignon, et par-dessus ses épaules avait-elle pris le soin d’emmener une étole pour les intempéries ... Oubliant que le sud offrait des températures plus douces et un temps moins nuageux.

    C’est lorsque la porte s’ouvrit que Clélia réalisa qu’ils étaient enfin définitivement arrêtés. Le marchepied étant installé, la jeune femme sortir du carrosse avec précaution, cherchant du regard la silhouette de Jeanne dont on lui avait tant parlé ; et elle la vit, au loin, se dessiner ... Lui arrachant l’ombre d’un sourire satisfait. Dénué de fierté ou d’une assurance prodigieusement agaçante, il marquait pourtant l’espoir convaincu d’un échange prometteur.

    Ses pas foulèrent le sol jusqu’à réduire la distance qui séparait les deux nobles, les entrelacs bleus croisant leurs homologues dans une lueur de respect tiède. Son dos se courba avec élégance en une révérence soulignée.

    « C’est un réel plaisir que d’enfin rencontrer son Altesse langecine. »
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Hans
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MessageSujet: Re: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeSam 25 Juin 2011 - 23:24

Cependant que les deux dames se rencontraient, il se trouva qu'Anseric demeurait également au cœur du Langecin. Il avait quitté quelques jours ce-tantôt sa cité, prenant la route du Sud, avec pour direction Sharas. De là, une galée l'avait mené jusqu'à Azalie, qu'il avait quittée la matinée même. Bien que que le déclin de l'automne fut déjà grandement avancé, les vicissitudes de la marche avaient éreinté le comte. S'il goûtait de voyager dans ses mornes plaines, arpenter Langehack, ce pays de cocagne, lui causait le plus grand désagrément.

La ville, annoncée comme salvatrice, était un enfer. Les dorures mirifiques y côtoyaient une plèbe crasseuse, aux exhalaisons putrescentes. Anseric, qui abhorrait les poudrés langecins, avais pris quartier dans une auberge populaire - "au moins, eux ici sont les mêmes que chez nous", avait il dit. La gargote sordide où les arétrians dormiraient était une de celles qui se plaisent à accueillir les aventuriers. On pouvait y trouver, si tant était d'avoir l’œil, toutes ces idées sorties de l'imagerie plébéienne. Ainsi, le tenancier s'échinait à passer le torchon sur un comptoir peu reluisant, glissant à qui-de-droit bières et bons tuyaux, tandis que les parieurs pariaient, les danseuses dansaient, et les troubadours troub..chantaient.

Parti commander de la bière et des bons tuyaux, le Haudoin revint rapidement baguenauder autour de son maître, dont l'étroitesse du baquet semblait inconforter les ablutions. Passant de sa mousse à celle du bain, notre compère au nez biaiseux conta auprès d'Anseric, entre deux gorgées, comment le vieux Kazil avait trépassé - tombé du lit! il n'en fallait pas moins pour abattre ce terrible guerrier ! - et comment, une fois n'est pas coutume, l'on avait retrouvé la fameuse héritière légitime cachée dès sa naissance. C'était là une surprise à ne point négliger, pour cet homme qui noyait son veuvage trop long en culbutant des caméristes. Toutefois, s'il désirait désormais ardemment rencontrer l'Aiglonne, il ne pouvait guère s'inviter à sa table comme le pire des malpropres ysaroi.

S'ensuivit un ramdam infernal dans les rues de Langehack. Habilement conseillé par son âme damnée, Anseric avait pris le parti d'agiter avec innocence mais industrie la populace de la cité. La soirée durant, nos diables arétrians en vinrent succinctement à dresser un imposant banquet, à s'escrimer galamment aux yeux du peuple, pour finir par inviter les nobliaux locaux à en faire de même. La rumeur enflait dans la ville, où l'on disait qu'un seigneur du nord, haut comme trois masures et large comme deux, faisait bombance en l'honneur de ses hôtes, donnant festin pour les gueux et joutant avec les sang-bleus. L'auberge typique s'était vue trop chétive pour héberger cette mania, et désormais toute une horde ripaillait dans les rues, bramant et braillant des chansons qu'onc chaste dame n'aurait su entendre (ça avait trait à la bite, souvent).


Lorsqu'un homme frappé de la livrée à l'aigle de sable vint héler notre héros, l'informant que sa maîtresse à sa table le conviait, celui-ci, goguenard, répondit : « Je ne suis que modestement de passage, et ne saurais déranger Sa Grandeur par sa présence... Mais si elle insiste, je ne peux refuser ! »
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Aetius d'Ivrey
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MessageSujet: Re: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeDim 26 Juin 2011 - 17:51

[Incruste en approche (t'as vu).]





« … Car, au moment où ils doivent se reposer… »
« Oui, nous savons, Isles. »
« Comment ça, vous savez, Carvali ? »
« Votre fable, nous la savons. »
« Dame, j’aimerais entendre ça ! »
« ‘Car, au moment où ils doivent se reposer, ils s’encombrent de soucis et de tracas.’ »
« … »
« Voilà ce qui arrive quand on ressasse, doux sire. On se fait couper l’herbe sous le pied et, quand on a moins de chance, ravir son trône. »
« Peut-être n’aurait-il pas eu à ressasser si vous ne nous aviez pas perdu en plein marécage mervalois, Carvali. »
« Hé ! là, je fais de mon mieux, entendez-vous, La Jaille ? Qu’y puis-je si Sacrepon nous a faussé compagnie alors qu’il nous faisait emprunter son raccourci ? »
« D’ailleurs, où est-il parti, notre Malebretteur ? »
« Il a disparu dans la mangrove, prétextant avoir entendu le cri d’une femme qu’il est allé sauver ou perdre. Oh, ne faites pas ces gros yeux, La Jaille! Croyez bien que je lui ai proposé mon épée, on n’est jamais trop de deux une fois que la nuit est tombés sur les marais pharétans. »
« Dites-moi, Carvali, ne lui auriez-vous pas proposé l’épée sans le bras, à ce bon maître d’armes ? »
« Dame, qu’allez-vous penser là ! Je l’ai supplié de l’accompagner, et tout ce que j’ai eu en échange, c’est un de ses rires qui vous glacent le sang. Non, vraiment, ce soir, je ne m’inquiète pas pour le brave Sacrepon, mais plutôt pour les gens qui y vivent, dans ce marais maudit. M’est avis que notre homme n’est pas guidé par les appels à l’aide d’une vierge en détresse, mais plutôt par une fringale de chair humaine. »
« Faribole ! »
« Ragots indignes ! »

Et la conversation continua ainsi pendant de bonnes heures. Le soleil finissait de se coucher lorsque les trois jeunes courtisans finirent de disputer sur les appétits diaboliques du Malebretteur dont, disait la rumeur, il tirerait son adresse et sa force surhumaines. Les jeunes hommes, qui marchaient à la tête d’une suite d’à peu près cent soldats, pages, notaires, courtisanes et patriciens des cités libres de Pharem, suivaient de loin le comte de Scylla. D’humeur mélancolique, il s’était écarté de ses amis et sujets (?). L’être qui l’accompagnait était Grelots, le fou du comte, qui marchait, quant à lui, à pied au côté du cheval de son seigneur. C’était un nain qu’Aetius avait rencontré lors de ses campagnes au nord. Le mercenaire, dont la langue était bien pendue et la hauteur rigolote, avait rejoint la cour du comte avec le statut hautement convoité de fol. Aetius s’était attaché à cette boule remplie de nerfs et d’esprit, et s’il n’avait point vu en fou et en soldat, il n’aurait jamais vu penser qu’un eut pu atteindre le cœur d’un homme aussi bien avec la langue qu’avec un glaive.

Et puis là, paf, au sortir d’un sous-bois, ils aperçurent Langehack, enfin.


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Jeanne de Sephren
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MessageSujet: Re: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeLun 27 Juin 2011 - 21:08

D’une révérence et d’un sourire radieux, Jeanne salua la Baronne d’Olyssea. Civilités et banalités échangées sur la qualité du voyage et autres sujets badins, la duchesse entraîna dans son sillage la baronne jusqu’aux jardins. Le froufrou des étoffes riches des parures des deux jeunes femmes, leurs talons claquant sur le sol clair, le chuchotement des suivants les bras chargés de paquets formaient l’étrange mélodie d’une visite toute protocolaire. Le ciel automnal clamait encore haut la douceur des climats langecins. Le soleil rayonnait de tous son saoul et les oiseaux chantaient, n’osant pas faire l’affront à la méticuleuse héritière de briser le cadre parfait soigneusement mis en place.

Sous une tonnelle de métal forgé aux arabesques et symboliques diverses, la glycine et autres plantes s’accrochaient formant un nid délicat, à l’abri des courants pour les deux nobles. Divans aux teintes azurés et une table étaient dressés, nichés en son sein. Quiétude et délicatesse sucrées accueillaient les jeunes femmes pour la suite de leur première rencontre. Les présents soigneusement s’entassaient en pyramide sur une seconde table dressée en arrière de la scène idyllique pour ne pas souiller la vue des demoiselles sur le labyrinthe de haies en contrebas. Après quelques nouvelles badineries, Clélia offrit ses présents à Jeanne. Un fourmillement de flacons de teintes diverses aux senteurs multiples firent office de jeu à la découverte des odeurs d’une région que Jeanne n’avait vu qu’à travers les croquis d’un artiste voyageur et apprécié de la cour langecine. Virent ensuite des étoffes, aussi somptueuses – mais pas tout à fait- que celles produites sur ses terres. Finalement, assez une certaine satisfaction et impatience perceptible, Clélia manda les présents suivants.

A partir de cet instant, la rencontre de deux jeunes demoiselles comme il faut tourna à une succession de bris de règles établies par la société patriarcale. Un magnifique chien de chasse parfaitement entrainé pour la grande vénerie, un arc somptueux dans la plus pure tradition de l’archerie olysséenne, l’équipement de cuir nécessaire à la chasse, des dagues et des poignards, un véritable arsenal s’étala rapidement entre les flacons de parfums et les tissus brodés. Étrangement, les deux jeunes femmes s’accordèrent rapidement sur l’intérêt de la chasse. Jeanne s’extasia bientôt sur la finesse des lames offertes. Clélia, prolixe, lui enseigna bientôt comment tenir ce genre d’outils avec force rires et sourires. Michelle, dépitée par temps de transgressions de tabous – une jeune rosière avec une arme, pensez-vous- essaya tant bien que mal de calmer les élans et les envolées d’un discours qu’on attendrait pondéré de la part de si haute-noblesse. Congédiée d’un geste autoritaire, les deux jeunes femmes eurent tout le loisir de continuer de batailler à bâtons rompus de leur début d’expériences en tant que dirigeante sans voir planer sur elles, le regard accusateur des traditionnalistes.

Rapidement, elles quittèrent l’ambiance feutrée pour partir à l’aventure du labyrinthe et surtout de sa volière, joyau le plus précieux des trésors langecins selon Jeanne. Bien vite, elles échangèrent les gants de soie blanche pour ceux de cuir afin de donner leurs essors aux merveilleux rapaces. Les vols gracieux des éperviers et faucons ainsi que celui impressionnant des aigles allumèrent définitivement les prunelles argentés de la duchesse. Rieuse, les obligations furent un temps complètement chassées de son esprit jusqu’à l’intrusion d’un messager. Délaissant sa consœur, Jeanne reprit la rigueur qui la caractérisait le temps de donner des ordres brefs et précis à un domestique et un message à transmettre dans une auberge de la cité.

De retour à la tonnelle, le chien cédé à son maître-veneur, Jeanne s’installa en face de la baronne. Une servante leur servit quelque boisson. A nouveau plus calme, la jeune femme avisa Clélia un long instant avant de déclarer.

- Il semblerait qu’un autre noble de Sainte-Berthile se joindra au banquet du soir. Je viens d’être informée de la présence du Comte d’Arétria en ville. De plus, il semblerait que le Comte de Scylla, le Seigneur Aetius d’Ivrey, se dirige également ici. J’ose espérer que leurs présences seront aussi agréables que la vôtre.

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Clélia d'Olyssea
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MessageSujet: Re: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeVen 1 Juil 2011 - 6:32

    Une fois les salutations protocolaires tout juste esquissées, les deux jeunes femmes s’élancèrent le plus naturellement du monde dans l’exercice ô combien jouissif du déballage des présents ... moins protocolaires qu’ils ne l’étaient, pour le coup.

    A la mine pincée de la dame de compagnie aux sévères plis qui encadrait Jeanne, en retrait et au regard tantôt surpris tantôt amusé de deux gardes qui l’accompagnaient également dans ses voyages, Clélia sut que ses offrandes étaient tout aussi inhabituelles qu’efficaces, tant l’effet qu’elles procuraient sur l’assistance impatiente était prévisible. Pour autant, ses yeux sombres guettaient avec un orgueil à peine dissimulé – après tout, Clélia ne pouvait que trop difficilement masquer le patriotisme fort qu’elle éprouvait pour sa contrée natale dont elle avait à présent la mainmise – la réaction à chaque fois que le papier froissé se déchirait pour dévoiler son trésor aux yeux de la duchesse qui semblait conquise, rien ne l’en faisait douter.

    Que ce fussent par la tenue plus champêtre et confortable que les habituelles robes de soirée guindées, le flot de fioles et de teintures, de parfums et d’essences aux senteurs et aux vertus originales, ou bien par la présence inopportune d’un arc de très bonne manufacture, ou encore de quelques dagues légères qui valaient leur pesant, la baronne d’Olyssea semblait avoir complètement oublié l’idée que Langehack était un domaine où la poudre et le parfum avaient l’avantage sur l’épée et la vénerie. Pour autant, la jeune Jeanne semblait au comble de la joie, signe appréciable que les choses évolueraient sans doute dans l’avenir langecin. Bien qu’il était encore trop tôt pour le dire, la jeune tête blonde préféra tourner la tête, faisant signe à son garde d’apporter le meilleur présent pour la fin : « Un chien de chache, pach’qu’y a qu’cha d’vrai eum’dame la baronne ! » s’était égosillé l’aimable bonhomme à la folie douce qui s’occupait d’éduquer et de garder dans une forme altière tout le petit chenil de chasse olysséen.

    Le dit canidé fut la goutte qui fit déborder le vase de la réussite pour Clélia, du contentement pour Jeanne, et de l’exaspération pour la dénommée Michelle. On passa outre le reste de l’après-midi, qui s’éparpilla en conversations soudainement bien plus légères, alors qu’à l’abri des ouïes perçantes des intendants et autres valets, les deux dames s’isolèrent dans la volière pour y parachever la visite extérieure des lieux.

    Le domaine aurait bien vite repris son calme ambiant si un jeune homme n’avait pas fait irruption pour porter la fortuite nouvelle ; deux invités s’ajoutaient ce soir à leur table. Le comte d’Arétria, un dénommé Anseric de la Rochepont – un de ses propres voisins, voilà qui tombait à pic ! – et un autre noble dont elle avait – entre autre ! - entendu parler pour des faits divers et variés appréciés des commères, Aetius d’Ivrey, vassal de la jeune De Sephren.

    Engloutissant une gorgée de thé brûlant qui ne manquait pas de lui piquer le gosier, Clélia esquissa un sourire malicieux, acquiesçant au souhait formulé par la duchesse.

    « Je l’espère tout autant que vous ! Enfin, comme dirait le bon vieux dicton, plus on est de fous, plus on est censé rire. »

    La discussion s’égara un peu sur quelque supposition fantasque et quelque rumeur quant à nos deux futurs damoiseaux – si l’on pouvait parler de damoiseaux ! – qui bientôt feraient leur apparition. L’heure tournait en effet toujours trop vite, et après avoir entrepris une petite explication de la disposition des lieux intérieurs et indiqué où se situaient les appartements temporaires de la jeune baronne, Jeanne prit congé afin de se préparer au repas qui les attendait ce soir.

    Pénétrant dans sa chambre et refermant la porte sans un bruit, la jeune demoiselle constata que toutes ses affaires avaient déjà été soigneusement préparées, et que la chambre ne manquait pas de confort ... Et après toute cette route, le moelleux lit qui lui tendait les bras ne pouvait pas plus lui faire davantage plaisir en accueillant sa chute délibérée. Dans un soupir d’aise, la jeune fille envoya balader ses chaussures et ferma les paupières ... Pour s’assoupir pour une sieste qui ne durerait que quelques minutes.

    Et qui dura en réalité bien trop longtemps.

    « Son Honneur ? »

    Trois coups frappèrent un peu hésitants, ne tirant la jeune femme d’un sommeil profond que de moitié, son corps entier basculant pour se détourner de cette maudite voix qui l’interpellait, au loin, dans les méandres de ses doux rêves comme un agaçant chouinement de moustique de ...

    « Ma Dame, la Duchesse aimerait savoir si vous êtes prête pour le repas, les invités ne vont pas tarder et ... »

    Un sursaut reprit l’olysséenne, qui fut réveillée un peu trop douloureusement pour le coup. Se redressant, la blonde enfant constata par le reflet du miroir que sa coiffe avait par chance peu bougé. Avisant d’un coup d’œil rapide la robe qui avait été sagement mise en valeur sur un de ces mannequins de couture, Clélia soupira et rétorqua un demi-mensonge - au vu de l’allure du corset qui allait être aussi rude qu’étroitement difficile à nouer -.

    « J’arrive tout de suite. »

    Une dame fut rapidement appelée afin qu’on aide la jeune baronne à se vêtir le plus rapidement possible. Une fois le buste étroitement ceintré dans la robe émeraude et vaporeuse, la jeune femme se chaussa sans attendre et sortit de la chambre au pas de course, suivi de près par la camériste et ses deux gardes, qu’elle chassa d’un petit geste de la main arrivée au pied des grands escaliers qui menaient à la salle du banquet, laissant l’homme à la porte le plaisir incommensurable d’annoncer sa présence à Jeanne, tandis que à ses yeux rieurs se dévoilaient la salle du banquet où elle prendrait bientôt place.
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Hans
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MessageSujet: Re: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeJeu 14 Juil 2011 - 23:45

[Post trèèèès pauvre.]


Le dégoût gagnait Anseric, à mesure qu'il évoluait dans le palais langecin. Celui-ci, fidèle à sa réputation, ne comptait pas moins de la moitié de son mobilier qui fut d'or. Des coiffeuses bordées d'or, des candélabres plaqués or, des glaces serties d'or... De quoi corroborer ce fantasme disant que lorsqu'un Sephren chiait, ses pralines sortaient dorées. Bien qu'ayant trait au caca, et donc étant fort drôle, le dicton ne serait malheureusement pas répété ce soir là. Anseric ne cessait pour autant de ressasser son mépris souverain à l'encontre du langecin, ce guilleret pays de cocagne.

Il arpentait le saint du saint de ce petit paradis suderon chaussé de ses gros solerets crottés, suivit d'une coterie tout autant sympathique qu'elle était bruyante. Entourés de preux hâbleurs et de sémillants condottieres, le comte poussa les deux vantaux - dorés - qui donnaient sur la grand'salle, couvrant la voie du héraut par le vacarme des habits d'armes. C'était, en quelques sortes, sa manière à lui de s'introduire... une signature autrement plus percutante qu'un titre ronflant.

La table de la duchesse était autant copieuse que celle-ci était menue : là où la jeunette était menue, presque frêle, les cochons au lait étaient gros et gras. Les regards des arétrians se braquèrent derechef sur la ripaille, la retenue ne réprimant qu’à grand peine leur envie d'en découdre avec ces adversaires là. Anseric, lui, dépassa sans broncher un énorme dinde, pour s'occuper de deux étranges poulardes. On avait accordé plus d'attentions à ces deux là, ce qui suscitait l'intérêt du comte. Vêtues de pied en cap, soignées, ointes, peignées, embaumées, baguées, cheffées : tout portait à croire qu'elles laisseraient un sacré poids sur l'estomac, celles-là. Notre homme s’aperçut alors qu'il s'agissait tout bonnement de la duchesse, et de sa voisine d'Olysséa ! ça alors ! Il se fendit d'une révérence, et les salua bien platement, encore tout hagard d'avoir été si habilement joué.


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Aetius d'Ivrey
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MessageSujet: Re: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeMar 19 Juil 2011 - 3:15

Lorsqu’ils arrivèrent dans la basse-cour, au sein du château de Langehack, cette imposante bâtisse, la conversation s’était embourbée dans la fange d’un sujet que l’on savait sensible quand on était en présence du comte : la présence mervaloise sur l’archipel nélénite. Prestespée, qui n’avait écouté que son mauvais esprit, jeta ce pavé dans une mare de silence bientôt rompue par les différents courtisans qui s’étaient récriés contre leur camarade, puis qui furent happés, grâce aux questions et aux flatteries de Prestépée, dans un tourbillon d’explications interminables mélangé à d’innombrables racontars sur celle qu’on appelait le seigle matois, la sorcière de Merval, dame Eulalie. On en était encore à débattre sur comment elle avait fait assassiner sa cousine, Morgause, pour prendre le pouvoir lorsque le comte, démontant et tendant sa bride à un valet d’écurie, eut un mouvement d’humeur qui en disait long sur ses dispositions à la dispute quand il s’agissait de ce qu’il appelait rageusement « mon archipel. » Le page, peut-être trop lent, sûrement trop laid, reçut de la part du comte énervé une mandale assez puissante pour lui faire mordre la poussière et tous déchets qui y traînaient. Le silence se fit, et on rejoignit la haute-cour dans un profond mutisme.

Cyano des Isles, ce sombre matamore, finit par rompre le malaise en jetant quelques ragots qui traînaient sur la baronne d’Olyssea. Des histoires acadabrantes, bien entendu, mais qui redonnèrent sourire et gouaille à l’assemblée, qui en alla de son petit mot. Entre une suggestion sur les mœurs légères qui se cachait derrière ce doux minois du nord et une hâblerie d’Hugo de La Jaille qui jura qu’il pourrait la trousser au détour d’un corridor si le cœur lui en disait, on vitupéra sur ses soi-disant liaisons incestueuses avec son cousin feu le baron Semoras le Démon, sur le fait qu’elle aimait chasser la roture dans ses bois ou encore sur ses allégeances lors de la guerre civile. Ils rirent de bon cœur, ricanèrent encore plus, ces hommes de bon sang qui laissaenit la domesticité les ceindre de leurs habits de fête. Les bottes de cavaliers furent remplacées par des poulaines, des chausses et des hauts-de-chausses. Les lourds mantels par de coquette capes d’épaule, des pourpoints richement sertis. Prestépée mit même des gants, car il trouvait ses mains trop « artisan » disait-il. Et tandis que ces jeunes coqs conversaient plaisamment, le comte était quant à lui plongé dans une profonde appréhension. La colère de Nelen avait été échangée contre un trac étrange de la part de cet entreprenant damoiseau.

*

« Messire Aetius d’Ivrey, grand protecteur de Scylla, l’Aigle de Pharem, le Kerkand d’Oësgard, noble sauveteur de la bourgade de etc. Messire Cyano des Isles, seigneur des Isles et percepteur de Scylla, etc. Messer Arapienzzo Carvali, seigneur d’Aggia, Grand-Ami du bon sanctuaire de Saint-Oste, etc. Messer Hugo de la Jaille, etc. »

Les quatre jeunes gens avançaient avec une lenteur calculée derrière les serviteurs qui les précédaient. Dans leur élément, Cyano et Arapienzzo, ces deux Scylléens d’origine, maîtrisaient parfaitement l’étiquette de tels banquets. Comme deux danseurs dans un ballet, ils suivaient leurs guides avec une régularité et une grâce particulières. La Jaille ne s’était quand à lui jamais fait à ces cérémonies qu’en Serramirois, il ne comprenait pas. Quant à Aetius, s’il montrait d’habitude de meilleures dispositions pour ces fadaises procédurales, il était si prostré que sa démarche se faisait pataude, lourde.

« Par les Enfers, ne serait-ce pas le comte d’Arétria que je vois au bout de la table ?, fit La Jaille à Aetius tandis qu’ils évitaient un bateleur aux allures de giton. Et à côté de lui, ne serait-ce pas son épousée ? Diable, je le croyais veuf, ce pendard-là ! »

« Ce n’est pas l’épouse du comte, c’est la baronne d’Olyssea, » rectifia l’Ivrey d’une voix blanche.

« Hé hé !, ajouta, mâtin, La Jaille en y ajoutant une bourrade. Il y a quelque idylle derrière ta perspicacité, j’en mettrai ma main à couper. » Et sans plus attendre, il suivit Arapienzzo à table qui était réservé à la noblesse mineure, tandis que Cyano et Aetius se rendaient à celle qui seyait à leur rang.

« Et pourquoi tu ne te ferais pas passer pour moi, à ce banquet, mon bon Cyano, cela serait amusant, » s’étrangla le comte en jetant à son ami le regard d’un condamné à mort.

« Qu’est-ce qui te prend ? Je suis connu, moi, ici ! Cesse tes pantalonnades, tu rencontres la duchesse de Langehack ce soir, le meilleur parti que tu pourras jamais trouver, et ta noble suzeraine qui plus est. (Ses lèvres se retroussèrent en un sourire entendu, comme s’il venait de dire une drôlerie.) Allez, joue-la fine, et dans quelques mois, tu seras l’homme le plus riche de la Péninsule. »
Et sur ce, il s’assit à la place qu’on lui désigna, laissant seul Aetius, qui marchait, hébété, toujours plus près de la haute noblesse. Son pas était gourd, et si son esprit n’était pas vide de toute pensée, il aurait remarqué la sueur froide qui perlait sur son front devenu pâle. Le bruit, le vacarme des discussions et des luths avaient disparu, un silence profond l’emplissait, ce silence troublant de pureté qu’entendait l’homme qui marchait vers la potence. Ca y est, il était arrivé, on lui désignait sa place, à côté de la duchesse, en face du comte et de la baronne. Ca y est, il était planté là, comme un piquet, devant celle qui deviendrait sa suzeraine.

Son attitude changea d’un seul coup, il était endormi et on l’avait réveillé, il était mort et on l’avait rappelé. D’un mouvement brusque, il ploya un genou devant Jeanne de Sephren, se saisit de sa main diaphane et y apposa un baiser chaste avant de relever son visage illuminé d’un rictus béat.

« Ah ! Duchesse ! On m’avait chanté votre beauté, mais les bardes, cette fois, furent en deçà de la vérité ! (Il plongea sa tête vers la main qu’il tenait avec force à présent, y déposer un autre baiser.) Je vous le dis, douce dame, je ne souffrirai pas un instant de plus sans être votre féal. Ma dame, faites venir les reliques, qu’accourent les prêtres car, par le Marteau, je meurs si je ne puis jurer sur l’instant que je vous protégerai contre tous et chacun. »

Il n’attendit pas un instant que cette déclaration enflammée ne trouve une réponse. Il se leva d’un coup sec, comme si des ressorts invisibles l’avaient poussé vers le plafond, et tourna le dos à sa noble compagnie pour héler les hôtes, les échansons et les sénéchaux.
« Faites venir les reliques, messires, sortez les prêtres de leur lit, car je veux jurer allégeance à la plus belle femme du monde, à la grande duchesse de Langehack, et ce sur l’heure ! Cyano, fais taire les bardes, La Jaille, apporte le Bras de Saint-Oloc, il n’y a plus une seconde à perdre. »

La foule, qui avait ralenti sa conversation lorsqu’elle vit tomber à genou Aetius devant sa duchesse, se tut parfaitement lorsqu’il ordonna tout bonnement à la maison de Langehack de s’activer pour préparer, et sur le champ je vous prie, l’hommage qu’il devait à la suzeraine de Scylla, Jeanne de Sephren. Le courtisan pouvait aisément confondre cet élan avec quelque excès de fidélité ou une mise en scène finement calculée pour flatter l’orgueil de la duchesse et la renforcer dans ses assises déjà chancelante. Loin s’en faut ! Malgré les conseils de prudence du tiède Hubert, Aetius, sous le coup d’une panique qu’il traduisait bien souvent en une exubérance maladive, s’était lancé à corps perdu dans ce qu’il croyait être un échappatoire à la femme qui provoquait son malaise. En prenant le devant de la scène, il croyait bizarrement que la dite damoiselle ne le verrait, en quelque sorte, pas.




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MessageSujet: Re: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeJeu 21 Juil 2011 - 18:07

Une fois la diatribe de son vassal terminé, Jeanne répondit à ses gens, quelque peu hagards devant les ordres du jeune comte, d’un simple signe de la main les enjoignant de ne rien faire. A haute et intelligible voix, elle ordonna l’air de rien.

- Je suis ravie de rencontrer un Seigneur aussi empressé de servir le Duché et ma personne. Or, si votre zèle me réchauffe le cœur, je ne puis accéder à votre requête. Vos hommages et serments doivent, comme le veut la tradition, résonner en plein jour devant le trône ducal. Prenez place à ma table et profiter des réjouissances offertes pour cette soirée.

Plus bas, à l’attention du comte et des plus proches convives, elle ajouta un bref sourire sur les lèvres.

- Vous avez attendu bien des semaines avant de vous présenter à moi. Vous souffrirez bien de quelques heures d’attente supplémentaires.

Sur cette petite pique fort innocente, elle s’installa et invita d’un geste Aetius à faire de même. La discussion interrompue, l’arrivée du Colosse, les demandes d’usage sur son voyage et quelques badineries, reprit naturellement son cours sous la valse inlassable des plats. Après les mêmes questions polies à l’attention de l’Ivrey, entre deux perdrix, alors que les invités patientaient grâce à la musique et les jongleries offertes par des amuseurs talentueux, la duchesse s’enquit soudainement auprès de ses trois prestigieux seigneurs.

- Connaissez-vous le ménestrel Avionnet ? Il ne pourra pas, hélas, nous ravir ce soir de ses bons mots. Cependant, j’aimerais attirer votre attention sur une de ses fables, Le Chevalier Chauve.

Bien que Jeanne tranchait par de nombreux aspects avec le coté libertin de sa cour, elle avait néanmoins l’attrait tout langecin pour les arts. Ses faveurs allaient naturellement aux conteurs et bardes, qui ne manquaient pas de distraire la Maisonnée à chaque interlude festive rythmant la vie du palais. De plus, elle avait rapidement repéré les vertus cachées des contes pour fustiger, avec l’air de ne pas y toucher, certaines des habitudes de ses conseillers ou des pique-assiette profitant sa naïveté –relative- de fraichement arrivée au pouvoir. D’un ton clair et posé, animé par les quelques artifices enseignés par les troubadours les plus habiles, elle conta :

- Un chevalier, qui avait peu de cheveux sur le devant de la tête, lors d’un tournoi porta des cheveux morts postiches. Mais un chevalier, pour l’embrasser, délaça son heaume. Et, en le délaçant, il ne put éviter de retirer en même temps la coiffe et les cheveux. Tous les témoins de sa mésaventure en rirent et s’en moquèrent abondamment, car il n’avait pas de cheveux sur la tête. Mais lui, dans son malheur, fit de nécessité vertu et leur dit en riant : « Nobles Seigneurs, la chevelure qui était naturellement la mienne est tombée et m’a complètement fait défaut. Si donc celle-ci, qui n’était pas à moi, s’est échappée et m’a abandonné, personne ne doit s’en étonner ».
La moralité de cette histoire est : Si quelqu’un tente de se dissimuler sous un artifice qu’il subisse l’outrage subi par le chevalier lorsqu’il fut surnommé « Le malchanceux ». On se protège souvent bien mal en s’efforçant de se dissimuler sous un artifice.

Si la fable épinglait le comportement surjoué d’Aetius, elle était néanmoins dirigée vers les quelques férus de perruques se trouvant à la table. Sous le masque souriant de ces messieurs bouillait sans doute un début de rancune. Si certains abandonneraient peut-être la pratique ridicule, d’autres, assurément, ne s’en déferaient pas aussi facilement. Peu importait alors à Jeanne tant que sillonnait peu à peu dans leurs caboches la certitude que les choses changeaient.

Alors que les girondes serveuses servaient quelques douceurs et digestifs, quelques couples se risquèrent sur la piste de danse …
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Clélia d'Olyssea
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MessageSujet: Re: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeVen 22 Juil 2011 - 19:49

    Saluant le premier arrivant, Clélia dirigea son regard suite à sa révérence vers Anseric de pied en cap. L'arrivée du comte d'Arétria la partagea entre la perplexité et la curiosité. De toute l'assemblée présente, c'était l'homme qui semblait le plus assuré et mûr, mais également le plus brut de décoffrage. A ses traits sévères et à son regard pincé face à la décoration parfois surchargée des murs et des fresques, l'olysséenne devina que son voisin de table n'était pas du genre à se laisser impressionner par l'apparente joliesse des choses. Un homme comme son père aurait beaucoup aimé ; sûrement le genre de fils qu'il aurait chéris s'il avait eu la chance d'en concevoir un. La pensée lui arracha un sourire, tandis qu'elle entamait une discussion légère avec leur hôte, nos trois nobles patientant que le dernier - mais sûrement pas le moindre ! - daignât se présenter au domaine ducal.

    Et quelle ne fut pas la surprise générale de les voir ainsi arrivés, fiers comme des coqs ! Plus d'une danseuse et d'une servante, pour sûr, jeta un long regard d'envie au cortège exclusivement masculin qui se dispersa avec une lenteur étudiée aux tables seyant à leur rang. Et si pour tous, ces invités de marque les laissaient pantois, admiratifs, et bouches bées, il n'en était pas de même pour la Louve, qui malgré sa jeunesse, ne tenait pas à se montrer si facilement impressionnable. Ses yeux détaillèrent cependant à loisir les quatre hommes, cherchant le comte de Scylla dont sa suzeraine lui avait brièvement parlé, s'attendant à un éventuel salut de courtoisie ... Mais il n'en fut rien ! Le diable sortit brusquement de sa boîte et le dénommé Aetius - ainsi avait-il été présenté, lui et ses titres tous plus excentriques les uns que les autres, un beau contraste avec son homologue arétrian - se lança dans une diatribe acharnée à la gloire de Jeanne de Sephren. Si la spontanéité, ou plutôt l'exubérance parolière du noble jeune homme prêta à sourire ou à rougir d'une telle déclaration faite à la duchesse, la réponse de cette dernière n'en fut que plus amusante aux yeux espiègles de Clélia, qui fronça cependant les sourcils, son attention perdant le fil des qualificatifs en tout genre dont faisait usage le scylléen, pour mieux se concentrer sur ce dernier. Ce fameux "Kerkand d'Oësgard" lui rappelait quelqu'un. Tout du moins était-elle persuadée d'avoir déjà vu ce visage. A moins que ce ne fut son regard trompeur qui lui donna cette fausse sensation ? Elle ne savait pas encore quoi, mais il y avait quelque chose de familier chez lui.

    Ses élucubrations personnelles coupèrent court lorsque l'orgie culinaire commença, à son grand dam - l'assiette débordait de mets dont elle ne goûterait pas la moitié au vu de son appétit -, plongeant la tablée dans un concert de couverts et de tintements légers, auxquels venait se mêler la mélodie en arrière-plan des musiciens. Rapidement "gavée", la douce s'amusa l'air de rien à trier les restes de son assiette par tas plus ou moins proéminents, une vieille habitude qu'elle avait toujours eu depuis son enfance. Les histoires que contaient Jeanne l'intéressaient d'autant plus qu'elle se détourna définitivement du somptueux repas pour l'écouter, se contenant de boire de temps à autre une gorgée ce qu'on lui servait - un fameux vin, ah ça oui -. Les yeux posés sur Jeanne, elle rit de la chute avec une fraîcheur surprenante.

    « Pauvre homme. Mais après tout, ne sommes-nous pas nous-même amenés, un jour, à suivre son malheureux exercice ? Il y a de fâcheux hasards qu'on ne peut éviter qu'ainsi. »

    Et de conclure d'un petit sourire mutin, tandis qu'elle acheva de saluer les talents d'oratrice de la duchesse.

    « En tout cas, vous contez les histoires à merveille. »

    La musique vint rapidement reprendre sa place alors que les dernières assiettes se vidaient, et que sous des hospices mélodieuses, les desserts vinrent convoiter la place des viandes rôties, les pâtisseries et autres sucreries redonnant envie à l'estomac de notre jeune baronne de chanter de faim à son tour. Tandis qu'on lui servait une de ces pâtisseries au miel et aux amandes - "Et pour une miette eud'bon goût, un quintal dans la croupe !" disait-on souvent au sujet de ces gourmandises -, la jeune femme focalisa toute son attention sur l'Ivrey, ne pouvant davantage réprimer ses envies d'interrogatoire.

    « C'est curieux, vraiment curieux, vous n'avez jamais connu cette drôle d'impression, lorsque vous voyez un parfait inconnu pour la première fois de votre vie, qu'en réalité vous connaissez cette personne ? C'est exactement ce qui se passe en ce moment. Et croyez-moi, ce n'est pas une futile tentative de vous faire la cour. »

    Amusée, ses derniers mots sonnèrent avec la légèreté d'une habile petite blague. En toute innocence, elle suggérait clairement qu'ils s'étaient forcément déjà croisés. Il ne pouvait vraiment pas en être autrement.
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MessageSujet: Re: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeSam 23 Juil 2011 - 22:47

Le goupil avait une fâcheuse habitude, lors du festoi ; il beuglait la moitié du temps, et quand il ne beuglait pas, il buvait. À la fois juge et bourreau de sa propre mort, l'assemblée débutait par une absconse algarade... Auquel il répondait en vidant coupes sur coupes. Lorsque termina la logorrhée, il en avait jusqu'à la lie. Épargnant à son ami l'embarras d'une confrontation avec un pareil chausse-trappe intellectuel, Anseric éluda la question destinée au prince de sang, un rien blagueur.

« Sire Aetius connait la moitié des couches de ce royaume, et mon Haudoin l'autre, ARHARHARHARHARH ! », ponctua-t-il avec esprit.

Aux figures pincées des langecins s'opposaient les braillements hilares, échappés à cor et à cri des coteries vassales aux deux comtes. Cette menue mise en bouche passée, le rythme de croisière pouvait s'installer. En écho aux premiers rires, la réponse vint de la table d'en face, la petite table, qui portait ma foi bien son nom, puisque la petite noblesse qui y siégeait faisait montre d'une bien petitesse d'esprit - très loin derrière ce poète qu'était Anseric -, d'où montait crecsendo une litanie rampante. Pris à parti par ce gandin Prestépée, Boliard Gran-vît menaçait réduire au silence son adversaire, l'en montrant ici même le fondement de son patronyme. D'un simple murmure, le camp arétrian en vint à scander "Gran-vît, Gran-vît, GRAN-VIT" à tue-tête. L'amusement ne fût gâché, que lorsqu'un sharasien, à la cervelle peu dolente, mais au membre sûrement bien court, fit cesser les bravades phalliques en arguant qu'un barbare du Landnöstre, il y a de cela une lune, avait fermé le caquet d'une taverne entière au port, en alignant un braquemart de plus de deux pieds. S'ensuivit une dispute ; mais la kyrielle de "C'est faux !" "C'est vrai !" "Menteries !" ne semblait guère perturber Quintus, qui attaquait déjà son sixième croupion, après avoir jeté à bas un chapon fraichement estranglé.

C'est dans cette ambiance guillerette et bonne enfant, qu'Anseric, à sa propre table, continuait son bonhomme de chemin. À sa dernière billevesée sur la dame d'Adamantine - ce n'était même plus une farce ; c'en deviendrait bientôt un adage !- l'Ivrey avait eut une moue étrange, amusée mais retenue, tandis que le fils des Isle riait pour les deux. L'arétrian continua, oncques rodomont comme jamais, sur les sourdes menées du missédois, qu'il qualifia à l'occasion d'eunuque. Roulant des yeux de merlan frits à sa voisine, l'homme déclara sans ambages :

« Les Cinq eux même ne savent s'il n'a pas déjà tissé une toile, pour nous attraper au retour ! J'ai ouï dire qu'il aimait cela, par les enfers! se saisir de jeunots et de pucelles pour les faire rôtir au dessus d'un GROS feu. Ce ne sont que racontars ! À son teint blafard, je gage qu'il les préfère une fois bouilli des heures durant dans un chaudron. En vérité !, s'enflamma-t-il à mesure qu'il levait son séant, la bonté de sa suzeraine est à l'aulne de sa pitrerie ! »


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MessageSujet: Re: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeDim 24 Juil 2011 - 15:58

L’enthousiasme communicatif d’Aetius n’eut guère de prise sur le cœur, sûrement glacé comme la mort, de sa future suzeraine. Et tandis qu’il haranguait la foule à grand renfort d’invectives et autres interjections chaleureuse pour son public, ses espoirs furent bientôt piétinés par la duchesse. Celle-ci refusa, d’une phrase portée à l’assistance d’une voix intelligible et forte, celle du héraut qui prononçait la sentence. Aetius était perdu. Il serait découvert, capturé puis décapité sur la place royale, comme le premier des traîtres. Et à cette impression de chute soudaine et implacable vint s’ajouter, plus insidieux mais encore plus puissant sur l’esprit du jeune comte, le sentiment d’avoir été trahi, que ce refus n’était rien d’autre que l’acte d’un vendu. Droit comme un i, aussi tendue qu’une trique, Aetius, contraint de rejoindre le rang, ne pipait mot. Sur son visage, une moue bizarre s’était dessinée tant on la voyait peu, dans laquelle se mélangeaient le devoir de garder sa place et la détestation impérieuse qu’avait fait naître les quelques mots de la duchesse. En lui refusant ses caprices, elle était la victime, involontaire et ignorante, de la colère rentrée de ce seigneur. Son esprit, enfantin pour certaines choses, n’en restait pas moins celui d’un chevalier qui avait déjà beaucoup vécu et parfois tué.

Mangeant à peine, ne buvant même pas, il restait là, entendant sans écouter, crispé par le ridicule dont la duchesse l’avait attifé dès leur première rencontre. Aussi, lorsqu’elle débuta son conte, il n’était guère étonnant de voir le poing de notre seigneur se serrer, comme s’il eût été le champ de batailles où les forces intérieures de l’Ivrey luttaient les unes contre les autres, résistant à la colère qui enflait en lui ou, au contraire, soufflant sur les braises encore brûlantes de l’humiliation subie. La diction, fluide, claire et séduisante de sa suzeraine ne fit rien pour tempérer ses humeurs, car sa mauvaise foi, qui ne pouvait objectivement pas cracher sur un quelconque défaut de la duchesse à ce moment-ci, enflait d’autant plus. Lorsqu’elle eut terminé la conte du malheureux chevalier, Aetius ouvrit pour la première fois la bouche pour répondre autre chose que des affirmations monosyllabiques. D’une voix monocorde et grinçante, il tourna son visage toujours affligé de cette moue ignoble vers la duchesse, et dit :

« Dame, ne prêtez pas trop d’importance à ces racontars de camelots. Les fables sont pour les enfants et les femmes, qui ont besoin d’illustrations simples afin de mieux comprendre leur monde. Nous autres, chevaliers, savons à quoi nous en tenir, quelle que soit les comptines que nous inspirons aux trouvères. »

Un silence diffus suivit la déclaration péremptoire d’un Aetius qui se voulait supérieur. Après avoir répliqué, il détourna le regard de la plus simple des façons, et il se mit à dévorer la poularde que le sénéchal avait placée dans son assiette. Il partagea donc son repas entre le ressentiment et la volonté de nuire à sa suzeraine. Le malaise qu’il ressentait à l’égard de Clélia avait disparu, et Aetius, qui croyait qu’on l’avait déjà confondu, se laissait aller à l’aigreur la moins courtoise qui puisse être tolérée à cette table.
On imagine donc sans grand étonnement que, lorsque le comte d’Arétria se lança sur le sujet de Missède, Aetius lui suivit immédiatement. Rassuré par le bruit mâle de ces groupes qui disputaient bruyamment, il ajouta donc sans ambage.
« On m’a même dit, messire, que ce maroufle vous a refusé plusieurs fois un duel. Ce couard craint que la vérité n’éclate, et se terre donc dans son château ? »
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Jeanne de Sephren
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MessageSujet: Re: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeMer 27 Juil 2011 - 22:30

Contrairement à ce que laisserait penser la délicate constitution de la duchesse et son apparente rigidité, elle accueillit les braillements arétrians avec un sourire amusé. Si elle s’était adaptée rapidement, et bien malgré elle, aux messes-basses et commentaires acerbes et désobligeants des membres de sa cour, elle appréciait néanmoins la franchise crue des nobles du nord. Elle les jugeait plus vrais que la bande faux-culs qui l’entouraient. Gageons que cela n’était pas bien compliqué, mais tout de même ! Finalement, même les racontars paillards qui rougissaient ses joues lui semblaient brise fraiche par rapport à tumultueux potins que ses dames de compagnie se faisaient une joie de lui expliquer chaque jour. Identique, le contenu en version non-édulcorée avait l’avantage de la préparer plus sérieusement à subir les assauts d’un mari que son cœur ne choisirait pas.

A la remarque d’Aetius, la carapace de calme et de patience de la duchesse se fendilla. Pour la première fois, son sourire se glaça. D’un geste, elle fit claquer son éventail et s’éventa pour dissimuler la moue colérique qu’elle peinait à contenir. Malgré tout, elle ne détacha pas son regard d’argent de l’indolent. Par les Cinq, qu’est-ce qu’il l’agaçait ! Toujours polie cependant, elle ne pipa mot. Le silence plana un instant sur la tablée. Heureusement, Anseric, toujours bonhomme, se fit une joie de le briser pour reprendre ses billevesées sur Missède et son baron, jusqu’à lever son illustre fessier de sa chaise. Après quelques remarques, Jeanne brisa son propre isolement pour répliquer.

- Il m’est fort désagréable de savoir qu’un de mes vassaux s’autorise à refuser un duel à un de ses pairs. J’espère que ce genre de lâcheté n’aura plus cours à l’avenir au sein de mon duché. Certes, je sais que le Sieur de Missède n’est pas un homme d’épée, mais l’affront qu’il vous a fait m’est… vraiment insupportable. Hélas, je suppose qu’affronter un de ses champions ne suffira pas à vous satisfaire et laver votre nom de l’offense.

D’un naturel déconcertant, la réplique trahissait néanmoins l’agacement conjugué des actes de Viktor et le comportement déplorable d’Aetius. Guilhem attentif héla alors une des artistes au hasard afin de détourner l’attention de la friction entre la duchesse et sémillant comte. Ainsi arriva à leur table, une femme aux yeux et cheveux noirs, la peau tannée par le soleil. Après quelques phrases alambiques, les quatre nobles purent saisir que la dame était cartomancienne, ainsi que tout un charabia explicatif que les messieurs n’écoutèrent pas vraiment - sans doute trop intéressés par les appâts qu’elle appuyait complaisamment sur la nappe, presque comme une invite à goûter à un nouveau plat – et que les demoiselles en avaient déjà régulièrement soupé. Elle étala alors devant Clélia son jeu de carte et lui demanda de désigner trois cartes sans les toucher. Lentement, elle les retourna : Haute-Prêtresse, Force et Lune. D’une voix mystérieuse, elle lui déclara :

- Je vois… la Solitude et le Courage. Mais, n’ayez crainte, malgré cet isolement, relatif, votre courage vous permettra d’atteindre les desseins souhaités par votre cœur. Je tairais le reste de la prédiction si vous le permettez, celle-ci ne pouvant être révélé devant un public masculin.

Avec un sourire ingénu, elle posa un doigt sur ses lèvres. Vint le tour d’Anseric. Sur l’insistance du charmant décolleté, il désigna à son tour trois cartes. Pendu-Force-L’Arcane sans Nom. La dernière carte représentant un squelette, elle s’empressa d’expliquer.

- Sachez mon Seigneur que, malgré les apparences, ce tirage vous est bénéfique. Voyez-vous, l’interprétation ne dépend pas uniquement d’une seule carte, mais de la combinaison et du symbolisme qu’elles renferment. Aussi, écoutez ma prédiction, je vous prie. Actuellement, une affaire vous tient les mains liées. Mais grâce à votre force hors du commun et votre persévérance, vous en récolterez bientôt des fruits inattendus qui conduiront à un renouveau bénéfique pour vous.

Avec force sourire, elle tâcha d’appâter l’Ivrey grognon et réussit l’exploit d’avoir vaguement un choix de cartes. Soleil- Jugement et Monde. Elle tapota ses mains avec une certaine excitation.

- Voilà le meilleur tirage de la soirée mon Seigneur. Ses trois cartes sont le signe de l’aboutissement prochain d’un de vos rêves. Le Soleil symbolise une union prochaine avec un ennemi d’aujourd’hui. Grâce à vos forces et ressources conjointes, vous saurez surmonter le dernier obstacle qui vous barre la route afin d’obtenir ce que vous souhaitez le plus.

Distraite de sa petite vindicte, Jeanne tira alors ses trois cartes. Justice-Lune-Jugement.

- Mh, vous ne devrez pas oublier lors d’un événement prochain d’écouter votre intuition et votre cœur. Car si vous prenez la bonne décision, en résultera une union bénéfique qui comblera plus d’attentes que vous n’osez l’espérer.

Elle assura ensuite se tenir à disposition pour un tirage plus détaillé – et sans doute sacrément cher – s’ils le désiraient et disparut de la table.

Pendant ce temps-là, les Seigneurs de Nord et de Scylla furent assaillis par quelques demoiselles largement dépoitraillés qui ne demandaient pas mieux que de goûter à des brayettes plus exotiques. Ce changement dans le régime quotidien se passa globalement sans heurt à part quelques menus disputes entre belles et prétendants éconduits. Car si la cour langecine appréciait les jeux de l’esprit, le second jeu favori était la course aux délices. Et quoi de mieux qu’un peu de nouveauté pour pimenter son quotidien ? Au plus grand déplaisir d’Aetius sans doute, ce genre de parade évitait soigneusement la table principale.

L’heure désormais fort avancée dégarnissait la salle et après quelques autres échanges, Jeanne prit congé de ses invités. Lorsque tout le petit monde gagna sa chambre, chacun y trouva un petit présent : Aetius eut le droit à une blonde fortement avantagée par la nature, Anseric une brunette charmante. L’attention à n’en pas douter ne venait pas de la duchesse mais plus vraisemblablement d’un de ses conseillers. Quant à Clélia, un petit plateau des douceurs qu’elle avait semblé fortement apprécier ainsi qu’un mot scellé se trouvaient sur sa table. Contrairement au reste du palais visité, les chambres tranchaient par leur luxe raffiné et dépourvu de dorures excédentaires. Moins chargées, les quelques touches dorées - là un liseré sur les soieries, là un cadre pour une toile de maître - en gagnaient en magnificence.
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MessageSujet: Re: La Louve et l'Aigle (PV)   La Louve et l'Aigle (PV) I_icon_minitimeMer 3 Aoû 2011 - 22:11

    Il s’en contait des jolies histoires, sur la noblesse ! Clélia fut servie en matières de ragots et autres rumeurs aux tendances scabreuses sur le voisinage de chacun, notamment par son compère arétrian qui, mine de rien, semblait en savoir beaucoup sur les faiblesses missédiennes. On passa en revue – du moins ce fut le cas pour la gente masculine – les conquêtes et les frasques délirantes de quelque baronne mal desservie charnellement, sous les sourires amusés et les regards que s’échangèrent les deux jeunes femmes. L’olysséenne n’était pourtant pas dupe : il devait y avoir, autre part, dans une seigneurie pas si éloignée que ça d’eux, un discours du même acabit en leur honneur à eux quatre, avec des éloges au moins aussi poussées que celles-là même qu’on déclamait sur les malheureux objets de la conversation.

    Si le comte d’Arétria engloutissait moult bolées de vins en tout genre « sans faiblir », son récit, lui, prenait en trémolos romanesques tandis que bientôt, il était prêt à mimer les sévices que faisait donc subir ce noble suderon dont jamais la jeune baronne n’eut vu le visage, mais dont elle n’enviait guère la situation actuelle. Non sans rire de bon cœur, d’un éclat franc et clair, la jeune femme contempla avec une hilarité – sûrement exacerbée par les quelques verres bus – le manège du goupil.

    Pendant ce temps-là, l’Ivrey pouvait souffler tout à loisir ! La Louve l’avait oublié pour un moment.

    Le repas achevait ce qui avait paru comme une interminable ronde de plats en tout genre, les assiettes bientôt vidées avec plus ou moins de conscience par les convives, la duchesse mettant un terme poli mais net aux bavassages masculins – pour une fois il semblât que le sexe faible n’ait pas matière à jouer les commères ! – qui trahissaient au fond la présence d’un sujet quelque peu sensible, alors qu’une silhouette inconnue leur fut présentée sous leurs yeux attentifs.

    Une cartomancienne, ça alors ! Si sa mère eut été ravie d’être en présence d’une pareille femme et vénérait particulièrement ce genre de petites entourloupes où l’on s’amusait à vous conter mille et unes interprétations hasardeuses, la fille, elle, ne croyait pour ainsi dire pas du tout à ces charlatans-là. Omettant cependant d’en faire le commentaire clair et argumenté – et d’écouter toute l’explication supposée irréfutable de cette science par la même occasion -, la jeune demoiselle ne put cependant réprimer un rire tout à fait charmant, alors qu’elle coulait un regard désabusé à la voyante, lui désignant les cartes d’une voix où transparaissait une ingénuité malicieuse.

    « J’espère que vous n’aurez pas à nous faire l’annonce tragique d’une mort à cette table ..! »

    Allons bon. D’une oreille cependant tendue, elle écouta les prévisions obscures et fantasques. Un sourcil s’arqua à l’entente de sa dernière phrase, cependant la jeune femme haussa les épaules sans trop savoir quoi dire, préférant se tourner sans un mot vers le tirage suivant.

    La fin des élucubrations nébuleuses de la cartomancienne demeura un mystère de véracité aux yeux sombres de la baronne, qui nota cependant que les hommes semblaient plus chanceux avec elle – sûrement une bien belle coïncidence ! -. Ne lâchant qu’un « Félicitations ! » lourd de sens au scylléen suite à sa prédiction, la baronne vit les festivités s’achever dans un calme ambiant et une chaleur agréable, la duchesse Jeanne leur laissant finalement le plaisir de rejoindre leurs appartements respectifs.

    Saluant ses trois homologues courtoisement en leur souhaitant tout ce qu’on pouvait bien pouvoir se souhaiter avant d’aller dormir, la jeune femme ne traîna pas en courbettes et quitta la salle du banquet, se retrouvant immédiatement flanquée de ses deux gardes habituels pour rejoindre sa chambre. A la porte, la Louve les laissa libres de leurs obligations, ces derniers se rendant à leur tour à leur couche, alors que la baronne referma la porte, lâchant un profond soupir de fatigue.

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