Oups ? | Dragan

Bien. Le départ s’annonçait imminent. Non pas que la vue de la belle capitale humaine ne soit pas de toute beauté, mais Lalwendë commençait a trouver le temps long, trop long. Son père lui manquait et elle n’avait que très peu de nouvelles de son frère. De temps en temps, une missive lui parvenait, rassurante la plupart du temps, tendre aussi et souvent, la lecture lui prodiguait un sentiment de bien être apaisant. Il lui tardait de retrouver sa terre natale. Ses verdoyantes prairies, sa forêt millénaire. Les hommes étaient chaleureux avec eux mais craintifs aussi, c’était difficile a concevoir et, de même, le sentiment mélancolique de ne pas être a sa place commençait a se faire pressant en elle. Les saisons avaient filées, le Voile avait prit une place étrange, terrifiant les hommes et elle ne pouvait pas dire qu’une pointe de peur ne lui avait pas percé le cœur a un moment. Mais elle était comme les siens, peu prompte a la panique, surtout devant des tiers. Cela ne l’avait pas empêchée, une fois a l’abri de sa petite chambre allouée au palais d’écrire a son père d’un ton un peu inquiet.

Ombre silencieuse, elle traversa le couloir menant aux écuries, allant s’assurer que tout était prêt. Oh, ils ne partiraient pas dans l’instant, certes, mais l’aube verrait leur petite troupe quitter Diantra pour retourner sur les terres éternelles et cette pensée l’emplissait de joie, d’excitation. Il lui tardait de serrer son père contre son cœur jusqu'à l’en étouffer. A son échelle à lui, le temps n’était rien, mais pour elle, presque une année, c’était si long. Terriblement long.

-El’windil, pense a bien accrocher les sacoches aux destriers, il serait dommage d’en perdre quelqu’un en route et assure toi qu’Elvion a bien choisit l’itinéraire le plus rapide et le plus simple. Je doute que le Seigneur veuille s’attarder.

Ou pas, a vrai dire, elle n’en savait rien. Juste qu’il avait sonné leur départ, point final. Mais elle préférait de loin prendre une route simple et dénuée au maximum du danger. Contourner Yutar et Annon serait important aussi, c’était décrire une boucle mais tant pis. L’elfe lui sourit légèrement avant de hocher la tête, la laissant continuer sa route jusqu'à son propre étalon. Une bête magnifique que son frère lui avait offert et auquel elle tenait comme a la prunelle de ses yeux. Lentement, sa main passa sur les naseaux soyeux de l’animal.

-Toi aussi tu es pressé de rentrer Ovial ?

Murmura-t-elle doucement alors que l’étalon répondait par un hennissement doux. Lalwendë sourit délicatement avant de poser son front sur la tête basse de l’animal puis de tourner les talons. C’était sa dernière soirée en terres humaines et même si elle avait eu le temps d’en explorer toutes les coutures, elle avait entendu parler par une cuisinière du palais d’une petite fête donnée par un quartier en l’honneur d’une naissance. Et qui disait fête, disait danse et cela, Lalwendë ne pouvait décemment pas passer a coté. De toute manière, ils avaient quartier libre le Seigneur estimant que la garde du palais royal de Diantra pouvait assurer sa sécurité jusqu'à demain, alors…autant en profiter. La jeune sang mêlée aimait aussi cette ambiance franche et chaleureuse, débridée parfois des fêtes humaines. C’était une impression que l’on ne trouvait que rarement en terre éternelle où tout était plus froid, plus retenu, tout en sagesse. Les réjouissances humaines étaient plus folles, plus endiablées, cela avait été une expérience étrange la première fois, entre dédain et fascination. Finalement, la fascination l’avait emportée, la séduction aussi, Lalwendë avait été sous le charme quelque part et en avait même profité pour apprendre quelques danses humaines, moins légères et souples que celle elfique mais tout de même empreinte d’une certaine sauvagerie qui n’existait pas chez elle. C’était plus primaire, plus bestial mais tout aussi beau.

Elle quitta les écuries en laissant des instructions, souhaitant une bonne nuit a tous avant de filer rapidement dans sa chambre se changer. Par chance, le roi des hommes leur avait affecté une petite aile a l’écart du palais en lui-même, aussi pouvait elle facilement en sortir et y revenir sans être inquiétée, non pas qu’elle ai honte de ce qu’elle faisait, c’était faux bien entendu, juste qu’elle ne tenait pas a briser son image de froide capitaine en second. Enfin froide non, il ne fallait pas exagérer ! La plupart des hommes sous son commandement la connaissait assez pour savoir la respecter tout en respectant ce petit coté pétillant qu’elle n’arborait que rarement vêtue de son armure.

A genoux devant sa malle, l’air un peu songeur, elle fouilla dans ses affaires pourtant emballées voilà peu, avant d’en sortir une superbe robe a la coupe humaine qu’elle s’était offerte voilà quelques mois. D’une belle couleur pêche, elle faisait ressortir ses yeux sombres, satisfaite elle s’en vêtit, prenant soin de dénatter un peu ses cheveux pour dissimuler un peu ses oreilles, puis glissa une cape de velours sur ses épaules. Discrètement, elle jeta un coup d’œil dans le couloir de pierre avant de soupirer de soulagement car il était vide. Cachant un sourire d’excitation a l’idée de la soirée qui l’attendait, elle se faufila silencieusement et fini par sortir de l’aile de pierre pour s’enfoncer dans une ruelle un peu humide.

Lalwendë n’avait pas peur des bandits et autres, de toute manière, contre sa cuisse dormait une dague qu’elle savait manier avec justesse et puis, elle évitait tout de même les écueils et les endroits louches. S’arrêtant a un croisement, elle fouilla dans la poche de sa cape et déplia un petit bout de velin indiquant un plan. Gentille cuisinière ! Même si celle-ci avait pu se montrer surprise de sa demande elle n’en avait rien dit. Levant le nez devant elle, Lalwendë réfléchit quelques secondes avant de bifurquer a droite. Elle su qu’elle était sur le bon chemin lorsqu’une odeur de poulet grillé lui chatouilla les narines et qu’un murmure musical lui frôlait les oreilles. Un large sourire apparu sur ses traits alors qu’elle arrivait enfin sur une petite place grouillante de monde, de rire. A sa droite, un petit cochon de lait cuisait sur la broche, broche tournée par un ventripotent aubergiste riant a gorge déployée en tenant sa chope bien haute. A sa gauche, quelques saltimbanques et, point repérable assez facilement, la jeune mère exhibant son enfant. Lalwendë eu tôt fait de se mêler a la foule, se retrouvant a discuter avec plaisir avec un jeune homme qu’elle su être l’oncle de l’enfant avant de se finir la conversation avec une petite bonne femme replète aux joues rouges de rire et finalement, se retrouva entrainée dans une danse par un troisième homme au large sourire amusé. Laissant sa cape dans un coin, elle ne se fit pas prier pour entrer dans la gigue, glissant un bras léger autour d’une taille, ou d’un coude alors que les pas l’entrainait toujours plus vite. Ses yeux brillaient de plaisir et un rire semblait avoir élu domicile éternellement dans sa gorge. Elle n’avait pas bu et n’en avait pas besoin pour se laisser enivrer par le plaisir de la danse, faisant montre d’une grâce et d’une souplesse qu’on ne lui connaissait que dans une arène ou en entrainement. Sauf que là, chaque mouvement était un rire et une fierté. On la fit tourner habilement et le bas de sa robe s’évasa en corolle autour de ses jambes tandis qu’elle riait avant de stopper net, nez à nez avec le Seigneur Protecteur d’Ardamir.

Oups…

Alors comment expliquait on la chose alors que l’on avait des mèches folles autour de la tête, les joues rouges et un reste de rire dans les yeux ?

- Vous ne devriez pas vous aventurer seul ici Seigneur.

Reflexe un peu dérisoire vu dans quelle position il venait plus ou moins de la surprendre dirons nous, mais sur le coup, elle avait noté l’absence d’escorte et s’en inquiétait. Comme cela, elle évitait de s’inquiéter de son sort. Reculer pour mieux sauter dirait certain.

Il était temps de quitter la capitale humaine pour retrouver Anaëh. Cela faisait des mois qu'il était parmi les humains et bien qu'ils soit plus à l'aise que bien des elfes avec les mortels, il n'en demeurait pas moins vrai que la forêt elfique et son chant subtil lui manquaient. Sans oublier ses fils, bien entendu, qui grandissaient doucement, en compagnie de ses sœurs, mais sans leur père, ni leur mère. Il n'avait pas vraiment pu décliner la demande de Dyarque. Et cela avait été une bonne occasion de faire le bilan de sa vie, de remettre les compteurs à zéro, de retrouver l'envie de vivre tout simplement, quand il avait l'impression que Révérie avait emmené son âme et son cœur dans la tombe, avec elle. Mais pour Lomion et Valamel, il se devait absolument de rester en vie. Et d'être plus présent. Il n'avait pas pensé que son excursion en terres humaines serait si longue. Et il avait fini par faire le tour de ce qu'il y avait à faire. Ici, la nature était comme morte. Tout était trafiqué, artificiel. Même les nobles qu'il pouvait croiser.

Le lendemain, enfin, ils rentreraient. Il ramènerait la princesse à son père et pourrait enfin retrouver ses terres et s'occuper des siens. Il avait compris bien des choses au contact d'Elya. Compris que ne plus rien ressentir était une autre sorte de mort. Alors oui, il ne se passait pas une seconde sans que la présence de Révérie ne lui manque, mais cette douleur était devenue lancinante, moins mortelle. Il chérissait chaque moment passés ensemble, chaque souvenir de cette femme hors du commun qui avait changé sa vie et fasciné les foules. Son sang drow avait dégoûté bien des elfes, mais sa sensualité les avait souvent fasciné. Et elle n'avait eu d'yeux que pour lui. Elle lui avait apprit la passion et l'amour...

Les 6 dernières années avaient eu leur lot de joie et de chagrin. Il avait trouvé l'amour, il avait fondé une famille et il avait perdu sa femme. Ses amis de toujours étaient morts. Son enfance avait volé en éclat avec la disparition de tous ses repères. Les elfes étaient censés être immortels, jamais il n'aurait pu penser que sa vie serait jalonnée d'autant de deuils en une poignée d'années, ridicules pour un être qui vivrait des millénaires. Et pourtant... La famille royale avait été éradiquée. Son frère de cœur était mort, de même que celle qui lui avait été promise. Son vieux mentor s'en était allé également. Le coup de grâce avait bien sûr été Révérie. Autant de deuils qui avaient pesé sur son âme, assombrissant le jeune elfe qui était devenu taciturne et distant, lui auparavant si ouvert et aventureux. Chaque peine semblait avoir asséché son cœur. Pourtant, l'elfe bienveillant n'avait pas disparu, il était juste plus prudent dans sa façon de s'ouvrir au monde.

Une ombre blanche se glissa derrière lui et fourra sa truffe dans sa main. Laurëa était la seule à avoir échappé à cette hécatombe. Ombre fantomatique fidèle et dévouée. Un réconfort réel. Il l'avait laissé dans la forêt en arrivant à Diantra, mais les semaines devenant des mois, elle avait fini par venir le rejoindre. Il était étrange de voir un loup blanc dans le palais ou les rues, mais elle ne se déplaçait pas sans Dragan et les humains étaient aujourd'hui habitués aux bizarreries des elfes. Il enfouit sa main dans son épaisse fourrure, avant de la regarder, intrigué, quand elle sembla vouloir l'emmener quelque part. Après tout, pourquoi pas? Il était vêtu à la manière humaine, adoptant leur style vestimentaire pour moins se démarquer, chose quelque peu difficile avec son teint de bronze et ses cheveux d'argent.

Il suivit la louve, dans les méandres du palais, avant de se retrouver dehors. Bientôt, la musique parvint à ses oreilles sensibles. Une fête? Il ne voyait toujours pas où la louve voulait en venir... Il déboucha sur une petite place, où une fête avait effectivement lieux et se mêla à la foule, la louve sur ses talons. Les festivités humaines n'étaient en rien comparables avec les cérémonies elfiques. C'était plus... rustre. Voilà, c'était le mot. Bien moins raffiné et pourtant, plus vivant d'une certaine manière. L'alcool coulait à flots, de l'alcool de pauvre, bon marché. C'est alors que quelqu'un lui rentra dedans et il lui fallut quelques secondes pour reconnaître le capitaine ne second de sa garde. Lalwendë. Il en aurait presque vacillé de surprise. Où était l'elfe froide et tirée à 4 épingles, impeccable dans son uniforme? Là, il avait devant les yeux une jeune fille aux joues rougies, au regard brillant, au sourire heureux, ses longs cheveux bruns détachés et en proie aux caprices du vent. C'était un contraste saisissant.

Il retrouva ses esprits quand elle lui fit remarquer qu'il ne devait pas s'aventurer seul ici. Pardon? Il était encore libre de se déplacer où bon lui semblait, sans être entouré d'une garde. Il l'avait fait de nombreuses fois avant de prendre son rôle de Seigneur Protecteur davantage au sérieux.

- "Laurëa a semblé pensé qu'il y avait ici quelque chose que je devais voir."

Il indiqua la louve de la main, sagement assise près de lui désormais, tâche blanche discernable entre mille.

- "Très jolie danse Lalwendë."

Il la détailla, avant qu'un sourire indéchiffrable ne recourbe le coin de ses lèvres.

- "Cette robe vous sied à merveille."

Quelque chose qu’il devait voir ? Pardon ? Lalwendë baissa les yeux sur la louve, réprimant un coup d’œil rancunier pour l’animal. Mais au moins, le seigneur n’était pas seul dans les rues, même si il était de notoriété publique qu’il maniait terriblement bien l’épée, personne n’était invincible et c’était une erreur que personne ne devait faire, combien aurait on vécu des siècles sans défaites. Levant les mains, elle tenta de plaquer ses mèches folles sur son crâne mais c’était un peu trop tard pour rattraper la catastrophe. Le Seigneur ne l’avait jamais vu autrement qu’en uniforme, calme, efficace et discrète, elle se demandait soudain ce qu’il pouvait penser du spectacle qu’elle venait de donner. Elle espérait fortement qu’il n’y voit pas là une preuve d’inconstance ou d’immaturité. Juste qu’elle adorait danser, l’avait toujours fait, même si elle s’appliquait a différencier le garde de la danseuse. Les rumeurs de la fête lui parvenait oui, mais la légèreté c’’était un peu envolée sous le regard scrutateur du Seigneur. Si son père apprenait ça…Il serait très déçu non ? Comme un reflexe, elle se redressa, adoptant immédiatement une posture plus noble et sevère, bien que l’effet en soit irrémédiablement terni par la robe humaine et les effets de la danse encore présents sur son visage.

Elle battit légèrement des paupières a son compliment, réprimant une grimace. Très jolie danse. Allons bon. Se moquait il ou non ? C’était difficile a dire, autant avant il était plus rieur, plus léger autant maintenant, avec ces deuils qui l’avait si fortement frappé, il était devenu plus sombre, plus distant. Lalwendë ne pouvait qu’imaginer la douleur qui pouvait ravager l’âme de son Seigneur, elle avait encore son père bien aimé et son frère adoré, une chance malgré les épreuves.

-Mmm…Merci ?

Oui, sous forme d’interrogation, parce qu’elle n’arrivait pas vraiment a savoir si il la réprimandait en ironisant ou si il était sincère. Puis, sa main tritura les plis de sa robe alors qu’il ajoutait qu’elle était jolie, la robe hein. Allons bon ! Elle avait horreur de ne pas savoir sur quel pied danser ! Finalement, le mieux était encore de faire comme d’ordinaire. La lueur de rire provoquée par la fête s’éteignit, remplacée par quelque chose de plus sérieux, plus précis avant qu’elle ne décrète :

-Puis je vous demander de patienter quelques minutes ? Je vais chercher ma cape et je vous raccompagne au palais.

Sans attendre, elle lui tourna le dos pour s’enfoncer de nouveau dans la foule, esquivant sans peine les corps qui s’animaient de danse avant de retrouver sa cape négligemment jeté sur le dossier d’une chaise. Une main se posa sur son avant bras et, levant les yeux, elle retrouva la petite bonne femme a qui elle avait parlé plus tôt.

-Vous partez déjà ? Quel dommage ! C’était un plaisir que de vous voir danser.

Sincèrement touchée, Lalwendë posa une main légère sur celle posée sur son bras et un sourire anima ses traits

-Oui, le devoir m’appelle, mais je vous remercie, vraiment. Et je souhaite une longue vie a l’enfant.
-Merci jeune fille.

Lalwendë réprima un éclat de rire a l’entendre dire jeune fille. Diantre, elle était plus âgée que cette petite femme sans nul doute, impulsivement, la semi se pencha et baiser légèrement la joue rebondie et douce de la vieille femme, la remerciant ainsi pour la fête avant de glisser sa cape sur ses épaules et de rejoindre son Seigneur.

-Je suis désolée que vous ayez assisté a tel spectacle, cela ne se reproduira plus.

Oui enfin, pas plus ou moins en service surtout. C’était une erreur vraiment. Elle aurait du rester tranquillement dans sa chambre a lire plutôt que se montrer faible devant la perspective d’une réjouissance humaine qui la charmait par sa sauvagerie et son authenticité.

Il retint un petit sourire quand elle tenta maladroitement de se recoiffer. Il était bien trop tard pour faire bonne figure maintenant. Elle était loin l'image du la garde sévère aux vêtements stricts et à la tenue impeccable. Il découvrait la femme qu'elle était derrière son devoir et cela était quelque peu perturbant. Il avait fallu une soirée dans la capitale humaine, un danse débridée et une louve trop curieuse pour qu'il découvre Lalwendë. Le visage du Seigneur était impassible, comme souvent aussi était-il bien difficile de deviner ce à quoi il pouvait bien penser, ni même son jugement concernant l'attitude de la jeune elfe. Elle se redressa sous son regard scrutateur et perçant. Il ne manquait que l'uniforme.

Il la complimenta alors sur sa danse et elle dut se demander si c'était du lard ou du cochon. Normal, il l'avait proféré sans réellement lui donner un indice quand aux fond de ses pensées. Elle le remercia alors, indécise. Et, malgré l'ironie, il était sincère. Elle respirait la vie alors qu'elle dansait et cela le fascinait presque, lui qui était trop entouré de morts. Il la complimenta aussi quant à sa robe et cette fois, elle décida de reprendre son rôle, ne sachant pas du tout quelle attitude adopter.

Il n'eut pas le temps de répondre, que déjà, l'elfe faisait demi tour à la recherche de sa cape. Il la regarda fendre la foule, le visage sombre et pourtant une étincelle éclaira son regard bleu glace. Elle revint rapidement, s'excusant alors. Là, il décroisa les bras et se glissa derrière Lalwendë, faisant glisser la cape de ses épaules et la récupérant, avant de lui faire faire demi tour pour le regarder.

- "Pourquoi vous excuser? Vous aviez quartier libre, ce que vous faites de votre temps libre ne me regarde pas."

Il esquissa un léger sourire et reprit avec douceur :

- "Amusez-vous. Nous partons demain et vous ne participerez pas à une fête humaine avant un moment."

Son sourire s'accentua, alors qu'il terminait, avec la malice d'antan :

- "Et ce spectacle était loin d'être déplaisant. J'ai trop côtoyé la mort, Lalwendë. Je préfère assister à la vie."

Je jetai un regard au bébé dont on fêtait la naissance. Avant de baisser les yeux sur la garde, qui ne savait décidément pas quoi faire en ma présence. Je me doutais qu'elle aurait du mal à se laisser aller sous le regard de son seigneur, alors même que je lui en donnais l'autorisation.

- "Vous avez le choix, je peux rentrer seul, mais je doute que vous l'acceptiez, ou je peux rester ici et attendre que vous ayez bien profité de cette soirée. Ma préférence va à la seconde proposition. Et la votre?"

Il se moquait ? Il ne se moquait pas ? A vrai dire, la semi ne savait vraiment pas, alors dans le doute, elle reprit son rôle premier a savoir, un capitaine en second. Chose difficile avec les cheveux en bataille et vêtue a la dernière mode humaine évidemment. Cela dit, Lalwendë était dotée d’un certain charisme travaillé par la danse et son poste auprès d’un Seigneur Protecteur. Mais ce n’eu pas l’effet escompté semble –t-il alors en désespoir de cause, elle retourna chercher ses effets avant de proposer a son Seigneur qu’elle le raccompagne.

Elle ne s’attendait absolument pas a ce qu’il se glisse dans son dos, lui ôtant sa cape avant de sentir ses mains sur ses épaules et de suivre le mouvement qu’il imprimait. Elle fronça quelque peu les sourcils. Euuuh…Indécise, elle eut une petite moue hésitante. Bon, alors elle pouvait avoir l’autorisation de rester, mais d’un autre coté, c’était faire preuve d’irresponsabilité non ? Le seul moyen de trancher…

-Est-ce un ordre ?

Oui parce que là, elle ne pourrait rien y faire si cela était un ordre, évidemment et autant le dire, cela l’arrangerait fortement. Bizarrement, il eu un regain de joie ou de malice, la laissant carrément sur le cul parce qu’elle ne s’y attendait pas ( sur le cul étant une expression humaine qu’ elle n’utilisait qu’en penser évidemment ). Mince mais se moquait il ou pas ?! Se dandinant d’un pied sur l’autre, elle ne cessait de jeter des coups d’œil a la fête avant de revenir sur le visage altier du Seigneur, puis de repartir sur la fête. Elle ne pouvait nier la déception a l’idée de quitter la fête si tôt, mais était partagée entre son devoir et son envie de rire encore et de danser.

Cela dit, sa mâchoire se décrocha littéralement alors que le Seigneur lui proposait carrément de rester avec elle et de participer a la fête. Les yeux ronds, elle le regarda quelques secondes sans rien dire.

-Vous êtes sérieux ?

Exclamation incrédule sur le coup tellement elle ne s’y était pas attendue. Pourtant, on ne pouvait pas dire qu’elle était femme a se laisser surprendre aussi facilement, mais là, c’était le cas. Finalement, elle inspira un grand coup, posant ses mains sur ses hanches.

-Très bien.

Avant de faire une chose qu’elle n’aurait jamais faite en temps normal, c'est-à-dire se saisir de la main de l’elfe et de l’entrainer derrière elle dans la foule en liesse fêtant la naissance d’un enfant. C’était un moment de joie pour le peuple de ce quartier, un moment où ils oubliaient la rudesse de leur vie difficile. Les vêtements de Dragan dénotaient un peu mais qu’importe ! D’ailleurs, il se retrouva avec une chopine dans une main et Lalwendë rit doucement pas sure que le Seigneur apprécie la bière humaine qui ne vaudrait jamais celle des nains mais qu’importe en vérité ! Cependant, elle aurait comprit qu’il la dépose dans un coin, elle-même n’en avait pas bu une goutte malgré le nombre de chope qu’on lui avait mit entre les mains a l’instar du Seigneur. Les gens étaient simple et ne regardait même pas a leur race pourtant bien visible.

-Vous savez danser ?

Sous entendu les danses elfiques, au moins savoir si il avait le sens du rythme, mais elle n’eut pas le temps de dire ouf que lui se retrouva entrainé dans une gigue endiablée. Oups ! Songea-t-elle avant de s’introduire facilement dans la danse glissant son bras sous celui de son Seigneur en riant. Autour d'eux, il n'y avait que des visages amusés, rieurs, plein de vie, comme il voulait les voir.

Il n'avait pas vraiment le droit de débarquer ici et d'empêcher la jeune garde de s'amuser. C'était leur dernière soirée dans la capitale humaine, il n'avait pas besoin de ses services. Mais Lalwendë était tellement gênée de s'être faite surprendre par son seigneur qu'elle était partie plus vite que l'éclair afin de récupérer sa cape et de rentrer avec lui. Il n'avait pas besoin qu'elle l'escorte, mais il savait qu'elle refuserait de le laisser rentrer seul, par acquis de conscience. La capitale humaine était bien plus dangereuse que les contrées elfiques, un véritable coupe gorge. Pourtant, nulle peur n'agitait le seigneur elfe à l'idée de déambuler dans les ruelles sombres. Aussi, quand elle revint, il lui reprit sa cape d'autorité et lui proposé de continuer à s'amuser. Sa réponse l'amusa.

- "Une suggestion."

Il voyait qu'elle contenait son excitation, trépignant sur place et jetant de regards envieux vers la fête, se dandinant sur place sous le regard amusé de Dragan. Non, ce n'était pas un piège, une façon de tester sa fidélité ou sa dévotion, mais bien l'envie de la voir s'amuser. Il ne savait plus le faire, alors il était ravi de pouvoir l'observer sur d'autres. Et Lalwendë, les joues rosies, le regard brillant, les cheveux défaits était une vision des plus agréable. Elle fit une grimace comique alors qu'elle lui demandait s'il était sérieux en proposant de rester pour lui permettre de s'amuser. Il hocha simplement la tête et elle posa ses mains sur ses hanches, satisfaite, avant de s'emparer de sa main et de le tirer derrière elle. Tout à coup, il n'était plus amusé, ou impossible, mais un brin paniqué alors quelle le trainait dans la foule humaine et grouillante.

- "Lalwendë, qu'est-ce que vous faites?"

A lui d'être incrédule cette fois. Elle n'était quand même pas en train de l'entrainer dans la danse, n'est-ce pas? Elle n'oserait pas lui faire cela? S'il y a quelques années encore, il se serait volontiers joint à la farce, aujourd'hui, cela lui semblait totalement déplacé. Quelqu'un lui colla une choppe de bière dans la main et il la regarda avec suspicion. Il n'était pas particulièrement friand de la bière, même si celle des nains était plus que buvable. Il reposa la chope discrètement. Lalwendë lui demanda alors s'il savait danser. Drôle de question. Oui, il savait danser, les danses elfiques raffinées. Il les avait toutes apprises dés son plus jeune âge et était bon danseur. Par contre, concernant ces danses humaines... Hors de question qu'il danse! Sauf quand on l'agrippa et le força à rentrer dans la gigue. Mal à l'aise, il n'osa pas de dégager de suite, surtout quand sa compagne se glissa à ses côtés. Il se demanda subitement depuis combien de temps il était devenu si... rébarbatif. Depuis la disparition de Révérie. Réponse simple. Finalement, il décida de faire contre mauvaise fortune bon cœur et s'appliqua à copier les humains, avant de répliquer à la jeune elfe, avec un petit sourire éloquent :

- "Cela répond-il à votre question?"