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Tinfar Solinar
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MessageSujet: Retour après neuf ans   Retour après neuf ans I_icon_minitimeMer 3 Aoû 2011 - 17:43

La route s’étirait sans fin sur la plaine. Dépourvue d’intérêt, à vrai dire simple trait tiré entre les champs, elle n’en était pourtant pas moins le seul élément remarquable du paysage. De tous côtés un épais brouillard bouchait l’horizon. Où que le regard se portât, seuls quelques monts lointains se devinaient à l’ouest, tandis qu’à l’est le voyageur savait qu’il ne trouverait rien, sinon les falaises à pic qui plongeaient dans la mer Olienne.
Le cavalier avançait lentement, courbé sur une monture fatiguée. Pour se protéger du vent glacial qui soufflait depuis l’avant-veille, il avait caché son visage sous une lourde étoffe de lin. Une fine pellicule de glace en couvrait désormais les bords, signe, si besoin était, que Verimios avait bel et bien étendu son emprise sur les hautes terres du duché. Resserrant les pans de son manteau, l’homme éperonna légèrement sa monture, la forçant à adopter un rythme plus alerte. La saison n’était guère propice aux voyages et il n’était pas sûr de s’attarder plus que de raison sur ces routes.
Pour l’heure le duché était en paix mais pour combien de temps encore ? D’après les bribes de conversations qu’il avait surprises dans les auberges où il avait trouvé refuge, l’homme avait compris qu’une guerre couvait entre Merval et Scylla. Les paysans étaient inquiets. Et, par expérience, le voyageur savait que ce n’était pas sans raison. Il existe bien des façons de trouver la mort en temps de guerre : lors des combats après avoir été enrôlé de force, en raison de la famine qui fait suite aux réquisitions ou, plus fréquemment, sous les coups des pillards qui émergent inévitablement dès que résonne le chant de l’acier. C’était cette dernière possibilité qui avait poussé le cavalier à forcer l’allure au risque d’entamer les dernières forces de son cheval.

Sous l’effet de la vitesse, le vent mordait désormais ses chairs avec un appétit renouvelé. Mais l’homme avait espoir d’arriver bientôt au terme de son voyage.
Après bien des errances, il rentrait chez lui… quel que soit le sens qu’il donnait à ce mot.

* * *

Enfin… enfin les six quartiers de Langehack se découpaient au loin sur l’horizon. La ville des Arts n’était plus une vaine promesse, mais bel et bien une réalité. D’ici quelques heures, Tinfar savait qu’il pourrait se prélasser dans une auberge confortable, poser ses pieds glacés près de l’âtre, tenir une chope de breagh entre ses mains et, avec un peu de chance, serrer une jeune femme entre ses bras.
Poussant un léger soupir de contentement, le sorcier renoua ses chausses et s’essuya les mains contre un arbre. Après s’être longuement étiré, ses muscles dorsaux endoloris par sa trop longue chevauchée, il réajusta les sangles de son manteau avant de tirer de ses fontes une gourde d’eau. Après avoir apaisé sa soif, il flatta l’encolure de son cheval puis s’assura que ses sabots supporteraient la fin du voyage. Satisfait, il se remit en selle et lança sa monture au trot. D’ici une ou deux heures, il pourrait goûter à un repos bien mérité.

* * *

Entrer dans la cité s’était révélé étonnamment facile, c’était à peine si les gardes s’étaient intéressés à lui. Après avoir répondu à quelques questions, on lui avait simplement conseillé de ne pas créer d’ennuis. Pour appuyer ces dires, l’un des gardes avait cru bon de tapoter la garde de son arme, mais l’effet avait été quelque peu gâché par le fait que, ce faisant, il avait manqué faire tomber sa hallebarde. Soucieux de ne pas s’attirer d’ennuis, Tinfar avait bien pris garde de ne pas sourire de la maladresse du soldat. Il s’était contenté de hocher la tête avant d’ajouter qu’il n’avait d’autres ambitions que de renouer avec d’anciens partenaires commerciaux. Après une dernière mise en garde, il avait tiré sur les rênes de sa jument et s’était engagé dans Langehack.

Bizarrement, rien ne semblait avoir changé entre ces murs. Les rues étaient telles qu’il les avait laissées neuf ans plus tôt : humides et sombres, rappelant aux voyageurs de passage que, malgré ses façades impressionnantes, la capitale du textile était similaire à toutes les cités de la Péninsule : hantée par ses propres démons et gangrénée pas ses pauvres et sa pègre.
Au détour d’une venelle, le sorcier eut tout le loisir de constater la pertinence de son analyse : lui barrant presque le passage, un tas d’immondices se dressait sans que quiconque s’en inquiète. Seuls quelques gamins crasseux s’amusaient à l’escalader pour y pécher des trésors dont eux seuls savaient que faire. Tinfar fit faire un écart à sa monture et, rasant les murs, continua sa route.
Il ne savait pas très bien où il allait, mais il était certain d’être dans la bonne direction. Les années qu’il avait passées à arpenter la Péninsule lui avaient au moins appris cela : toutes les cités humaines possèdent une taverne miteuse où se réunissent tous les escrocs, voleurs et montes-en-l’air de bas étage. Et, pour peu que l’on sache que chercher, les trouver n’était pas difficile. Pour l’heure, les regards sombres que s’attirait le sorcier, les mines patibulaires des quelques passant qu’il croisait et les messages que s’échangeaient les mioches sortis du ruisseau, prouvait assez qu’il touchait au but. Avisant à une enseigne miteuse représentant vaguement une chope de bière, Tinfar démonta avant de récupérer ses fontes. Il savait par expérience qu’elles avaient une fâcheuse tendance à disparaître si on les laissait sans surveillance. Attrapant un gamin par l’oreille, il lui murmura :


Ma jument ne vaut pas grand-chose, mais j’aimerais bien qu’elle soit toujours là quand je ressortirai d’ici une dizaine de minutes. Fouillant dans sa bourse, il en sortit un écu qu’il fit miroiter un instant dans le pâle soleil d’hiver. Dès qu’il eut capté toute l’attention du morveux, il le remit dans sa bourse et dit : Si je la retrouve, mon écu sera pour toi. Dans le cas contraire, soit certain que tu perdras bien plus que moi dans cette histoire. Ponctuant sa tirade d’une légère tape sur le crâne du gosse, il ajouta : Je sais ce que tu penses et je te conseille de ne pas t’y essailler.

Sans un regard en arrière pour s’assurer que ses instructions étaient bien suivies, Tinfar pénétra dans la taverne. Sitôt le seuil franchi, il fut saisi par une forte odeur de bière rance qui manqua lui provoquer un haut-le-cœur.
Repérant une table demeurée vide, il s’y installa et attendit deux minutes que le patron le rejoigne. Avant que l’homme n’ait le temps de dire quoi que ce soit, Tinfar sortit sa bourse et posa cinq pièces sur la table.


La première c’est pour un pichet de ta meilleure bière. Et n’essaie pas de refiler la merde que tu sers aux poivrots habituels. Les quatre autres c’est parce que je sais très bien dans quel genre de taverne je suis. Je sais qui la fréquente et je sais ce que j’y risque. Manque de bol pour toi et les trois gars qui poireautent dans l’immeuble en face, je ne suis pas une proie que vous devriez chasser. Faisant glisser les pièces en direction du tenancier, il reprit : Paie un coup à tes gars à ma santé et considère que tu as plus à perdre qu’à gagner.

Décontenancé, l’aubergiste prit les pièces et fit quelques pas en direction du comptoir. Avant qu’il ne s’éloigne, la voix de Tinfar résonna dans la pièce :

En revenant, prend toi une chope. Tu me raconteras tout ce que tu sais sur cette foutue ville. Je cherche du travail.
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Jeanne de Sephren
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MessageSujet: Re: Retour après neuf ans   Retour après neuf ans I_icon_minitimeJeu 4 Aoû 2011 - 14:33

Même en pays suderon, l’hiver étendait ses bras en crachin glacial, en rafale parfois brutale, jusqu’à la prochaine éclaircie. Ainsi transi de froid et après un non-contrôle des hommes du guet maladroits et tout aussi frigorifiés, il put déboucher dans les faubourgs crasseux. A l’odeur capiteuse du traitement du cuir, il aura tôt fait de se souvenir du quartier des tanneurs, le plus pauvre de tous et assurément le plus puant. Les masures à encorbeillages formaient un dédale de ruelles sales et créait une pénombre à toute heure du jour. Salvatrices en plein cagnard estival, les ombres environnantes grouillaient néanmoins toujours de quelques tire-goussets et coupe-gorges prêt à s’en prendre à votre bourse ou votre gorge. Puis, soudain, au détour d’une petite place, une fontaine, une statue, une taverne surgit presque avenante avec son enseigne déglinguée.

Certes la bière rance nimbait l’air de ses miasmes les plus charmants, la fumée rampait hors de la demeure dès que l’on ouvrait la porte, mais l’endroit avait l’avantage d’être presque propre. Il trouva rapidement une table vide – l’heure n’était pas encore à la picole – et relativement propre. Le tavernier, Diego, s’empressa d’aller prendre commande en se frottant déjà les mains d’un nouveau pigeon à plumer.

Si le début de la diatribe de son hôte le laissa froid – y avait toujours deux-trois gars pour apprécier la bière et non l’ivresse – la fin de la phrase le déconcerta franchement. Tentant un instant de feindre l’indignation, il haussa finalement une épaule et adressa un rapide geste à une serveuse qui alla informer les trois ruffians d’en face de laisser ce maraud-là tranquille. Se dirigeant alors vers son comptoir, il considéra l’éventualité d’une petite mesquinerie – un crachat au fond d’une choppe – pour se venger d’être spoilié de quelques deniers. Heureusement pour Tinfar, sa dernière répartie alluma une nouvelle lueur de cupidité au fond des yeux de Diego. Tout en servant les deux breuvages, il réfléchissait à la manière de lui soutirer quelques piécettes supplémentaires pour les informations.

S’installant à la table du sorcier-espion, il claqua les deux brocs contre le bois massif. Confortablement installé, il fit mine de passer à table sans autre forme de négociation.

- Pour les potins, c’dépend si ça fait longtemps que t’es pas revenu dans notr’ belle cité.

Avec un sourire goguenard, il leva sa choppe en toast silencieux et engloutit une large gorgée de breuvage, non sans s'en être joliment barbouiller la moustache.

- L’duc est mort et sa rombière l’a rapidement suivi. Leurs morveux avaient hérité de l’charge mais le gamin l’a canné, contre l’drows et la gamine, parait qu’elle a été assassinée. Suite à ça, y a un mil’taire de Diantre qui a repris l’poste mais l’a crevé aussi. ‘sait pas trop comment. Enfin, l’sang bleu, ça reste l’sang bleu. Forcément, z’ont trouvé une héritière cachée. Une gamine à la tête du duché ! J’t’l’dis, ça va de mal en pis. M’me pas un vrai gaillard pour nous gouverner. Avec l’Voile, on est pas dans la mierde, foi de Diego ! L’p’tite héritière parait qu’elle est encore remplie d’illusions, l’genre pucelle romantique t’vois. Y a un gars que j’connais qui l’a vu de près, parait qu’elle a un joli fessard, tout menu. On d’vrait pas trop tarder à avoir des soupirants près à l’trousser pour la cause ! M’enfin, du coup, on est plutôt peinard pour l’instant. Les affaires marchent bien.

Après une nouvelle dose de bière – pas dégueulasse au demeurant -, il reprit.

- Y a une guerre qui s’prépare entre Scylla et Merval, au sujet d’Nelen, j’crois. Comme si z’avaient pas assez de mierdier à régler ici ! Enfin, l’Prince du Sang – T’sais l’comte de Scylla qui passe plus d’temps avec l’falzar sur l’chevilles qu’à diriger son comté – l’a une dente contre l’sorcière de Merval, la vieille fille-là. Enfin m’est avis qu’ça d’vrait s’régler d’un bon coup de trique. Mais les nobles, ça aime faire des guerres pour l’gloire.

Brièvement, il sembla s’indigner réellement et maugréa une série de jurons

- Fichus nobles, une guerre alors que l’Voile va provoquer une famine. Est-ce que ça nourrit l’peuple la gloire ? Nooon.

Après une nouvelle bordée d’insultes, il commenta rapidement.

- Enfin du coup, doivent embaucher. Si t’es dans l’genre mercenaire à la papatte d’ceux nés avec une cuillère en or dans l’bec, t’trouveras ton bonheur là-bas.

Il haussa une épaule en mirant la carrure de Tinfar.

- Mouais, t’as pas trop la dégaine d’un homme de guerre quand même. Enfin à tout hasard, s’t’caches bien ton jeu, y a aussi les corpo’, l’bourgeois et les nobles qui engagent. Toujours en train d’s’affronter pour un oui ou un non ceux-là. Avant-hier, sur l’avenue commerçante dans l’enceinte, y a eu une échauffourée entre les merco de Giusepp d’Albino et Mario del Lughi. Un sacré mierdier. S’sont étripés comme des bouchers avant qu’l’garde ducale, elle-même, s’sorte les doigts pour filer un coup de main au guet. Parait qu’l’cap’taine Hedwe l’est vraiment vert d’rage et qu’il a m’nacé d’interdire l’port d’arme dans l’enceinte. L’angoisse ! T’imagines ça ? Priver d’honnêtes ruffians de leurs moyens d’subsistance ! ? Parait quand même qu’s’est pas du tout au goût des gens aux pouvoirs et qu’il s’est fait rembarré.

Après un bref rire, il continua son état des lieux.

- S’non t’as l’Collège. Une bande d’érudits frapadingues cherche toujours des mecs pour des expéditions ou des quêtes. Une lubie de l’duchesse grise, ça. Trouver des artéfacts, des connaissances pour l’Savoir.

Il cracha rapidement par terre en signe de réprobation.

- Tsah, on va juste s’retrouver avec une pellée d’aventuriers qui nous chaparderont notre nourriture, nos souverains, pis une augmentation des taxes pour ces « croisades ». M’enfin, t’as l’air d’être un type intelligent, t’trouveras sûrement un moyen de gagner ta croûte auprès d’eux.

Il vida sa choppe et se pencha en avant. Sans équivoque possible, il tapota sur la table.

- Maintenant, s’t’veux des infos plus précises, t’allonges l’monnaie.

Spoiler:
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Tinfar Solinar
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MessageSujet: Re: Retour après neuf ans   Retour après neuf ans I_icon_minitimeVen 5 Aoû 2011 - 15:22

Les yeux mi-clos et les mains serrées autour de sa choppe, Tinfar écoutait l’exposé du tavernier. L’homme parlait d’une voix grave à l’accent trainant. Son phrasé gouailleur avait quelque chose d’étrangement hypnotique. Les mots semblaient flotter dans l’air lourd de la salle enfumée, avant de s’insinuer péniblement jusqu’aux oreilles du sorcier. En effet, conjuguée aux rigueurs du voyage, l’atmosphère de la taverne émoussait les sens de Tinfar. S’il n’avait su quels risques il encourait à s’assoupir en pareil lieu, il se serait volontiers laissé aller à somnoler sur sa chaise.
Portant plutôt sa pinte à ses lèvres, Tinfar but une longue gorgée de breagh. Le goût était tel qu’il s’en souvenait : fort et teinté d’une légère amertume. Une boisson aussi rude que pouvaient l’être les terres du nord, bien loin des saveurs délicates de l’hydromel qu’on servait en Ydril. Suffisamment puissante en tous cas pour repousser, pour un temps au moins, l’envie de dormir qui le tenaillait. Ragaillardi, le sorcier se redressa et, frottant ses joues mal rasées, il se concentra sur ce que lui disait le tenancier.
Apparemment, le duché avait été confié aux mains inexpérimentées d’une toute jeune femme, Tinfar comprit mieux le laxisme dont avaient fait preuve les gardes assignés à la surveillance des portes. Si la pucelle, comme la désignait son hôte, ne réagissait pas très vite, cette bonne vieille cité de Langehack deviendrait sous peu un paradis pour quelqu’un à l’esprit vif et à la conscience permissive. Un discret sourire aux lèvres, l’escroc imaginait déjà comment tirer avantage de cette situation. Peut-être était-il temps pour Lacramont Rieuseloi de reprendre du service. Voilà près de deux ans que Tinfar ne s’était pas glissé dans la peau de ce courtisan. Calme et compétent, discret et diligent, travailleur et charmant, il avait tout pour satisfaire les plus tatillons des conseillers. Enfin, jusqu’à ce que qu’il prenne l’envie à l’un d’eux de jeter un œil sur les livres de compte. Mais avec un peu de chance, d’ici quelques mois il pourrait avoir conquis l’oreille du chambellan... à défaut des fesses de la pucelle.
Quittant à regret ses rêves de richesse, l’espion nota que les observations qu’il avait faites en court de route se vérifiaient : une guerre couvait bel et bien dans la région. Conjuguée au Voile, ce pourrait être une situation idéale pour amasser rapidement du bel et bon argent. En ces temps troublés, nombre de marchands seraient prêts à tout pour mettre la main sur des céréales venues de l’Ouest. Pour peu qu’un négociant se présente devant eux en arborant un contrat garanti par le blason de la Chambre de Commerce d’Ydril… Se frottant les mains par anticipation, Tinfar prit une nouvelle gorgée de breagh.
Décidemment la cité paraissait pleine de promesses. Ajouter à cela que les corporations se tiraient visiblement dans les pattes, les conditions étaient idéales pour qu’un opportuniste s’en mette plein les poches.

Reposant sa choppe sur la table, Tinfar écouta l’aubergiste en finir avec les nouvelles de la ville. Alors qu’il allait proposer à son vis-à-vis de refaire le plein des deux pintes, l’homme se pencha avant de tapoter le bois pour exiger de l’argent en échange de nouvelles informations.
Repoussant sa chaise, Tinfar se recula légèrement. Avec des gestes lents et presque solennels, il dégrafa son manteau et en écarta les pans. Sans se départir d’un léger rictus qui donnait à son visage un air inquiétant, il fit glisser sa main jusqu’à sa ceinture où elle sembla hésiter une seconde entre sa bourse et sa dague. Finalement, son choix se porta sur l’or et non sur l’acier.
Prenant tout son temps, il fit jouer les liens de cuir et pêcha deux pièces qu’il posa sur la table. Puis, comme s’il n’était rien de plus naturel, il sortit sa dague et en tâta le fil du pouce. Visiblement satisfait, il la rengaina.
Plaçant l’argent au milieu de la table, il murmura :


Tu m’avais jusqu’alors fait bonne impression, l’ami. Ne vas pas tout gâcher en te montrant inutilement cupide. Je n’ai rien contre le fait de payer pour des informations mais j’aime à en fixer le prix moi-même… une fois entendu ce qu’on avait à me dire.

Pour appuyer ses dires, il recouvra les pièces de sa main droite. Toujours souriant, il fit du regard le tour de la salle enfumée et, voyant que personne ne l’observait, il concentra ses pouvoirs. Comme toujours, il sentit l’Energie gonfler ses veines juste avant que ses yeux ne deviennent aveugles. Tandis que ces derniers irradiaient d’une pâle luminescence bleue, il retourna sa main et, libérant son pouvoir, il fit lentement tournoyer les deux écus dans les airs. Tout en leur faisant prendre de la vitesse, il tourna une partie de son pouvoir en direction du tavernier en personne. Avec d’infinies précautions, il canalisa ses dons pour lancer un sortilège de poussée mentale.
Tinfar espérait ainsi amplifier la peur ou le doute qui ne devait pas manquer de naitre dans l’esprit de sa cible. En effet, peu nombreux étaient les hommes qui se sentaient à l’aise en présence d’un sorcier.


A présent que j’ai toute ton attention, crut-il bon d’ajouter tandis qu’un sourire carnassier s’affichait sur son visage. J’apprécierais que tu m’en dises un peu plus long sur les personnes qui entourent la pucelle. Et tant que tu y seras, tu me diras tout ce que tu sais de la guerre entre Merval et Scylla.

Tandis qu’il menaçait à mots couverts son interlocuteur, il relâcha son contrôle sur l’Energie et récupéra ses pièces avant même qu’elles ne touchent la table. Toujours souriant, il s’installa confortablement sur sa chaise. D’un mouvement de la tête, il appela la serveuse et lui lança l’une des pièces en lui demandant avec un sourire charmeur si elle pouvait apporter davantage de bière ainsi qu’un peu de pain et de fromage.
Oui, pensait-il : avant de m'attaquer à ce duché mieux vaudrait que j'engrange un peu plus d'argent. Qui sait si je ne pourrais pas profiter de mes talents pour soutirer quelques écus à l'un ou l'autre des belligérants ?
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Jeanne de Sephren
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MessageSujet: Re: Retour après neuf ans   Retour après neuf ans I_icon_minitimeVen 5 Aoû 2011 - 21:33

La fonction de tavernier, surtout de ce genre de bouiboui, nécessitait de les avoir bien accrochées. Entre les petits malandrins avec leurs coutelas tentant de vous voler vos gains, les ivrognes bagarreurs, Diego avait toujours tenu sa baraque avec une poigne de fer. Mais lorsque Tinfar joua de magie pour l’impressionner, il n’en mena pas large. Brusquement, il recula, creusant une distance de sécurité entre lui et son adversaire. Le fracas attira quelques secondes les regards des rares présents. A deux doigts de souiller ses chausses, il jura, entre ses dents serrées, quelques suppliques ténues à Tyra afin qu’elle lui fiche encore la paix un moment. Prenant plusieurs longues inspirations, il réussit au prix d’un bon effort à reprendre le contrôle de lui-même. Les mains levées en signe d’apaisement, il marmonna :

- Ola mon gars ! Pas b’soin d’t’énerver comme ça ! On causait juste affaire ! Tu comprends, c’est pas avec l’clients que j’ai là que j’peux gagner ma croûte !

Il toisa Tinfar en silence, la mine renfrognée. Alors qu’ils se regardaient en chien de faïence, le sorcier héla la serveuse. La demoiselle devina au faciès de son patron, qu’elle avait intérêt à calmer le jeu le temps qu’il reprenne ses esprits. Jouant les cartes que la nature lui avait généreusement offertes, elle se dandina jusqu’en cuisine pour préparer la commande. Pour se mettre en valeur, elle fit béer plus largement son corsage, mordilla ses lèvres, pinça ses joues – un subterfuge de bonne femme pour avoir la bouche aussi rouge qu’un grenat ainsi qu’une bonne mine – et remit de l’ordre dans sa mise. Le plateau en main, garni des victuailles demandées et d’un saucisson – cadeau de la maison – elle se dirigea, la démarche chaloupante jusqu’à la tablée. Se penchant fort plaisamment vers Tinfar, elle disposa la nourriture armée de son plus charmant sourire. Cette petite distraction permit à Diego de rassembler le reste de ses idées et de se réinstaller à table.

- L’entourage d’l’Pucelle, j’peux pô t’dire grand-chose. L’est arrivé au pouvoir assez récemment encore. Et puis, l’est pas vraiment du même genre tape-à-l’œil que sa maternelle. Dans l’entourage officiel, l’chambellan, l’a pas changé depuis Arathor, c’est toujours l’grand desséché… aaah… mierde.. comment s’appelle déjà ce gaillard…

Réfléchissant, il malmena sa moustache, les sourcils froncés.

- Ah oui, Flavio Vallès. J’arrive jamais m’rappeler de son nom à c’corniaud.

Il marqua une brève pause, satisfait d’avoir retrouvé le nom.

- Ensuite, t’as Misakith Kiltar, l’ancien régent et responsable des finances. L’vicomte de Tall s’est occupé de la morveuse jusqu’à son ascension au trône, donc l’est toujours près d’elle. M’est avis qu’il veut caser son rej’ton avec la petite. Crispin Delray, l’Recteur du Collège. Un type bizarre toujours en train de poser des questions sur tout et rien. Y en a qui disent que c’est un mage et qu’il protège l’Duchesse. J’pense plutôt que c’est un profiteur qui lui fait miroiter des secrets bizarres. M’enfin…

Il haussa une épaule.

- Sinon t’as l’reste de la noblesse locale qui occupe différents postes avec plus ou moins de responsabilités, l’bourgmestre, l’Cap’taine de l’Garde Ducale, les chefs de corpo’. Et naturellement, l’courtisans et les pique-assiettes traditionnels d’l’cour.

Il s’humecta le gosier d’une nouvelle giclée de bière.

- Pour les informations pour ceux-ci, t’suffit de t’promener dans l’Quatrième ou l’Cinquième. Changements trop rapides pour que j’t’brosse l’tableau. Enfin, y a trois noms qu’t’dois retenir : Nilda de Lancrais, Isilie de Brevise et Guiche de Tall. L’première rend son châtelain de mari plus cocu que n’importe quel autre homme du duché. Pis l’a un peu mauvaise parce qu’l’Rosière diffère vraiment d’sa mère : L’libertinage, l’racontars, l’est pas friande. Nilda, en plus, l’a pas apprécié de ne pas avoir été mis dans l’secret de la naissance de l’morveuse. Pour Isilie, c’est l’partie l’plus intéressant après l’duchesse. Pas d’autre héritier pour Brevise, un bon moyen de s’élever quoi. S’lon mon pote qui travaille au château, l’est mignonne à croquer en plus et l’duchesse l’aime bien à ce qui parait. L’dernier, Guiche, l’a grandi avec la duchesse, l’on suspecte quelques fricotages, mais, moi j’t’l’dis, y a rien de vrai. C’est pas l’genre de l’Pucelle de s’acoquiner comme ça, ça cadre pas avec l’personnage.

Plus longuement, il tapota la table en réfléchissant, torsadant parfois sa moustache.

- Pour la guerre entre Merval et Scylla, j’peux pas t’dire grand-chose de plus. J’sais juste que c’est pour une île, Nelen.

Il haussa une épaule.

- A dire vrai, j’m’en tape un peu : l’a été décidé que le pouvoir ducal resterait neutre. C’pas une mauvaise décision pour une pucelle. Y a déjà assez d’embrouilles ici avant d’s’jeter à corps perdus dans une bataille.

Il hocha la tête d’un air convaincu. Il dressa l’index pour ajouter.

- Mais si ça t’intéresse, tu peux aller voir un certain Hugald, un soldat de l’Ivrey qui chercherait quelques mercenaires ici. Il crèche dans un hôtel particulier près de la quatrième porte. Enfin, fais attention, y a plus de contrôle qu’à l’entrée des faubourgs pour entrer dans l’enceinte. C’même devenu pénible d’entrer au-delà du Deuxième depuis l’échauffourée entre les Albino et les Del Lughi.

Après un bref râlage dans sa moustache, il conseilla plus bas avec un air de conspirateur.

- M’enfin, avec tes dons là – Il agita la main en l’air – tu devrais pouvoir te passer d’armes et pouvoir tracer ton chemin jusqu’au Quatrième au moins. Suffira d’t’laver un peu l’gueule, d’trouver des beaux vêtements pis l’tour est joué !

Avec un sourire satisfait, il s’appuya à sa chaise et attendit le verdict de Tinfar.
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MessageSujet: Re: Retour après neuf ans   Retour après neuf ans I_icon_minitimeSam 6 Aoû 2011 - 21:48

L’Ivrey… l’Ivrey, ce nom sonnait étrangement familier aux oreilles du sorcier. En fermant les yeux, il pouvait se remémorer le visage d’un jeune chevalier qui arborait ce patronyme. Se pourrait-il qu’il s’agisse du même homme que celui auquel l’aubergiste faisait allusion ?
Tandis qu’il réfléchissait aux implications d’une pareille révélation, une étincelle s’alluma dans les yeux du sorcier. La coïncidence semblait trop grosse. Néera, elle-même, ne pouvait avoir un humour aussi alambiqué. Et était-il seulement possible que ce jeune chevalier, trop imbu de lui-même, puisse avoir été nommé comte par le roi ? L’Aveugle avait déjà commis bien des erreurs mais celle-ci était difficile à croire.
Pour autant que Tinfar s’en souvenait, le jeune homme était bien trop vert pour se voir confier pareilles responsabilités. Durant le peu de temps que les deux hommes avaient partagé, le chevalier s’était montré tout à la fois irascible et d’une naïveté frisant la bêtise. Son goût pour les armes et le talent qu’il semblait manifester pour ses dernières mis-à-part, il n’avait aucune des qualités que Tinfar associait volontiers aux hommes de pouvoir. Néanmoins, l’escroc savait qu’il fallait se méfier des jugements trop hâtifs. Lui-même en avait souvent tiré avantage, misant plus que de raison sur sa mine avenante et son verbe charmeur. Quoiqu’il en soit, il s’agissait d’une énigme qu’il pourrait être plaisant de tirer au clair, même si pour ce faire il fallait au préalable rencontrer un recruteur scylléen.

Délogeant du bout de sa dague un morceau de saucisson qui s’était coincé entre ses dents, Tinfar considéra les possibilités qui s’offraient à lui. Bien sûr, il était tentant de se rapprocher de la jeune duchesse. La rencontrer se révèlerait probablement impossible, mais qui sait si, à force de stratagèmes, il ne parviendrait pas à profiter de son administration. Il avait, par le passé, réussi des supercheries tout aussi délicates. Cependant, à l’époque, il pouvait compter sur des ressources autrement plus conséquentes et jouissait d’un réseau d’informateurs bien établi. Deux choses qui lui faisaient cruellement défaut à présent.
Soupesant sa bourse d’un air distrait, Tinfar ne put s’empêcher de penser que sa priorité devrait être de faire fructifier son argent. Là encore de nombreux choix s'offraient à lui : jouer sur la rivalité des factions, séduire l’héritière de Brevise, tabler sur la pénurie de grains et bien d’autres opportunités qui lui restaient encore à découvrir. Toutefois, toutes ses idées, pour valables qu’elles fussent, péchaient en un même point : elles requéraient des investissements considérables tant en temps qu’en argent. Or s’il était une leçon que Tinfar avait apprise de ses expériences passées, c’était que quand les temps étaient durs, mieux valait miser ses jetons sur un coup sûr.
Haussant les épaules, il se dit que rien ne l’empêchait de courir plusieurs lièvres à la fois. Il serait toujours à temps d’arrêter son choix le moment venu.
Aussi, piochant cinq écus supplémentaires dans sa bourse, il les fit glisser en direction du tavernier.


L’ami, je te remercie pour ton hospitalité et ta conversation. Les deux furent plus agréables que je ne l’espérais.

Tout en parlant, le sorcier s’était levé et avait récupéré ses fontes. D’un mouvement du pied, il poussa sa chaise sous la table puis se fendit d’un signe de tête en direction de l’aubergiste. Se dirigeant vers la porte, il singea une profonde révérence à l’intention de la serveuse avant de lui adresser un clin d’œil qui ne laissait que peu de place à l’interprétation.
Alors qu’il s’apprêtait à franchir la porte, il s’arrêta, la main sur la clenche. Se tournant, il fit signe au tenancier d’approcher.


Avant que je ne parte, l’ami, et afin de t’éviter des soucis lorsque tu feras ton rapport à tes chefs, dis leur que je me nomme Raval Miofard. Ajoute que je compte bien passer quelques jours dans cette cité et que j’ai la ferme intention d’y faire des affaires. Comme je suis prêt à parier qu’ils te demanderont où ils peuvent me trouver, tu vas m’indiquer une bonne auberge à proximité de la porte du quatrième quartier.

Se décalant légèrement pour s’assurer que Diego se tienne entre lui et un observateur éventuel, Tinfar riva ses yeux à ceux de l’homme. S’ouvrant alors à l’Energie, il insinua des vrilles de pouvoir dans le cerveau du tavernier. Par petites touches, il s’employa à lui faire oublier les évènements récents. Le procédé était complexe et nécessitait un contrôle absolu sur le flux magique. Par chance, avec le froid qui s’était installé sur la Péninsule, les douleurs que lui infligeait sa cicatrice au bras gauche étaient plus supportables que d’habitude. Aussi avait-il bon espoir d’effacer de la mémoire du tavernier toute référence à l’utilisation de la magie. Ce faisant, il craignait simplement que ses dernières recommandations ne sombrent aussi dans l’oubli.
Aussi, sitôt le sortilège terminé, il prit de soin de fournir à l’aubergiste une trame à laquelle se raccrocher. Le subterfuge pouvait demeurer grossier : Tinfar s’était en effet aperçu que le cerveau humain est ainsi fait que face à un vide inexplicable, il se raccroche au moindre élément pouvant lui permettre de combler les blancs. Chez un esprit fort, il fallait normalement prendre le temps d’implanter un souvenir par magie. Mais Tinfar doutait que le cerveau du tenancier face preuve d’une pareille résistante. Une simple fable ferait parfaitement l'affaire.
Saisissant les épaules de Diego comme si ce dernier avait manqué s’effondrer, arborant son plus beau sourire, Tinfar dit d’un ton enjoué :


Oh ! Doucement, l’ami. Avec ce qu’on a bu, on ferait mieux de faire attention. En tous cas, merci du fond du cœur. Les informations que tu m’as fournies me seront précieuses. Je regrette de ne pouvoir passer plus de temps en ta compagnie, mais les affaires n’attendent pas. Faisant quelques pas à l’extérieur, il rota avant de se frapper le front du plat de la main. Se retournant, il ajouta : Au fait, n’oublie pas de transmettre les amitiés de Raval Miofard à qui de droit. Dis leur que s’ils souhaitent me contacter pour des affaires, je serai à l’auberge de la Peau d’Argent dans le cinquième quartier.

Puis, sur un dernier salut, Tinfar disparut dans la brume à la recherche de sa jument… si elle était toujours là.

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MessageSujet: Re: Retour après neuf ans   Retour après neuf ans I_icon_minitimeSam 13 Aoû 2011 - 15:37

Diego s’empara tranquillement des pièces et écouta avec ravissement leur doux tintement lorsqu’elles churent dans sa bourse. A la révérence de Tinfar, la serveuse minauda quelques secondes avant de lui adresser un sourire dénué d’équivoque. Diego leva les yeux au plafond au manège et se dirigea vers son comptoir pour reprendre le lent polissage rituel des choppes. Quand son client lui fit signe d’approcher, il obéit naturellement, espérant secrètement quelques piécettes supplémentaires pour un renseignement de dernières minutes.

D’abord, il nota le nom consciencieusement. Il hocha la tête lentement à chaque demande et se frotta les mains intérieurement. Une nouvelle commission sur des messages transmis : Quoi de mieux ? Ensuite, l’Energie s’infiltra implacable dans la mémoire récente du pauvre tavernier. Lentement, mais sûrement, Tinfar put cibler tous les souvenirs liés à la magie. La bouche légèrement bée, Diego bavait comme sur les fesses des girondes courtisanes de l’Alouette farcie – fameux bordel du troisième quartier complètement hors de prix pour le chaland normal mais recelant d’un florilège impressionnant de beautés – Le temps que le sorcier lui lance une amarre dans le chaos né de son sort, l’aubergiste continua de tanguer comme un bateau ivre. La manœuvre terminée, les mains du roublard sur les épaules, il cilla à plusieurs reprises avant d’offrir un sourire de remerciement à son interlocuteur. Le rot déclencha un réflexe pavlovien, Diego porta rapidement une main à son front, pouce contra la peau et beugla : Gofio ! Le pauvre hère, ayant fréquenté un jour une taverne de Lante avait appris à ses risques et périls qu’à ce petit jeu, il valait mieux ne pas laisser l’alcool prendre le dessus. Un peu hagard, complètement ridicule, il acquiesça vivement à la demande et renota le nom dans sa petite caboche. De retour à son comptoir, il tâta sa bourse grossie du don généreux de son nouvel ami Raval –difficile à oublier pour un cupide- et lâcha un soupir d’aise.

Dehors, là où Tinfar avait laissé sa monture, une horde de gamins se succédaient à l’escalade de la selle de la bête, lâchant quelques « Taïaut ! » amusés. Pour avoir le droit d’accès à cette attraction bienvenue, les enfants payaient une commission de bidules ramassés ça et là dans la rue – des trésors pour eux – au gosse responsable de la sécurité du cheval – Franco -. Sitôt que le propriétaire légitime pointa le bout de son nez, ils se dispersèrent tous rapidement, laissant seul un Franco souriant jusqu’aux oreilles face à une éventuelle vindicte. Fort bien traité, l’animal mâchonnait encore une carotte offerte, la crinière ornée de tresses que les morveuses n’avaient pas manqué de confectionner pour le rendre un peu plus « langecin ». Bien vite, Franco tendit la main pour récupérer sa récompense, avant de rassembler le fatras de détritus-trésors et filer dans une des ruelles.

Au milieu du réseau labyrinthique, n’importe quel non habitué tournerait pendant un certain temps avant de retrouver un des grands axes menant à la seconde enceinte. Là, les gardes arrêtaient tous les passants à la hauteur de la porte, contrôlant marchandises, percevant les droits de commerce pour le marché, l’exercice de certaines professions itinérantes,… Bref, le passage moins aisé que celui de la première porte nécessiterait le développement de quelques mensonges du crû savoureux de notre voyageur. Une fois franchie, l’ambiance de la cité passa du crasseux au crasseux ostentatoire. Le Deuxième s’étalait autour de l’artère principale en petites échoppes et tavernes plus avenantes que celle du bon Diego. Quelques catins – reconnaissables au ruban rouge autour de leur gorge- tapinaient dans les corridors étroits entre deux bâtiments. Il ne fallut au Sorcier qu’une dizaine de minute – pour autant qu’il ne se laisse pas attirer par une promesse de stupre et de luxure - pour se frayer un chemin entre les étals aux teintes vives et les chalands affairés. A la tour du Troisième, les membres du Guet le regardèrent avec suspicion, mais son apparence moins pouilleuse que celle du reste de la plèbe suffit à lui offrir un sauf-conduit. Le nouveau secteur ressemblait au Deuxième : un peu de saleté en moins, des enseignes plus ouvragées, des gardes en plus et l’apparition d’une faune principalement composés de bourgeois en goguette. Au Quatrième par contre, on l’arrêta longuement afin de déterminer le niveau de menace qu’il représentait. Une petite impulsion magique – or ou réellement magique – suffira à lui à lui ouvrir largement le passage. Là, les temples et commerces rivalisaient d’ingéniosité tape-à-l’œil pour attirer les clients bourgeois et nobles – ceux-ci reconnaissables à leur moue dédaigneuse et leur escorte -. Dans la délicieuse fragrance d’encens, de parfums masquant l’odeur des corps sales, parmi la population de « bonnes gens », le guet se massait particulièrement alerte suite à l’incident de l’avant-veille. Quelques domestiques portant la livré ducale – noir et jaune – se pressaient chargés de vivre de regagner la Cinquième Porte, fortement surveillée. En l’état, on refusera purement et simplement le passage à un Tinfar jugé pas assez riche-bourgeois ou noble pour entrer dans le saint des saints.
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MessageSujet: Re: Retour après neuf ans   Retour après neuf ans I_icon_minitimeSam 20 Aoû 2011 - 13:01

Le froid et l’heure tardive avaient presque entièrement vidé les rues de Langehack. On n’y croisait plus désormais que des serviteurs pressés et des voyageurs fatigués à la recherche d’une auberge où passer la nuit. De loin en loin, des torchères accrochées aux murs tremblotaient sous les assauts du vent et peuplaient les venelles d’ombres mouvantes. Pourtant, en dépit de tout, la ville était loin de s’être endormie. Et si ses occupants habituels s’étaient réfugiés dans la chaleur de leurs foyers, autour de tables pauvrement garnies ou serrés auprès de cheminées crachotantes ; d’autres ne tarderaient bientôt plus à se montrer. Pour l’heure, ils patientaient encore attendant que toute la cité soit plongée dans la pénombre. Les ombres leur appartenaient. C’était leur domaine, leur élément. Elles leur offraient le calme et l’anonymat indispensables aux sombres desseins qui étaient les leurs. Et Tinfar se sentait à son aise parmi ces gens.
D’ailleurs, lui aussi attendait que la nuit étende son voile. Il avait passé la fin de la soirée dans une petite auberge tranquille. Pourtant ce n’était ni pour ses vins ni pour la douceur de ses femmes qu’il l’avait choisie, mais bel et bien parce qu’elle offrait une vue dégagée sur la porte du Cinquième quartier. Alors, confortablement installé devant une tasse de vin chaud à la cannelle, il avait pu observer tout à loisir le comportement des gardes qui patientaient dans le froid. Et le moins que l’on pouvait dire, c’était qu’ils étaient bien plus sérieux que leurs camarades présents dans le reste de la cité.
En y repensant, l’espion s’étonnait presque de la facilité avec laquelle il était entré dans le Quatrième quartier. Pas de plans élaborés, pas de mensonges ou de faux-semblants ; quelques écus avaient changé de mains et les portes s’étaient ouvertes. Cela avait été aussi simple. Pour un peu, c’en aurait presque été vexant.
Mais les soldats qui gardaient l’entrée du Cinquième quartier étaient d’une trempe toute différente. Depuis qu’il les observait, Tinfar n’avait noté aucun signe de relâchement. Ils inspectaient méticuleusement tous les chargements qu’on leur présentait, vérifiaient les laissez-passer et notaient tout dans leurs registres. Franchir ce barrage n’aurait certainement rien d’une sinécure, même si Tinfar savait, par expérience, qu’il n’existait aucun système qui n’ait pas son point faible.
Néanmoins, l’heure n’était pas encore venue. D’autres affaires appelaient le sorcier.

Payant son vin chaud, Tinfar s’enquit de son cheval. Le tenancier, un sourire débonnaire aux lèvres, lui confirma que sa jument avait été étrillée avec soin. L’homme ajouta qu’elle avait été longuement bichonnée et qu’elle bénéficiait du meilleur fourrage qui se puisse trouver dans la cité. Puis, poursuivant un argumentaire bien rodé, il conclut en spécifiant qu’elle passerait la meilleure nuit de sa vie en attendant que son maître la récupère au matin.
Après l’avoir remercié pour ses bons offices, le sorcier demanda s’il lui serait possible de bénéficier à son tour de l’hospitalité de la maison. Pour appuyer ses dires, il fit distraitement sonner les pièces que contenait sa bourse. Alors que le sourire de l’aubergiste s’élargissait au-delà du possible, ce dernier se tourna et, avant que son futur client puisse ne serait-ce qu’envisager de changer d’avis, il lui tendit la clef d’une chambre. Satisfait, Tinfar régla sa note.
Après un dernier sourire, il récupéra son manteau qui séchait sur une patère près de la cheminée et sortit affronter ce que l’avenir lui réservait.
En guise d’épreuve, il n’eut à affronter d’autre péril qu’une pluie fine qu’un vent glacial lui jetait au visage. Après une longue marche dans les rues enténébrées de la cité et quelques détours inutiles, ses souvenirs de la cité où il avait grandi étant quelque peu obscurcis par le temps, il finit par arriver à la porte de l’hôtel particulier qu’avait mentionné Diego.
Le bâtiment en pierre grise et colombage ne payait pas de mine. Sa façade rébarbative ne laissait voir que deux étroites fenêtres. Seule une inscription à demi effacée sur une pierre près de la porte le désignait aux passants comme l’ « Hôtel des accueillants ». Esquissant un sourire ironique et bénissant l’humour cynique des architectes, Tinfar saisi le marteau et frappa un coup sec. Tandis que l’écho se perdait dans la nuit, soufflant sur ses doigts gelés pour y ramener un peu de vie, Tinfar attendait qu’on vienne lui ouvrir.

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