D'Ydril en Naelis, ne délaissons pas nos frères quand gronde la tempête[terminé]

[Fin Karfias, directement après la fin de l'ellipse]

D'Ydril en Naelis! Ah s'il y avait un seul archonte dans le Royaume pour... non mauvais exemple: il n'y avait qu'un seul archonte dans le Royaume tout court. S'il y avait un seul noble dans le Royaume (mieux) pour avoir une idée aussi farfelue, c'était bien notre luron suderon! Voilà qu'en ce froid matin d'hiver il avait déboulé dans les appartements de son fidèle intendant Alarico pour lui annoncer quelque nouveauté. La chose a l'air banale soit, mais si d'aventure il vous est arrivé de rencontrer le loustic, vous avez dors et déjà flairé le coup fumant. Oui, il s'agissait bien là du fatidique "moment-où-Altiom-révèle-au-grand-jour-la-dernière-idée-invraisemblable-que-sa-caboche-enfiévrée-vient-de-pondre". Généralement les attaques de convoi foireuses, tisanes psychotropes et autres traques d'elfes cannibales ne tardent pas à suivre (véridique).
- ALARICO!! Mon bon ami j'ai là une grandiose nouvelle!
- Aaaay maledizione..., souffla son interlocuteur en plongeant la tête dans ses mains.
- Non, non, non ne t'en fais pas cette fois-ci c'est ab-so-lu-ment sans danger! assura-t-il en retour, transporté d'enthousiasme. Je me rends à Naelis pour forger une alliance dure comme une bâtisse naine avec le nouveau seigneur local! La Péninsule doit renouer avec l'Estrévent avant que les drows ne se remettent de leurs guerres intestines!
- Ascolta Altiom, c'est oune idée è... formidable. Ma lè royaume est sùr lè point d'implodere. Remets-ça à plùs tard yé t'en conyùre, tù as d’autres priorités.

Le lendemain même, les deux caravelles réservées aux missions diplomatiques appareillaient. La Natica Destra et la Natica Sinistra (soit Fesse Droite et Fesse Gauche en langue commune) en auraient probablement pour une bonne semaine de voyage. Et pour ceux que l'anecdote intéresse: oui ces appellations étaient bel et bien du fait de l'archonte. De sa propre bouche "témoignage de la passion dévorante que je voue au beau sexe et pied de nez à tous ces nobles aussi frigides que rigides qui jamais n'ont eu la brillante idée de s'extirper l'ustensile de nettoyage enchâssé au plus profond de leur croupe". Nul besoin d'ajouter qu'il fit par là se tordre plus de visages qu'il n'en dérida dans les hautes sphères.
Mais bref, recentrons-nous sur notre histoire! Les vents furent donc assez bons tout le long du trajet, on n'eut à reporter lors d'une escale qu'une petite piqûre de méduse, bien vite soignée par quelques rasades de bière ydrilaine et deux-trois chants marins. Finalement la flottille entra dans le fief du seigneur Hereon et Altiom, toujours aussi impatient, dévala l'ais sitôt celui-ci déployé. Le reste de sa délégation, comprenant gardes et notaires, peinaient déjà à le suivre alors qu'il s'enfonçait plus loin sur les quais. Oh la soldatesque ne tarda pas à arrêter le sémillant personnage avant que son petit cortège ne le rattrape en trottinant, croyez-le bien!
- Holà valeureuses sentinelles de Naelis! Vous pouvez annoncer à votre bon seigneur que l'archonte d'Ydril requiert une audience de sa part, nous avons à traiter de la mise en place d'une toute nouvelle alliance, fort prometteuse je vous l'assure! Et lorsqu'on lui demanda avec méfiance "où" était ledit archonte parmi la truculente tripotée de troupiers et tabellions, l'intéressé ne put que se cogner le front en se maudissant. En effet toujours aussi réfractaire à l'étiquette et toute autre règle de bienséance quelle qu'elle soit, il avait laissé derrière lui la sacrosainte tenue d'apparat pour endosser l'une de ces amples et légères chemises blanches à la mode suderonne (dans ce genre là), ceinturée autour d'un pantalon de cuir souple. La tenue idéale pour flâner dans les rues ensoleillées de sa cité maiiiis... pas exactement "optimale" pour négocier des traités. Surtout lorsque l'on a complètement oublié de prévenir son hôte de sa venue... Incorrigible. Restait l'ultime solution de la chevalière au sceau d'Ydril: une bague que l'on se transmettait de génération en génération dans la famille d'Altiom, où figurait ses armoiries et qui lui permettait de se faire reconnaître lors de ses voyages. Enfin uniquement auprès de ceux qui étaient au fait desdites armoiries bien entendu... ce qui n'était généralement pas le cas de simples gardes. Ces derniers, pas convaincus par la babiole mais forcés d'admettre qu'un simple roturier n'aurait pu débarquer dans leur ville avec deux bâtiments et toute une escouade de clinquants troupiers, se décidèrent à mener le drille et ses notaires au-devant de leur souverain pour tirer le fin mot de cette histoire.

Glenn se trouvait dans une position délicate, deux de ses adversaires étaient encore debout et se préparaient à fondre sur lui. Ils lui tournaient autour, cherchant à créer une faille dans sa défense. L’assistance retenait son souffle et un silence inquiétant s’était installé depuis quelques minutes déjà… Glenn faisait tranquillement tournoyer son épée dans sa main droite, attendant le prochain assaut qui allait suivre. Et, n’en pouvant plus, les deux hommes s’élancèrent. Glenn stoppa net la charge du premier avec son bouclier avant de parer le coup du deuxième. Bref, quelques instants plus tard, les deux hommes jonchaient le sol, rejoignant ainsi leurs trois autres camarades. Toujours debout, le seigneur de Naelis jeta ses armes d’entrainement par terre avant de prendre la parole.

- Tes hommes manquent d’entrainement Raymond, ils sont censés être l’élite de mon armée ! »

Le dénommé Raymond acquiesça d’un simple geste de tête. C’était à lui que revenait la tâche de diriger l’ordre des Chevalier s de Naelis et donc de superviser leur entrainement. Le fait que ses hommes aient été vaincus aussi facilement ne lui plaisait pas… Bien sûr, Glenn était un combattant d’exception mais son honneur de Commandant était profondément touché. Il se retourna pour faire face aux autres Chevaliers qui avaient interrompus leur entrainement pour observer la scène.

- Reprenez l’entrainement ! »

La cour du donjon servait de terrain d’entrainement pour les Chevaliers de Naelis. Cette cour était constamment occupée, les Chevaliers venant s’entrainer à tour de rôle. Glenn s’assis sur un des bancs et enleva sa tenue d’entrainement. Ses adversaires l’avaient tout de même touché à plusieurs reprises. De par leur statut, les Chevaliers avaient tendance à négliger l’entrainement, contrairement aux soldats de la Garde. Mais comme il venait de leur montrer à l’instant, rien n’étais acquis. D’ailleurs, en parlant de la Garde, un soldat monté fit irruption dans la cour. Il prit le soin de descendre de son cheval et de saluer dignement son seigneur avant de s’exprimer :

- Mon seigneur, le Comte d’Ydril vient d’arriver à Naelis par le port, il requiert une audience auprès de vous. Une délégation d’une cinquantaine de personnes l’accompagne. »

- Je n’ai pas le souvenir de l’avoir invité celui-là. Ydril… Ça fait un sacré bout de chemin… Bien, voyons ce qu’il a à nous dire. Raymond, fait le venir ici, mais accompagné de deux de ses gardes, pas plus. Le reste restera sur les quais pour le moment »

Raymond, accompagné de deux Chevaliers, se dirigea vers les écuries qui étaient situés au fond de la cour. Ils ne perdirent pas de temps et s’élancèrent en direction des quais. Glenn se méfiait des gens du Sud : loin des conflits, ces gens-là ne s’intéressaient qu’à leur propre profit. De plus, son réseau d’espionnage n’étaient pas présent dans cette région et il n’était que peu au courant de la politique en cours. Raymond revint donc accompagné de celui qui prétendait être le Comte d’Ydril. En tout cas il n’en avait pas l’accoutrement. Ce devait être un homme qui ne s’encombrait pas de tenues de cérémonies pompeuses, un peu comme Glenn quoi. Un bon point en faveur de l’Ydrilote ! Glenn se leva donc de son banc pour accueillir son invité. Au passage il ramassa deux tenues deux épées d’entrainement.

- Bienvenue à Naelis, hum… Si vous pouvez me rappeler votre nom ? Vous avez fait un bien long voyage pour venir parlementer avec moi et j’apprécie le fait que vous vous soyez déplacé en personne. Quelles nouvelles du Sud ? » Pendant que le Comte répondait, il lui jeta à ses pieds une tenue et une épée d’entrainement avant de revêtir ce même équipement. « Avant de pouvoir dialoguer sereinement, je voudrais savoir à quel genre d’homme j’ai à faire. Si vous le voulez bien, équipez-vous de ça et nous ferons quelques passes d’armes. »

Un dénommé Raymond vint donc cueillir -tant qu'accueillir- l'archonte en vadrouille à l'orée du port. Raymond, ça c'était du prénom qui envoyait du pâté de cerf! De la trempe d'un bon gros Marcel, Maurice ou encore Claudius! Ha, de quoi faire rêver ce passionné d'anthroponymie qu'était Altiom... Quoique passionné, il l'était d'à peu près tout, et ce pauvre Raymond en fit les frais lorsque ledit luron commença à le cuisiner au sujet des spécialités gastronomiques régionales (habile). Inutile de dire qu'il fut heureux de refiler l'animal au seigneur Hereon.
- Bienvenue à Naelis, hum… Si vous pouvez me rappeler votre nom ?
- Altiom, messer, fit l'intéressé, d'un ton poli et enjoué.
- Vous avez fait un bien long voyage pour venir parlementer avec moi et j’apprécie le fait que vous vous soyez déplacé en personne. Quelles nouvelles du Sud ?
- Oh, toujours la même routine, vous savez. Les conflits entre noblesse ydrilote de souche et tutelle soltarie qui dégénèrent, le marché de l'esclavagisme qui refait doucement surface, les aventures pleines de rebondissements de ce cher Aetius en Calmerrèse, et tutti quanti, énuméra-t-il d'un ton si détaché qu'il en devenait décalé, tout en ramassant consciencieusement l'armement mis à sa disposition.
- Avant de pouvoir dialoguer sereinement, je voudrais savoir à quel genre d’homme j’ai à faire. Si vous le voulez bien, équipez-vous de ça et nous ferons quelques passes d’armes.
- Une petite danse pour se mettre en bouche, hm? Vous avez tout-à-fait raison seigneur Hereon! On ne peut vraiment connaître quelqu'un qu'en le combattant, comme disait... euh... bah quelqu'un, sans doute.
Après s'être bien tourné la tête et les bras dans tous les sens, se baissant jusqu'à toucher ses pieds et enfin étirant une jambe en fléchissant l'autre et inversement -dans le plus pur style du bretteur si sérieux qu'il en devient rigolisible-, le suderon fit quelques moulinets avec sa lame histoire d'en tester l'équilibre. Avançant la lèvre inférieure en opinant du chef d'un air satisfait, il salua respectueusement son adversaire et se mit en position de duel, la jambe gauche tendue en avant, son épée pointée vers Glenn, l'autre bras plié dans son dos. Et il attendit que celui-ci frappe le premier, car contrairement à ce qu'il laissait croire, le bougre ne comptait en aucun cas user d'une technique d'escrime, n'en prenant la posture que pour mieux tromper son monde!
Cependant il ne commença d'utiliser sa réelle tactique que lorsque son opposant se fut assez avancé, une fois l'étape des premiers coups de test dépassée: un style fluide, mobile, vif et nerveux. Frappant les flancs, le bas et le haut, jamais de face, dans un mouvement continu, sans brisure, tel l'agaçant vol du moustique auquel succède la douloureuse piqûre du frelon! Mais la bave du crapaud n'atteignant pas si aisément la blanche colombe, Altiom ne parvint pas à percer la garde de son rival! Adaptant légèrement sa technique, il cessa de frapper dans la continuité de ses gestes et multiplia les coups brisés, plus erratiques et difficilement prévisibles. Ces mouvements brusques et soudain, s'ils avaient plus de chances de porter, se trouvaient toutefois être plus fatigants sur le long terme. Ainsi au bout de quelques minutes d'intenses échanges, le drille réduisit grandement le nombre de ses assauts pour se reprendre quelques peu, offrant au seigneur de Naelis l'occasion de passer à l'offensive!

« Mon père le disait, comme mon grand-père avant lui et bien entendu, je le dit aussi. Vous relevez ce petit défi ? Peu de nobles savent se battre correctement, et peu d’entre eux auraient relevés le défi.»

Sur ce, ils se saluèrent respectivement et engagèrent le combat. L’escrime des suderons n’était pas la même que celle des nordiques et ce duel confirma la règle. Altiom avait une escrime semblable aux duellistes et autres manieurs de rapières. L’Archonte passa le premier à l’offensive, tentant d’avoir so adversaire par les côtés. Glenn ne broncha pas et para coup sur coup, restant sur la défensive. Altiom resta un moment dans ce jeu d’enchaînements mais le nombre de ses assauts diminuait en même temps que sa fatigue augmentait. Il se permit un bref moment de répit et Glenn en profita pour attaquer à son tour. Il bondit sur son adversaire et abattit son épée d’entrainement sur la tête de son adversaire, preuve qu’il ne plaisantait pas. De toute évidence, Altiom para le coup mais le choc le déstabilisa un moment ce qui le fit fléchir. Glenn jeta son arme aux pieds d’un écuyer et aida l’Archonte à se relever.

« Jolie combat, vous méritez bien une audience ! Tiens à ce propos, vous arrivez à la bonne heure vous. On va vous conduire à vos appartements vous en profiterez pour vous décrasser du voyage avant de me rejoindre la salle du trône pour le repas.»

Un serviteur se présenta devant l’Archonte et sa petite escorte afin d’accompagner ces derniers dans leur appartements, situés dans l’aile des invités. Glenn n’ignorait pas que le restant de la troupe d’Altiom attendait sur les quais mais il préférait discuter avec l’Archonte avant d’ouvrir les portes aux Ydrilotes. Glenn en profita pour se décrasser lui aussi de son entrainement avant de rejoindre la salle du trône, qui servait aussi de grande salle à manger. Il revêtit sa tenue seigneuriale et bien sûr attacha son épée à sa ceinture. La salle du trône était vaste, la grande table occupait une bonne partie de la pièce tandis que le trône était situé à l’extrémité, en hauteur. Le repas restait classique, la venue d’un Archonte n’étant pas prévu. En plus d’Altiom, Trimack Malfer, commandant de la garde, et Raymond étaient conviés au repas. Pendant qu’on servait l’entrée, Glenn fit les présentations et prit la parole :

« Vous avez fait un long voyage pour venir jusqu’ici, Altiom d’Ydril, vous devez avoir des propositions importantes pour quitter ainsi vos terres afin de m’en faire part en personne. »

Comme à son habitude, Glenn était franc et direct.

Dedjû il avait de la poigne l'animal! Un phénoménal coup descendant s'en vint à l'encontre de l'archonte, et ce fut tout juste si celui-ci comprit comment il parvint à parer tel assaut! Perdant l'équilibre sous le choc, il s'étala les quatre fers en l'air et resta au sol, riant presque (car c'était bien connu: il n'en fallait pas beaucoup pour amuser l'Ydrilote, un beau combat et il avait gagné sa journée).
- Haha ne m'obligez pas à m'relever pour vous mettre une dérouillée! lança-t-il sur le ton de la plaisanterie alors que Glenn allait déposer ses effets. Une vigoureuse poigne plus tard et le luron était de nouveau sur pied.
- Jolie combat, vous méritez bien une audience ! Tiens à ce propos, vous arrivez à la bonne heure vous. On va vous conduire à vos appartements vous en profiterez pour vous décrasser du voyage avant de me rejoindre la salle du trône pour le repas. A l'écoute de cet ultime mot, les oreilles du suderon se tendirent, ses yeux s'illuminèrent, sa truffe s'agita en tous sens et ses papilles salivèrent d'avance!
- Messere, j'aime autant vous prévenir tout-de-suite, si vous continuez à me parler de la sorte, vous serez forcé de m'éjecter à coup de grolles de votre cité! Et avec un léger rire il suivit le domestique, les deux gardes sur ses talons. Diantre que la ville avait changé depuis sa dernière visite. Il y avait comme... une liberté nouvelle dans l'air, cela se sentait. Teintée de sacrifices ainsi qu'en témoignaient encore certaines parties de la ville. Mais une liberté dûment méritée.
Bref, une fois ses ablutions terminées, le drille se dirigea vers la salle du trône... qui apparemment faisait aussi office de salle à manger. Le pragmatisme à la naelisienne! Ou le manque de budget, au choix. Enfin voilà bien des considérations qui passaient à dix-milles pieds au-dessus de notre invité surprise. Et quoiqu'il en soit, l'endroit gardait une prestance propre à tout lieu de pouvoir qui se respecte.
- Par les Cinq une semaine en bateau et j'en oublie le sens même du mot luxe! fit Altiom après avoir lâché un long sifflement admiratif. Le Raymond était aussi de la partie, à la bonne heure!
- Vous avez fait un long voyage pour venir jusqu’ici, Altiom d’Ydril, vous devez avoir des propositions importantes pour quitter ainsi vos terres afin de m’en faire part en personne, commença le seigneur Hereon. Et à juste titre, car si l'archonte était bel et bien du genre à traverser l'Eris par pure envie de dépaysement, il venait pour une fois avec de vraies idées derrière la tête.
- A vrai dire... Cela risque de paraître assez étrange, ajouta-t-il légèrement moins fort avant de continuer: je souhaite simplement vous aider. Vous et votre peuple. D'un ton moins sérieux, il fit: encore jusque-là ça se tient à peu près, mais le pire... c'est que je ne compte pas vraiment demander une quelconque contrepartie. Présentées ainsi, les choses revêtaient presque l'aspect d'une blague de mauvais goût. Mais le suderon témoignant d'un sens de l'humour des plus raffinés (me ressortez pas les vieux dossiers "je crame des auberges", ça compte pour du beurre!), il ne pouvait être que sérieux!
- J'ai brièvement eu le temps d'observer votre cité et si même après quatre ans de paix elle porte encore de telles séquelles, je n'ose même pas imaginer quels tourments elle a eu à endurer. Je suis Ydrilote, Péninsulaire, mais humain avant tout, et le sort de mes frères m'importe tout autant que celui de mon propre peuple. J'aimerais... ne pas être le seul sang bleu du Royaume à pouvoir oublier qu'un océan sépare nos deux mondes. Après avoir fait refluer sa lassitude d'un verre de vin, il se décida à passer aux détails techniques... non, il lui faudrait du renfort. Tendant son godet au serviteur, il enchaîna: la p'tite sœur s'il-vous-plaît!

L’aider ? L’archonte d’Ydril aurait traversé la mer Olienne simplement pour l’aider ? Quelque chose de bien difficile à croire, mais pourtant, Altiom paraissait sincère. C’était tout de même assez surprenant, vu la distance qui séparait Ydril et Naelis. S’il avait espéré recevoir de l’aide venant de la péninsule, il se serait plus attendu à des demandes de domaines plus proches, comme Oësgard par exemple. Car le baron d’Alonna l’avait bien compris lui, le fait qu’un pouvoir humain fort s’installe en Ithri’Vaan permettait aux baronnies frontalières de relâcher un peu la pression, n’étant plus directement menacés par les drows. Mais d’après les nouvelles qu’il recevait, le baron Norman dit le terrible avait bien du mal à assoir son autorité sur la baronnie. Dans tous les cas, Glenn comptait parlementer tôt au tard avec Norman, après tout, Oësgard était sa région d’origine…

« Eh bien, je suis assez surpris. Vous semblez avoir compris, à l’inverse de vos semblables de la péninsule, tout l’intérêt stratégique d’Ithri’Vaan. Vous savez que je me tiens entre les drows et votre royaume et en m’aidant, vous pensez pouvoir garantir la survie du royaume. Mais je ne pensais que les Ydrilotes s’intéressaient aux invasions drows, votre comté étant le moins propice à se faire un jour envahir. »

Il reversa du vin d’hautval dans la coupe de son invité comme ce dernier le lui avait demandé, avant de continuer.

« Je vais être clair avec vous, dans le contexte actuel, je ne peux faire face à ne serait-ce qu’une Ost drow, nous devons notre survie au fait que le 4em Ost soit disloqué et que le Puy se retrouve sans maître. C’est pourquoi toute aide est la bienvenue. Si la péninsule m’aide, je l’aiderais, sinon je me verrais obliger de traiter avec les sombres pour garantir la survie de mon peuple. »

Il aurait préféré ne pas parler de cette dernière option, mais pourtant c’était une vérité. Glenn n’était plus un combattant agissant pour son seul et unique compte, il était maintenant le seigneur d’un peuple. Car si les drows attaquaient et qu’il n’était pas prêt, il devrait alors trouver un terrain d’entente entre Naelis et le Puy. C’était du moins ce que lui avait suggéré une partie de ses conseillers… Glenn ne comptait pas en arriver là et il se préparait activement à la guerre.

« Détaillez moi donc ce que vous proposez. Mais dans tous les cas, Naelis restera indépendante, je n’entends pas ployer le genou devant le rejeton de l’aveugle qui vous fait office de Roi. D’ailleurs, lui avez-vous prêté allégeance ? »

La situation sur la péninsule était plus que trouble, tout le monde ne s’était pas présenté en faveur du petit Fiiram. Hanegard ne l’avait pas fait lui mais qu’en était-il d’Altiom ?

Le seigneur Hereon n'avait pas tort, l'aide d'Altiom n'était pas totalement désintéressée. S'il comptait soutenir Naelis, c'était en partie pour tenir les drows à distance du Royaume -où l'on savait déjà bien s'y prendre pour se foutre sur la gueule sans que qui que ce soit ne vienne nous y aider depuis l'extérieur-, mais il y avait une autre raison on ne peut plus simple. Pour lui les frontières créées par les hommes n'avaient pas de valeur. Il ne venait pas aider des étrangers d'Estrévent, il venait aider ses frères de l'est. Mais ainsi que le disait Glenn, il était Ydrilote et de fait bien à l'abri des sombres.
- Ma famille a été massacrée lors d'une invasion drowe. La chose n'est peut-être pas prête de se reproduire dans mes terres, mais je ne peux pas rester aveugle au danger qui menace mes autres compatriotes. Remerciant d'un signe de tête son hôte, il replongea les yeux dans le liquide carmin. Diantre qu'il détestait devoir être sérieux de la sorte!
- Je vais être clair avec vous, dans le contexte actuel, je ne peux faire face à ne serait-ce qu’une Ost drow, nous devons notre survie au fait que le 4em Ost soit disloqué et que le Puy se retrouve sans maître. C’est pourquoi toute aide est la bienvenue. Si la péninsule m’aide, je l’aiderais, sinon je me verrais obliger de traiter avec les sombres pour garantir la survie de mon peuple. Relevant le nez, l'archonte resta coi quelques instants. Ces derniers mots ne le dégoûtaient pas, il ne voyait aucunement Glenn comme un lâche et comprenait parfaitement sa décision. Mais quelque part cela lui faisait mal. La situation étaient-elle si désespérée? Le ravin s'était-il élargi à ce point entre la Péninsule et l'Estrévent?
- Par les balloches de Mogar vous savez être persuasif messere! D'un ton plus sobre le suderon continua: je n'avais pas envisagé les choses sous cet angle. Même si je la comprends c'est une réalité que je ne puis pas accepter... mais c'est votre cité, votre choix. Tout ce que je puis faire, c'est vous aider de mon mieux pour vous éviter d'en arriver là.
- Détailler moi donc ce que vous proposez. Mais dans tous les cas, Naelis restera indépendante, je n’entends pas ployer le genou devant le rejeton de l’aveugle qui vous fait office de Roi. D’ailleurs, lui avez-vous prêté allégeance ?
- Le R... meeeeeeerde... je savais qu'j'oubliais quelque chose en partant! Haussant négligemment des épaules, à la "au pire", Altiom essaya tant bien que mal de contenir le sourire qui lui démangeait la commissure des lèvres: il faut croire que le sort de Naelis m'importe -de loin- plus que celui de Diantra. Mais quoiqu'il en soit n'ayez pas d'inquiétude, j'ai à peu près autant volonté de soumettre qui que ce soit à la tutelle royale que d'aller me faire gigolo dans un bordel thaarien! Et partant d'un rire franc, l'archonte s'envoya une bonne goulée de vin naelisien. Les détails, donc. La meilleure façon que j'ai de vous aider est de vous faire profiter des domaines où mon comté excelle: le commerce et la navigation. Si nous voulons sceller une alliance solide il nous faut une infrastructure digne de ce nom! Nous pourrions commencer par construire des comptoirs ici et en Ydril, histoire d'ouvrir une ligne commerciale durable. Et hmm... oh, votre chantier naval! C'est un atout de taille, je pourrais y assigner une centaine d'ouvriers et... mettons une douzaine d'ingénieurs pour accélérer les choses. Quoi d'autre... une aide matérielle? Nourriture, armes, matières premières, peu importe. Nous pourrions vous fournir des surplus gratuitement. Limités au début certes, j'ai lancé plusieurs réformes extrêmement coûteuses ces dernières années, il faudra du temps avant que l'économie du comté ne se restabilise. Se tapotant la lèvre de l'index en fronçant les sourcils, le drille chercha d'autres idées... et la figure de cette sacrée rouxstar lui revint immédiatement en tête. Messere il y a une dernière chose. Est-ce que... est-ce que vous avez un quelconque problème avec... disons certains Naelisiens digérant difficilement votre arrivée au pouvoir ou je n'sais pas... des groupes gênant cachés parmi la population? Le genre d'ennui que l'épée seule ne peut régler mais que des yeux entraînés savent déceler.

Et bien ça pour une surprise s’en était une : Glenn ne s’attendait pas à ce que la famille d’Altiom ai été massacré par les dows, cela leur faisait donc un point commun. L’aide d’Altiom n’était donc pas purement stratégique, il avait de réelles convictions. Le seigneur de Naelis lui parla aussi du massacre de sa famille, comme pour lui dire qu’il comprenait… Lorsqu’il aborda la possibilité d’un accord avec les drows au détriment de la péninsule, la mine d’Altiom se renfrogna. Mais ce dernier comprit que c’était une réalité bien qu’il ne pouvait pas l’accepter, tout comme Glenn. Quant au roi de la péninsule, Altiom lui intima de façon humoristique son désintérêt complet pour la couronne. Ensuite il aborda les termes de l’alliance qu’il voulait conclure avec Naelis. Il avança les points forts de son Comté soit la navigation et le commerce. Deux choses qui manquaient cruellement à Naelis. Même si depuis son arrivé au pouvoir, Glenn avait relancé l’économie de la région en traitant avec de nombreux marchands itinérants et en signant des accords commerciaux avec Alonna, ce n’était pas assez. Il avait aussi pour ambition de créer une puissante flotte navale et le savoir-faire des Ydrilotes pourrait lui être d’une grande utilité ! Le premier bateau était presque achevé, c’était une caravelle, destinée au commerce. Le problème principal qui s’était posé pour la conception de la flotte c’était l’équipage, Naelis ne disposant pas de marins apte à se battre sur des navires de guerres.

« Du commerce et de l’aide pour la conception de ma flotte… Et tout ça sans réelles contreparties… Comment puis-je refuser une telle offre ? Nous pourrions en effet aménager un comptoir en Naelis et plus tard en Ydril. Des bâtiments sur les quais sont inexploités dans le but de servir à ce genre de choses. Comme vous l’avez compris, nous avons pour objectif d’obtenir une flotte importante afin d’accroitre notre puissance navale, jusque-là inexistante et aussi de pouvoir commercer à grande échelle. Nous ne manquons pas de matières, comme vous le savez la région est très boisée et j’ai même installé quelques camps de bucherons en Aduram. Pour la mise en œuvre, j’ai fait appel à un maitre charpentier Thaarien mais il est clair que de nouveaux ouvriers et ingénieurs nous seraient d’une grande aide. Mais plus que tout, nous aurions besoin de formateurs dans le but de constituer un équipage digne de ce nom. Nous n’avons pas besoin de nourritures, la pêche est bonne est nos champs sont riches, pareil pour l’acier, j’ai un accord avec Alonna, qui participe à alimenter nos forges. Car oui je tiens à vous le dire, j’entretiens de bonnes relations avec le baron Kastelord, j’espère que cela ne vous dérange pas. »

Altiom demanda par la même occasion si Glenn avait des soucis en particulier avec la population. Il y avait en effet des dissidents, qui se cachaient parmi la pègre locale, très agressive ces derniers temps.

« En effet, nous avons quelques soucis avec la pègre locale. Mes espions sont sur le qui-vive mais ils se cachent parmi les ruines, au nord du quartier du voile. J’ai accès la priorité sur la flotte et j’attends de pouvoir entreprendre la reconstruction de cette partie du quartier avant d’envoyer la garde éliminer définitivement cette racaille. »

A vraie dire, la situation était plutôt tendue, un membre des services secrets était mort dernièrement en filant un membre présumé de la pègre…

L'archonte écoutait son hôte en mastiquant presque religieusement sa pitance. Il était heureux de voir son aide ainsi acceptée. On ne pouvait pas encore parler d'une réelle confiance, bien-sûr, mais Glenn avait su voir la sincérité du suderon, comprendre qu'aussi incongru que cela puisse paraître il n'avait pas d'idée machiavélique derrière la tête. Et pourtant il fallait bien admettre qu'Altiom ne partait pas gagnant! Ainsi que le savait le seigneur Hereon, les gens du sud étaient bien connus pour ne s'occuper que de leurs intérêts... mais les choses pouvaient changer.
- (...) Pareil pour l’acier, j’ai un accord avec Alonna, qui participe à alimenter nos forges. Car oui je tiens à vous le dire, j’entretiens de bonnes relations avec le baron Kastelord, j’espère que cela ne vous dérange pas.
- Penchez-vous! répondit l'invité sans avoir pu avaler sa bouchée. Je veux dire, pensez-vous! J'ai bien plus de sympathie pour les seigneurs du nord que ceux du Médian, ou que pour mes voisins. Ils représentent le dernier pilier à peu près stable sur lequel le Royaume peut espérer s'appuyer. Enlevez-nous le nord et les drows prendraient la Péninsule armés de cuillers! Cela dit, le luron connaissait les us de cette noblesse qu'il ne supportaient pas forcément. Si par chez lui les femmes jouissaient d'une relative liberté, il n'en n'était pas forcément de même dans ces contrées dont la rigueur du climat n'avait d'égal que celle des traditions. Enfin, comme le voulait l'adage, on ne pouvait avoir le beurre et l'argent du beurre! (Et quand bien même, ç'aurait été la crémière qui intéressait notre drille, mais passons). On en vint alors au point plus sombre de l'accord.
- En effet, nous avons quelques soucis avec la pègre locale. Mes espions sont sur le qui-vive mais ils se cachent parmi les ruines, au nord du quartier du voile. J’ai accès la priorité sur la flotte et j’attends de pouvoir entreprendre la reconstruction de cette partie du quartier avant d’envoyer la garde éliminer définitivement cette racaille. Opinant lentement du chef, comme s'il assimilait l'information et se préparait à formuler sa proposition, le suderon regarda tour à tour les trois Naelisiens présents.
- Alors j'ai une dernière offre. J'imagine que vous avez déjà entendu parler de la Bastolà, la pègre du sud, et sa disparition mystérieuse après la dernière guerre. Dans les faits, la situation est un poil différente. L'une de ses branches, l'Occhio Basso, avec laquelle je suis en relation, a survécu. Elle est spécialisée dans l'obtention d'informations et l'assassinat mais... disons les choses comme elles sont: ses membres sont terriblement pragmatiques. Ils ne provoquent aucun dégât inutile, rassurez-vous, mais ils sont prêts à tout pour mener à bien leur objectif... peu importe le prix à payer pour eux, ou quiconque. L'Ydrilote marqua une pause. Pour faire simple... c'est une voie plus simple et rapide pour neutraliser l'opposition, mais aussi plus douloureuse. Les termes de l'accord sont simples: vous n'aurez qu'à fournir un abri discret à ces hommes, un soutien financier et leur donner carte blanche. Ils partageront la totalité des informations récoltées avec vos hommes. Et... une fois qu'ils en sauront assez, nous pourrons détacher quelques pulitori pour s'occuper des meneurs. Vos hommes n'auront plus qu'à se charger des restes étêtés de la bande. Ensuite vous pourrez toujours louer les services de l'Occhio Basso pour soutenir votre propre réseau d'espionnage en Estrévent, mettre en commun leur savoir-faire, ou tout simplement résilier leur contrat. A nouveau, Altiom se tut quelques instants. Même si leurs méthodes me dégoûtent parfois, je connais ces hommes et leur efficacité. Il s'en faudra probablement d'un ou deux mois tout au plus pour que Naelis soit totalement vôtre.

Altiom était un de ces rares suderons qui comprenaient l’importance du nord pour le Royaume à l’inverse de ceux qui prenaient les drows pour une menace oubliés et s’intéressant uniquement à leur gains commerciaux. Décidément, l’arrivée de l’archonte d’Ydril était une bien bonne nouvelle. D’un point de vue plus pragmatique, une alliance avec le Comté le plus riche de la péninsule ne pouvait qu’être bénéfique pour Naelis et d’un autre côté, Glenn avait la conviction qu’il s’entendrait à merveille avec Altiom. Ce dernier, continuant sur le sujet qu’il avait lancé sur la pègre, lui parla d’un possible accord avec une organisation criminelle, l’Occhio Basso. Avoir sous la main une bande de ce genre pouvait être bien utile au seigneur de Naelis, renforçant ainsi son pouvoir de contre-espionnage dans la cité avec la possibilité de faire effectuer certaines basses besognes indignes d’un soldat de la garde par exemple. Toutefois, il voulait éviter de montrer son attachement à ce genre de propositions en compagnie de ses conseillers mais surtout à cause de la présence de serviteurs. Même si l’Archonte avait parlé tout bas, il n’était pas indispensable qu’un domestique ait entendu ses propos. Cela faisait partie des sujets sensibles auquel Glenn faisait très attention. Tous ces entretiens avec Letwyn, le chef de ses services secrets, se passaient dans des lieux clos.

« Hum et bien, je vais en parler avec le chef de mes services secrets, hélas il est actuellement en mission donc je ne pourrai pas vous répondre avant quelques semaines. Mais sachez bien que la pègre nous dérange au plus haut point, aussi je ne rejette pas du tout votre proposition. »

Glenn préférait tout simplement avoir l’avis d’un spécialiste avant de donner des conclusions hâtives. Il en reparlerait probablement avec Altiom un autre jour, seul à seul. Le repas se poursuivit tranquillement, ils parlèrent de choses plus anodines comme la vie en Ydril ou les coutumes du sud. La délégation d’Ydril était bien entendu la bienvenue, et Glenn donna l’ordre de leur ouvrir la porte du trident qui leur bloqué l’accès au reste de la ville. Le séjour d’Altiom se prolongea quelques peu et Glenn en profita pour lui montrer les travaux réalisés dans la région et dans la cité même. Naelis venait de gagner un allié de poids.

Résumé de l'accord Naelis-Ydril:
- Construction de comptoirs en Naelis puis en Ydril pour favoriser la mise en place d'une ligne commerciale stable et durable.
- Envoi d'une centaine d'ouvriers/charpentiers Ydrilotes et d'une douzaine d'ingénieurs pour aider les chantiers navals naelisiens.
- Envoi d'une dizaine d'officiers de marine Ydrilotes afin de former un équipage pour la flotte de Naelis.
- Installation d'une cellule de l'Occhio Basso aux frais de Naelis, chargée de récolter un maximum d'informations sur la pègre locale séditieuse (20 occhi et 3 pulitori - effectifs vus avec Eidren).

» On fait la guerre quand on veut, on la termine quand on peut. [Terminé]
» Retour à Naelis. {Terminé}
» Nous sommes frères, et les frères se protègent entre eux. [Solo]
» Quand on arrive en ville[terminé]
» [TERMINE] Et quand le hasard s'en mêle... [Triss]

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