Les mercenaires sont de sortie [Kassandra, Liliana]

Vanek poussa un grognement en poussant la porte de l'épicerie. Il sentait les gouttes d'eau s'écraser lourdement sur ses cheveux, qui avaient la fâcheuse tendance de boucler légèrement avec ces temps humides, lui donnant une fausse allure de petit noble aux frisettes. Il détestait la pluie. Rabattant rapidement sa capuche sur son crâne, il s'avança vers le petit groupe d'hommes armés, encapuchonnés dans leurs capes trempés, qui attendaient, rassemblés à côté d'une écurie. L'un d'eux s'avança, prenant soin de baisser légèrement la tête afin de cacher ses oreilles pointues et sa peau sombre au regard des passants.

- Alors ? dit-il doucement.
- Trop cher.


Le drow soupira tandis que Vanek le dépassait. Il s'arrêta à quelques mètres de la dizaine d'hommes qui le fixait en silence, attendant avec espoir l'ordre de rejoindre la taverne du coin. Torgal s'avança de son pas lourd, écartant doucement les quelques mercenaires qui génaient son passage et s'arrêta à quelques pas de son chef.

- Les gars ont froids et soifs. Ils sont las. On est debout depuis ce matin, pendant que vous essayez de marchander en vain avec ces chiens galleux. Le commerce est rude dans les environs, et depuis qu'ils ont vu Tebryn, on nous ferme la porte au nez. Retournons à l'auberge.

La Charogne le fixa, marmonnant quelques paroles de mécontentement étouffés par sa barbe sale. Il hésita un instant, dévisageant ses hommes un par uns. Ils avaient l'air fatigués. Particulièrement Medrioc, le médecin. Il n'avait pas réellement souhaité cette vie de débauche. Vanek ne pu s'empêcher de sourire. Le pauvre s'accrochait à la vie de sa fille désespérement. Elle était peut-être morte depuis des semaines, depuis le temps qu'ils avaient quittés les royaumes humains. Il avait l'impression que des années s'étaient passées depuis leur départ. Et pourtant les choses avaient si peu changées. Casoair les avait laissé la veille, leur donnant rendez-vous très bientôt, restant plutôt vague sur l'avenir. Vanek n'avait jamais tiré de plan sur la comète, il était trop réaliste pour ne pas voir que rien n'était joué. Mais l'endroit était un vrai filon, il y avait de quoi se faire de l'or sur le dos des locaux.

Draugr s'avança, brisant le silence.

- Bon. On fait quoi... chef ?

Il avait encore de son ton arrogant et sûr de lui. Vermine. Il l'aimait bien au fond, mais quelle crapule. Il finirait par le trahir. Et il devrait le tuer. De ses propres mains. Il était de la même espèce que ceux qui l'avaient suivis dans les Wandres il y a si longtemps déjà. Des rats qui avaient fuis. Mais les autres étaient bons, certains naïfs, d'autres crus, certains mêmes fous... Mais ils étaient loyaux.

- J'ai soif... murmura Vanek, et aussitôt la compagnie sembla s'égayer.

Ils marchèrent d'un pas sûr vers la taverne du coin, déambulant dans les rues. Leurs armes bringuebalaient dans leur dos ou à leurs ceintures et ils avaient mauvaise allure, celle des brigands de grand chemin. Ils étaient sales, les traits tirés, et on devinait à leur façon de se déplacer avec hésitation qu'ils n'étaient pas vraiment du coin. Mais dix bonhommes bien taillés qui déambulent un peu partout, cela ne passait pas inaperçu. Surtout quand ils ont un drow à leur table. Il était temps de faire profil bas et se terrer dans cette taverne... L’écriteau était bancal. De toute façon, il y était gravé "Au Croupion". Rien de bien attrayant. Ils poussèrent la porte et firent craquer le parquet sous leur poids. Machinalement, les dix gaillards retirèrent leur capuche quasiment en même temps tandis que la salle observait d'un œil critique le retour de l'étrange bande. Le tavernier, un gros et joyeux bonhomme au crane dégarnis. Il avait un œil qui disait merde à l'autre et lui donnait un air particulièrement niais qu'appréciait beaucoup Vanek. Derrière cette apparence transpirante de sueur se cachait un bourreau du travail et un fin commerçant. Il avait arnaqué Vanek et ses hommes, qui avaient payés les chambres de ce bordel bien plus chers que valait ces lits pourris. Cela avait au début enragé Vanek de s'être fais rouler comme un touriste. Bien qu'il en était un en quelque sorte. Il avait mis ça sur le dos de la fatigue : il était bien plus rusé en temps normal. C'était lui qui escroquait. Mais il avait appris à connaître le personnage au gré des tournées offertes par la maison. Il s'était laissé berné tout en voyant bien la technique de séduction du gaillard. Il s'était surpris à l'apprécier. Ils ne lui feraient rien...

La petite bande s'éparpilla au fond de la salle, prenant plusieurs tables séparées et commandant directement quelques consommations. Dix gros buveurs, de bons clients en outre. La taverne, sans être bondé, était plutôt bien remplie, aux trois quarts à vue d’œil, mais Vanek se préoccupa plutôt de faire remplir sa choppe que des gens présents. Rapidement, leurs voix grasses et leurs rires bruyants emplirent la salle, relançant le brouhaha qui rêgnait avant leur arrivée et faisant renaître l'ambiance si particulière de ces bordels. D'ailleurs les filles de joie ne tardèrent pas à faire leur entrée, repoussées par la plupart des mercenaires, hormis Necro et Draugr qui semblaient apprécier leur compagnie. Peut-être qu'elle n'allait pas être si agréable que ça pour elles...

La plupart d'entre eux savaient déjà qu'ils finiraient la gueule par terre après s'être joyeusement tapés dessus. Seul Tebryn buvait lentement et silencieusement, assis à la table de Vanek en compagnie de Torgal, seul les deux humains semblaient vider leurs choppes aussi vites qu'elles se remplissaient, alors que la soirée débutait seulement.

Le bruit commençait petit à petit à emplir la salle, tandis que les moins costauds sentaient déjà l'effet de l'alcool bon marché leur monter à la tête. A la table de Draugr, Kervan et Darlyn, les plus jeunes, s'égosillaient déjà, ricanant aux folles histoires de partie d'entre-jambe et de bataille de Farj qui avait déjà vidé une bouteille à lui seul. Vanek lui, finissait sa choppe tranquillement avant de jeter un œil autour de lui. Aucune serveuse dans les parages. Il soupira et se leva lentement, faisant craquer le bois pourris sous son poids avant de poser son barda aux pieds de Torgal, où il le savait en sécurité. Ce dernier enlevait son casque pour le poser sur la table, dévoilant son large menton carré habillé de sa barbe blonde. Tandis que son chef quittait la table pour gagner le comptoir, il se tourna vers Tebryn qui restait silencieux, espérant trouver conversation. Ce dernier lui faisait dos, visiblement occupé à fixer sa voisine de table. Le titan soupira et bu sa choppe cul-sec avant d'appuyer lourdement ses pieds sur la table. La soirée risquait d'être longue pour certains.

Le drow lui avait repéré sa congénère dès qu'elle eut poussée la lourde porte de la taverne. Une peau si terne qu'un oeil mal avisé aurait pu croire qu'on ne distinguait que des yeux sous cette capuche, et des cheveux si blancs qu'un idiot aurait dit une vieille humaine. Mais Tebryn était un homme avisé et sa curiosité avait été piqué. Cela faisait presque un demi-siècle qu'il avait quitté le Puy et n'avait croisé les siens qu'en de rares occasions. D'un côté... tant mieux. Certains auraient plus à gagner à rapporter sa tête à certaines personnes qu'à le faire chanter.

Elle vint s'asseoir tout près d'elle et leurs regards se croisèrent. Tebryn éternisa son regard, esquissant un léger rictus tandis qu'elle commençait à parler dans leur langue natale.

(En Drow:)- Il est vrai que l'hospitalité qu'on peut offrir à notre peuple ici s'est plus que détériorer. Aussi, parler une langue autre que celle des humains peut se montrer bien... audacieux. La salle est remplie d'hommes ivres et armés jusqu'aux dents. Des hommes avec qui je voyage. Je ne donnerais pas cher de la peau de la personne qui viendrait à piquer leurs instincts primaires, éveillés par l'alcool et la vulgarité du lieu... dit-il à voix basse, presque en murmurant. Ils auraient tords de ne plus nous craindre, rétorqua-t-il enfin en souriant, après avoir laissé la drow prendre une gorgée de vin. Je crois savoir que les forces du Puy grouillent dans la région, pillent et détruisent. On dit même qu'ils marcheraient sur des cités désormais. Est-ce que les rumeurs mentent ou notre peuple reprend-t-il réellement ce qui lui appartient ? Vous ne m'avez pas l'air d'être une mercenaire. Vous venez du Puy, je présume ?

Pendant que Tebryn laissait sa curiosité prendre pas sur sa méfiance habituelle, bien qu'il demeure sur sa garde, Vanek posait ses coudes sur le comptoir, tout près d'une petite rousse qui buvait son verre de rhum paisiblement. Il lui lança un regard, puis jeta observa le contenu de son verre avant de détourner le regard. Le barman s'affairait avec d'autres clients et Vanek soupira, tirant un des tabourets miteux pour s'y asseoir, attendant que le gras propriétaire de ce taudis ne daigne venir prendre sa commande. Il soupira avant de tourner la tête vers la rouquine.

- Vos regards pourraient être mal perçus, femme. Vous devriez tempérer votre curiosité, surtout dans un lieu comme celui-ci. L'on pourrait vous prendre pour une aguicheuse ou encore une espionne.

Tebryn frémit légèrement en écoutant la drow lui conter les nouvelles du sud. Il prit une gorgée de sa boisson, prenant le temps d'analyser les nouvelles. Il comprit rapidement que les longues semaines de marche aux côtés de Vanek l'avaient coupées du monde. Il avait été plus préoccupé par son confort et son dégout des humains qui l'accompagnaient que par ce qui se tramait dans le monde. Il n'avait jamais été très porté sur l'actualité quand elle ne le concernait pas, du moins. Or, quand cela touchait au Puy et à son peuple, sa curiosité était vivement piquée. Cela faisait des lustres qu'il avait quitté ses terres natales et il se sentait pourtant encore intiment lié aux sombres contrées qui l'avaient élevées. Il était décidément hasbeen et se sentait comme un ermite sortant de sa forêt après quinze années d'exil. Il redécouvrait la douceur de la civilisation, ses vertus et ses vices, en un seul instant. Les manœuvres politiques compliquées et les guerres sanglantes l'intéressaient très peu d'habitude. Mais savoir que deux milles drow marchaient sur les terres même où il séjournait actuellement... cela le mettait en émoi. Son cœur s'était à la fois emplis de crainte, d'admiration et de joie. Il ne voulait pas prendre part à cette guerre perdue d'avance. Il savait mieux que quiconque que les noirauds ne franchiraient jamais les frontières de ces terres tant convoitées. Il avait peut-être vécu trop longtemps parmi les hommes.

- Disons que mes péripéties m'ont empêchées de voir le monde changer depuis quelques temps, rétorqua-t-il.
Visiblement, sa congénère était aussi curieuse que lui et entreprit de le questionner sur ses origines. Tebryn posa sa choppe sur la table et essuya la commissure de ses lèvres d'une légère goutte de boisson.

- Je viens de l'île de Meca, bien loin d'ici, où j'avais trouvé refuge loin de l'agitation de la Péninsule et de la morosité du Puy. Disons que j'avais besoin d'exotisme. Le sort m'a fais rencontré quelques gaillards trop peu aimables et me voici ici... une simple histoire de mercenaire, j'imagine... Je doute que la votre soit aussi banale, dit-il en se tournant vers elle. Il ne désirait pas s'étendre à son sujet, souhaitant rester vague quant à lui. Il avait toujours quelques dettes à faire oublier...

Il arqua un sourcil en voyant l'attention de la drow se diriger vers le comptoir. Il tenta de suivre son regard et posa le sien que Vanek, en pleine discussion avec une jeune femme qui semblait jeter des regards vers cette table. Il fronça les sourcils avant de reporter son attention sur la drow.

- Et vous, quelle est votre histoire ? Vous êtes une espionne, ou bien une paria ? dit-il en souriant, ne prenant pas la peine de prendre des pincettes.



Vanek ne pu qu'échapper un rire gras, largement facilité par l'alcool qui embrumait déjà légèrement son esprit quand la rouquine lui répondit, non sans audace. Il était rare de croiser des femmes de bonnes familles dans ces établissements, il était vrai, mais des femmes de caractère, hormis les ivrognes et les putes comme l'avait soulignée l'inconnue, on en croisait rarement. Or celle-ci n'avait rien d'une fille de joie, du moins, n'en avait pas l'apparence, et bien qu'elle semblait attachée au rhum qu'elle sirotait, elle n'avait pas la tête à boire. Elle avait du caractère. Ou alors se donnait des airs, mais ne se laissait surement pas impressionner par l'apparence du gaillard qu'était Vanek. Ce dernier héla le tavernier qui daigna enfin remuer ses fesses jusqu'à lui.

- Rhum, dit-il simplement en le fixant, tout en déposant de sa main sale quelques pièces sur le comptoir.

La femme désigna les mercenaires et Vanek ne prit pas la peine de suivre la direction de son geste, devinant qu'elle parlait de sa bande d'acolytes avant même qu'elle ne les désigne par la parole.

- A moi, non. A mes ordres, oui, dit-il en empoignant la bouteille que lui tendait l'homme derrière le bar, qui s'empressa de ramasser son dû qui trainait le comptoir.

Il ouvrit la bouteille et s'emplit le gosier d'une courte rasade qu'il fit disparaître rapidement dans son estomac pour le plus grand malheur de son foie avant de faire claquer sa langue de satisfaction.

- La meilleure boisson pour l'esprit, dit-il en désignant la bouteille avant de zieuter le contenu du verre de la rousse. Je vois que madame a de bons goûts. Que fais une demoiselle esseulée dans un lieu aussi sordide, et d'ordinaire réservé aux gens de ma sorte, hm ? Si vous n'êtes pas une... pute, lâcha-t-il en souriant, qu'êtes-vous donc ?

Meca ? Ce petit bout de femme avait fréquenté l'île aux pirates ? Vanek ne pu s'empêcher de pouffer de rire. Le monde n'était plus ce qu'il était. Des femmes aussi dures que les hommes sortaient du cul mal baisé des gueuses de toute la Péninsule, et se permettait de cotoyer les hommes jusque sur les navires pirates et dans les rangs des armées. Le monde devenait fou.

- Meca... Madame semble avoir vu du pays. J'ai versé plus de sang sur cette île maudite que durant toute ma vie. Et pourtant, je l'aime à en crever, ce cloaque. C'est l'syndrome de Meca. Ou alors l'alcool...

Puis il l'observa boire. Il avait connu nombreuses femmes à fort caractère, mais généralement, leur physique allait de paire. Elles étaient ingrates, laides. Il devait avouer que la silhouette de cette femme était plus agréable, et son visage n'était pas vulgaire, ni même désagréable. Il lécha la commissure de ses lèvres, la débarrassant d'une tâche d'alcool tout en jetant un oeil par-dessus son épaule, vérifiant que rien ne dégénérait à l'arrière. Tebryn semblait faire connaissance, lui aussi. Les autres s'enivraient. Draugr était déjà vautré sur sa table, ivre mort. Il ricana avant de reporter son attention sur la jeune femme.

Elle semblait dès lors plus impliquée dans la conversation. Vanek n'avait jamais eu la prétention d'être intéressant, mais il aimait sentir l'attention sur lui. Elle était visiblement joueuse, tant mieux, cela égayerait sa soirée, et il tâcherait de ne pas boire au point de ne plus s'en souvenir.

- Hum...

Il approcha sa main du visage de la jeune femme et posa doucement sa paume contre son menton, tirant délicatement la lèvre de la rousse avec son pouce pour dévoiler sa dentition.

- Vous êtes un beau brin de femme. Mais vous n'êtes pas noble. Ou alors vous avez eu une vie plus que passionnante pour finir ici...

Il retira sa main en souriant. Alors qu'il buvait une longue gorgée de rhum, elle lui proposa un jeu. Le genre de jeu auxquels jouaient ses hommes près du feu lors des longs voyages, ou dans les tavernes quand ils arrivaient dans des villages. Mais ici, le jeu était bien plus amusant.

- Alors jouons...

Enfin, visiblement il n'avait pas vraiment le choix : la douce arrogante avait déjà pris commande d'une bouteille de qualité. Oui, c'est vrai, c'était une femme... après tout...

Tandis que le tavernier apportait la bouteille, Vanek ancrait son regard dans celui de son improbable camarade de beuverie. Il y avait des milliers de possibilités, mais il ne pouvait pas toute se les avouer. Elle connaissait Meca et certainement son milieu, elle avait du le fréquenter. Une pirate ? C'était peu probable. Il avait connu très peu de femmes dans le milieu, et toutes plus laides les unes que les autres, ce qui expliquait que les équipages dans lesquels elles servaient les prenait la plupart du temps pour des hommes ou alors ne les violaient pas par... divergence de goût. La plupart des femmes du milieu était très masculines, aussi rares soient-elles. Elle était peut-être marchande, ou réellement une putain. Non, elle était bien trop classieuse pour cela. Trop féline. Les putains n'étaient que des aguicheuses de secondes zones qui couraient après les gains. Elle, elle était sauvage. Mystérieuse et indomptable. Son regard était aussi perturbant que l'horizon incertains, les jours d'ennui sur les flots... Ses cheveux flamboyants respiraient l'iode marin et l'assurance de ses gestes rappelait au mercenaire l'arrogance de sa défunte bande de flibustier. Le rhum. Meca. La mer.

Et dans un souffle, il lâcha en souriant faiblement :

- Pirate...


Vu l'expression de son interlocutrice, celle-ci s'attendait à plus de détail sur la vie de Tebryn. Malheureusement pour elle, il n'était pas encore enclin à converser sans tabou avec cette inconnue. Il avait toujours été de nature méfiante, encore plus avec les siens. Et par les temps qui couraient, mieux valait savoir tenir sa langue. Néanmoins, sa question avait provoqué le sourire de la drow. Un sourire aussi intelligent que ses manières. Cela lui avait manqué, voyager avec des primates avaient certains désavantages. Elle répondit à la fois vaguement et précisément à sa question. Tout était question de nuance, mais clairement sous-entendu.

- Je vois... dit-il simplement, prenant une gorgée d'alcool dans la chope d'un des mercenaires qui ronflait déjà. Draugr ne tenait décidément pas l'alcool. Il sourit doucement à l'attention de sa congénère. Vous aurez surement remarqué la tendance de ma langue à se lier. Les secrets sont ma prédilection.

A peine avait-il finis de parler qu'elle revenait à la charge. Décidément, elle était têtue. Cependant, à sa surprise, elle ne s'intéressait plus à sa vie. Il serait plus enclin à parler. Il avait entendu milles merveilles ces derniers temps, mais il devait avouer avoir certaines rumeurs bien en têtes. Il reprit à voix basse, se prenant au petit jeu des rumeurs de taverne :

- J'ouïs bien des choses pendant mes voyages... Mais certaines retiennent plus mon attention... Avez-vous entendu parlé de ces rumeurs qui viennent de Meca, sur Nisétis ? il sourit faiblement, certains de piquer la curiosité de la drow en abordant le sujet de Nisétis. On dit que des savants chercheraient des gens pour les y emmener... Hommes, ou... drow. On dit aussi que les préparatifs seraient... d'envergure. Tout comme leur objectif...

Terminant sa phrase, il plongea son nez dans la boisson, gardant son regard sur celui de la drow, avant d'avaler doucement le liquide qui glissa le long de sa gorge.

- Enchanté, Liliana, dit-il en prenant doucement sa main y déposant un baise main emprunt d'une noblesse imaginaire. Tebryn Myurguar, pour vous servir.

Vanek ne pu que sourire largement en voyant qu'il avait visé juste. Il avait l'oeil pour ce genre de chose, mais il craignait avoir à faire à quelqu'un de plus malin que lui en cette douce soirée. Ce sourire disparu aussitôt quand elle misa sur le fait qu'il était pirate aussi. Elle semblait visiblement très sûre d'elle et le sourire qui avait fané sur les lèvres de Vanek reparu aussitôt. Non, il n'était pas pirate. Il l'avait été, et cela était sa plus grande fierté : il pouvait se targuer d'avoir été un homme réellement libre une bonne partie de sa vie. Mais ce n'était plus le cas. Il avait quitté cette vie pour une autre, peu différente, peut-être même moins excitante. Mais devait-il boire son verre pour autant ? Elle avait tord. Pourquoi lui donner raison ? Il ne pouvait lui accorder qu'une semi-vérité, et ainsi il ne vida que la moitié de son verre.

- Je ne suis pas pirate. Mais je le fus, en effet... voici un bon compris.

Il reposa son verre à moitié pleins et écouta en silence les paroles de la jeune femme qui ne manqua pas de baisser de ton quand elle désigna les deux drow attablés au fond de la salle. Vanek jeta un léger coup d'oeil aux deux compères. Il ne savait pas trop quoi répondre en réalité. Il connaissait Tebryn mieux que quiconque et lui faisait confiance, cette drow ne serait pas un problème pour eux, certainement une rencontre fortuite, peut-être intéressée, mais qui ne nuirait pas à la compagnie.

Cependant la curiosité de la pirate était grande, peut-être même trop à son goût. Il désirait éloigner la conversation des membres de sa troupe : elle n'était pas le sujet après tout, c'était lui qui été accoudé du bar, pas eux. Cependant elle souleva un point sur lequel il était d'accord, la présence des deux drow allaient surement aider à l'échauffement des esprits durant la soirée. Cela faisait longtemps que Vanek ne s'était pas battu à main nu. Il se contenta d'hausser les épaules et de prendre un air détaché.

- Qui saît ? Les gens du coin ne semblent pas très perspicaces. Je ne miserais pas sur les drows pour lancer les hostilités, mais vous avez raison, ils y seront liés. A moi de poser une question, en tout cas.

Il réfléchit un instant, en regardant autour de lui à la recherche d'élément pouvant lui insuffler une inspiration soudaine. Un léger sourire se dessina de nouveau sur ses lèvres et il reporta son regard sur celui de la jeune femme.

- A votre avis... Qu'est-ce que je viens chercher ici ?



Tebryn haussa largement les épaules en écoutant les questions soulevées par Liliana.

- Qui saît ? Le monde change lentement, et notre peuple a la chance d'en être témoin, et parfois même acteur... Peut-être que quelque chose d'étonnant les attend à Nisétis. Quelque chose qui vaut tout le mal qu'ils se donnent.

Il écouta ensuite la description de la caravane que chassait Liliana. Il n'avait pas souvenir d'avoir rien vu de tel mais interrogea tout de même sa mémoire, en vain. Il se pencha sur le portrait que lui tendit la drow et arqua les sourcils.

- Je ne sais rien là-dessus... Mais ils doivent posséder quelque chose d'extrêmement excitant si vous les prenez en chasse... Je me trompe ? dit-il, souriant avant de tremper ses lèvres dans un nouveau verre d'alcool.