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 Une arrivée pour un nouveau départ

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Mafraya Dureroche
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MessageSujet: Une arrivée pour un nouveau départ   Une arrivée pour un nouveau départ I_icon_minitimeSam 6 Oct 2012 - 23:13

HRP:
Spoiler:
/HRP

« Je vais pas le redire deux fois : on veut pas de vous ici ! »

« Ouai, ouai, on sait, et alors quoi ? Vous avez une raison particulière ? Parce que nous on a une raison d’être ici. »

« Eh bah ça vous regarde ! On laissera pas des étrangers venir s’installer ici comme si de rien n’était ! »

« Des étrangers ? Ecoute mon gars, j’ai déjà fait plusieurs fois le tour du royaume et je le connais comme ma poche, je connais tous les accents et le nom de tous les clans alors personne ne peut prétendre que je suis un étranger ! »

« T’as l’air de savoir te vanter toi ! Qu’est-ce que j’en ai à faire ? Dégagez d’ici c’est tout ! »

« Parce que vous pensez pouvoir vous débrouiller seuls pour remettre la ville en état alors que vous n’êtes qu’une poignée ? Et c’est en restant planté là à virer les frères de races qui veulent aider que tu crois que ça va aller plus vite ? »

« Justement, vous me faites perdre mon temps alors magnez-vous de partir ou je fais venir les autres qu’on vous chasse à coup de pioche dans l’arrière train ! »

« T’es vraiment pas rapide à comprendre toi… Tu crois qu’on a fait le chemin jusqu’ici uniquement pour poser nos fesses dans un coin et vous regarder faire tout le boulot ? T’as pas un peu l’impression d’être méprisant là ? Quatre bras de plus ça t’intéresse pas ? C’est quoi le problème ? Vous avez honte de quelque chose ou peut-être que vous vous prenez pour les uniques rescapés de la colère de Mogar ? »

« T’as fini ça y est ? Quoi, t’es toujours pas en train de partir ? »

« …C’est plus de la patience ni de la négociation qu’il faut là… Qu’est-ce qu’on fait Farn ? »

Le dénommé Farn hocha la tête de droite à gauche puis s’avança après avoir posé une main sur l’épaule de son camarade. Il s’approcha du garde un peu trop fier qui le menaça en pointant sa hache sur lui. Farn s’avança à portée de coup et dévisagea son compatriote qui le jugeait étranger. Puis il détourna le regard, l’ignorant complètement, comme s’il ne représentait aucune menace réelle.

« Eh, oh ! T’as pas compris ou quoi ? Tu cherches quoi ? Attends une seconde là ! »

« Euh, Farn ? Evite juste de… »

Trop tard ! Alors que le garde préparait sa frappe, son ami s’élança et frappa aussi rapidement que brusquement et efficacement. Le souffle coupé, lâchant son arme dans son dos, le garde eut le temps de jurer avant de s’effondrer. Un direct au foie ça pardonne pas, même pour un nain.

D’un simple regard, Farn invita son camarade à le suivre à l’intérieur. Ils avaient voyagé jusqu’à Almia afin de reconstruire leur vie, ce n’était pas pour abandonner avant même d’avoir commencé et repartir en trahissant la parole donnée à leurs compagnons…

Ce n’était que le début des problèmes, mais ces problèmes, en comparaison de ce qu’ils avaient déjà vécu, ce n’était rien du tout. Une fois qu’ils eurent respectivement imposés leurs qualités qui furent plus que les bienvenues dans cet environnement confus, ils furent bientôt chargés de responsabilités. Bron Malgarn, par ses capacités de discernement et de calcul ainsi que ses connaissances en gestion de marchandise devint responsable général de la gestion des stocks et autres vivres tandis que Farn, par son calme, son aura d’autorité et sa sagesse fut désigné comme chef projet et chef de groupe, gérant et menant ainsi alternativement des expéditions et des travaux divers. Et des projets, ce n’était pas ce qu’il manquait !

Un an plus tard, Mordak les rejoignit. Contrairement à la première fois où il s’était fait jeter dehors, Mordak put cette fois pénétrer dans les lieux sur la simple mention du nom de ses camarades. Et puis, quelqu’un qui maîtrise des connaissances sur les forêts et le bois, c’est toujours utile quand on a besoin d’aller chercher des matériaux bruts dans la montagne. On connaissait bien le problème des poutres de mauvaise qualité qui vous cédait sans crier garde. Combien de nains s’étaient retrouvés morts ou blessés dans des effondrements de galeries à cause de poutres incapables de tenir à la moindre mauvaise vibration ? Une mort peu héroïque pour un nain…

Mordak y croyait dur comme fer et il avait eu raison. Bien que ça lui ait pris du temps il finit par retrouver sa femme à Almia ! Il la croisa par hasard et la reconnut immédiatement malgré qu’elle ait perdu beaucoup de poids (lui aussi d’ailleurs) et malgré sa cicatrice bien visible au milieu du crâne car privée de cheveux pour la recouvrir. La pauvre avait eu un terrible accident d’après ce qu’on lui dit, et en avait perdu une bonne partie de sa mémoire. Elle était même plus très capable de grand-chose, comme si elle était devenue imbécile. Mordak ne sut pas si elle le reconnut mais elle jeta immédiatement son affection sur lui, montrant qu’il lui restait quelque chose. Mordak la pris immédiatement en charge, ce qui soulagea la naine qui lui servait presque de baby-sitter. Toutefois ce fut difficile pour lui ce terrible destin : retrouver sa femme en vie mais terriblement handicapée. Malgré tout, après avoir pleuré un peu d’émoi puis de consternation, sa volonté s’en trouva décuplée et il se donna corps et âme dans les tâches qu’on lui attribua tout en prenant soin de sa malheureuse femme. Ce qu’il ne sut et ne saura jamais, ce sont circonstances exactes de « l’accident ». Mais vue la cicatrice, un coup de massue à pointe de gobelin ou d’une pointe de hache naine aurait très bien pu en être la cause.

Un nain courut jusqu’au Haut prêtre, il semblait essoufflé… Avait-il une bonne ou une mauvaise nouvelle à lui annoncer ? Dans tous les cas, il attendrait les ordres pour les retransmettre à son chef de groupe.
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Dun Eyr
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MessageSujet: Re: Une arrivée pour un nouveau départ   Une arrivée pour un nouveau départ I_icon_minitimeLun 8 Oct 2012 - 17:24

Spoiler:

« Aux abris ! »

La voix claqua comme un éclair dans les galeries, et quelques Nains, maintenant habitués, plongèrent à terre ; pour les autres, ce fut la bourrasque de poussière qui leur pourlécha le visage. Un terrible éboulement grogna depuis les caves de l’Ouest, et son frisson se répandit à toutes les pierres de la montagne. Un nuage brun, épais et lourd, craché par les roches, jaillit dans le premier niveau comme d’un abcès éclaté, et, lentement, les nappes de suie allèrent se coucher sur le sol et les Nains, les corps et les pierres. Çà et là, entre les ombres grognardes, on devinait des barbes qui dansaient, des frimousses qui se relevaient ; quelques gorges rauques, encrassées par l’excavation et l’effort, crachaient des mottes d’étoupe et quelques gouttes de sang.

Dans le nuage noirci, un tapotement précipité se fit entendre, et trois silhouettes en jaillirent. Si les Nains alentour étaient poussiéreux, ceux-là n’étaient plus que des formes noyées par la saleté et les ombres : leurs robes élimées étaient alourdies, comme détrempées, par un manteau de poussière, et un grand voile de crasse leur faisait un hâle à la face. Ces trois trognes volontaires, et renfrognées, jetaient alentour un regard résigné sous leurs paupières fardées par les cendres.


C’était une étrange compagnie.

Le premier, râblé, hagard, promenait une courte barbe sous sa coupe drue, et de ses poignes de colosse il enserrait un lot de pioches sous son aisselle. C’était là Jodir, le forgeron des lisières de Lante – qui avait depuis longtemps abandonné sa lisière, maintenant dévorée par les ambassadeurs soltari ou alonniens, et avait rejoint ses frères qui luttaient pour percer les portes d’Almia. Son adresse à tordre le métal, ses mains agiles dansant au bout de deux bras comme d’un Kerkand, lui avaient taillé une solide renommée dans les galeries. Et lui, enfin parmi les clans de Mogar, lui le Forgeron, avait pu aiguiser œil et doigté à regarder œuvrer les plus excellents des Maîtres du Fer.

A la droite, le second, avait nom Trogan. Plus fin, plus élancé – toutes proportions Naines gardées … – et grand comme seuls quelques Nains l’étaient chaque siècle – il dominait les chèvres au garrot, et surpassaient même quelques bouquetins ! – l’avaient fait rebaptiser l’Echalas ; et c’est sous ce sobriquet que les marmots l’appelaient, lorsque sa grande dégaine en point d’interrogation venait crapahuter dans les galeries inférieures. Il était jeune encore – trente-sept automnes aux prunes – et faisait partie de ces jeunes pousses, qui avaient pris racine entre deux âges des Nains : trop tard pour connaître la Grande Gloire des décennies jadis, mais trop tôt pour en oublier le parfum que retenaient les vieillards dans leurs contes.
Cet interminable Nain des clans du Nord, aux doigts fins et délicats, à la peau pâle comme les cimes mordues par le givre, était peut-être le dernier des disciples de Rodmin à marcher sous l’écorce du sol – les marchands de Thanor exceptés. C’était un maître-magie formé dans la reliure des grimoires, un tord-runes, un entrelaceur de symboles ; sa poigne n’avait jamais enserré le pommeau que d’une canne de magicien. Mais ses guibolles, pour le moins, infinies comme des échasses ou les pattes d'une grue alpine, lui laissaient une bonne endurance pour courir sur et sous la pierre. Entre ses deux mains pâles, celui-là portait un gros caillou poli.

Le troisième, quant à lui, était maintenant familier des Nains survivants d’Almia – ou Almis, on ne saurait plus dire. Après tout, est-ce que la cité de l’Est n’avait pas été son berceau à lui aussi ? Et là, sous le masque de crasse noircie et sèche, tous reconnaissaient cette gueule fière et résolue, et cette longue barbe aux triples tresses…


« Les étançons ont tenu peut-être cinquante pieds, Haut-Prêtre, hoqueta Trogan en crachant des filets de suie. Le projectile a dû filer droit jusqu’à l’ancienne Coudée des Hallebardiers.

— Les Hallebardiers sont plus profond sous la roche, cette coudée-là s'élève trop à l’Ouest
, toussa Jodir. Ce doit être un passage excavé par les Verdâtres. Quoiqu’il en soit, Dun Eyr, elle doit être perforée sur soixante pieds au moins. »

Dun Eyr – car c’était bien lui, le troisième ladre – se racla longuement la gorge et cracha au sol, pour se décrasser la gorge. Depuis dix-sept heures qu’ils trimaient là-dessous, les choses avançaient péniblement. Pour pénétrer plus facilement dans les travées secondaires, les Nains avaient mis au point des balistes terribles, sorte de frondes gigantesques qui crachaient des boulets furieux au travers des caillasses lorsque la corde de chanvre se détendait. Cela leur permettait d’éventrer proprement la roche, et d’y broyer les dernières formes de Gobelins qui se trémoussaient là-derrière. Mais pour quel spectacle...

Depuis la fin de l’Hiver, qui avait vu Dun Eyr entrer dans le camp du Dolbarg’Ma, les choses semblaient empirer à chaque découverte. Lui, le Lirganique, le maître des roches, avait été chargé de mener à bien l’excavation du premier niveau jusqu’aux frontières de l’Ouest, pour ensuite plonger sur la seconde profondeur. Mais la roche, rompue par les ans, se révélait traîtresse à chaque nouvelle trouée que Dun Eyr y révélait.
Il y avait comme une peste qui rongeait les pierres, et ce depuis la Grande Fournaise.

« Ramenez la baliste, étançonnez les alentours, grogna Dun Eyr à trois mineurs qui toussotaient près de là. Mais ne pénétrez pas dans la Coudée, elle est infestée elle aussi. Il faudra l’expurger. »

Expurger… Le terme était vilain, mais c’était bien le plus exact. Il s’agissait de calciner la roche, pour en arracher les vermines qui la rongeaient du dedans. Triste labeur… Pour le Lirganique, brûler les vielles galeries, c’était comme éventrer des aïeux aux corps depuis longtemps rompus.
Et tandis que Rodmin aidait les Nains à remettre sur pied le lance-pierres, Dun Eyr et Trogan tinrent conseil avec le Haut-Prêtre, et quelques chefs excavateurs assemblés là ; et alentour, les Nains écoutaient, maussades et tristes, le Lirganique qui répétait ici les mêmes paroles qu’ils avaient déjà entendu prononcer sur la Travée du Sud, et aux Trois Gouffres du premier niveau :

« La vermine Gobeline a pullulé dans ces galeries durant plusieurs années, et des galeries ont été percées à tout va, au travers du vieux maillage d’Almia, commença le Nain d’une voix morose. Beaucoup ont dû mourir écrasés dans leurs propres tunnels imbéciles, et le sang vert a ruisselé dans toutes les profondeurs. Entre les gravats, là où les Gobelins ne pouvaient plus se frayer un trou, des engeances ont proliféré sur leurs cadavres broyés ; des rats peut-être, ou d’autres formes plus sinistres encore. Cela a rongé la pierre comme un poison, l’a effritée et creusée de l’au-dedans. Lorsqu’on éboule ces travées, une odeur terrible s’en dégage ; et la roche est devenue verdâtre, imprégnée du jus des Vertegueules. On ne peut plus rien tirer de cette caillasse spongieuse et malfaisante, il faut la calciner à chaque nouvelle galerie… »

Un silence tomba sur le groupe. Comme souvent, le doute faisait sa voie parmi leurs esprits attristés ; avec cette roche spongieuse, déjà trouvée en cinq endroits du premier niveau, certaines rumeurs couraient que la cité était perdue ; ou bien maudite, c’était selon les croyances. Dans la galerie, on murmurait autour des deux Hauts-Prêtres…
Un regard embrasé de Dun Eyr suffit à faire taire les jeunes mineurs qui chuchotaient, leurs pioches et bâtons abandonnés contre un mur. Le disciple du Moqueur se refusait à laisser le Sang-Vert – car ainsi nommait-on cette terrible pourriture – gagner la partie dans leur grandiose Reconquête ; dût-il brûler les dix-sept premières profondeurs avec pour seul outil une torche de bois vert...

« Il faut étançonner tout cela, et rapiécer la baliste, lança enfin Dun Eyr. Trouvez-moi des menuisiers, des sculpteurs sur bois, même des pêcheurs humains habitués à renflouer leur barque ! Allez traquer jusqu’aux renégats des meutes du Nord, mais trouvez-moi des artisans du bois ! Il faut consolider tout cela de lourds étais avant la nuit. »

Le jour, la nuit… cela faisait des journées qu’aucun des Nains n’avait plus revu le ciel nu, sans plafond de roche pour s’entremettre. Mais enfin, c’était resté dans le langage, et un peu dans leurs souvenirs aussi…
Trogan et Dun Eyr, l’œil las et l’épaule tombante, s’accordèrent une gorgée chacun de bonne Brune de Champ-Thanor, avant de replonger dans leur galerie friable à se rompre…

Il s’agissait de trouver jusqu’à quel point, dans le secteur Ouest, la pourriture avait mordu sur les bonnes pierres du temps jadis.


Dernière édition par Dun Eyr le Ven 19 Oct 2012 - 4:08, édité 1 fois
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Mafraya Dureroche
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MessageSujet: Re: Une arrivée pour un nouveau départ   Une arrivée pour un nouveau départ I_icon_minitimeDim 14 Oct 2012 - 21:16

Un énorme écho, accompagné d’un brusque tremblement dans toute la paroi fit chanceler les nains à plusieurs chambres de l’origine. Qu’est-ce que c’était encore ? Ce n’était pas un simple éboulement, ce la ressemblait plutôt à une explosion. C’était probablement le cas d’ailleurs car la dernière trouvaille pour déblayer, perforer et défoncer les galeries avec efficacité mais également effets collatéraux était une sorte de lance pierre géant, ou plus précisément : une catapulte horizontale, (peut-être l’ancêtre du canon, dans l’idée).

Mordak se releva, après avoir protégé sa femme de son corps. Personne n’avait rien heureusement, ça avait juste prit tout le monde par surprise, ce qui déclencha comme d’habitude un flot de jurons de-ci de-là. Ils étaient bien sûr au courant qu’une opération de la sorte devait avoir lieu, mais quant à prévoir le moment exact, c’était une autre affaire. Il fallait dire que ça prenait tout de même du temps à préparer, notamment pour déplacer la machine, remonter les mécanismes, et évacuer la zone autour du point d’impact.

Jusqu’à présent, Mordak avait aidé à de nombreuses taches générales sous divers chefs de projets. On l’avait chargé de bucheronnage comme il s’avait bien y faire, afin de ramener de quoi consolider les galeries, fabriquer des manches d’armes et quelques autres utilités dont il ne s’occupait pas, comme la construction de la catapulte qui avait été confiée à l’ingénieur en arme de siège en titre. Ainsi, Mordak avait passé plus de temps dehors à couper du bois qu’à l’intérieur avec ses compagnons. Mais heureusement qu’il était là pour prodiguer ses conseils divers et variées sinon le bois aurait été largement gaspillé, du moins le temps et les efforts dépensés pour fournir quelques bonnes et solides poutres serait resté le même qu’avant, autrement dit trois fois plus long. Ce n’était pas faute de main d’œuvre volontaire mais de connaissances de celle-ci en la matière. On connait les nains pour leur efficacité et leur puissance mais pas pour leur endurance et on peut appliquer ce préjugé à d’autres choses. Du matériel de qualité exceptionnelle fait dans les matériaux les plus nobles capables de durer plusieurs générations de nains on passe rapidement au matériel efficace mais peu fiable, soit rapidement remplacé soit plusieurs fois rapiécé et réparé. Il fallait voir l’état de la catapulte après seulement une courte utilisation. Certes elle était efficace, très efficace, mais ses matériaux n’étaient pas de qualité suffisante pour résister à une telle pression.

Mordak était en pause déjeuné avec sa femme. Comme il n’y avait pas de femme dans le camp des bucherons, il leur fallait se relayer durant les pauses respectives pour aller prendre leur déjeuner à l’intérieur. Heureusement que les nains d’Almia avaient pu sauver ou ramener des biquettes car sans ces précieuse bêtes, il n’y aurait pas grand-chose à manger malgré les groupes de trappeurs. D’ailleurs régulièrement, ils parvenaient à capturer une ou plusieurs chèvres sauvages (ou du moins redevenues comme telles) pour renflouer le troupeau qui en avait bien besoin, parce qu’avec la quantité de viande qu’il faut pour nourrir un groupe de travailleurs nains acharnés, quelques naissances dans l’année ne suffisent plus à renouveler le troupeau.

Après le discours du haut prêtre, un des nains qui y avait assisté se dirigea sans un mot dans les galeries en terminant de s’épousseter. C’était Farn. Fidèle à lui-même il agissait directement sans même prendre la peine d’annoncer qu’il savait où trouver un tel artisan du bois. Il laissa cette peine à un des hommes de son groupe par un signe de tête et en ne prononçant qu’un seul mot qui n’était autre que le nom de son camarade : Mordak.

Quelques dizaines de minutes après l’explosion, Farn arriva presque par surprise dans le dos de Mordak.

« Viens, on a besoin de toi. »

« Ah ! C’est toi Farn ? Tu pourrais dire bonjour quand même ! Ça fait combien de temps que je t’ai pas vu ? Une semaine ? … Alors quoi qu’est-ce qu’il se passe ? Un problème pur moi ? Un problème de bois ? Vous avez encore cassé des poutres ou je ne sais quoi ? »

« Viens, tu verras. »

« Ouai, je te reconnais bien là. »

« Mor-dak ? »

« T’inquiète pas ma biquette, c’est rien de grave je vais revenir. »

« D’ac-cord… »

Mordak caressa la tête de sa femme restée assise puis se leva pour accompagner Farn. Celui-ci ne dit rien mais son regard interrogateur suffit à son camarade pour lui donner quelques détails après qu’ils eurent fait quelques pas.

« Aah, aucun changement dans son état. Je ne suis toujours pas sûr pour sa mémoire d’avant mais elle n’a pas l’air d’avoir de problème d’une manière général. Elle est juste imbécile, un peu comme un jeune enfant : elle est lente en tout. Elle a du mal à comprendre mais elle comprend, elle a du mal à parler mais elle parle, elle a du mal à réfléchir alors elle ne réfléchit pas et laisse ses émotions parler à sa place…Sa tête a pris un vilain coup après tout, je ne crois pas qu’elle puisse redevenir normale. »

Farn compatit en lui posant une main amicale sur l’épaule puis l’emmena jusqu’à la chambre poussiéreuse à partir de laquelle une galerie avait été « déblayée » à coup de pierre projetée presque deux fois plus vite qu’une charge de bélier de guerre selon certaines estimations. Mordak constata les dommages collatéraux provoqués par l’effondrement dû à la pourriture verte. La galerie en question encore emplie d’un nuage de poussière et il pouvait difficilement voir quoi que ce soit de là où il se trouvait. Par contre, la catapulte, il fallait voir de plus près si on pouvait y faire quelque chose. Farn dirigea d’abord Mordak vers la machine pour le laisser y jeter un œil puis délégua un autre nain pour aller informer le haut prêtre de sa « trouvaille ». Sans attendre que quelqu’un lui demande quoi que ce soit, Mordak examina l’appareil et partit dans ses commentaires.

« Alors c’est ça !... Un bel ouvrage je dois dire, du moins en matière de conception technique parce que je ne suis en rien expert en la matière, loin de là ! Par contre je peux tout de suite dire qu’avec une poutrelle de soutient dans cet état et un bois si proche de la déchirure par endroit que ça volera en éclat au prochain tir si ce n’est pas réparé. Ah là là ! Si on me demande mon avis, il serait plus judicieux de tout reconstruire avec du meilleur matériau. Dans l’immédiat, on peut toujours remplacer les pièces nécessaires et procédé à un renforcement de certains endroits qui me semblent critiques… »

Le menuisier examina l’appareil sous toutes les coutures. Il pouvait deviner globalement la fonction des différentes pièces de par leur emboitement et leur forme mais c’était un peu comme un puzzle pour lui vu qu’il n’avait pas les compétences d’ingénierie nécessaires à la conception d’une telle machine. Toutefois, si on lui donnait le plan de cet engin, il ne lui faudrait pas longtemps pour concevoir les pièces de bois adéquats. Pour le reste, il leur fallait un forgeron comme le dénommé Jodir s‘il se rappelait bien. Quoi que, même chez les forgerons il y avait des spécialités. Entre les forgeurs d’armes et les créateurs d’outils comme son ami Tefal… Comme d’ailleurs ébéniste et menuisier, si le premier était capable aussi bien de découper que de sculpter, l’autre n’était pas nécessairement capable d’autant de précision…

Farn tira Mordak de sa contemplation et de ses réflexions. Quelqu’un venait d’arriver.

« Mordak.»

« Hein ? Oh ! Salut à vous ! Vous êtes sans doute euh… Ha ha ! Désolé, j’ai un peu de mal à vous reconnaître avec toute cette poussière !... Alors, c’est ça le problème ? Laissez-moi faire ! Je m’appelle Mordak Krockfur, du clan Krocran à vot’ service, et le bois, ça me connait ! »

Farn secoua un peu la tête de droite à gauche. Contrairement à lui son ami avait de la conversation, c’était un bon orateur, mais qu’est-ce qu’on s’en fichait un peu de tout ça ? Pas besoin de montrer autant d’humour et enthousiasme comme il en avait l’habitude : il n’avait juste qu’à faire ce qu’il devait faire. Bron était un peu comme ça aussi, mais en plus râleur, et Farn en vint à se demander si ce n’était pas lui qui lui qui ne se comportait pas comme tout le monde en étant si avare de paroles ? Pourtant, il arrivait bien à se faire comprendre… A moins que ce ne soit que par l’habitude de le côtoyer ?
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Dun Eyr
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MessageSujet: Re: Une arrivée pour un nouveau départ   Une arrivée pour un nouveau départ I_icon_minitimeVen 19 Oct 2012 - 4:07

Les yeux de Dun Eyr coulaient du boyau béant aux gravats effondrés. Devant lui, comme une grande gorge vorace, béait la bouche perforée par l’assaut de la baliste ; des rocailles tombaient encore du plafond, et une poussière épaisse et lourde exhalait de là-dessous comme d’une dépouille ancestrale et funeste. Alentour, là où ç’avait été l’ordre l’instant d’avant, ne régnait plus que le chaos ; pierres et galets tourneboulaient en tous sens, certains allant rouler contre les murs proches. L’éclat des cailloux qui se fendaient rendait comme une tempête de cloches sous le plafond ombré de la caverne. On aurait dit qu’un gros bubon avait crevé.
Le Haut-Prêtre fit quelques pas vers l’ouvrage éventré, et contempla la roche. Que l’on s’agitât pour des étançons, que l’on criât pour des pioches et des pelles, cela ne le concernait guère plus. Son front soucieux, ridé par les ans et les soucis, se plissaient en sept vagues devant ce grand gâchis. Quelque part sous la bure, entre de vielles cicatrices tannées par le temps, cognait son cœur avec rage, son gros palpitant de Sculpteur et de Maître-Pierre : c’était la montagne qu’on assassinait. Avec cette Verte Peste qui prenait Almia dans ses racines, le boyau foré par la catapulte paraissait l’exploration de quelque charogne antique, menée par une colonie de fourmis affolées.

« Laissez les étais, grogna soudain Dun Eyr, levant le bras en signe d’arrêt. Apportez le bois le plus sec, tapissez-en le sol jusqu’au plus profond ; et prenez garde de ne pas toucher les roches verdies. »

Les ordres tombaient, machinaux. Le Lirganique les énonçait encore par habitude, mais tous les excavateurs de son groupe les avaient déjà entendus six ou huit fois. Partout, c’était la même routine ; brûler tout ce que le Sang-Vert avait ravagé, bloquer les accès ; et puis quoi ? Attendre, creuser ailleurs, oublier. Il n’y avait pour l’instant pas de remède.
La gorge brumeuse, Dun Eyr cracha sur les roches, et fit volte-face. Derrière lui, Trogan s’enfonçait dans le boyau infesté, un premier fagot de branchages à la main ; il connaissait le langage de la pierre, il saurait faire un efficace incendie. Le Haut-Prêtre le laissa ouvrager, et s’en vint à la baliste ébranlée.

Ébranlée, le mot était faible. Le bras d’envoi craquait sinistrement, prêt à se rompre ; la corde avait brisé deux claies sur la droite, et l’ensemble oscillait alors sur tout un côté, chancelant comme un navire échoué. Le boulet avait arraché des éclats dans sa course, et des copeaux concassés gisaient çà et là alentour de la catapulte. Le piétinement d’un Kerkand enragé n’aurait pas produit pire désastre.

« Holà ! lança Dun Eyr à la cantonade. Un ébéniste, un bûcheron, quelqu’un ! »

Il avisa là deux Nains étranges, qui se tenaient trop près de l’engin pour y avoir surgi par un hasard. L’un d’eux n’était qu’un visage de marbre, froid et maussade comme les sculptures des premiers âges ; et son calme, parmi le tumulte empressé des excavateurs et des incendiaires, semblait comme une huile coriace que rien ne détache. Le Haut-Prêtre crut avoir déjà vu cet étrange profil, un soir ou l'autre, grongnon près d'une chopine. Quant à l’autre, il lui paraissait en revanche inconnu ; les joues rebondies et l’air jovial, c’était un Nain bavard et grande-bouche : un évadé d’avant la Fournaise, songea Dun Eyr, et il y trouva presque à sourire.

Quel était l’artisan du bois ? Le joufflu, le revêche, les deux à la fois ? Dun Eyr n’en savait trop rien, et l’heure n’était pas aux devinettes. Il parla aux deux comparses, misant qu’un au moins comprendrait ses mots :

« Maîtres du bois, j’ai là un vieil ouvrage rompu par l’usage, et qui semble avoir atteint sa dernière course. Mais peut-être quelque génie pourra lui faire cracher, une fois encore ou deux, sa charge grondante … ? »

Il y eut un silence – un silence un peu longuet, à l’avis de Dun Eyr.
Et à la trogne interloquée des intéressés, le Haut-Prêtre en déduisit que ces Maîtres du bois, ces artisans du chêne, devaient n’avoir pour science que de maigres souvenirs ; peut-être des visions de la cabane que, bambins, ils érigèrent avec trois cordages au pied d’un pin enneigé, il y avait un siècle de cela…
Cela ne démonta pas le Lirganique, qui claironna d’une voix un peu trop enjouée :

« Vous n’êtes pas balistaires, et alors ? Je suis ciseleur de gemmes, maître polisseur, grand artisan de la Forme ! Et me voilà à ébouler des galeries comme je pourrais garder des chèvres, ou bien chasser le Makragnos dessus les collines. C’est une drôle d’époque, mais nous restons des Nains. »

Cette dernière phrase n’avait, intrinsèquement, aucun sens ; mais c’était le verbiage qui seyait pour conquérir les jeunes cœurs. Parmi les incendiaires et les porteurs de fagots, tous ou presque la remâchaient en esprit alors qu’ils s’acquittaient de leurs pénibles tâches. Dun Eyr s’était ainsi forgé une puissante aura parmi les pionniers d’Almia, depuis deux saisons qu’il trimait à leurs côtés : sa voix avait su inspirer les craintifs, ses paroles avaient transporté les hésitants, et fait tressaillir les oisifs.

Le Haut-Prêtre eut encore un regard à la baliste craquelurée, éreintée jusqu’aux arpions, et il soupira. Quand bien même les deux Maîtres du bois – ou presque ... – sauraient remettre sur roues cette machine d’ingénierie, rien ne changerait radicalement : son allonge était trop courte, Dun Eyr le savait ; et, échafaudée à plat pour se faufiler dans les galeries, la catapulte peinait à projeter bien loin ses boulets. Avec pareil engin, jamais les Nains ne perforeraient le mystère du Sang-Vert ; à peine caressaient-ils d’un doigt le désastre, à peine brisaient-ils quelques arêtes le long de la grande échine macabre qu’il leur fallait percer à jour.
Alors le Lirganique toussa, s’ébroua, et retourna à ses deux compagnons :

« Trouvez-moi quelque chose, une technique, un art. Réduisez ce débris branlant en copeaux s’il vous le faut, mais assemblez-moi quelque machine qui puisse éventrer quarante coudées de grès malade. »

Et, s’apercevant qu’il aurait été à la peine de nommer le moindre de ces deux bourges, le Haut-Prêtre leur envoya la virile bourrade des Nains, s’exclamant – soudain plus jeune d’un demi-siècle :

« Dun Eyr n’est pas un ingrat, maîtres… ? »
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MessageSujet: Re: Une arrivée pour un nouveau départ   Une arrivée pour un nouveau départ I_icon_minitimeDim 21 Oct 2012 - 15:42

« Maîtres hein ? Qu’est-ce que t’en dis Farn hein ? Alors comme ça c’est vous le célèbre Dun Eyr ? Moi c’est Mordak Krockfur, du clan Krocran, à vot’ service !... Attends je l’ai pas déjà dit un peu plus tôt ça ?... Peu importe ! Le bois c’est mon domaine mon ami, et je peux vous remettre sur pieds votre fier étalon en quelques heures si j’ai tout ce qu’il faut sous la main ! Et si vous m’en donnez plus ce ne sera pas deux-trois fois mais au moins une dizaine de fois que votre engin enverra valdinguer les pierres comme le ferait une bourrasque avec des tuiles ! … Ah oui et lui c’est Farn ! Maître en… ?»

« Peu importe. »

« Ouai, voilà, comme il dit… Euh… voilà, vous devez le connaître, il est là depuis longtemps… Bref, il me faudrait certaines pièces et des outils… Des assistants peut-être ? Farn, si tu es pas trop occupé, enfin façon de parler, je vais te laisser t’en charger. Est-ce qu’on a un forgeron qui pourrait nous faire rapidement quelques bricoles ? De la quincaillerie plus exactement. J’ai constaté qu’on manquait de clous ou ce genre de choses… Ah si Tefal était là il nous les aurait faits en un rien de temps… Pardon je pensais tout haut. Donc vous dites que vous n’avez pas de balistaire si j’ai bien compris ? Ma foi je comprends mieux l’état de la chose, ça ressemble à un prototype ou même on pourrait dire une relique. Ma foi si j’en avais les plans je pourrais vous en refaire une, probablement, et sûrement même, je pourrais la rendre bien plus résistante. Après question efficacité, je ne pourrais pas en dire autant, c’est là la limite de mes connaissances…»

« Tu es bavard aujourd’hui Mordak. Bon, je m’occupe du matériel. Au fait, il faudrait évacuer cette galerie et l’incendier d’une autre manière. Dangereux de brûler la pourriture à coup de torche. Je parle trop, je raccourci : peu d’air, poussières, fumées, vapeurs toxiques, asphyxie. Chaleur, locale, dilatation, instable effondrement. Oh ! »

« Oh ?...»

« Désolé, ce n’est rien : une folle idée, réminiscence du passé… Inutile. Sur ce j’y vais. »

Une référence au passé de la part de Farn ? Voilà qui était non seulement rare mais surprenant. Qu’est-ce qui lui était donc soudainement passé par la tête ? Il avait mentionné le fait de brûler la galerie par une autre méthode, mais il n’en avait pas dit plus. Comment bruler la galerie si on l’évacuait d’ailleurs ? Pas sûr que son idée soit en rapport direct mais il n’avait rien suggéré comme méthode.

« Bah, c’est rien, il est comme ça. Mais sans lui je pense que je ne serais plus en vie à l’heure qu’il est. Bon laissez-moi m’occuper de ce problème et allez prendre un peu de repos, vous avez l’air d’en avoir besoin ! »


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MessageSujet: Re: Une arrivée pour un nouveau départ   Une arrivée pour un nouveau départ I_icon_minitimeDim 28 Oct 2012 - 0:22

Dun Eyr, dessus son œil rendu vitreux par la fatigue, souleva un gros sourcil charbonneux. Des perles de sueur bondissaient depuis son front, chassées par la chaleur et les fumées, et allaient rouler, lourdes et grasses, jusque dans son cou et dessous sa bure effilochée. Tout son corps semblait une grosse étuve bouillonnante, comme une machinerie bruyante poussée à pleines turbines par des machinistes fous, et qui commençait de gémir par tous ses gongs ployants.

« Des assistants, grommela-t-il dans un – rare – sourire. Du bois, des pièces et des outils, éh… ? »

Le Haut-Prêtre laissa courir un regard alentour, sur la petite cordée de Nains qui s’agitait à embraser le boyau infesté.
A trois pas de Farn, par derrière son épaule gauche, quatre Nains étaient tombés assoupis en grappe. Ceux-là avaient œuvré d’arrache-pied depuis quatre jours, perçant à même la roche pour retrouver les anciens chemins qui couraient dans la pierre ; depuis longtemps les cals avaient dévoré leurs mains, leurs ongles s'étaient brisés et leurs barbes pendouillaient, hagardes comme leurs porteurs. Ils ronflaient bruyamment, sans égard, comme les véritables éreintés.
Une odeur nauséabonde arracha Dun Eyr au spectacle des dormeurs : c’était Trogan qui revenait d’obscurs entrepôts, et il portait un cadavre putréfié de Gobelin dans chaque main. Le Haut-Prêtre ne sourcillait même plus à voir ainsi apportées ces charognes rongées par les vers ; le Gobelin brûlait fort bien, et ses os crachotaient de rudes flammes. Et puis, dans ces temps de vendetta, la hache des Nains s’abattait bien plus souvent sur un Vertegueule que sur un saule ou encore un orme.
Trogan, la mine sombre, eut un hochement de tête pour Dun Eyr, puis il disparut dans le boyau empuanti ; sa triste moisson oubliait ça et là des éclats de cervelles, ou quelques dents. Les Nains pouvaient s’accommoder de bien des choses, mais jamais ils ne se feraient à cette odeur.
Enfin…

Le Lirganique revint à Mordak et à Farn, s’offrit un nouveau sourire – décidément, il souriait de plus en plus souvent : deux fois la même journée ! – et leur lança, mi-rieur mi-amer :

« J’ai peur que vous n’ayez à rafistoler les débris de cette épave, maîtres de Krocran. Le bois ne se trouve pas sous le sabot d’une biquette ; et quand bien même cela eût été tel, vous écumeriez trois jours toute l’Almia nouvelle sans trouver l’ombre d’une chèvre. Et pour les assistants, allez les demander aux ours, aux Vertegueules ou bien aux insoumis du Nord ; si quelques os vous tombent sous la pogne, vous pourrez bien y tailler des outils. »

Dun Eyr eut un regard aux débris de la baliste, encore maintenus ensemble par une étrange fortune ; mais les branloires commençaient déjà à ployer.
Trois jours plus tôt, à peine plus, le Haut-Prêtre ne se serait pas embarrassé de faire redresser la catapulte par des artisans du bois ; trois jours plus tôt, les runes de Lirgan auraient contraint le bois à tenir une joute encore, et la pierre à rouler le long du scorpion sans rompre ses poutrelles de soutènement. Mais trois jours plus tôt, le Haut-Prêtre ne doutait pas qu’il était Haut-Prêtre ; trois jours plus tôt, le Moqueur réservait ses moqueries aux autres qu’à son héraut véritable…

Le Nain grogna, mais claironna alors à ses deux compagnons artisans :

« Les artisans et le bois, cela ne se trouve pas dans ma besace, amis ; mais quant aux plans de cette ingénierie, alors là, j’ai quelque talent ! »

C’était risqué – non, à la vérité, c’est folie.
Dun Eyr tira son stylet de sa besace, s’accroupit sur le sol de crasse et de poussière ; et là, de quelques gestes bien connus, il élabora un entrelacs de belles runes. Oh, il n’y avait rien de bien savant, et le moindre Premier Disciple des temps jadis aurait griffonné les mêmes arabesques.
Mais là, pourtant, engoncée entre la courbe d’une Briessa et la rudesse d’un Rodmin, se profilait le galbe insondable d’une veille rune de Lirgan ; un dessin si antique, et si connu de la main du Haut-Prêtre, qu’il resta une seconde à s’étonner d’avoir tremblé lors de tracer la troisième boucle.
Ce n’était rien – du moins l’espérait-il.

Alors, à demi-courbé, le Nain l’écacha d’un vif revers ; et, étrangement, il s’entendit lancer à Farn et à Mordak :

« Reculez-vous… »

Sur le sol, les runes se débattaient pour accoucher de leur fardeau magique. C’était toujours la même danse blanche et énigmatique, le trémoussement des runes discordantes qui cherchaient leur tempo commun ; comme une étrange hybridation, les trois harmonies des dieux s’accordaient péniblement sur le sol de poussière noire.
Ah ! Quelque chose s’ébauchait : là, une ombre ; là, trois courbes et deux tracés. Le tout s’étendait, s’allongeait, comme voulant prendre d’assaut les godillots ferrés du Haut-Prêtre. Celui-ci, campé sur la pierre, regardait avec suspicion son œuvre incertaine se contorsionner comme une bête difforme ; mais peu à peu, le doute reflua, la certitude reprit ses droits. Et puis, une grande joie saisit finalement le Nain.
Un large plan, bien croisé et clairement dessiné, s’étendait maintenant sur trois pieds à la gauche de la baliste effondrée. Là s’étalaient et se détaillaient tous les rouages, toutes les encoches et les entailles de l’excavatrice ; certains contours avaient trembloté, certaines courbes semblaient ivres, mais enfin l’essentiel était là.
D’un maître de magie, Dun Eyr aurait été banni de son office de Haut-Prêtre. Mais là, il ne s’agissait que de tracer un plan pour deux profanes, deux rustauds dans les sphères arcaniques…

Dun Eyr était plus heureux de sa modeste gribouille, que s’il avait élevé une cathédrale entière avec trois pierres seulement. L’œil dansant, il pointa de la main son esquisse encore vibrionnante de magie, et s’exclama bien haut :

« Voilà votre plan, messires ! Griffonez-le, tordez-le, biffez-le ; et s’il vous vient une formidable inspiration, trouvez-moi comment moins de bois pourrait propulser plus de pierre. »

Le cœur de Dun Eyr était soudain léger ; la sueur qui le raidissait, les journées sans répit qui pesaient sur ses os, et jusqu’à la puanteur lugubre du charnier des Gobelins-combustibles – tout cela lui était bien indifférent maintenant. Ses troubles magiques avaient été solutionnés.
Ou plus honnêtement, ils étaient repoussés à d’autres calendes ; plus ou moins pressantes celles-là, le Lirganique n’aurait pas su dire.
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Mafraya Dureroche
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MessageSujet: Re: Une arrivée pour un nouveau départ   Une arrivée pour un nouveau départ I_icon_minitimeSam 3 Nov 2012 - 22:12

A dire vrai, Mordak n’était pas arrivé depuis longtemps et bien qu’il se rende compte de la situation générale, il y avait des choses qu’il n’avait pas encore bien appréhendé. En effet, il était bien sûr évident qu’un nain était têtu et n’abandonnait sa vie que s’il n’avait pas le choix… Qu’un nain soit fier, qu’un nain soit acharné, qu’un nain soit grognon et égoïste, tout ça n’était qu’évidence. Par contre, un nain n’est pas fou. Alors qu’un nain puisse s’acharner par pure fierté pour une tache plus grande que la montagne originelle, une tâche qu’on qualifierait d’ailleurs de « vouée à l’échec », dépassant ses propres ambitions personnelles, et de surcroit en connaissant les risques, c’était plus qu’étrange… Il y avait une limite à la bonne volonté. Cependant, il pouvait concevoir la chose s’il y avait derrière cet élan une volonté supérieure… non pas supérieure, mais interprétée comme telle : une volonté de groupe, une volonté de groupe forgée, façonnée, à partir de fragments éparses disséminés, à partir de miettes éparpillées, de la poussière précieuse incrustée dans la roche particulièrement solide qu’est l’esprit nain. Peu importe que la roche soit dure, il avait déjà vu le phénomène sur l’île volcanique. Il suffit qu’un alchimiste trouve sa faiblesse et il vous en extrait le métal, et comme une pierre philosophale, vous change de la matière brute en or, en recouvrant simplement la roche par une bonne couche brillante pour en obstruer les irrégularités et donné l’impression d’une belle pépite. Le temps et la patiente diront ensuite si le métal s’incruste durablement ou si le plaqué est trop fin et finit par disparaître…

Mordak réalisa soudain qu’il avait en face de lui un individu qui semblait être ce genre d’alchimiste. Dun Eyr n’était pas là depuis le tout début, et Farn était peut-être arrivé bien avant mais vu qu’il n’était pas bavard, il ne pouvait pas lui avoir raconté comment les choses se déroulaient avant son arrivée. Déjà que l’on pouvait considérer cet endroit comme un chaos, c’était encore bien pire avant.

En tout cas, c’était la première fois que Mordak rencontrait ce Dun Eyr et son attitude étrange, et son leadership alors qu’il était tout couvert de poussière finirent par avoir leur effet sur lui. Lui qui était un bon orateur, qui avait mené les échappés de l’île grâce à son charisme, se rendait compte qu’il aurait peut-être fallu avoir quelqu’un d’autre, –peut-être quelqu’un comme ce Dun Eyr ?– afin de mener la troupe. Oui car, ils avaient survécus certes… à quatre sur plus d’une centaine au départ. Mordak aurait voulu sauver tout le monde bien sûr, mais il n’était pas du genre à sacrifier sciemment quelqu’un ou à le pousser dans ses derniers efforts si c’était pour permettre à trois compagnons de finir le voyage à sa place… Il avait tout ce qu’il avait pu, il ne s’en serait jamais cru capable d’ailleurs avant de s’y retrouver confronter… Alors à présent il n’allait pas faire son difficile. La situation était beaucoup plus « désastreuse » qu’elle ne lui avait parue, les nains étaient poussés à bout (ou se poussaient à bout de leur « propre volonté » sans qu’ils ne le sachent) alors Mordak n’allait pas se relâcher, bien que cela n’ait jamais été son intention. Non, il ferait de son mieux comme cette fois-là. Il pouvait faire son grognon pour la forme, mais dans une telle « volonté de groupe » ce n’était pas utile. Quoi il n’y avait pas de matériel ? Et ce bois gâché pour consolider les galeries qu’on allait de toute façon brûler ? Quoi il n’y avait pas d’outils ? Quoi pas de quincaillerie ? Quoi il n’y avait personne pour en fabriquer ? Quoi tout le monde était trop « occupé » pour s’occuper d’un problème de premier plan ? Hein ? Qu’est-ce qu’ils espéraient faire sans cette foutue machine à lancer des pierres, ils y avaient pensés ? Heureusement que Farn était toujours calme. Celui-ci ne bougea même pas un sourcil, pas même lorsque le runiste qu’il avait devant lui pratiqua sa magie d’une façon originale.

Dun Eyr était rude dans ses propos, ce qui en même temps renforçait son leadership. Mais Mordak pris cela comme un défi, un grand défi, un défi à la hauteur de prétentions, un défi à la mesure de ses compétences, un défi comme il l’attendait depuis qu’il était arrivé ici ! Un défi qui allait le sortir de la sourde dépression qui l’obligeait à devenir trop généreux en paroles afin de penser à d’autres choses que les choses qui rongeaient son subconscient et dont, par définition, il n’avait pas conscience. Enfin, il allait pouvoir satisfaire son ego ! Et avec ce plan gravé dans la roche sous la couche de poussière, il avait tout e qu’il fallait ou presque : quelques outils seraient nécessaires tout de même, mais Farn avait dit qu’il s’en occupait, et lorsque Farn disait une chose il la faisait. Mordak fut alors prit d’un rictus, presqu’une toux, qui se transforma en un rire d’abord nerveux puis franc mais clairement sarcastique.

« kHum khum Hin hin, ha ha ha ! HA HA HA HA HA ! J’accepte ce défi Maître Dun ! Lorsque j’en airai terminé avec la bête, vous ne la reconnaîtrez plus mais vous m’en direz des nouvelles ! … Farn, tu as l’intention de m’aider ou tu as plus important à faire ? »

« Je m’en arrangerai. »

« Parfait, alors l’affaire est conclue ! La seule chose que je ne vous promets pas, c’est de vous produire quelque chose durant le temps de cuisson optimal d’une biquette aux ognons, mais je suppose qu’avec tout le bazar qu’il y a déjà à s’occuper, ce n’est pas urgent à ce point. Je viendrai vous trouver lorsque j’en aurai terminé. »


Sur ce, Mordak jeta à nouveau un regard sur le plan… Oui, c’était parfait, il allait comme ça démonter tout l’engin et optimiser le tout. De toute façon il n’y avait pas le choix à cause de la poutre brisée. Il manquait d’outils mais heureusement, il avait toujours ses affaires de travail près de lui, enfin, en l’occurrence près de sa femme. Une scie, un marteau, ses outils pour tailler le bois, il allait se débrouiller. Travailler le bois, tailler des planches, fabriquer des pièces de bois fines, créer des encoches, creuser des points d’ancrage, assembler les pièces, tout ça c’était son métier ! Et ça faisait des années que ses mains le démangeaient !
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MessageSujet: Re: Une arrivée pour un nouveau départ   Une arrivée pour un nouveau départ I_icon_minitimeMer 7 Nov 2012 - 1:14

Le regard du Nain s’accrochait pesamment à ses lignes runiques, alors étirées et éployées sur le sol, parmi la poussière, les cendres et la crasse. C’était encore de la magie, à n’en point douter ; et, si l’on oubliait un instant les lignes parfois tremblotantes, l’ouvrage était honorable. Cela s’entrelaçait fort élégamment, et prenait même de bien audacieuses proportions ; il fallait un Prêtre à l’esprit fort riche pour étendre une telle vastité d’arcanes au travers du sol.
Mais pourtant, quelque chose sonnait faux ; ou plutôt, aucun son ne chantait. Le doux tintement dansant dans l’air, le cliquetis comme parfait des runes recourbées et pleines, ne s’était pas fait entendre cette fois ; c’aurait été comme une grande pitance magique, un sacrifice aux divins, et que le Moqueur aurait boudé par son absence. Cela apparaissait à Dun Eyr comme un grand festin qu’aucun hôte céleste n’avait daigné honorer ; les mets alors pendaient, creux quoique beaux, vides quoique dorés, et les mouches de l’ennui commençaient de bombiner autour.

Le Haut-Prêtre déglutit longuement. Une longue suée glacée lui roulait entre ses larges omoplates, coulant avec peine dans le duvet de crasse qui recouvrait le Nain ; comme une bête à demi-engluée par la toile d’araignée, la gouttelette terrible roulait et tourneboulait pour parvenir au bas du dos du Prêtre. L’espace d’un instant, l’esprit du Nain fut tout à ce ruissellement sur sa peau tannée par les siècles et la roche ; puis il oublia, et revint à la galerie, au feu, et aux deux Nains qui se tenaient devant lui.
Ils le regardaient ; qu’attendaient-ils ? Avaient-ils seulement dit quelque parole ? Dun Eyr n’en aurait rien su dire ; son âme flottait en quête du Ciseleur, quelque part loin de cette puanteur. Il fallut au Religieux de grands harpons à encoches pour ramener son attention six pieds sous terre, là où Almis renaissait.
Hébété, presque sonné, le Nain ouvrit la bouche. Une langue pâteuse, enflée par la chaleur et la soif, se promena autour des lèvres, roula sur les commissures. Quelques accents gutturaux plongèrent depuis la gorge :

« C’est… parfait, je … Maîtres Nains, c’est… »

Les pensées tourbillonnaient, hagardes, dans les méninges rompues du Nain. Quelques phrases rivalisaient, boiteuses et chancelantes, à venir à l’oreille de ses comparses ; aucun n’était bien probante, elles se rompaient les pattes dans l’air suffoquant de la galerie.
Un regard affolé du Nain embrassa les alentours ; ce n’était pas ce à quoi il avait accoutumé ces Nains. Dun Eyr ne se comportait pas ainsi ; le Lirganique claironnait des ordres, bondissait d’un tunnel à l’autre, envoyait bourrades sur bourrades aux excavateurs harassés – et le soir, debout sur trois rondins de pierre, il était le premier à entonner leur antiques refrains des anciens jours.

Le Nain pantelant se ressaisit, s’ébroua et toussa bien fort ; il porta la main droite à sa barbe, et la secoua en tous sens, comme le vieux Karn lui avait appris il y a bien longtemps. Le capillaire fait tout chez le Nain : déjà, ses pensées revenaient dans leur bon ordre, tout s’éclairait comme si on eût dans ses esprits embrumés apporté soudain une chandelle.
Un sourire pointa sur les lèvres du Nain, découvrant ses grandes dents comme des stèles. Le Haut-Prêtre partit d’un grand rire, et lança une bourrade à Mordak comme seuls les Nains savaient le faire ; pour Farn, le moins loquace de la paire, le Lirganique eut un clin d’œil qui fit frétiller ses gros sourcils comme du charbon.

Et brusquement la parole était revenue, joviale comme avant ; et d’une grande voix, le Nain clama :

« Mes compliments, messires Nains ! Un tonnelet en perce quand une baliste robuste se tiendra là ! »

Et, sur le ton de la demi-confidence, Dun Eyr se pencha vers Mordark et son compagnon, et à l’oreille du premier il glissa :

« J’ai un baril de Rouge d’Hautval, pour les grands moments… ! »

Peu importait que ce soit faux, peu importait que ce soit un mensonge idiot ; l’effet était là. Alors, tout sourire sous sa crasse presque solidifiée – elle partait comme par croûtes – le Nain envoya une dernière œillade à ses comparses, et puis il s’en fut. Quelques mots à Trogan, qui veillait à l’ignoble charnier à vingt pas de là ; l’accolade à un vieil excavateur qui reposait, pantelant, contre un rocher de gros grès ; alors Dun Eyr disparut dans la trouée.

Vers d’autres tâches, songeaient les Nains-là ; d’autres gouffres et d’autres balistes, d’autres tunnels rendus sinoples par le Sang-Vert. Ou bien vers d’autres affaires urgentes ?
Dun Eyr avait l’œil sombre sous son sourire — vers des soucis, en tout cas.
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MessageSujet: Re: Une arrivée pour un nouveau départ   Une arrivée pour un nouveau départ I_icon_minitimeDim 11 Nov 2012 - 19:32

Un baril de Roude d’Hautval hein ? Mordak n’y connaissait rien en matière de vin mais il devait s’agir d’un cru fameux. Avait-il dit cela pour l’encourager ou bien parce qu’il estimait que la remise en état de la baliste serait un grand moment ? A vrai dire, cela n’avait aucune importance pour le façonneur de bois. Cela n’altéra pas son excitation plus que ça. Tout ce qui lui importait à présent était d’entamer le travail. Mais avant cela, il lui fallait récupérer ses outils.

Mordak laissa donc là l’épave, elle ne risquait pas de bouger de toute façon, puis alla chercher son matériel ainsi que sa compagne.

Farn partit faire sa part de travail en allant trouver Bron et tenter de collecter tout ce qui pouvait s’avérer utile à son camarade. Après quoi, il retournerait à d’autres affaires tout aussi importantes qu’il avait laissées dans une autre galerie. Son idée saugrenue lui revint en mémoire, mais il savait qu’ils ne disposaient pas du matériel pour fabriquer la chose. Cette chose devait permettre à ‘importe quel un ‘nainpotent’ de se transformer en quelque chose d’extraordinairement dangereux. Dommage qu’ils manquent de matériel car même un prototype bricolé serait des plus utiles… Il avait à l’esprit qu’une telle machine pouvait vite se transformer en une arme redoutable capable de rivaliser avec un puissant mage… Il avait même un nom, ou même plusieurs à l’esprit pour cette invention surgissant des méandres de sa mémoire, des noms très évocateurs de son pouvoir : l’embraseur, le calcinateur. Le flambeur… Seulement, Farn se souvenait du terrible accident qu’une de ses inventions avait engendré. Il s’était d’ailleurs exilé et avait changé de vie à cause de cela afin d’éviter que son génie ne crée plus de mal. Mais regardez où son exil l’avait mené ? Sur une île perdue peuplée de fanatiques voulant massacrer leurs frères et reconquérir la nanie. Son refus d’obtempérer l’envoya à la mine et finalement, la suite advint et il fut libéré pour revenir droit vers son passé après tant d’années pour lesquelles il avait oublié le compte. Toutefois il avait bien changé depuis. Si autrefois il se serait précipité pour se mettre au travail, comme Mordak avec la baliste, aujourd’hui il refoulait tout cela au fond de son crâne. Il fallait dire que sa « cure de désintoxication » avait fonctionnée. La sobriété était vraiment une terrible chose pour les nains mais pouvait également se révéler une thérapie. Voilà pourquoi il ne buvait que rarement la moindre bière, généralement lorsqu’il était vraiment contrarié par quelque chose…

--------------------

Mordak se mit au travail avec force concentration. Sa femme l’aidait comme elle pouvait en effectuant des taches simples à sa demande. Farn revint lui apporter quelques bricoles de quincaillerie plus ou moins rouillée et à peine utile qu’il avait pu trouver, c’était toujours ça. Il lui confia également quelques mots puis repartit.

« Graver des runes hein ? Ce n’est pas comme si je savais pratiquer la magie runique. J’ai bien peur qu’elles ne servent qu’à décorer. Mais bon, ce n’est pas comme si je n’avais jamais gravé des runes sur mes œuvres. J’ai toujours pensé que la simple présence de mots de puissance suffisait à imprégner l’objet, si ce n’est de magie, du moins de l’esprit, ou de l’état d’esprit de celui qui l’a façonné. N’est-ce pas Aldna ? »

Celle-ci tourna la tête vers lui et le gratifia d’un sourire niait. Avait-elle compris ? Ce n’était pas vraiment important.

Il ne fallut pas très longtemps à Mordak pour démonter la carcasse. Ensuite, il lui fallut songer à réparer, renforcer ce qui pouvait l’être, transformer ce qui ne le pouvait pas, puis modifier ce plan, ce qui était la partie la plus essentielle avant d’entamer quelque travaux que ce soit afin de ne pas fournir un labeur inutile et de refabriquer quelque chose d’inutile.

Les nains passaient et le contournaient sans trop se soucier de lui, ils avaient trop à faire. Mais si quelqu’un prenait la peine de le regarder, il pourrait le prendre pour un fou à rester assis à même le sol et l’air absent ou à tracer à quatre pattes des traits incompréhensibles dans la poussière en marmonnant.

« Ne touchez pas à ça triple imbéciles !!! »

Trouvant là un tas de bois miraculeux pouvant servir à on ne sait quelle combustion inutile, deux nains avaient commencé à se saisir de morceaux de poutres. N’ayant même pas remarqué Mordak l’instant suivant, ils furent tellement surpris qu’ils en lâchèrent leur butin. Ils se regardèrent quelques secondes tout en évitant le regard furieux posé sur eux, puis reculèrent de quelques pas avant de repartir sans comprendre ce qu’il venait de se passer. Comme si cette interruption n’avait pas interférée avec ses réflexions, Mordak se remit à ruminer le nez plongé dans la poussière.

De nombreuses fois, le nain ramassa une pièce, la tourna dans ses mains, traça des traits dessus au fusain, la reposa, marmonna, marmonna encore puis saisit la même pièce à nouveau pour effacer des traits et en tracer d’autres. Combien de temps s’écoula ? Farn revint voir où il en était et le trouva tellement concentré sur ce qu’il faisait qu’il n’osa pas le déranger. Il lui posa quelques bricoles à côté de lui : une grosse bougie entamée, un silex, un bout de corde usée, un morceau de toile, deux clous tordus, quelques bouts de cuir et une grosse écharde de bois résultant probablement d’une vielle poutre. Il repartit donc sans un mot sous le regard interrogatif d’Aldna.

Oui, on aurait pu le croire dément. Mordak parfois ricanait dans sa barbe entre deux grommellements et marmonnements si bien que plus personne après les deux « intrépides » n’osa déranger ce fou et cette imbécile avec leur puzzle de bois. De plus, une consigne leur était parvenue de ne pas le faire. Farn repassa pour déposer également quelques bricoles à grignoter à intervalle régulier après avoir constaté après son premier passage que son camarade était trop absorbé pour songer à manger. Il se rappelait du calvaire lorsqu’ils n’avaient rien mangé depuis trois jours et que Mordak était toujours aussi concentré et qu’il dû prendre la relève lorsqu’il s’écroula d’épuisement dès qu’ils trouvèrent de quoi se nourrir.

Les nains qui allaient et venaient régulièrement finirent par entrevoir quelque chose en train de prendre forme à chacun de leur passage. Apparemment, le montage fut beaucoup plus rapide que le temps que Mordak passa à travailler les plans et à rabouter ou façonner les pièces, ce qui en réalité était parfaitement logique. Ici une clé, ici une roue dentée, là une poutrelle, là un emboitement précis, ce fut un travail acharné de minutie et pourtant de rapidité vu les circonstances.

Un autre jour plus tard, (dans ces galeries on perdait la notion du temps, qui sait combien de temps avait passé ?), Farn repassa et comme « attendu », il retrouva son camarade effondré dans la poussière, un bras encore posé sur l’œuvre qu’il avait réalisée. Sa femme, aussi crasseuse que lui, était endormie à côté de lui. Bien qu’il fasse sombre, l’engin émettait une sorte d’aura intrigante à la lueur vacillante des maigres torches de braises. Comparée à ce que ce qu’elle était avant, la baliste/catapulte avait fortement diminué en taille, peut-être bien de moitié. Pourtant, là où trônait clairement une épave prête à céder auparavant, se tenait un engin à l’air robuste, qu’on pourrait même croire neuf en comparaison, –ce qu’il était d’ailleurs, littéralement– et surtout : prêt à l’emploi, prêt à cracher du rock ! Les modifications que Mordak avait effectuées n’étaient pas toutes clairement visible, bien que l’engin ne ressemblait presque plus à ce qu’il était auparavant, mais il avait sacrifié la capacité de chargement et donc le poids et la force en résultant par la puissance de la vitesse. La nouvelle machine, avec ses nouvelles caractéristiques et sa taille réduite ne pouvait donc plus balancer cent kilos de rocaille, si toutefois elle en avait été un jour capable. Toutefois, la détente lui permettait de compenser le rapport de force par la vitesse de propulsion. Ainsi, un boulet de pierre de quinze bons kilos devrait en toute théorie avoir à peu près le même pouvoir destructeur qu’un rock deux à trois fois plus lourd, ajoutez à cela plus de précision. Si l’engin avait perdu en taille, il n’avait pas perdu en densité d’éléments. Tout ou presque avait été recyclé de l’ancienne machine. Mordak avait créé des emboitements solides entre les pièces de bois en les taillant correctement et avait réutilisé les clous et autres vis à d’autres fins plus utiles. Tout ce que Farn lui avait apporté comme bricole s’était retrouvé partie intégrante de la machine, en particulier pour les mécanismes. Le cuir en lanières pour lier les engrenages, les toiles et tissus pour le soutient de la charge mais aussi pour le mécanisme de soufflé inspiré de la forge de son ami Tefal, la cire pour consolider et isoler certaines parties, la vielle graisse, presque de la poix, pour renforcer les cordages effrités etc…Il avait ajouté pas mal de mécanisme, des contrepoids, des pièces de soutènement, des pièces d’amortis… Ne restait qu’à tester son œuvre. Si celle-ci se révélait à la hauteur de ses attentes, alors il pourrait ajouter « balistaire » à ses compétences.

Farn contempla quelques instants de plus l’œuvre de son camarade et remarqua les runes gravées très visiblement à certains endroits. On pouvait ainsi deviner l’importance des pièces qui les portaient, comme si on avait là la description des éléments clés, des parties estimée comme principales dans la machine. Farn réveilla son ami.

« Hein, quoi ? Ah… Je me suis endormi ?... Combien de temps j’ai… Ah ! Mais j’ai fini Farn ! Ça y est ! Tu vois ça ? J’ai hâte de la tester ! »

« Hum. Je vais chercher Dun Eyr et quelques gars pour la transporter. »

« Oui, fais-donc s’il te plait. »

Farn repartit donc chercher le haut prêtre et Mordak attendit, vérifiant encore une fois son œuvre dans les moindres détails pour s’assurer que tout était terminé selon ses plans, puis s’assis de nouveau dans la poussière, à côté de sa femme toujours endormie.
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Dun Eyr
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MessageSujet: Re: Une arrivée pour un nouveau départ   Une arrivée pour un nouveau départ I_icon_minitimeSam 22 Déc 2012 - 17:50

« Il marmonne tout seul dans la poussière !... tempêtait Frathor de la Milice nouvelle. Il est sale et sa moitié est à moitié plus sale que lui encore. Dun Eyr, cela commence à grogner dans les galeries de l’Ouest ; il faut comprendre, Haut-Prêtre, figure-toi l’exemple pour les marmots... »

Le Lirganique leva les yeux vers le brave milicien ; la main droite du Haut-Prêtre était crispée sur un godet de mauvaise Brune d’Alonna, et ses doigts en tapotaient furieusement le rebord de bois fendu. Le Baron Kastelord avait beau clamer que l’avenir des Nains était sur ses terres, ce n’était pas avec du houblon si crasse qu’il attirerait les Fils de la Montagne ; et si le souci du moment n’était pas l’onctuosité du picrate que descendaient les Nains, cela n’ajoutait rien de bon à l’humeur noire de Dun Eyr.

« Les marmots, Frathor, cela n’est pas le problème d’Almia ; des marmots, il n’y en a plus sous la terre ... »

Voilà cinq jours que Dun Eyr avait conclu avec un certain Mordak, et ses drôles de comparses — l’une au crâne fendu, l’autre aimable comme un Makragnos pris en chasse — que la baliste serait retapée. Nul mieux que le Haut-Prêtre n’aurait su dire tout l’enjeu que représentait ce reliquat d’onagre tout branlant et craquelant : si l’ingénieur de fortune de parvenait pas à réassembler les poutrelles et les battants en un scorpion qui soit robuste, jamais Almia ne pourrait enrayer la peste du Sang Vert qui grignotait ses flancs et rongeait ses boyaux. Partout, la pierre verdissait, se flétrissait ; les galeries du Sud menaçaient d’éboulement, et déjà les deuxièmes et troisièmes profondeurs semblaient être englouties.
Mais enfin, si les créateurs sont des farfelus — et le Héraut de Lirgan en savait long là-dessus — il n’avait jamais été stipulé que réparer une baliste entraînait qu’on ricanât dans la fange ; du moins, pas à la connaissance du Nain...

« Entendu, Frathor, toussa Dun Eyr. Rassemble quelques bras, Almia n’a pas besoin qu’on marmonne dans sa poussière... »

Une ombre passa sur le visage du Nain ; déjà, il le regrettait. Ce Mordak lui avait pourtant semblé un Nain de bonne naissance...


* * * *


Ils étaient ainsi cinq, l’œil sombre et les bras larges, à venir derrière Dun Eyr tandis que celui-ci dévalait les galeries occidentales dans le petit matin ; quoique, matin, c’était là une notion devenue un peu floue pour qui n’avait pas humé les vents de la surface depuis une pleine saison — mais enfin, à entendre la vermine gratouiller de plus belle dans tous les interstices, cela rappelait au Haut-Prêtre quelque chose comme le petit matin.

« Pas de grabuge, pas de bagarre de tavernier, claironna le Lirganique par-dessus son épaule, à Frathor et ses quatre portefaix. On n’écharpe pas de Nain dans l’Almia ; les sauvages des Clans du Nord nous embûchent déjà bien assez comme cela. »

Les six Nains arpentaient à pas soutenus la roche ; quelques visages hagards, à demi-surpris dans leur fatigue, regardaient passer cette petite équipée aux mines résolues. En chemin, Dun Eyr buta sur le dénommé Farn, qui semblait le chercher. Ce dernier n’était jamais bien loquace : il ne dit pas un mot sur les marmonnements, ni sur les raisons de ceux-ci, et ses quelques rares paroles furent pour dire que Mordak souhaitait voir Dun Eyr ; hasard incroyablement chanceux, le souhait était tout à fait réciproque.
La marche des six Nains — désormais sept, ce muet de Farn marchant avec eux, à quelques pas sur le côté — n’avait pas molli en rythme, et les galeries de l’Ouest touchaient à leur terme. Le chemin se faisait plus encombré, des gravats hérissaient le sol que nul n’avait eu le temps de déblayer ; çà et là, quelques étançons manquaient. Quelques pas encore, un coude sur la gauche, et leur odyssée prit fin dans la même cavité où Dun Eyr avait laissé la baliste et son thérapeute, quelque cinq jours plus tôt.

Le Haut-Prêtre stoppa net des deux talons. Rien n’avait bougé de la cavité : là se tenait Mordak, à trois pas devant sa femme Aldna ; et derrière trônait la baliste. Mais pourtant, ces cinq jours de labeur avaient bien métamorphosé toute la caverne.
La saleté frappa en premier les yeux de Dun Eyr : le couple se tenait là, hirsute, couvert de crasse et de poussière de pierre ; leurs cheveux pendaient lamentablement, et les yeux de Mordak semblaient doucement pris de folie dans leurs orbites. Ces deux silhouettes hagardes rappelaient au Lirganique les fugitifs qui, de temps à autre, venaient tambouriner à la porte de bois de l’Almia nouvelle ; le vent et la faim avaient creusé leurs joues, émacié leurs visages, et parfois les ours ou les sauvages leur avaient laissé quelques balafres effroyables pour se rappeler à leur bon souvenir.
Mais la crasse fut oubliée bien vite, aussitôt que Dun Eyr eut aperçu l’éclat de la baliste qui, désormais, s’élevait avec robustesse derrière les deux Nains. En apparence, on l’avait amputée de moitié, et sa stature aurait pu sembler misérable à un ignare de la poliorcétique ; mais Dun Eyr avait parcouru jusqu’aux Baronnies péninsulaires pour apprendre le maniement des trébuchets en tout genre, et ce cracheur-là ne dénoterait pas au milieu des meilleures pièces des Humains. Le regard du Haut-Prêtre s’attarda sur les poutrelles retaillées et biseautées, la poulie ciselée comme neuve ; et le chanvre, qui ne paraissait plus effiloché, était déjà tendu et prêt à faire feu.

« Voilà une vraie baliste de Nain, lança chaleureusement Dun Eyr à Mordak. Trapue et râblée, mais robuste comme nous ! »

Le Haut-Prêtre fit quelques pas vers l’arme d’excavation, et sa main s’abattit en une bourrade emmourachée sur l’épaule de l’ingénieur, qui semblait si affaibli par le labeur qu’il aurait pu s’écrouler sous le coup. Derrière le Lirganique, les cinq nervis semblaient bêtas avec leurs bras gonflés et apprêtés pour la chicane ; ailleurs dans la caverne, on commençait à s’amasser et à contempler l’objet, et toutes les barbes s’agitaient pour commenter le beau travail. L’exploit de Mordak redonnait à chacun l’envie d’œuvrer pour l’Almia, et à Dun Eyr le premier.
Le Lirganique ne fut pas long à lancer ses ordres :

« Frathor, prends tes mastocs et mettez en place la baliste. Et toi, ajouta Dun Eyr à l’adresse d’un désoeuvré, va trouver Tobard Triple-Gosier aux cuisines, qu’il mette un tonnelet de Rouge en perce ! »

Tout ce petit monde s’activa dans la minute ; quant à Dun Eyr, ayant craché dans ses paumes, il partit lui-même à la recherche d’un projectile digne de ce nom pour étrenner le nouvel onagre. Le caillou était rondelet, poli par trois côtés, idéal pour fracturer la roche empoisonnée ; et le Lirganique l’abattit précautionneusement dans l’encoche de la baliste, derrière le crochet et le chanvre bandé.

« Maître Mordak Faiseur-de-Bois, s’exclama le Haut-Prêtre en se retournant, à toi l’honneur ; fais-nous cracher cette baliste à en ébranler la Montagne et assourdir les Vertegueules. »

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