Lettre au marquis

Jérôme avait reçu des nouvelles de Serramire, il semblait que le marquis avait retrouvé la santé, ce qui aurait pu être une bonne nouvelle s'il n'avait pas su dans la suite que le seigneur levait son ban pour marcher contre lui. Quelle surprise que voila d'un homme qui semblait honnête et intègre qui se dressait maintenant contre quelqu'un avec qui il avait eut bonne entente et dont les vœux étaient les mêmes. Surement une personne mal intentionnée lui avait retourné le cerveau. Le baron prit donc comme de coutume un vélin et de l'encre avant d'y tremper sa plume et d'écrire. Les délais d'acheminement étant long, Jérôme envoya son courrier à Jared, le châtelain de Montévlin, par pigeon, raccourcissant la voyage de façon drastique. Il était en effet le plus proche en qui il avait confiance pour faire parvenir son courrier au marquis, surtout qu'il apparaissait que Aymeric de Brochant semblait marcher vers les monts d'or, nul doute qu'il passerait proche de Montévlin si ce n'est directement par cette châtellenie. Il y avait en fait trois courriers, le premier étant pour Jared, le second pour le marquis et un troisième pour la famille Versmilia. Dans celui de Jared, Jérôme expliquait à son vassal qu'il ne devait en aucun cas se mettre en travers du chemin de Brochant sauf pour se défendre en cas d'attaque.

Jérôme a écrit:

"Au marquis de Serramire et seigneur de Brochant Aymeric de Brochant

Votre excellence, la dernière fois que je suis venu vous rendre visite, j'ai été éconduis comme le premier des parvenus. J'avoue en avoir pris ombrage avant d'apprendre votre état de santé et de me raviser. J'ai dès lors prié la déesse mère afin qu'elle vous rende vigueur et santé alors que Serramire avait enfin trouvé un équilibre qui lui permettait de se redresser. Lorsque j'appris que mes prières semblaient avoir trouvée oreille et que votre état s'était amélioré, j'allais remercier Néera mais dans le même temps j'appris également que vous demandiez la levée du ban. Fort surpris d'apprendre cela sans nouvelle de votre part à mon égard, je m’apprêtais à vous écrire pour vous demander, en bon vassal pour Bastylle, si vous aviez besoin des troupes de ma châtellenie dans votre entreprise. Quelle ne fut pas mon désappointement, mon interrogation et ma déception lorsque j'entendis que vous comptiez marcher sur moi. La surprise est grande de constater qu'une personne, par quelque vilenie extérieure, semble vous avoir fort mal conseillé, à moins que cela ne soit qu'une erreur de jugement en raison de votre convalescence ?

J'aimerais donc connaitre la raison de votre marche à mon encontre alors que j'ai toujours bien servis votre cause, même si cela fait peu de temps et que nous semblions avoir une idée commune de ce que doit être le nord ainsi que son renouveau. Je ne doute pas que vous êtes au courant quOësgard et Alonna ont trahit la péninsule puisque c'était déjà le cas lorsque vous avez fait serment à la couronne lors des funérailles du bon régent et du roy Eliam. Vu votre état de santé et le fait que le marquis d'Odélian est décédé, c'est vers moi que la couronne s'est tourné afin de les ramener dans le droit chemin. Il n'était en effet pas très avisé de les laisser s'organiser et la nouvelle de celui qui s'était autoproclamé roy de Sgardie trépasse était une aubaine à saisir.

Vous constaterez donc que je guerroie dans l’intérêt de la couronne à laquelle vous avez vous même fait serment et afin que le nord retrouve son unité sous votre égide comme il se doit. Aussi, j'espère attirer l'honneur et la gloire sur les terres du nord qui en on plus que besoin en ces temps troublés. J'espère donc, au vu du constat que je vous fais, que votre querelle à mon égard s'en trouvera effacé et que c'est côte à côte et main dans la main que nous pacifierons ces terres. Je pense que vous avez également entendu dire que j'avais reçu le titre de comte de Sgardie par la régente, peut être est ce cela qui vous fait croire que j'ai l'intention de vous de m'émanciper. Sachez, afin de vous réconforter, que je n'ai absolument pas d'intentions déloyales à votre égard et qu'un serment à votre encontre ne me pose aucun soucis. Il est temps que le nord retrouve son unité et cela ne sera malheureusement pas possible si chaque seigneur est indépendant, cela se fera sous les règles de la féodalité.

Si vous ne comprenez pas que je sers vos intérêts en même temps que ceux de la couronne, permettez moi aussi de vous mettre en garde et de vous rappeler que vous dresser sur un maréchal de la couronne en mission équivaut à prendre les armes contre la couronne elle même et entraîne votre parjure en rompant le serment que vous lui avez fait. Les conséquences du dernier soulèvement du duché fut désastreux pour celui-ci, le rétrogradant au rang de marquisat.

Vous avez du entendre, et cela est vrai que j'ai fais un serment à la couronne mais cela était nécessaire pour garantir à cette dernière mon abnégation et puisque vous étiez souffrant, c'était la meilleure solution du moment. Lorsque nous en auront terminé avec Oësgard et fort de ce triomphe, nous pourrons alors, cote à cote, nous rendre à Diantra, auréolé de gloire. Nous pourrons alors faire valoir le prix de notre abnégation à la cause de la couronne. Nous pourrons demander d'élever de nouveau Serramire au rang de duché qui doit être le sien et nous pourrons demander également que les serments soient de nouveau sous la suzeraineté de Serramire et à votre encontre en raison de votre titre de marquis.

Je prie les cinq pour que votre jugement et votre sagesse vous mène vers la lumière de la vérité et la voie du retour du nord vers sa grandeur passée. Et même plus encore, vous et moi ainsi que les autres seigneurs, œuvrant de concert main dans la main à redorer son blason et le ramener à sa puissance légendaire.

Puisse les cinq vous bénir et veiller sur votre famille

Jérôme de Clairssac, comte d'Oësgard, baron d'Etherna, séigneur de Bastylle et d'Hiviène, fidèle serviteur

Jérôme scella ensuite le vélin de la licorne. Il ne comprenait pas très bien les velléités du marquis à son égard et il espérait que l'homme retrouverait toute sa lucidité pour constater qu'ils n'étaient pas ennemis, bien au contraire.