Alecto Eäriniel, Prince Marchand de Thaar (Terminé)

Nom/Prénom : Alecto Eäriniel
Âge/Date de naissance : 520 ans
Sexe : Masculin
Race : Elfe
Faction : Ithri'Vaan
Particularité :

Alignement : Chaotique Neutre
Métier : Prince Marchand de Thaar
Classe d'arme : Corps à Corps

Équipement :

Il privilégie les vêtements près du corps qui soulignent sa silhouette et s’habille avec goût. Foulards, long manteaux ou encore belles bottes montantes constituent sa garde robe préféré. Il possède une fine rapière qu'il sait manier. Forgée par les nains elle semble toujours aiguisée et sur sa lames sont gravées en caractère elfique son nom qui signifie Souvenirs. Il l'a fait forger il y a quelques années par caprice alors qu'il faisait une rétrospective de tout ce qu'il avait accompli. 

En dehors de ça il possède des terres, des demeures, des chevaux, des calèches, des boutiques, bref, tout ce que qu'on attend de trouver chez un des Princes Marchand de Thaar.

Description physique :

Frôlant le mètre quatre vingt dix, Alecto a hérité de la haute stature des elfes ainsi que de leur peau pâle. Son visage est fin et lisse malgré de profondes rides au coin des yeux et de sa bouche, ce qui donne à son visage un air particulièrement amer lorsqu'il est triste. Sa démarche est féline et ses grand yeux d’un incroyable vert vif. Sous ces derniers s'étirent deux traits sombres qui affinent encore plus son visage. Svelte et sec Alecto bénéficie de l’agilité typiques des elfes mais contrairement à ces derniers, ses cheveux ne sont pas blonds mais d'un roux vif.

Il s'impose un entraînement physique régulier et manie convenablement la rapière. Face à un maître il aurait peu de chance de vaincre mais contre n'importe qui d'autre ce serait un adversaire honorable. Son nez est droit et fier, ses pommettes sont hautes et ses lèvres charnues s'étirent facilement en un sourire mutin, charmeur et très communicatif. Mes dames, prenez garde, certaines se sont laissées piéger par ce sourire ! Il arbore dans son dos, au niveau de l'omoplate gauche, une petite tâche de naissance qui fait penser à une feuille. L'elfe est pourvu d’un charisme rare qui inspire la confiance et pousse les autres à le suivre, ce qui l'a beaucoup aidé dans sa vie pour conclure ses affaires. Sa voix est grave et chaude, rappelant la caresse d’un rayon de soleil par une belle journée d’été. C’est une voix agréable à entendre et qui sait prendre les intonations voulues pour amadouer et plaire, quoi de mieux me direz vous pour un marchand, mais elle sait également susciter la crainte lorsqu'elle gronde de colère.

Il apprécie tout particulièrement qu'une personne fasse également attention à sa toilette. Il n'en est pas pour autant vain, superficiel ou même dédaigneux envers ceux qui sont plus négligés, mais c'est une caractéristique qu'il apprécie toujours voir chez son interlocuteur.


Description mentale :

Il est aisé d'oublié que Alecto a plus de cinq cent ans ans tant il semble parfois insouciant. On pourrait penser qu'après toutes ces années, l'elfe ait commencé à acquérir sagesse et retenu mais il n'en est rien. Il est taquin, rieur, joueur et mutin et de manière générale il est de très bonne compagnie. Il est généreux avec ses amis et ne recherche pas le conflit à tout prix, préférant le plus souvent l'esquiver avec un bon mot ou un trait d'esprit. Compagnon de beuverie de premier choix, il aime s'amuser. Toujours friand de nouvelles expériences il n'hésite jamais longtemps avant d'essayer les nouvelles herbes hystériques ou les alcools les plus rares ou improbable, mais heureusement pour lui, il n'est jamais tombé dans l'addiction d'aucune des drogues qu'il prend à l'occasion. Cependant l'ivresse reste pour lui l'état second préféré, devant celui provoqué par les drogues et les herbes.

Cependant sous cette surface joyeuse et avenante se trouve une personnalité aussi dure que la pierre et aussi aiguisé qu'une lame. S'il est généreux avec ses amis, il est impitoyable avec ses ennemis. Il ne pardonne pas, ou rarement, les graves offenses qui lui sont faite et fera tout pour faire payer celui qui en est responsable. Déterminé, il n'hésite pas à contourner la loi quand cela l'arrange, voir à se débarrasser des plus gênants. Il l'a déjà fait par le passé et n'hésitera pas à le refaire. Il est capable d'entrer dans des rages terribles qui jurent avec le visage habituel qu'il montre à tous. Ses yeux semblent s'assombrir à ce moment là et ses rides deviennent plus saillantes, donnant un air inquiétant à son visage.

S'il fallait décrire Alecto en une phrase, ce serait que c'est un joyeux compagnon qui ne cherche qu'à satisfaire ses envies. Toujours partant pour une partie de carte, il n'hésitera pas à punir sévèrement celui qui chercherait à le voler ou le doubler.  


Capacités magiques :
Aucune si ce n'est d'être le plus grand fripon sur Miradelphia !

Histoire :

Des vignes et des verges,
Mes amours, fières et jolies,
Et de l’or dans ma main…
Pourquoi songer aux batailles,
Au tonnerre sur les montages ?
Pourquoi ces soupçons funestes ?

Les cieux grands ouverts,
M’offrent tous leurs trésors,
Tout près de ma main tendue…
Pourquoi redouter l’embuscade,
Et le poison caché ?
Pourquoi me pèsent les années ?

Des bras affectueux m’appelles,
Nus, ver leurs caprices,
Et le monde me promet ses délices…
Pourquoi me rappeler les blessures,
Et les fautes anciennes ?
Pourquoi cette peur dans mon sommeil ?

Extrait des Carnets Secrets, par Alecto Eäriniel. Quelques jours avant le Voile

Le soleil, pareil à une boule de sang dans un ciel enflammé disparaissait lentement à l’horizon, laissant la place à la lune, plaque de métal clair et froid. Il y avait une certaine poésie dans le cycle de ces deux astres : l’un ne pouvait exister sans l’autre, et pourtant, ils étaient à jamais séparés ; toujours proches mais au combien éloignés. Pour qui savait écouter, le chant silencieux qu’ils s’échangeaient dans la nuit sans air était magnifique. Alecto, en digne héritier de son sang prétendait qu'il entendait cette musique silencieuse qui emplissait sa cité.

Thaar, ville unique en son genre. On disait qu’entre ses murs de pierre on pouvait tout acheter, du diamant le plus précieux, tiré des entrailles de la terre au cœur encore fumant d’un nouveau né, des fadaises qui l’amusaient beaucoup ; mais comment ne pas l’être quand sa cité enflammait ainsi l’imagination de ceux qui n’y avaient jamais mis les pieds, mais également de ceux qui s’étaient laissés séduire par sa réputation de danger et de promesse de richesse. Ils étaient nombreux ceux qui espéraient siéger un jour au Conseil, parmi les légendaires Princes Marchands.  

Thaar, cité parmi les cités, ville qui l’avait accueilli des siècles plus tôt, qui l’avait mis à l’épreuve et qui avait récompensé son talent. La respiration frénétique de la ville, avec tout son cortège de sons et d’odeurs s’était lentement apaisée, mais dans peu de temps, la ville vivrait au pas d’un nouveau chant. Il ferait pulser son cœur de pierre au rythme intense d’un monde de la nuit qui inlassablement, se réveillait avec la disparition des derniers rayons du soleil.

Le crépuscule, instant figé, carrefour où deux mondes se croisaient sans jamais se toucher. Une voix, pareille à un écho lointain s’éleva dans le doux silence éphémère du crépuscule et la plainte d’un violon vint l’accompagner, subtil écrin de velours. Là bas, quelque part, un poète saluait ce moment éphémère, suspendu entre deux univers. Rossignol inconnu, il chantait à la gloire de cette parenthèse immatérielle, puis aussi vite qu’il s‘était élevé, l’écho s’enfuit, chassé par la montée d’une nouvelle musique, puissante, effrayante, enivrante. Elle avait le goût du sang et des excès, des rires et des larmes, du vin répandu et des herbes hystériques. Elle était le héraut de cette magnifique Dame qu’était la nuit, cette créature qui se complaisait dans la volupté et les secrets échangés à la faveur de sa protection. La musique était sourde encore, Alecto la sentait plus qu’il ne l’entendait, mais elle était bien là, dans la pierre, dans les mèches des bougies qui s’enflammaient, dans l’air chargé d’électricité et l’elfe qui s’était installé ici voilà tant d’années sentit son cœur s’unir à ce rythme sauvage et impétueux. De nouveaux acteurs faisaient leur apparition : les honnêtes gens, ou ceux qui s’approchaient le plus de cette définition à Thaar, croisés quelques instants plus tôt, dans une autre vie en réalité, étaient devenus des voleurs sournois, des amants ardents, des prostituées désabusées et des ivrognes ignorés. Un petit sourire étira lentement les lèvres du Prince Marchand. C’était Thaar, son fief, et même pour tout l’or du monde il ne l’aurait quitté.

Eäriniel, un nom bien connu des habitants de Thaar et ce depuis de nombreuses années maintenant. C’était un nom puissant qui dépassait les frontières de la ville aux milles vices. C’était un nom craint par certain, aimé par d’autres et pour les derniers, il était assez honnête pour le reconnaître, il ne représentait rien. Enfin, c’était un nom qui existait depuis des siècles mais n’appartenait qu’à une seule personne. C’était le nom du seul Prince Marchand qui soit elfe. Il y avait bien la jeune Milynéa, et il devait admettre que la petite méritait sa place parmi les Princes, mais même si le sang elfe était puissant chez elle, elle restait une métisse, une “impure“ pour les plus à cheval sur ce genre de chose. Aussi Alecto était il le seul à pouvoir prétendre à cet honneur. S’en souciait il ? Evidemment ! L’elfe avait sa fierté et il en tirait un certain plaisir.

S’avisant qu’il était arrivé à destination, une taverne miteuse du quartier pauvre, il vérifia que sa fausse coiffure, réalisée en véritable cheveux, tenait bien en place, après tout quelqu’un pouvait le reconnaître, même ici, puis il poussa la porte d’entrée. Une atmosphère chaude où se mêlaient odeur de vinasse, de sueur et de pisse l’accueillit de plein fouet avec en arrière fond le brouhaha typique de ce genre de lieu. Il respira cette odeur à plein nez, un sourire étirant ses lèvres. C’était son péché mignon. Parfois, il se mêlait au peuple de basse extraction pour savoir ce qui se disait sur son compte. Il aimait entendre les rumeurs et les légendes le concernant sous couvert d’anonymat et quand elles n’étaient pas assez colorées à son goût, il n’hésitait pas à en lancer lui même. C’était une chose d’être connu parmi les nobles et les puissants, mais s’en était une autre d’être connu parmi le petit peuple. C’était une autre forme de pouvoir qui pouvait servir à l’occasion et puis, plus on parlait de lui, plus sa légende grandissait et dépassait les frontières de Thaar. Aussi ce soir avait il décidé d’écouter ce qui se racontait sur lui en buvant de la bière immonde et en jouant aux dés et aux cartes avec les ivrognes du coin.

Il repéra une table occupée par trois hommes aux visages burinés par la vie, probablement des marins et s’en approcha.

-J’peux m’installer là les gars ? demanda t-il en donnant à sa voix “l’accent du pauvre“ comme il se plaisait à l’appeler. Il s’était longtemps entraîné afin de le maîtriser.

Les trois hommes, qui étaient en pleine discussion levèrent les yeux et le dévisagèrent d’un air peu amène. L’un d’entre eux allait lui répondre quelque chose mais Alecto le devança et sortit de sous sa tunique une bourse joliment rebondie qu’il montra aux trois hommes.

- J’viens d’finir un travail qui m’a pas mal rapporté et j’me sens d’humeur à partager ma bon ‘fortune si vous voyez ce que j’veux dire, leur dit il avec un grand sourire.

Une lueur intéressée brilla soudainement dans les yeux des trois marins qui devaient se dire que la chance leur souriait.

- Pour sûr qu’tu peux trinquer avec nous ! répondit celui qui était à gauche d’Alecto. Et si c’est pas secret, tu pourras pt ‘être nous parler de ce boulot qui paye bien ?

- Comptez sur moi ! Mais avant… Il fit signe à une serveuse de s’approcher et questionna ses compagnons de beuverie du regard. Finalement ils prirent tous une chope de bière brune. La serveuse revint prestement et Alecto lui offrit une petite piécette que la jeune femme s’empresse de ranger dans son corset d’un air blasé avant de s’intéresser à une autre table. L’elfe prit une bonne gorgée et comme il l’avait prévu, le goût était immonde. Il poussa néanmoins un soupir de soulagement que lui renvoyèrent en écho les trois hommes. Moi, c’est Lethe, reprit-il.
- Barick
- Leo
- Rigor
- A notre bonne fortune ! dit Alecto en levant son verre et les quatre hommes se resservirent une bonne rasade. Voulez donc savoir c’était quoi mon boulot ? Vous connaissez le prince Eäriniel ?
- Connais pas, répondit Barick,
- Moi si, reprit Leo, y paraît qu’c’est un elfe qui a vu deux Voiles !
- Tu dis n’importe quoi Leo, l’interrompit Rigor moi j’ai entendu dire qu’il avait été banni d’chez les elfes parce qu’il utilisait la magie noire.
- Ecoutez vous, les deux abrutis, dit Barick en lançant des regards méprisants à ses deux compagnons. C’est des histoires de bonne femmes ça.
- Pour la magie noire j’sais pas, intervint Alecto en reprenant le contrôle de la conversation. C’est un gars que j’connais qui m’a mis sur le coup. Il m’a dit que c’était pour le prince Eäriniel, que j’devais pas poser de questions et que ça payait bien. Mais comme j’connais bien le gars il m’a dit que ça avait un rapport avec un diamant gros comme mon poing et qui viendrait d’chez les nains. Alecto vit qu’il avait à présent totalement capté l’attention de ses interlocuteurs.
- Qu’est ce tu devais faire ? demanda Barick.
- C’est ça qui m’trou l’cul ! J ‘suis juste allé chercher un paquet qu’j’ai déposé dans un tonneau. Après j’suis retourné voir mon gars et j’lui ai dis que c’était fait. Alors il m’a donné cette bourse. Fin de l’histoire.
-  C’est tout ?! S’exclama Leo ?
- Oué mon gars ! Par les tétons de Kyrïa j’te jure que c’est vrai et tu sais comme moi qu’un elfe ça rigole pas avec la religion !
- Tu mens ! Rugit Leo. Comme si t’aurais laissé passé l’occasion d’tirer avec le caillou. Un diamant comme ça t‘en aurais obtenu beaucoup plus que cette bourse !
-Mais t’es malade ?! Répondit Alecto en prenant un air horrifié. T’es pas au courant de c’qu’est arrivé au dernier qu’a essayé de voler Eäriniel ? Il se croyait intelligent comme toi. Ba mon gars, j’peux t’dire que les restes qu’on a retrouvé de lui donnent pas envie de faire pareil. On a retrouvé sa tête chez lui, ses couilles chez sa catin préférée et le reste de son corps, paraît qu’Eäriniel l’a fait accrocher au mur de la taverne que fréquentait le gars pour donner une leçon. Tu comprends pourquoi j’me suis pas tirer avec le caillou.
- Oué il paraît qu’à un autre qui avait essayé de le voler il l’a obligé à manger ses propres jambes avant de le laisser pour mort en dehors de la ville pour qu’il se fasse bouffer par les charognards, ajouta Rigor. Mais comme c’est un des Princes, la loi peut rien contre lui. Il avait visiblement entendu l’une des rumeurs lancée par Alecto quelques mois plus tôt, à une époque où il se sentait d’humeur macabre.  

Le silence s’installa entre les hommes. Alecto pouvait presque voir les rouages cliqueter dans leurs petits esprits étriqués. Finalement Leo parvint à la conclusion logique après de longues minutes de réflexion. 

- Ton gars… commença lentement Rigor en jetant des regards à ses compagnons, il aurait du boulot pour trois débrouillards comme nous ?

Alecto sourit intérieurement. Ils venaient de gober son appât, le fil et la canne à pêche avec. Le prince ne répondit pas tout de suite et dévisagea chacun des hommes, comme s’il se demandait s’il pouvait leur faire confiance. 

- Ca s’pourrait… finit-il par dire avec un petit sourire en coin.

C’était fait, une nouvelle rumeur venait de naître. Avant peu, on en aurait parlé dans la plupart des tavernes du coin. A partir de ce moment là, la soirée se déroula au rythme qu’avait subtilement imposé Alecto Eäriniel, Prince Marchand de Thaar.


Quelques heures plus tard, une ombre se glissa par une porte dérobée d’une vaste demeure cerclée de hauts murs du quartier nord de Thaar. Quartier des plus fortunés de la ville, l’elfe y avait fait construire il y a bientôt deux cents ans une demeure unique en son genre. En souvenir de sa vie passée dans l’Anaëh, le manoir mêlait habillement architecture humaine et elfique pour donner quelque chose de spécial mais d’agréable. Colonnades de marbres côtoyaient arbres centenaires qu’il avait fait venir des quatre coins de Miradelphia. La maison à proprement parlé était nichée au cœur d’un véritable bosquet miniature et les murs, fais de pierre et de bois étaient recouverts de lichen, à tel point qu’à certain endroits il était difficile de déterminer où commençait la pierre et ou se terminait le bois. C’était comme si les deux éléments avaient fusionnés pour donner naissance au manoir Eäriniel. Alecto se débarrassa de sa cape et pénétra dans le vaste hall. Un vieil homme à l’allure d’épicier sortit de l’ombre d’une colonnade et récupéra le vêtement négligemment jeté sur le sol.  

- Maître, vous êtes encore sortis je ne sais où pour passer votre soirée en mauvaise compagnie, le sermonna le vieil homme, à la manière d’un vieil oncle envers son neveu capricieux.
-Allons mon bon Ashen, tu sais bien que je fais toujours attention à moi, lui répondit le maitre des lieux avec une affection sincère pour le vieil homme qui le servait fidèlement depuis de longues années.

Ashen était à son service depuis presque soixante ans maintenant et malheureusement le temps l’avait rattrapé. Le vieil homme, qui était son intendant, se faisait vieux et Alecto songeait avec peine qu’il le quitterait bientôt. C’était le malheur de ceux de sa race : voir les mortels disparaitre aussi rapidement qu’ils étaient apparus sur cette terre. Il le salua une dernière fois puis monta les escaliers et se dirigea vers ses appartements. Une fois arrivé, il se servit un verre de vin rouge et s’installa confortablement dans son fauteuil préféré. Plus vieux que certains humaines, le temps l’avait patiné et lui avait donné cette apparence qu’avait un meuble lorsqu’il était utilisé depuis longtemps mais entretenu avec soin. Passant une jambe par dessus l’accoudoir du fauteuil, il prit une gorgée et poussa un profond soupir de bien être.

Il s’était bien amusé cette nuit, car finalement tout cela n’était qu’un jeu : les racontars qu’il écoutait, les rumeurs qu’ils lançaient, ces soirées… Reparlerait-il à ces trois hommes ? Certainement pas, ou peut être qu’il les utiliserait à l’occasion pour un travail qui nécessitait des personnes qu’on pouvait sacrifier, le genre de travail qui n’était pas très légal, qui rapportait gros mais avec lequel aucun marchand n’aurait voulu être associé, du moins officiellement. Poussant un autre soupir, Alecto repensa brièvement à cette soirée. Rigor avait raison lorsqu’il avait dit qu’il avait été banni du royaume des elfes, enfin, d’une certaine façon… Fermant les yeux, Alecto se laissa bercer par des souvenirs vieux des plusieurs siècles

********************

Il avait plu toute la nuit et l’air était chargé d’humidité. Les pieds nus d’Alecto s’enfonçaient dans la terre gorgée d’eau alors qu’il avançait sur un petit sentier. Le soleil s’était levé depuis peu et la forêt était silencieuse, encore assoupie. L’elfe était heureux. Ce n’était que loin des siens qu’il se sentait le plus libre. Il n’arrivait pas à s’expliquer qu’après deux cents ans d’existence, il se sente aussi peu à sa place qu’entouré de ses frères et sœurs. Son apprentissage auprès de son mentor Syvia, maître luthier, s’était terminé depuis des années mais à part le luth qu’il portait au dos et quelques travaux Alecto était loin de faire la fierté du protectorat de Linaëh. Il avait l’impression d’être un étranger. Il n'avait jamais entendu la Symphonie, pas même un murmure fugace. Peut être était il née au sein du mauvais peuple tout simplement. Peut être avait il du sang nain ! L’image d’un nain avec des oreilles typiques des elfes et courant d’une démarche souple dans la forêt se forma dans l’esprit d’Alecto, provoquant chez lui un rire soudain et sonore qui dérangea un oiseau qui était tranquillement perché sur une branche au dessus de l’elfe. L’animal lui jeta un regard outré.

-Veuillez me pardonnez, messire oiseau, dit il en s’inclinant devant la bête. Je ne voulais pas troubler votre repos et je vous prie de pardonner le pauvre nain que je suis.

Un autre fou rire le prit et il s’éloigna avant que l’oiseau ne décide subitement de l’attaquer. Se sentant inspiré, il prit le luth accroché à son dos et se mit jouer un petit air simple et entraînant. Sa voix qui n’avait pas cette grâce inhérente au Beau Peuple ne tarda pas à s’élever, chantant d’un ton qui n’était pas toujours juste les paroles d’une chanson qu’il inventait au fur et à mesure.

Approchez et écoutez.

Je m’en vais vous raconter

L’histoire de cet affreux nain

Véritable plaisantin

Qui, d’un elfe en avait prit l’apparence

Mais aussi l’assurance et l’endurance.

Au beau royaume des elfes, il vécu

Le peuple sylvestre convaincu

De parler à l’un de leur pair,

Revenu d’au-delàs les mers

Et il en serait resté ainsi,

Sans l’existence d’un chien-assis.

L’affreux nain s’était construit

Une demeure qui fit grand bruit.

Faites de pierre et de mortier

Elle avait tout d’un vrai chantier.

Et n’avait de végétal

Que ses murs d’un vert brutal.

La seule chose qui soit bien mis

Etait ce beau chien-assis.

Mais un jour que le nain se trouvait devant

Il chuta, poussé par un vent violent.

Il s’écrasa au sol sans aucuns détours,

Et d’un elfe il en perdit tous ces atours !

Alecto laissa filer la dernière note avant d’interrompre la chanson et de saluer un public imaginaire. Il sursauta lorsqu’un rire cristallin s’éleva dans l’air matinal et une elfe apparue. Pour Alecto elle était sortie de nul part et un peu gêné, il passa une main dans ses cheveux alors qu’il sentait ses joues s’empourprer. Toujours souriante, l’elfe lui fit face et le détailla. La gêne d’Alecto crut alors qu’elle l’examinait mais il ne prononça pas un mot, ne sachant pas comment réagir à cette rencontre inattendue.

- Seriez vous donc cet affreux nain ? Finit elle par lui demander avec un sourire aux lèvres.
- Oh ça ? Ce n’est qu’une vulgaire chanson que j’ai inventé à l’instant, lui répondit il, retrouvant ses esprits.
- Je ne l’ai pas du tout trouvé vulgaire... plutôt amusante même. Et que faites vous donc dehors à une heure où la plupart dorment encore ? Serais-ce pour mener des projets interdits ?

Ce fut au tour d’Alecto de la dévisager. Qui était elle ? Il ne se rappelait pas l’avoir déjà vu, c’est donc qu’elle était nouvelle. Elle devait venir d'un autre Protectorat. Il est vrai qu’il n’avait pas fréquenté les siens depuis quelques jours. Elle était peut être arrivée à ce moment là. L’elfe haussa les épaules : finalement cela n’avait aucune importance.

- Vous dîtes vrai. Ma voix étant ce qu’elle est, je suis obligé de m’exiler loin pour éviter de blesser mes compatriotes. Je regrette d’ailleurs que vous ayez eu à subir ma logorrhée défaillante.
- Au contraire ! J’ai trouvé les écarts de votre voix tout à fait charmants.
- Vous moquez vous de moi ? demanda-t-il avec un petit sourire.
- Moi, me moquer d’un affreux nain déguisé en elfe ? Je n’oserais jamais !

Alecto gloussa. Il se sentait étrangement bien en compagnie de cette elfe inconnue. C’était bien la première fois qu’il se sentait à l’aise avec l’un de siens depuis… et bien il n’arrivait pas à se souvenir de la dernière fois qu’il avait ressenti une telle sensation.

- Me permettez vous de vous demander votre nom ? Sinon je crains que le nain que je suis ne soit obligé de vous le voler.
- Vous n’oseriez pas !  Dit elle avec de grands yeux faussement effrayés.
- J’oserai et je le ferai !
- Puisque je n’ai pas le choix… fit elle avec une petite moue qu’Alecto trouva adorable. Je m’appelle Lyn Velthala. Et vous ? Votre nom elfique hein, pas votre nom de nain.
- Alecto Eäriniel, pour vous servir, lui répondit il en s’inclinant gracieusement. Je n’ai jamais eu le plaisir de vous voir avant. Seriez vous fraichement arrivée dans nos terres reculées ?
- Terre reculées ? Remarqua-t-elle en levant les yeux au ciel. J’oubliais à quel point vous autres de l’Anaëh vous vous sentez seuls au monde.
- Nous autres de l’Anaëh ? Et d’où venez vous donc ?
- Mais de la ville bien entendu ! D’une terre située loin d’ici où les races cohabitent plus ou moins paisiblement. Là bas il n’y a pas d’affreux nains déguisés en elfes, juste des nains, ainsi que des elfes et des humains
- Mais de quoi parlez vous ?
- Mais je vous parle de Thaar ! s’exclama t-elle, comme s’il lui demandait si l’eau mouillait.
- Thaar ?
- Alors vous ne connaissez pas Thaar ? Elle paraissait choquée. Depuis combien de temps n’avez vous pas quitté l’Anaëh ?
- A vrai dire, je ne l’ai jamais quitté, lui répondit-il d’un air gêné.
- Vraiment ? Vous n’avez véritablement jamais quitté ces arbres ? Elle était encore plus estomaquée par cette nouvelle que lorsqu’il lui avait apprit qu’il ne connaissait pas Thaar. Mais enfin, comment est ce possible ?
- Nous n’avons pas tous le plaisir de voyager, lui répondit il d’un ton un peu aigre. Lyn le remarqua.
- Pardonnez moi, Alecto, je ne voulais pas vous vexer. C’est de ma faute. Je ne suis pas née dans cette Forêt, aussi j’oublie parfois que certains d’entre vous n’éprouvent jamais l’idée de la quitter.
- Ce n’est pas que je ne le veuille pas, c’est simplement que je n’y ai jamais songé, pour tout vous avouer. Parlez moi donc de cette Thaar qui vous exalte tant.

Et c’est ce qu’elle fit. Elle commença par lui raconter l’histoire de L'Ithri-Vaan, cette terre entourée au nord par la forêt d’Aduran et de l’Anaëh, à l’Ouest par les plaines d’Atral, au sud par la mer Olienne et à l’est par les Terres Stériles et le Puy d‘Elda. Elle lui relata comment les humains avaient côtoyés pendant un temps les Premiers Nés avant de révéler leur nature belliqueuse. Bien sûr il connaissait tout cela. L'Ithri-Vaan, que les humains avaient déformés en Estrévent était une terre ancienne et comme chaque elfe, Alecto en avait apprit l’histoire lorsqu’il était plus jeune, mais Lyn avait une manière de raconter qui le fascinait et il ne souhaitait l’interrompre pour rien au monde, aussi l’écouta t-il avec une grande intention. Le temps passa et les minutes firent place aux heures et très vite l’heure du déjeuner se fit sentir alors qu’ils réalisèrent qu’ils n’avaient pas mangé depuis des heures. Alecto trouva un endroit tandis que Lyn partit cueillir les fruits qui allaient compléter le pain et le fromage qu’avait pris avec lui Alecto. Le silence s’installa entre eux pendant qu’ils mangeaient mais c’était un silence agréable, complice. Comme ces amis qui se connaissent depuis si longtemps que les silences sont parfois plus éloquents que les paroles échangées.
Puis lorsqu’ils eurent fini, Lyn reprit le fil de son récit. Elle finit par laisser la naissance et la mort des différents empires et royaumes pour aborder la cité de Thaar.

- Comment te décrire Thaar sans passer à coté de son essence. Au fil des heures ils étaient passés au tutoiement. Les mots ne seraient lui rendre justice.
- Alors essaye, tout simplement, lui répondit Alecto avec un sourire.

Elle lui sourit en retour avant de reprendre. Elle chercha ses mots, hésita de nombreuses fois, commença certaines phrases avant de s’arrêter, rageuse et de reprendre en empruntant une autre direction. Après presque une heure de cet exercice elle s’arrêta, presque furieuse.

- Cela ne sert à rien ! Alors que je te décris tel aspect je laisse sous silence une dizaine d’autres tout aussi important. Il me faudrait dix voix différentes pour que tu puisses te rendre compte de ce qu’est Thaar. Mais soit, autant faire simple. Thaar est une cité très jeune, à peine cent ans si j’essayais de lui donner un âge mais c’est une cité riche en opportunités. Toutes les races y vivent et si je devais être franche, je te dirais qu’ il ne s’agit pas des plus honnêtes, oui, même moi, lui dit elle avec un clin d’œil. La ville vibre d’une vitalité qui fait défaut à l’Anaëh avec son immortalité. Ici le temps s’écoule paisiblement alors que là bas il fuse et c’est à qui sera le plus malin, ou le plus dangereux pour s’imposer parmi les autres. Là bas, si tu es doué, tu pourras t’élever et acquérir richesse et pouvoir. Lyn rit. Tu dois me prendre pour une folle à parler de richesse et de pouvoir. C’est deux notions qui ne signifient rien pour les elfes. J’ai peut être passé trop de temps Dehors et j’ai été en quelque sorte corrompu.

Mais Alecto ne la trouvait pas folle, au contraire. Alors qu’elle parlait, ce qui n’était que de très vagues impressions au début de la journée s’était transformées en deux certitudes. La première, c’était qu’il était temps pour lui d’aller voir le monde. Après deux cents passés ici, il avait besoin de voyager et de trouver cet endroit qui lui conviendrait et si au début il n’était pas certain de l’endroit où aller, Thaar était devenu le premier endroit qu’il visiterait. La deuxième certitude, plus important encore, était qu’il était tombé follement amoureux de cette elfe mystérieuse. Elle était apparu, sortie de nul part et avait su conquérir son cœur. Alecto n’était pas très doué lorsqu’il s’agissait des sentiments, on pouvait même dire qu’il était franchement dépassé par des concepts aussi vagues que l’amour, aussi cela lui avait pris presque une journée pour se rendre compte qu’il était tombé sous le charme de Lyn, mais maintenant il était animé par cette certitude qu’il l’aimait.

- Tu n’as rien d’une folle Lyn, mais c’est quelqu’un qui se considérait comme un fou jusqu’à ce matin qui te le dit, donc mon avis n’est peut être pas des plus pertinent, dit il avec un sourire. Cependant… Si Thaar est si fascinante, pourquoi est tu venu jusqu’ici ? Ne put-il s’empêcher de demander.
- Bonne question n’est ce pas ? C’est justement pour Thaar que je suis venu. Normalement je ne devrais pas t’en parler, mais je t’aime bien. Petit clin d’œil qui fit rougir Alecto. L’Anaëh regorge de produits rares en tout genre qu’on ne trouve qu’ici et dont Thaar raffolerait. Ce que je veux, c’est développer le commerce entre Thaar et l’Anaëh.
- Tu n’y arriveras jamais, Lyn, interrompit doucement Alecto.
- Comment ça ? dit elle brusquement, piquée par la remarque de son compagnon.
- Tu n’y arriveras jamais, reprit Alecto sans faire attention à l’intervention de Lyn. Non, tu n’y arriveras jamais… sans moi !

Lyn lui fit les gros yeux et lui donna un coup de poing dans l’épaule.

- Tu n’es qu’un abruti Alecto ! Puis elle vit qu’il était sérieux et considéra sa proposition. Elle prit une mine soucieuse, pensant certainement le pour et le contre puis finalement reprit la parole. Un associé ne serait peut être pas de trop et puis ça me fera du bien d’avoir quelqu’un sur qui compter et qui pourrait assurer mes arrières. Mais tu es sûr de toi ? Tu veux quitter l’Anaëh ? Ce n’est pas un voyage sans retour, mais tu n’y feras plus que passer si tu décides de me suivre. Thaar est une maîtresse jalouse et elle n’apprécie pas qu’on aille courtiser d’autres cités. Fais le et elle aura tôt fait de te détruire.

Alecto ne répondit pas tout de suite et son regard se fixa sur celui de Lyn. S’il en était sûr ? C’était même la première fois de sa vie qu’il se sentait aussi sûr d’une chose. Lyn n’avait fait que mettre en évidence le fait qu’il était temps pour lui de quitter cet endroit, de chercher son bonheur ailleurs. Peut être le trouverait il à Thaar, ou peut être ailleurs. Peut être qu’il ne le trouverait pas et se rendrait compte finalement que sa place était parmi ces arbres centenaires. Dans tous les cas il serait fixé. Il ne pouvait pas rester ici, il devait partir et Lyn lui offrait cette occasion.

* Maintenant que je t’ai trouvé, Lyn, je ne compte pas te laisser me quitter sans essayer de te dérober ton cœur, comme tu as fait du mien* pensa-t-il férocement.

- J’en suis certain, et puis là bas ça ne peut pas être pire qu’ici, finit il par répondre avec un haussement d’épaule.  
 
Lyn n’eut comme seule réponse que de lui sourire de tout son cœur.


La suite se passa comme dans un tourbillon pour Alecto. Il guida sa nouvelle associée jusqu’à la cité du Protectorat et ils y passèrent quelques jours pour négocier des accords avec quelques marchands locaux. En échange de ce qu’ils faisaient de mieux et de la promesse de ne traiter qu’avec les deux associés, ces dernières s’engagèrent, en plus de la somme payée pour l’achat des marchandises, à leur ramener des trésors et autres biens précieux de l’Extérieur et de leur revendre à des prix attractifs. Finalement, dix jours après, ils se retrouvèrent au même endroit où ils s’étaient rencontrés la première fois à la différence cette fois qu’en plus d’eux deux se trouvait un cheval auquel était attaché une carriole chargée de produits.

- C’est le moment Alecto. Si tu veux dire au revoir à ta forêt, c’est maintenant.
- C’est déjà fait, Lyn. Allons y, il me tarde de voir Thaar et gare à toi si la réalité est en dessous de ce que tu m’as raconté !

Les deux amis rirent avant d’entreprendre le long chemin jusqu’à Thaar. Le trajet ne se fit pas sans encombres. Ils ne pouvaient pas emprunter le fleuve Oliya qui les aurait fait passer par Sol’Dorn, aussi étaient ils passés par les terres. Ils durent se battre pour leur cargaison et leur vie. Malgré tout ça le trajet sans passa sans drame et ils eurent le temps d’en apprendre plus l’un sur l’autre. Lyn lui parla de ses voyages et lui des coins secrets qu’il avait découvert dans la Forêt. Elle lui parla de son enfance et lui, il lui chanta des chansons de sa voix qui n’était pas toujours juste. Ils parlèrent de leur futur à Thaar, de  leurs projets pour conquérir la ville. Puis ils parlèrent de choses plus personnelles. Il lui parla de son sentiment d’être un étranger parmi les siens et elle lui confia des secrets sur elle qu’elle n’avait jamais révélé à personnes.  Finalement, après des jours de voyage ils arrivèrent en vue des murs de Thaar. La soirée ne tarderait pas à tomber. Déjà le ciel avait pris cette teinte orange caractéristique du crépuscule et l’astre diurne avant bien entamé sa lente descente. Les deux elfes s’arrêtèrent et contemplèrent la cité au loin en silence. Ils y étaient enfin ! Leur aventure allait véritablement commencer et Thaar allait les mettre à l’épreuve. Lyn finit par se retourna et plongea son regard dans celui d’Alecto, tournant le dos à la cité.

- Alecto, bienvenu à la cité de Thaar, dit elle alors que le soleil disparaissait derrière les murailles de la cité.

********************

Les feulements enragés d’un chat le ramenèrent au présent. Il poussa un petit soupir. Qu’il était jeune à cette époque. Quatre cents ans plus tard il se rappelait ce moment comme si cela s’était déroulé  hier.

La suite c’était passé aussi bien qu’ils l’avaient espérés tous les deux. Les deux elfes avaient rapidement écoulés leurs produits, amassant une coquette somme qu’ils avaient investis pour se procurer les biens rares que voulaient les marchands elfes. Ils engagèrent des mercenaires et refirent un voyage jusqu’à l’Anaëh qui se passa plus facilement que le premier. Ils en repartirent cette fois chargés de plusieurs carrioles. Une fois arrivé à Thaar, leurs marchandises se vendirent encore mieux que la première fois et de nombreux nobles et riches marchands devinrent leurs clients. La route séparant Thaar de l’Anaëh était à l’époque bien plus dangereuse, ce qui était bon pour les deux elfes car cela signifiait des prix de vente plus élevés. Avant peu ils ouvrirent une boutique dans le quartier Nord de la ville, là où s’étaient rassemblés les plus aisés de Thaar. Alecto s’occupa d’étendre leur activité dans la ville alors que Lyn se chargea des échanges entre la cité et les elfes, faisant des allers retour ou partant à la rechercher d’autres objets rares plus loin encore. Pour la première fois de sa vie, Alecto se sentit à sa place. La Thaar décrite par Lyn était même en dessous de la réalité.  Il prenait plaisir à réussir ce qu’il entreprenait. Ils amassait des richesses qu’ils réinvestissaient dans d’autres affaires, rachetant celles qui périclitaient, créant de nouvelles boutiques dans la cité, engageant des gestionnaires, des gardes du corps, payant les pots de vins quand il le fallait, intimidant d’autres lorsque c’était nécessaire. Le jeune Eäriniel avait un talent rare pour le commerce, se fiant à son instinct pour dénicher les plus belles affaires. Sous la tutelle de Lyn, il acquit les compétences indispensables à la vie de marchand, également celle qui consistait à dépasser dans certaines situations le strict cadre de la loi pour obtenir un avantage substantiel.

Après quelques années ils devinrent amants et c’est un tout autre genre de leçons qu’elle lui apprit, toujours pour son plus grand bonheur. L’immortalité leur offrait la stabilité et la constance nécessaire à la naissance d’un véritable empire marchand. Au bout d’un siècle, ils étaient renommés dans la ville comme étant les deux elfes les plus riches grâce aux partenariats exclusifs qu’ils avaient noués avec Anaëh. C’était bien connu, les elfes ne commerçaient pas avec les autres races, sauf lorsqu’il s’agissait de Lyn et d’Alecto. Le commerce avec les elfes constituait encore leur principale source de richesse mais Alecto avait si bien diversifié leur empire naissant qu’ils tiraient des richesses d’autres domaines : des terres qu’ils avaient achetés en dehors de la ville, des échanges avec les autres cités, des partenariats passés avec d’autres grands marchands. Tout allait pour le mieux et jamais Alecto ne regretta la forêt d’Anaëh. Sa place était ici.


Le regard de l’elfe s’attarda sur une petite table ronde. Un papier y était posé. Il s’en approcha. L’objet avait été magné si souvent que l’écriture en était devenu illisible et le papier usé, mais pour Alecto, les mots qui avaient été couchés étaient gravés dans sa mémoire.

Mon Alecto, il me faut partir. Ce que nous avons accompli ici est formidable et je n’aurais pu rêver de meilleur associé pour m’épauler. A partir de rien nous avons su monter un empire tel qu’il n’a que très peu d’égaux et beaucoup d’envieux. Nous avons passés de merveilleuses années, mon amour mais ce temps là est terminé pour moi.

Je t’aime

Lyn

*Lyn, où es tu à présent ? Pourquoi cette disparition soudaine ? Es tu seulement encore vivante après toutes ces années ?*

Une grande tristesse, peu coutumière au personnage le saisit et ses traits, tantôt espiègles, tantôt rieurs, déterminés, charmeurs ou mystérieux s’assombrirent et sa bouche prit un pli amer. Ce mot, il l’avait trouvé presque deux siècles plus tôt, un soir qu’il revenait dans leur toute nouvelle demeure qu’il habitait encore aujourd’hui. Le papier, de première qualité expliquait qu’il existe encore après toutes ces années. La nouvelle l’avait choqué tant elle était inattendue. Il n’y avait eu aucun signe précurseur qui aurait pu le préparer à cette soudaine solitude. Il avait été tenté de partir à sa recherche mais il avait un empire à gérer, une multitude de détails qui requéraient son attention immédiate et il n’avait pu se résoudre à abandonner ce qu’ils avaient mis tant de temps à construire. Aussi avait il espéré qu’elle lui revienne, mais les jours avaient fait places aux années sans aucun signe ni aucune nouvelle de Lyn.

Désespéré, il s’était jeté avec une toute nouvelle ferveur dans la consolidation de son empire. C’était le seul moyen pour lui de combler le vide qu’avait crée la disparition de Lyn. Pendant cinquante ans il étendit son empire marchand, exerçant férocement son talent, écrasant ses concurrents les plus faibles, soumettant ceux qui pouvaient encore lui être utile. Il fit même disparaître certains des plus gênants. Son caractère ne fut pas le seul à changer, son visage aussi. De profondes rides apparurent au coin de ses yeux et de sa bouche qui accentuèrent la dureté qu'avait prit son visage. Pendant les premières années, il ne sourit jamais et pendant un temps son visage, accentué par ses rides, devint tout simplement lugubre. Il acquit une dureté qu’il ne se connaissait pas mais qui lui permit d’atteindre de nouveaux sommets jusqu’à la “consécration“ lorsqu’il devint l’un des  marchands les plus puissant et des plus riche de la ville, acquérant sa place parmi les Princes Marchands de Thaar.

Et puis les années passèrent et la douleur, vive au début, se fit supportable, puis sourde même s’il lui arriva de songer avec tristesse à son amour perdu. L’elfe reprit goût aux choses et son caractère dure et impitoyable s’adoucit en même temps que ses rides qui même si elles étaient toujours profondes, ne donnaient plus cet air dure et lugubre à son visage.  Il retrouva son caractère enjoué et mutin se mit à apprécier sa position de Prince. C’est à ce moment là qu’il se mit à lancer des rumeurs sur son compte. Il était bien plus qu’un marchand. C’était un prince elfique exilé par les siens suite à un affreux complot qui le privait de son droit au pouvoir, raison pour laquelle il était devenu Prince Marchand. C’était un homme qui n’avait besoin que d’une heure de sommeil et qui connaissaient d’antiques magies oubliées de tous si ce n’est de lui. C’était un elfe qui arpentait les terres de Miradelphia depuis plus de deux milles ans et dont la dernière lubie était le commerce. C’était un millier de rumeurs et de légendes qu’il avait lancé et qui lentement avaient construis sa légende ces cents dernières années.  

Il avait même commencé à écrire une autobiographie qu’il aurait fait circuler dans toute la ville mais il avait vite abandonné le projet après avoir passé des jours à décrire une enfance qui n’avait rien de remarquable. Il avait grandit comme un enfant normal. Il avait suivit les cours dispensés aux enfants qui lui avaient enseigné l’amour de leur Déesse et de la Nature. Pas de magie chez lui qui lui aurait permis de se distinguer des autres aussi avait il continuer à suivre les cours dispensés à ceux qui n’avait pas ce don. Il entra en apprentissage pour devenir luthier et les années qu’il passa sous le tutorat de son mentor furent à l’image de ses années précédentes. Il les passa sans vraiment se démarquer. Il percevait à peine la Symphonie et n’avait aucun Don, si ce n’est celui d’avoir un flair inégalé lorsque cela touchait au commerce. Il n’avait pas de talent particulier, était bon musicien sans être excellent, mauvais chanteur et il maniait l’arc aussi bien que n’importe quel elfe. Il avait passé ses cents premières années à engranger des connaissances sur le monde puis les cents années suivantes, il les avait passé sans jamais rien faire qui ne soit extraordinaire, vivant simplement au jour le jour. C’était comme si avant sa rencontre avec Lyn et son départ pour Thaar il n’avait jamais vraiment vécu. Alors coucher ça dans un livre avait été au dessus de ses forces. Il avait alors été tenté d’écrire quelque chose de tout à fait original à la place, mais il avait finalement délaissé le projet, le laissant pour plus tard.



On toqua à la porte.

-Entrez ! cria Alecto.

C’était Ashen.

-Maître, vous ne devriez pas rester debout aussi tard, lui dit il avec une lueurs  désapprobatrice dans le regard. Je vous rappelle que vous avez un déjeuner avec cet affreux nain. Il fronça les sourcils lorsqu’Alecto rit. J’ai dit quelque chose d’amusant, Maître ?
- Ce n’est rien, pardonne moi Ashen, et continu, lui répondit Alecto en riant doucement.
- Je vous disais donc que vous aviez un déjeuner et un messager vient d’arriver du Protectorat d’Almalondë. Je lui ait dit que vous ne pouviez pas le recevoir à cette heure ci aussi je l’ai logé dans l’aile des invités.
- D’ Almalondë dis tu ? Fais le donc venir.
- Mais Maître…
- Ashen ! J’irais me coucher ensuite, je te le promets.
- Très bien Maître.

Un messager venant de son pays d’enfance. Sans doute pour lui dire qu’un autre marchand elfe ne pourrait pas honorer son contrat Le commerce entre Thaar et les Protectorats n’avait jamais été facile, surtout à cause de la cité de Sol’Dorn. Mas ces deux deniers siècles la situation s’était améliorée. Les drows s’étaient fondu dans le climat local et Alecto payait les bonnes personnes pour que ses marchandises passent la cité sans encombres. Cependant c’était sans compter sur la guerre que s’étaient déclarés depuis peux les elfes et les drow et l’existence du Front qui compliquait grandement ses affaires et rendait quasiment impossible tout commerce avec les elfes. Mais de là à en être inquiété, il y avait de la marge. Son empire commercial était tel qu’il pouvait se passer pendant quelques années de cette source de revenu mais si la situation tendait à s’éterniser…

On toqua une nouvelle fois et Ashen fit entrer le messager. Il ne s’était que trop plongé dans le passé et les affaires du présent se rappelait à lui. Il était temps pour lui de faire ce qu’il faisait de mieux.

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HRP

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