Le fer de lance [Pv Théo]

Fin de la 6ème ennéade de Barkios

Il ne restait plus grand-chose du Fort de la Valliance, détruit lors de l’incendie provoqué par le mervalois. Néanmoins, les remparts qui l’entouraient et quelques tours dominaient encore et toujours la grande cité s’étendant comme une longue toile d’araignée. Du haut d’une de ces tours, le duc de Langehack contemplait la ville. Plus d’un mois auparavant, il s’était retrouvé à la même place, mais il n’était à ce moment-là qu’un capitaine. Il se remémora alors le moment où il avait revu son ami d’enfance, Rhys. Il se souvint de leur discussion et du repas animé, ponctué par les menaces d’un des officiers jaloux de son ascension. Des envieux, il en avait rencontré tout un tas sur son chemin, encore plus depuis son arrivée sur le trône ducal de Langehack. Il pouvait néanmoins s’estimait heureux d’avoir scellé une alliance avec le nouveau baron de Missède. Ce jeune homme était prometteur et lui avait fourni un soutien sans faille jusque-là. Il avait bon espoir de le voir un jour comme un véritable ami et non plus comme un allié de circonstance.

Depuis l’arrivée de ce nouveau baron, Missède s’était ouverte sur le monde et avait quitté son isolement. Si Viktor de Missède avait toujours fait en sorte de ne prendre aucun partis pour les clans péninsulaires, sa baronnie avait subi un contrecoup non négligeable qui l’avait plongé dans une relative solitude. Il ne restait plus au nouveau baron qu’à poursuivre la politique qu’il avait entrepris et si le duché de Langehack pouvait l’aider, il le ferait.

Ainsi, comme il l’avait mandé plus tôt, le jeune Théobald de la Courcelle le rejoignit au sommet de la tour. Ils ne s’étaient plus vraiment revus en privé depuis les incidents d’Edelys, Oschide espéra que leur nouvelle discussion pourrait être aussi fructueuse que lors de leur première rencontre à Langehack. Le baron se présenta ainsi devant lui, laissant derrière les quelques hommes qui devaient constituer son escorte.

-Baron, c’est un plaisir que vous ayez accepté de me rejoindre ici. Ma demeure aurait surement été plus adéquate pour converser autour de quelques gourmandises, mais j’aime autant me trouver là pour contempler la ville et parler en privé.  

Il laissa le baron venir à ses côtés pour qu’il puisse voir à son tour la cité.

-Je vous remercie pour les rapports que vous m’avez laissés après votre voyage en Apreplaine. J’ai pu rencontrer celui qui est à la charge de la baronnie, Niklaus d’Altenberg, qu’en avez-vous pensé ? Il paraît soucieux quant à l’avenir des terres royales, à juste titre. Mais il paraît également préoccupé de garder ses distances. Je lui ai néanmoins proposé une place dans le futur conseil aux vues de ses qualités d’administrateurs et de ses connaissances, il ne nous reste plus qu’à attendre ses premières analyses pour pouvoir juger.

Après un dur entrainement en début d’après-midi avec ses troupes le jeune baron se fît couler un bon bain. Une jolie rousse ,d’un an son ainée , partagée le bain de Théobald. Il s’agissait d’une des domestiques qui avait recruté pour servir dans le manoir du baron. Au fil du temps les deux jeunes gens c’était plus que rapproché sous le regard amusé des compagnons d’armes du baron. Ces derniers étaient plus qu’heureux de voir leur baron faire ses premières armes, ils avaient enfin un homme à part entière à la tête de la baronnie. C’est pendant ce moment de délassement qu’on vint frapper à la porte. Le jeune baron estimant avoir suffisamment profité ne prit pas trop de temps à se lever au grand regret de la jeune femme. Mettant rapidement un pantalon Théobald ouvrit la porte et découvrit un domestique lui tendant une lettre de son duc. Ce dernier l’invitait à le rejoindre au Fort de la Vaillance en fin de journée afin de discuter de l’avenir du royaume. Cela lui laissait pleinement le temps de se préparer.

Théobald appréciait de plus en plus son suzerain, Oschide Anoszia menait une politique favorable à Missède. Grace à lui le commerce Missèdois reprenait, les armées Missèdoise gagnaient aussi en compétence, à défaut de combat important Théobald avait insisté pour accroitre les capacités de manœuvres et de marche de son armée. Ainsi les troupes faisaient régulièrement de longues marches. Autre point positif, Théobald profitait des bonnes relations des Anoszia avec Alonna afin de conclure des traités favorables à Missède. Mais le duc de Langehack pouvait aussi compter sur l’importance qu’accordait le baron aux serments et à son statut de vassal.

Le jeune baron, accompagné de 4 gardes, arriva donc à Fort de la Vaillance en fin de journée. Il fût bien accueillit par quelques hommes du duc qui le guidèrent vers l’une des tours. Mais cette fois plus questions de combat de lutte ou de concours de tirs à l’arc. Si le duc avait choisi le sommet d’une tour pour discuter avec Théobald c’était surement pour éviter des oreilles indiscrètes. Le duc engagea la parole en voyant le jeune baron s’avancer.

Votre Altesse je suis à votre service. En effet cette tour nous offre une vue magnifique , et surtout nous mets à l'abri d'éventuels curieux.

Théobald fût cependant surpris par le sujet de la conversation. Le duc semblait préoccupé par le baron d’Apreplaine, qui n’était pourtant qu’un seigneur de faible importance.

Le baron me semble être un bon administrateur, il est bien organisé et des plus obséquieux. Il semblait avoir de nombreuses idées à propos du royaume mais c’est un homme du domaine royal donc je ne sais ce qu’il veut entendre par royaume.

En tant que votre vassal je,  me permets de vous conseiller. Cet homme est compétent avec les nombres cela personne ne peut lui retirer. Cependant je pense qu’il faut limiter les honneurs et privilèges auxquels il peut prétendre. A mes yeux ,il  n’a pas prouvé son soutiens à notre cause, je crains qu’il ne reste secrètement fidèle à l’ancien système. Mais surtout ses terres sont pauvres et peu peuplées. Certes il en retire le maximum et les administre bien, mais il ne peut lever de troupes importantes ni même offrir de soutiens financier. Il nous faut donc favoriser d’autres nobles des anciens domaines royaumes, plus aptes à nous aider et à nous être fidèle.

Le baron de Missède n’avait pas tardé à lui répondre. Le jeune homme semblait toujours dégager une once de culot qui lui plaisait fort bien. Mais en plus d’être impétueux, le missédois pouvait également être un bon observateur et un orateur bien avisé pour son jeune âge. Comme il l’avait déjà pensé lors de leur première rencontre, il se trouvait quelques similitudes avec lui et il n’avait pas fort à parier que son père aurait acquiescé cette ressemblance. En tout cas, le missédois répondit à sa question avec précision, sans trop s’étaler en longueur. Il partageait certains avis et d’autres, un peu moins, mais le principal était là. Néanmoins, avant de changer de sujet, Oschide préféra conclure lui-même sur la question d’Apreplaine.

-Votre analyse m’intéresse, baron. Cependant, j’aimerai laisser la chance au seigneur d’Altenberg de pouvoir contribuer au rétablissement des terres royales qui constitueront d’ailleurs un nouveau duché. Le duc du Médian semble être également du même avis et nous n’avons plus qu’à attendre les premiers résultats.

Oschide s’avança et posa ses mains sur les créneaux de façon à pouvoir admirer les dernières lueurs du jour.

-Evincer les plus réticents et favoriser les plus fidèles au point où nous en sommes n’est probablement pas la meilleure solution, et ce, même si je cautionne votre point de vue. Tout le monde doit pouvoir participer à l’établissement du Royaume, ne reproduisons pas les mêmes erreurs que l’ancienne régence. Mais ce n’est pas pour autant que nous baisserons notre garde et je compte sur vous pour vous en assurer, baron.

Il se retourna tranquillement et s’adossa contre la pierre de façon à se trouver face au baron.

-Lors de mon entretien avec le duc du Médian,  j’ai demandé que vous receviez le titre de Connétable du futur Royaume. Si vous l’acceptez, vous siègerez à mes côtés lors du prochain conseil qui ne devrait plus tarder. Lors de ce conseil, je parlerai d’un éventuel envoi de renforts pour soutenir le nord contre les sombres-elfes, mais je peux vous en parler dès maintenant. Nous attendons encore la réponse d’Odélian qui tarde à arriver, mais si le nouveau marquis consent à nous laisser traverser ses terres, nous irons les soutenir et vous dirigerez nos hommes, acceptez-vous ?

Oschide voulait donner une occasion au missédois de pouvoir se distinguer et de mémoire d’homme, les armes avaient toujours constitué un bon moyen pour y parvenir.

-Les tensions étant toujours présentes entre l’Odélian et le Médian, il ne nous reste plus qu’à patienter pour savoir s’ils accepteront notre soutien. Dans l’éventualité d’un échec de ses négociations, nous nous contenterons de maintenir notre pression sur le sud. Cela devrait vous laisser amplement le temps de réorganiser la nouvelle armée royale, ainsi qu’un ordre réunissant les meilleures lames et faisant office de garde d’élite pour nos futurs souverains.

Théobald écouta l’avis de son suzerain sur le baron d’Apreplaine, ce derniers avait bien écouté son conseil mais ne le suivrai pas. Cela ne choqua pas le jeune baron, même si le vassal donnait un conseil c’était au suzerain de prendre la décision.  De plus la décision du duc était motivée par de bon arguments.

En effet un royaume doit pouvoir compter sur tous ses sujets ainsi sur chacun des seigneurs qui le compose. Nous ne pouvons ignorer les talents présents sous nos yeux et je suis convaincu que le baron fera un excellent grand argentier, j’espère qu’il se rappellera que l’armée fait aussi parti des prérogatives régaliennes d’un royaume.

Et vous pouvez comptez sur moi pour punir toute traitrise votre altesse.

Par la suite le duc parla de la vrai raison de cet entretien. Il souhaitait, en accord avec le duc d’Erac, de le nommer lui, Théobald de la Courcelles,  connétable du royaume. Jamais si grand honneur ne fût donné à sa famille. La baronnie de Missède pourrait aussi profiter de cette charge royale, les bonnes nouvelles ne cessaient de s’accumuler, un sacré banquet aurait lieu à Missède pour fêter cela.  Et le mariage avec la belle Lidwina pourrait avoir lieu au même moment.

Le duc évoqua ensuite la guerre dans le nord. Hélas quoique que l’on fasse la guerre était toujours présente. Même si on pouvait souhaiter la paix elle ne cessait s’éloigner. En effet aucun traité de paix avec Soltariel n’était signé et  le nord souffrait face aux Puysards.

J’accepte avec joie la charge de connétable. Vous me faite un immense honneur et je saurai m’en montrer digne. Je conduirai nos armées dans le nord pour soutenir les nordistes, dés que  l’Odelian le souhaitera. En effet sans son accord nous ne pourrons qu’arriver après la bataille et laisserons donc les hommes tomber  trop nombreux.  

Et j’ai de nombreux projets quand au royaume et il sera fait selon vos désirs.  Une garde royale sera organisée. Quand à notre pression contre le sud il y a de nombreux plans possibles qui n’attendent qu’à se réaliser.

Les mots de son vassal l’enthousiasmèrent même s’il ne s’était de toute façon pas attendu à un refus de sa part. Au moins, lui avait-il laissé le choix, cela était le principal. Heureux d’avoir à ses côtés un homme loyal, qui plus est, prometteur pour l’avenir et la gestion du Royaume, Oschide se laissa persuader qu’il pourrait compter sur lui en cas de problèmes. Bien qu’ils se trouvaient maintenant tous deux en plein cœur de ce qui constitua jadis le centre du Royaume et du pouvoir absolu, ils n’en étaient pas pour autant à l’abri des flagorneurs, des opportunistes de la dernière heure ou bien même des vipères. Tant de choses avaient changé depuis la dernière fois qu’il y avait mis les pieds, même si les complots, eux, n’avaient jamais dû cesser.

-Bien, baron. Il contempla la majestueuse ville qui s’illuminait peu à peu. Je suis pressé d’entendre vos plans concernant le sud, cela m’intéresse, d’autant plus que je vous fournirai tout le soutien nécessaire si vous deviez prendre les armes dans les ennéades qui suivent. Par votre serment de vassalité, Langehack et Missède forment maintenant un tout qu’il serait dommageable d’ignorer.

Il entendit quelques échos provenant du quartier des artisans. D’un coup, il repensa à son amie Castielle, celle qu’il avait envoyée à la mort… Son visage se durcit quelque peu, emprunt à l’émotion.

-Qu’en est-il de votre future union, baron ? J’ai ouïe dire par les lettres de mon épouse que votre promise était impatiente de vous revoir.

Il ignorait ce que pensait son vassal de cette jeune femme. Cela avait été en premier lieu un mariage politique, mais peut être que la beauté et la vivacité de Lidwina avait intéressé le baron. Ce mariage lui rappela dès lors la dernière fois qu’il avait vu son épouse. Il s’en rappelait encore comme s’il y était présentement. Elle était allongée, luttant contre la douleur de toutes ses forces, les yeux plongés dans les siens comme pour lui dire de ne jamais perdre espoir.

-Vous devez connaître une chose dont vous serez le premier à savoir. Mon épouse est enceinte. Si c’est un fils, j’aimerai que vous le preniez comme écuyer lorsqu’il aura l’âge d’apprendre le maniement des armes. Qu'en dites vous ?

Un homme qui confiait son fils à un autre, voilà qui était un gage de confiance dont le jeune Théobald apprécierait probablement. Tant qu’il serait duc, Missède recevrait tous les honneurs et récompenses possibles, ainsi que la place qui lui était dû. Au contraire de Merval et de Scylla qui subiront ses foudres tôt ou tard, il ne restait plus qu’à attendre l’implosion du Grand Soltaar.

La discussion entre Théobald et son duc était pleine de promesse. Les deux hommes ne parlaient pas dans le vent, étaient francs et surtout se faisait confiance. Ainsi cette réunion informelle permettait de parler des nombreux problèmes que le langecin, et le royaume, se devait d’affronter. Mais les deux hommes pouvaient aussi se détendre et évoquer de sujet plus privé. Cela ne pouvait pas nuire aux affaires courantes, puisque les relations entre les différents territoires correspondaient aux relations entres les seigneurs. Ainsi de bonnes relations entre seigneurs promettaient un avenir de paix et d’entraide.

Je vous enverrai les rapports concernant le sud si vous le souhaitez. Les exposez ici serait long et fastidieux. Mais je peux le faire si tel est votre désir. Vous pouvez comptez sur mes hommes afin de défendre le langecin, comme vous dites nous formons un tout. Je ne suis pas de ces ambitieux qui refusent de prêter serment à cause d’un orgueil démesuré.

La conversation prit ensuite une tournure qui semblait plus privée, mais qui ne l’était qu’en apparence. Le mariage avec Lidwina était en effet une promesse d’alliance plus forte entre Missède et Langehack. La jeune femme est en effet la cousine de la duchesse actuelle, ainsi le baron entrait dans la famille de la duchesse par la petite porte.

Je suis ravi de l’entendre votre altesse. Les lettres qu’elle m’envoie me font grand plaisir, mais il est toujours agréable d’entendre une tierce personne confirmer cette impatience. Mais puis je m’enquérir de l’état de santé de notre duchesse ?

Théobald espérait ne pas avoir été blessant, mais la duchesse était une personnalité importante ainsi sa santé était importante. De plus elle ferait bientôt parti de la famille.

La réponse du duc ne se fit pas attendre. La duchesse était enceinte ! Voila une nouvelle plaisante aux oreilles de Théobald, le duché n’en serai que plus stable. La suite était meilleure, le duc ne cessait de l’honorer.

Je ne sais que dire votre altesse. Je tiens à vous féliciter et aussi à vous remercier. Nous accueillerons avec joie votre fils à Missède et nous lui fournirons la meilleure formation possible.

Ainsi, son fils irait se former auprès du futur connétable lorsqu’il serait en âge de se battre. Les relations avec le missédois ne pourraient que s’améliorer et Oschide espérait qu’une amitié puisse naître au fur et à mesure. Mais en voyant au loin le campement de leurs hommes qui s’illuminait lui aussi, le duc se mit à repenser aux choses un peu plus sérieuses. L’avenir du Royaume dépendrait de plusieurs facteurs et il en était parfaitement conscient, la sécurité des terres était bien un de ces facteurs et la frontière la plus au sud avec le Soltaar n’était pas sans lui donner quelques craintes. Il savait que Nimmio y avait envoyé des hommes, mais seraient-ils assez nombreux pour résister à une éventuelle attaque. Oschide profita d’avoir le futur connétable pour lui faire part de ses intentions.

-Le calme avant la tempête, n’est-il pas ? Il continuait de regarder l’horizon qui se faisait de plus en plus obscur. Pour revenir à la guerre des nerfs qui risque d’avoir lieu entre notre voisin du sud et nous, j’avais pour intention d’envoyer un contingent afin de renforcer la garnison de l’Archiduc déjà présente à Vallancourt. Nous ne connaissons pas encore les véritables intentions du Soltaar, mais s’ils doivent frapper, ils s’en prendront là ça ne fait aucun doute.

Il tenta d’apercevoir plus distinctement le campement en dehors de la ville, mais peine perdue avec cette soudaine nuit.

-Mon amiral, Enrico de Montecale, est allé s’occuper de la seigneurie de Béranthe afin de construire un arsenal naval sur l’Eris. Il a toute ma confiance et les travaux devraient débuter dans les prochaines ennéades si tout se passe bien. Il devint un peu plus perplexe. Néanmoins, j’ignore encore comment la noblesse locale l’accueillera et je compte lui fournir à lui aussi un contingent pour assurer sa sécurité et celle de ses gens.

Les yeux toujours rivés vers l’horizon, Oschide poursuivit d’une voix un peu plus grave qu’à l’habitude.

-Nous ne sommes pas encore chez nous ici. Soyons prêts pour parer à toute éventualité, la guerre n'est pas encore terminée.

Hrp: