L'orpheline de Serramire

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9e jour, 5e ennéade de Verimios
8e année du 11e Cycle
Lourmel

Assise dans un salon, Cécilie mettait en ordre ses pensées comme d'autres les auraient notées sur une feuille de parchemin. Elle grogna lorsque la marque de couteau le long de son doigt se manifesta alors qu'elle passait sans y penser la main dans ses cheveux.

Pour une fois, elle était seule. Pas pour longtemps, certes, mais elle était bel et bien seule. En revenant du temple de Néera, Rose avait tenu à faire quelques courses. Aussi la noble demoiselle était rentrée seule avec son Capitaine. Et voilà qu'elle en était réduite à l'attendre que le militaire ait fini sa revue du matin avant de l'entretenir d'une affaire particulièrement épineuse.

Lorsque la porte s'ébranla de nouveau et que l'homme apparu, Cécilie entendit les pièces de son armure s'entre-choquées, prouvant s'identité du visiteur aussi sûrement que la cadence de son pas.

-Ma Demoiselle. Je vous remercie de la patience que vous m'accordez.
-C'est tout naturel Capitaine. Je vous en prie, asseyez-vous.

L'homme s'exécuta aussi tôt.

-J'ai besoin de vous pour une affaire personnelle, commença la jeune femme de but en blanc.

L'homme se raidit à un point tel qu'elle pouvait l'entendre distinctement.

-J'ai besoin qu'un homme de confiance se rende à Serramire pour moi. J'y aurait envoyé Rose si cela avait été possible mais mon état ne me permet pas de me séparer d'elle. C'est donc vers vous que j'ai l'audace de me tourner.
-C'est un honneur madame… Mais allé jusqu'à Serramire et vous laissez seule ici…
-Je vous rassure tout de suite. Ce ne serait que l'affaire de quelques jours sur place et je respecterai à la lettre les mesures que vous jugerez nécessaire en votre absence si cela peut vous tranquilliser…

La jeune femme, droite et maîtrisée comme a son habitude, fit une légère pause. Elle aurait put imposer sa volonté à cet homme qui après tout était sous ses ordres, mais elle hésita un court instant avant d'ajouter.

-Je n'ai confiance en personne plus qu'en vous pour cette tâche mais si vous refusez, je n'insisterai pas et ne vous en tiendrais aucunement rigueur.
-… Je vous écoute. Laissez-moi me faire une idée de ce que vous me demandez précisément.
-J'ai besoin de votre parole que ce dont nous parlerons ici restera strictement confidentiel. Et si vous acceptez, personne ne devra être au courant de vos véritables intentions.

Il hésita de nouveau. Le visage de la demoiselle restait doux et serein. On lui aurait donné n'importe quelle bénédiction.

-Vous avez ma parole que rien de ce que vous direz ne ne sortira de cette pièce.
-Je vous remercie… J'ai besoin que vous vous rendiez au grand temple de Néera à Serramire pour rencontrer une prêtresse. Elle s'appelle Elisabeth Chantenuit et s'occupe d'orphelins.

Le militaire tique une nouvelle fois. Le prénom de cette femme ne faisait pas nordien. Elle aurait plutôt trouvé sa place au médian… et son nom de famille ressemblait à un pseudonyme. C'était la première fois qu'il entendait ce nom… Mais pourquoi devait-il s'approcher d'une telle prêtresse ?

-J'ai besoin de savoir si elle s'occupe encore d'une enfant bien particulière.
-Une enfant ?
-Elle doit avoir six ou sept ans à présent. Elle s'appelle Elia et doit vivre dans ce temple depuis sa naissance. Tenez, j'ai demandé à Rose de noter les noms.

Elle sorti un morceau de vélin roulé qu'elle tendit doucement dans la direction approximative du capitaine. On s'en empara et la main retourna se poser sagement sur les genoux de la jeune femme.

-J'ai besoin de savoir si cette fillette est encore là-bas. Tout ce que je vous demande, c'est de trouver où est élever cette petite, de vérifier qu'elle soit bien traitée. Si elle n'est plus au temple, le moindre indice qui pourrait permettre de la retrouver serait d'une aide précieuse. Et si elle y vit, vous ferez un don pour les enfants de ma part, ajouta-t-elle toujours sur le même ton en tendant cette fois une fine bourse.
-… Puis-je vous demander pourquoi vous tenez à ce point à retrouver cette enfant ?
-J'ai besoin de vérifier une information. Je ne peux vous en dire plus… Excusez moi de vous en demander autant sans pouvoir vous fournir d'explication mais il en va de mon… j'ai donné ma parole.

La bourse fit un léger sursaut dans la paume de la jeune femme. Pas une émotion inadéquate n'était apparue sur son visage. Il fallu encore quelques instants pour que le poids s'allège.

-Merci Capitaine. Je vous suis extrêmement reconnaissante.
-Je vous en prie ma Demoiselle. Je ferai en sorte de me montrer digne de votre confiance. Quand dois-je partir ?
-Au plus tôt.
-Dans ce cas je partirais en fin d'après-midi, le temps de donner mes ordres pour votre protection.

Un claquement de talon et une révérence rapide mirent fin à l'entretient.

-Ma Demoiselle.

Elle le salua d'un léger mouvement de tête. La porte se referma dans la foulée… Et elle soupira. Ses doigts abîmés recommencèrent à se torturer les uns les l’autre. Puis elle laissa tomber sa tête dans ses mains, prise d'une soudaine lassitude, de nouveau au bord de la crise de larme.

-Néera, je t'en prie, fait que mon choix ait été le bon…