La première impression est importante... malheureusement [pv Arichis] [Terminé]

quelque part dans la troisième ennéade du mois de Karfïas de l'an 9 du 11ème cycle

Tibéria trouva son chemin vers les jardins bordant la propriété du vicomte dans l’intention de faire le point sur les derniers jours chargés en émotions de toutes sortes. Elle repéra sans mal un banc de pierre sur lequel un bosquet d’arbres jetait une ombre bienvenue en cette journée chaude d’été. Elle s’y assit, soupirant comme si la jeune femme retenait son souffle depuis plusieurs minutes. Il n’y avait personne en vue, Tibéria pouvait se détendre. Elle étira ses jambes et balança légèrement la tête d’un côté à l’autre dans l’espoir de défaire le nœud qui raidissait sa nuque. Combien de temps s’était-il passé depuis que sa tante Octavia était venue la retrouver à Thaar? Pratiquement trois ennéades, mais Tibéria avait l’impression que tout s’était passé beaucoup plus vite. Octavia lui avait annoncé qu’un accord avait été conclu et qu’elle devait se rendre à Ydril le plus rapidement possible où elle était attendue. Ainsi, à peine 24 heures après l’annonce, la jeune femme s’était retrouvée sur un bateau en compagnie de sa tante en direction de la péninsule. La traversée fut particulièrement pénible pour Tibéria, car elle souffrait du mal de mer. Plutôt ironique comme situation pour une jeune femme pratiquant l’aquamancie. Heureusement, le trajet fut tout de même adouci par la rencontre d’une pétillante jeune femme Zoïle. Lorsque le bateau accosta enfin à Ydril, il devint évident aux yeux de la jeune femme que quelque chose n’allait pas. En fait, il n’y avait personne pour les accueillir. Elle n’était pas attendue! Dans un sens, ce n’était pas plus mal, car Tibéria n’était pas censée se retrouver en Péninsule depuis que toute la famille avait été bannie à cause de sa sœur Margot. À force de questionner sa tante, Tibéria avait découvert que si un accord avait été évoqué, il n’avait pas non plus été officiellement conclu. Octavia avait décidé une fois de plus de faire les choses à sa façon. Elle avait donc récupéré sa nièce à Thaar avant d’envoyer un message pour avertir Arichis de sa décision.

Citation :

« Le soleil brille sur Ydril, n’est-ce pas magnifique?

                                                                            O. »

Non seulement le message ne voulait rien dire, mais elle n’avait même pas signé son nom au complet. Octavia lui avait expliqué que sa présence ici était clandestine et faisait partie d’un plan nettement plus élaboré. Personne ne devait savoir qu’elle était là avant que les choses soient officielles. Le message se voulait très vague, mais Arichis devrait normalement en comprendre le sens caché. Tibéria devait donc subir la suite des évènements sans rien dire. Il était évident qu’elle n’avait aucun contrôle sur la situation même si elle était la principale concernée dans cette histoire. En même temps, elle n’avait pas l’intention de refuser, mais la jeune femme allait imposer ses conditions. Rien d’extravagant, mais elle y tenait, surtout pour le bien-être de ses jeunes sœurs restées à Thaar. Évidemment, elle pensa à Margot. Où se trouvait-elle? Mystère. Tibéria était toutefois inquiète, sachant que tout ceci finira par se rendre à elle d’une façon ou d’une autre. Qu’allait-elle faire ensuite? Margot avait un caractère explosif et, en toute sincérité, Tibéria craignait son courroux. Ses mains se crispèrent contre le rebord du banc. Non, elle ne devait pas avoir peur d’elle. Margot était tel un chien édentée. Elle pouvait japper et grogner autant qu’elle le voulait, elle ne pouvait pas mordre. La comparaison la fit sourire malgré elle. C’était méchant, mais très vrai. Ses épaules s’affaissèrent légèrement.

Si personne ne l’attendait à son arrivée au port d’Ydril, on ne l’attendait pas plus dans la vaste demeure du vicomte situé à Velmone. Comble de l’ironie, le deuxième parti en importance dans cette histoire n’était même pas là. Il était dans le nord pour régler des affaires. Toutefois, les gens de sa maison accueillirent quand même la jeune femme avec beaucoup de sollicitude en lui offrant une grande chambre très confortable et veillant à tous ses besoins. Elle était impressionnée par la magnificence des lieux. Arichis était un homme très puissant qui ne se refusait rien. Les jardins à eux seuls n’avaient rien à envier à ceux que l’on trouvait dans les cours princières de Thaar. Toutefois, Tibéria était impatiente de retourner à Soltariel, sa véritable maison. Elle voulait retrouver sa capitale et son agitation. C’est là-bas qu’elle devait être. Si tout fonctionnait comme prévu, ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle y retourne. Elle qui croyait ne plus jamais revoir ses murs blancs scintillants sous le soleil… La vie était en train de lui prouver qu’il ne fallait jamais croire que quelque chose est impossible. Elle peut être hautement improbable, mais jamais impossible.

Tibéria ferma les yeux en inspirant profondément. Les fleurs aux couleurs vives du jardin dégageaient des parfums enivrants. Ce bref moment de solitude faisait son effort. La jeune femme se sentait plus détendue. Elle n’avait pas à faire un effort pour présenter une image composée en laissant de côté ses inquiétudes. Les gens ne réalisaient pas à quel point ça pouvait être difficile de tout refouler à l’intérieur et d’afficher un sourire en toute circonstance. En ouvrant les yeux, elle aperçut du coin de l’œil ce qui semblait être un bain pour les oiseaux. Elle quitta son banc et la fraicheur de l’ombre pour s’en approcher. C’était bien cela : une vasque peu profonde montée sur un pied ouvragé. Ce n’était pas une fontaine, mais peut-être que la jeune femme pouvait remédier à la situation…

Elle n’avait pas fait de magie depuis son arrivée ici et Tibéria n’était peut-être pas dans un bon état d’esprit pratiquer, mais elle avait définitivement besoin de se changer les idées et ça pouvait être amusant. Un rapide coup d’œil autour d’elle lui confirma que personne ne regardait. Elle savait par expérience que les gens ont tendance à se méfier de la magie. Ce n’était pas le temps de s’attirer le courroux du responsable des lieux en l’absence d’Arichis. Tibéria saisit le pendentif à son cou, l’aigue-marine qui lui servait de focaliseur lorsqu’elle pratiquait l’Art. Une fois encore, elle ferma les yeux en inspirant profondément. Elle fit le vide dans son esprit et se concentra intensément sur le résultat qu’elle voulait obtenir. Tibéria n’avait jamais fait cela, se contentant de faire jaillir de petites sources du sol ou de faire déborder des verres d’eau. Cette fois, c’était un peu plus élaboré, mais elle se sentait capable de le faire. Tibéria voulait que de petits filets d’eau s’élèvent dans les airs et retombe en courbes gracieuses à l’image d’une fontaine. L’image était très précise dans sa tête et il n’y avait aucune raison pour que ça ne fonctionne pas. La surface de l’eau du bassin commença à s’agiter sous l’effet des forces magiques qui se manifestaient. La jeune femme restait parfaitement concentrée. Toutefois, lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle vit qu’un oiseau s’était posé sur le bord du bassin. Cette simple vision suffit à la déconcentré et tout partit de travers. Ce n’est pas un filet d’eau qui s’éleva, mais une colonne entière qui jaillit tel un geyser. L’oiseau prit la fuite en poussant des cris affolés. Évidemment, le sort rompit, l’eau retomba sur le sol en éclaboussant de la tête au pied Tibéria. Elle ne s’attendait certainement pas à ce que ce soit aussi violent. La jeune femme resta interdite pendant un instant, dégoulinante d’eau, avant d’éclater de rire. Elle avait du mal à se contenir, riant tellement qu’elle en avait les larmes aux yeux.

— Et comment… vais-je expliquer ça?

Son rire redoubla en intensité. Ça faisait un moment qu’elle n’avait pas ri autant et ça lui faisait un bien fou.

Arichis avait reçu le billet d’Octavia avec un sourire de triomphe non dissimulé. La vieille harpie avait enfin accepté ses termes, le patriarche avait travaillé dur pour arriver à ce moment-là. Il avait dû négocier avec Ysari, avec le Ponant, avec les Cabales pour s’assurer le soutien de ces gens, avoir leur sympathie pour pouvoir leur proposer ensuite une Berontii comme Duchesse de nouveau. Avant de songer à Tibéria, Arichis avait d’abord voulu le retour de Margot. Au moins elle, il la connaissait. Mais celle-ci n’avait pas souhaité dépendre de lui, elle l’avait rejeté. La disparition de Maciste et de son enfant offrait dès lors une nouvelle opportunité pour les ambitions du vieux dragon. Entre les Maldi, Valancourt et Berontii, il avait préféré les Berontii. Sans doute son désir de voir les anciennes grandes familles restaurées dans leurs titres.

Accompagnés d’Angélique de Broissieux, et de Cécyllia, Arichis refit le chemin inverse pour revenir à Ydril au plus vite. Son plan reposait sur l’effet de surprise. Détenir Tibéria à Ydril, l’épouser au plus vite devant ses alliés, annoncer ses prétentions au trône du Soleil-Blanc puis recueillir les serments de vassalité. La traversée du retour se fit paisiblement, le patriarche invitait à chaque fois Angélique à diner avec eux. Il la traitait avec convenance et respect et tentait de lui faire passer le plus de temps possible avec Cécyllia. Lorsqu’il était seul, il préparait des billets qu’il envoyait par pigeon à des destinations connues de lui seul. Sa sœur a été prévenue de la venue de la Berontii et il lui demanda de préparer le palais, de bien habiller les esclaves et d’inviter les grands noms du comté pour un banquet en l’honneur de la prochaine duchesse. Le mariage qui allait se préparer était un mariage politique comme presque toujours chez les hauts gens, mais cela ne signifiait pas qu’il ne devait pas y avoir de l’entente dans le couple. Arichis ne se projetait pas que dans quelques ennéades, il pensait à long terme et pour pouvoir régner en toute sérénité à Soltariel Tibéria et lui devaient s’entendre et cela commençait dès la première rencontre et la bonne impression qu’Ydril pouvait lui laisser. Par contre, pas d’accueil en grande pompe avant qu’Arichis ne soit sur les lieux.

Il accosta à Cloyi dès le début de la troisième ennéade, le voyage fut plus long car ils furent à contrevent durant toute la traversée. Ils passèrent la nuit au château seigneurial puis prirent la route vers Velmone. Sibylle l’accueillit et l’informa que Tibéria était déjà là, Arichis l’en remercia mais décida de d’abord prendre un bain avant de la retrouver pour discuter. Il n’en avait jamais eu l’occasion auparavant.

Plusieurs heures après, il était enfin frais et coquet. Il inspecta le palais avec son intendant pour vérifier que tout allait bien, non pas qu’il ne faisait pas confiance à sa sœur mais il serait plus serein en ayant tout vérifié par lui-même. Il fut ravi de voir que les statues, les lustres, et les dorures furent lustrés avec soin, que le sol brillait et que les meubles dépoussiéraient. Après un long tour d’inspection, il daigna enfin rencontrer sa promise. On l’informa qu’elle se trouvait dans les jardins. Redressant son col, il en prit la direction.

Il la vit bien assez vite. Assise sur un banc à l’ombre. De cette distance, il ne pouvait seulement remarquer sa petite taille et sa chevelure d’ébène. Plus il se rapprocha et plus l’image devint plus nette, les yeux sombres et le teint halé. Elle était à présent debout face à une vasque d’eau où une colonne d’eau jaillit par magie pour retomber quelques secondes après les éclaboussant tous les deux. Tout comme elle, il était trompé de la tête aux pieds. Le rire de la jeune femme s’éleva tout aussi rapidement que le geyser.

« Par votre volonté d’arroser les plantes et non de les noyer ? »

S’amusa le régent dans son dos après un petit effort pour ne pas l’appréhender à la place. Après tout, Tibéria était encore qu’une gamine qui s’amusait avec son Art et ce qu’il avait retenu des gamines, c’était qu’il ne fallait pas dès le départ les contrarier.

« Arichis d’Anoszia ma dame, j’espère que vous avez appréciée votre court séjour chez nous. »

Tibéria riait toujours aux éclats lorsqu’elle entendit une voix d’homme s’élever non loin derrière elle. D’abord, elle crut que c’était peut-être le jardinier du domaine ou simplement un serviteur du château venu s’assurer qu’elle ne manquait de rien. Même si c’était le cas, jamais un serviteur ne se serait adressé à elle avec autant de familiarité. Elle était trop hilare pour le remarquer et répliqua simplement avec son sens de la répartie habituel.

— Ces plantes manquaient cruellement d’eau. Il n’a pas plus depuis que je suis ici et ça fait déjà trois ennéades. Je voulais simplement rendre service…

Toutefois, quand l’inconnu se présenta enfin, Tibéria sentit le sol s’ouvrir sous ses pieds. Bon sang, il était là! Après trois ennéades à anticiper ce moment, il était enfin rentré. Elle avait imaginé le scénario de leur première rencontre de bien des façons dans son esprit, mais aucun n’impliquait d’inonder la moitié de ses jardins! La jeune femme se retourna pour lui faire face le plus dignement possible sans parvenir à cacher complètement son air mortifié. Sa honte augmenta d’un cran lorsqu’elle vit qu’il était aussi trempé qu’elle. Depuis combien de temps était-il là, au juste? Avait-il observé la scène depuis le début?

— Oh…

Tibéria devait admettre cependant que l’homme offrait un drôle de spectacle. Il avait visiblement pris la peine de s’habiller de façon élégante et raffinée, mais l’effet était maintenant ruiné par le sort raté de Tibéria. Il n’avait pas l’air d’un homme venant de rentrer d’un long voyage depuis le nord. Quoique trempé, il avait l’air en pleine forme et bien réveillé. Son regard brillait d’une lueur amusée qui acheva de mortifier la jeune femme. C’était la seconde fois dans sa jeune vie qu’elle rencontrait Arichis d’Anoszias, le patriarche de l’une des plus puissantes familles de la Péninsule. D’abord, elle fut frappée par sa grandeur. Elle ne se souvenait pas qu’il fût aussi grand. En même temps, elle l’avait vu de loin sans vraiment y porter attention. À côté de lui, Tibéria se sentait vraiment petite. Jamais dans sa vie elle n’avait été complexée par sa taille, mais là, c’était difficile de l’ignorer. Ensuite, il était vieux. Elle savait qu’il avait quelque chose comme deux fois son âge, mais de le voir en personne rendait la chose beaucoup plus réelle. Néanmoins, Tibéria savait depuis le début dans quoi elle s’embarquait. Elle avait accepté cette union en pleine connaissance de cause. Elle n’allait certainement pas reculer maintenant pour des détails mineurs comme la différence d’âge et de grandeur.

Maintenant que l’effet de surprise était passé, Tibéria retrouva brièvement sa contenance et se présenta en faisant une révérence élégante à la manière des gens de Soltariel, ignorant complètement ses vêtements trempés et de son apparence en général.

— Tibéria de Soltari-Beronti, enchantée de faire votre connaissance monsieur le vicomte.

Elle se redressa et porta une main à son visage. En fait, elle peinait à cacher un sourire. Bientôt, ses épaules furent secouées du même fou rire qu’elle avait avant d’être interrompue par l’arrivée d’Arichis.

— Je suis vraiment désolée. Ce n’était pas mon intention de…

Tibéria fut incapable de terminer sa phrase. Il lui fallut un certain temps avant de finalement se calmer pour de bon. Elle devait faire attention à l’image qu’elle présentait. Elle ne voulait pas se montrer comme une gamine immature bien qu’il était probablement déjà trop tard pour cela. Après tout, il voulait faire d’elle une duchesse. Si sa tante avait été témoin de la scène, elle aurait probablement étranglé sa nièce sans le moindre remords avant de proposer à sa place une autre de ses soeurs. D’ailleurs, elle était surprise qu’elle ne soit pas ici pour assister à cette première rencontre. Ses affaires devaient la retenir ailleurs et ce n’était pas plus mal. Elle était déjà assez inconfortable comme ça qu’elle n’avait pas besoin de la vieille harpie pour en ajouter.

— Mieux vaut en rire, je crois… Oui, j’ai passé un excellent séjour, bien que mon arrivée se soit passée de façon… Enfin, disons que ma tante s’est faite très avare dans ses explications. Je suis même étonné que vous ayez compris ce message qu’elle vous a envoyé. Nous avons quitté Thaar précipitamment en laissant mes deux sœurs derrière. Je m’attendais à vous voir dès mon arrivée, mais ce ne fut pas cas. Je comprends que le… mariage doit être célébré rapidement, mais j’apprécierais qu’on m’explique ce qui se passe exactement et où se trouve Margot en ce moment. Après tout, je suis le second parti en importance dans cette histoire.

Tibéria parlait avec aplomb sans quitter des yeux Arichis. Heureusement qu’il se trouvait à quelques pas d’elle. La jeune fille n’était donc pas obligée de lever la tête pour le regarder. Sur ce point, sa dignité était sauf… pour l’instant.

Même s’il ne pleuvait pas, les jardins étaient quotidiennement entretenus par Antonio et ses esclaves. Antonio était au service de la famille depuis des décennies, il était originaire d’un patelin proche d’Ysari et avait carrément les pouces verts. Arichis le connaissait depuis très jeune, en l’ayant surpris un soir avec une domestique juste après le retour de son père d’une partie de chasse. Le vieux bonhomme n’avait pas d’enfants et veillait sur ses plantes comme si elles étaient les siennes. Arichis se retint de donner cette leçon anecdotique à sa prochaine épouse et se contenta de l’écouter, s’amusant de sa surprise lorsqu’elle découvrit à qui elle faisait face. La jeune femme se présenta en accompagnant ses paroles d’une révérence. Elle était plus petite que Margot, moins impressionnante également sous ses airs d’enfant mouillée.

Arichis aurait pu se montrer vexer face à son rire moqueur qui très vite la submergea malgré sa tentative d’excuse. Toutefois, il devait admettre que la situation était cocasse. Sans doute son séjour à Thaar l’avait imprégné des mauvaises manières de ces gens-la. Le patriarche arqua un sourcil en la regardant avant de détourner le regard sur le petit bassin. Il aurait également préféré la présence de la tante Octavia durant cette rencontre, cela leur aurait épargné cette déconvenue. Il attendit qu’elle se calme pour répondre.

« Vous êtes excusée ma dame. L’Art est une science délicate et il n’est pas aisé d’en maitriser les sorts. »

Sa première épouse, Hélène, pratiquait l’aéromancie tout comme Paulla s’il ne s’abusait pas. Elle affectionnait particulièrement un sort qui faisait virevolter ses cheveux comme s’ils étaient exposés au vent pour charmer son Anoszia de mari. Tibéria ne le quittait pas des yeux, Arichis se rapprocha d’elle à mesure qu’elle parlait pour la dominer de sa taille et la forcer à lever les yeux vers lui. Façon subtile de lui indiquer qu’il était maitre en ces lieux. Arriver à sa hauteur, il lui indiqua de la main le banc sur lequel elle était assise plus tôt. Autre façon subtile pour lui montrer que malgré sa supériorité, il souhaitait qu’ils soient sur un pied d’égalité. Arichis n’espérait pas qu’elle comprenne tout cela, il misait plus tôt sur son subconscient pour la mettre à l’aise. Retors et perfide, l’Anoszia était homme d’expérience.

Avant de lui répondre, il s’assit et attendit qu’elle fasse de même si elle le souhaitait. Se raclant la gorge sans faire attention à ses habits mouillés, il prit la parole.

« Je ne sais pas où se trouve Marguerite des Berontii, mes agents indiquent toutefois sa présence au Nord. Votre sœur a rejeté les conditions que j’exposais pour son retour sur le trône ducal, votre tante par contre, a accepté mes termes. Effectivement, nous devons célébrer notre mariage au plus vite afin que vous puissiez prendre la couronne ducale. Ce qui se passe est très simple, nous allons vous proposer à la Course des Soleils. Actuellement, trois clans sont capables de revendiquer le trône du Soleil-Blanc. Les Vallancourt, grâce à leur parenté avec votre oncle, Maxime. Les Maldi, les frères, sœurs et cousins du précédent duc Maciste qui sont actuellement trop occupés à se battre pour Sybrondil. Enfin, les Berontii, dont vous êtes la candidate que j’ai choisi. Entendons-nous, il était hors de question que Marguerite revienne avec son désir de vengeance. Il nous faut un nouveau visage, nouveau mais légitime, et vous allez être ce visage. »

Mais très vite, ses habits trempés le rattrapèrent et il ne souhaita que se débarrasser de cette sensation désagréable.

« Je vous propose de vous changer et me permettre de faire de même, il n’est pas convenable que nous surprenne ainsi. Nous aurons tout loisir de nous entretenir plus en détail en soirée si vous le permettez. »

Eh bien, grâce au sort raté de Tibéria, le jardinier n’aura pas à travailler aujourd’hui. Ça lui laissera un peu de temps pour faire autre chose. Après tout, il n’y a pas que le travail qui compte dans la vie. Arichis pardonna l’incident, disant que l’Art était effectivement un art délicat dont la maîtrise des sorts n’était pas aisée. Tibéria avait été négligente en essayant de faire quelque chose de nouveau alors que ce n’était ni le moment ni l’endroit pour le faire. Heureusement, il n’y avait aucun dégât à signaler hormis des vêtements mouillés. Vu la chaleur ambiante, c’était même plutôt agréable, quoique pas convenable.

Alors qu’elle parlait, Arichis s’approcha d’elle au point de la forcer à lever la tête pour continuer à le regarder. Faisait-il exprès? Tibéria était petite. Ce n’était tout de même pas de sa faute si son nez arrivait à la hauteur du sternum de cet homme! Arichis voulait montrer qu’il était l’homme de la situation. Elle avait toujours eu un talent certain pour cerner les gens qui l’entouraient. Tibéria les observait et décodait leur comportement. Ça avait du bon comme du mauvais et ce n’était pas difficile de deviner ce que le vicomte avait en tête. Il avait devant lui une jeune femme qui faisait la moitié de son âge. Il venait de la prendre sur le fait alors qu’elle venait de faire une bêtise. Facile de la prendre pour une gamine. Sauf que, cette gamine était également sa future épouse et il n’avait aucun intérêt à la contrarier. C’est pour cette raison qu’au lieu de rester planter là à la surplomber de toute sa hauteur, il fit un signe vers le banc pour l’inviter à s’y assoir. Tibéria sourit et s’y installa avant d’être rapidement rejointe par Arichis. Il ne savait pas exactement où se trouvait Margot à cet instant, mais on la disait dans le nord. Elle devait certainement y fomenter une quelconque revanche sans savoir ce qui était en train de se préparer dans son dos. Tibéria savait qu’elle reviendrait dès que l’histoire sera rendue publique. Ce n’était qu’une question de temps.

— Elle ne sait pas ce qui se passe présentement, mais je connais ma sœur. Elle reviendra et il faudra y être préparé.

Sa tante devait avoir l’esprit aussi retors que celui du vicomte. Elle avait accepté les termes de l’arrangement et envoyé sa nièce jouer le rôle de potiche ; une potiche très importante, car elle faisait partie de ceux qui pouvaient prétendre au trône ducal de Soltariel. De tous ceux qui avaient des prétentions, Arichis avait choisi sa famille. Tibéria pouvait encore tout annuler et retourner à Thaar pour y mener une vie paisible loin de tous les troubles de la Péninsule, mais elle n’allait pas le faire. Elle avait attendu cette occasion toute sa vie. Enfin elle allait briller et cet homme n’allait certainement pas lui faire de l’ombre.

— Tous ces gens, je les connais. Aucun d’eux n’a levé le petit doigt quand nous avons été chassées mes sœurs et moi. Évidemment, ils n’en avaient pas le moindre intérêt à retirer. Je trouve quand même étonnant que le candidat que vous avez choisi soit d’une famille qui a été exilée. Je porte les stigmates des gestes posés par ma sœur alors que je n’ai rien à voir avec ce qu’elle a fait. Ça ne pourrait pas nuire éventuellement?

Tibéria était lucide. On allait la comparer à sa sœur jusqu’à la fin de ses jours. Elle était même convaincue qu’Arichis y avait pensé en la voyant. Tibéria était jolie, mais sa beauté était nettement moins flamboyante que celle de sa sœur. Bien que ce soit un détail de moindre importance, elle espérait au moins lui plaire un peu.

Bien que rafraichissant en cette chaude journée d’été, les vêtements mouillés n’étaient pas vraiment confortables. Ils étaient surtout peu convenables pour une discussion aussi sérieuse. Arichis lui proposa donc d’aller se changer avant de se retrouver un peu plus tard où ils pourront discuter plus longuement.

— Vous avez raison; ce n’est pas convenable de rester dans de tels vêtements. On se retrouve donc plus tard. Nous pourrons alors reprendre cette conversation. Il y a quelques détails supplémentaires que je souhaites éclairer.

Tibéria se leva du banc, s’inclina à nouveau devant le vicomte pour le saluer, puis s’éloigna le plus dignement possible dans ses vêtements qui lui collaient à la peau.

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Quelques heures plus tard…

Tibéria refit son apparition que bien plus tard lorsque le repas du soir fut servi. Le soleil était tombé derrière l’horizon, mais le ciel arborait encore de belles teintes dorées. Elle s’était lavée et changée. Elle apparut donc devant le vicomte toute en beauté. Plus tôt dans la journée, comme la jeune femme ne s’était pas attendue à croiser Arichis, elle n’avait pas fait un effort particulier pour bien paraître contrairement à maintenant où elle avait revêtu sa plus belle robe et ses plus beaux bijoux. La robe taillée dans un tissu fluide mettait en valeur ses courbes. Des bracelets d’or ornaient ses poignets et ses bras. Un collier et des boucles d’oreilles faits du même matériel complétaient l’ensemble. Ses cheveux avaient également été soigneusement coiffés et tombaient en cascades sombres dans son dos. Ce n’était pas une gamine qui se présentait au vicomte, mais une jeune femme confiante en ses atouts.

— Bonsoir monsieur de vicomte.

Margot était présentement seule sans alliés, elle avait ratée le coche. Si Arichis arrivait à mettre Tibéria sur le trône sans escarmouche, l’ainée des sœurs Berontii n’aurait dès lors aucune chance de les gêner mais l’Anoszia restait réaliste. Il ne connaissait pas encore assez Tibéria pour la juger, si jamais celle-ci éprouvait des remords quant au sort de sa sœur leurs plans risquaient d’être incommoder. Mais il était optimiste. Les étoiles lui étaient favorables se convainquait-il. La jeune femme mit le doigt sur une question délicate. Elle avait raison, le nom de leur famille était entiché des déboires de Margot.

« Cela nuira forcément. Mais vous êtes un moindre mal comparé à votre sœur qui ne jure que par la vengeance. Si nous vous imposons rapidement à la majorité, la minorité suivra. Nous ne pouvons faire que des heureux néanmoins nous pouvons y travailler. »

Soutenir les Maldi aurait été plus difficile que soutenir Tibéria. Ces derniers plus nombreux étaient moins enclin à la négociation, s’imposer face à eux n’aurait pas été aussi aisé que s’imposer face aux nièces d’Octavia. Les Valencourt eux, avaient l’handicape d’être du mauvais côté de la frontière. Finalement Arichis en choisissant Tibéria n’avait fait que choisir la facilité.

« A ce soir ma dame. »

Répondit-il simplement en la regardant s’éloigner du banc. Elle était encore très jeune, plus jeune que Cornélia, il appréhendait leur mariage. Celui-ci n’avait qu’un objectif, positionner la famille au sommet de la pyramide féodale locale. Pourtant s’engager auprès des dieux était un serment qu’Arichis prenait au sérieux. En échangeant ses vœux avec la jeunette, il la faisait entrer dans sa famille. Famille à qui il tenait plus que tout au monde. Elle deviendrait dès lors une personne importante. Si l’entente ne marchait pas, cela risquerait de poser des problèmes à la sérénité du foyer. Arichis soupira et se leva à son tour pour se changer.

Quelques heures plus tard.

La table fut dressée pour accueillir la prochaine maitresse des lieux. Une nappe aux couleurs des Anoszia, des couverts en argent et des chandeliers en or. Les esclaves étaient tous en tenue adéquate pour l’occasion, des fines robes cyans ou des pagnes pour les mâles. Sur la table, les mets étaient plus délicieux les uns que les autres. Un cochon de lait cuit à la broche, des faisans sur des lits de légumes, du canard rôti et des huitres-argent tout juste cueillis.

Arichis était assis en haut de table. A sa droite, la matriarche des Berontii, Octavia. Tout aussi ravissante avec ses bijoux, sa robe et sa coiffure. A gauche, le siège de Tibéria était encore vide. D’ailleurs celle-ci ne tarda pas à s’introduire. L’Anoszia se leva pour l’accueillir. Contrairement à leur première rencontre, elle était resplendissante ce qui lui arracha un sourire. Il n’épouserait pas une laiderone.

« Ma dame, vous êtes ravissante. »

Il lui offrit même un baisemain avant de la laisser s’assoir et qu’un échanson vienne remplir sa coupe du meilleur vin des caves du palais. Un Hautval. Octavia salua également sa nièce, tout sourire elle devait sans doute se rejouer sa scène de rencontre avec l’Anoszia en pensée et s’en marrer. Le régent connaissait la Dame de réputation, tout comme lui, elle était d’une forte personnalité et cherchera à s’imposer dans leur couple. Arichis savait qu’il devrait en faire une alliée très vite dès les premiers jours de sa prise de pouvoir au risque de se voir saper.

« Votre tante et moi discutions des préparatifs du mariage. »

Selon toute évidence, Arichis d’Anoszia déployait un maximum d’effort pour impressionner la jeune Tibéria et ça fonctionnait. Bien qu'elle soit elle-même issus d'une famille très riche, Arichis semblait avoir une fortune un peu plus importante. Il y avait mi le paquet alors que ce n'était qu'un simple repas en petit comité. Toutefois, l’homme avait visiblement beaucoup de gout et n'avait aucune honte à exhiber ses richesses. Tibéria regardait autour d’elle appréciant les petits détails qui faisaient toute la différence. Elle aurait quand même apprécié que les esclaves aient un peu plus de vêtements sur le corps, surtout les hommes qui ne portaient que des pagnes. La jeune femme ne voyait pas l’intérêt d’exhiber leur corps de cette façon. Leur condition d’esclave était déjà suffisamment difficile pour eux pour ne pas être obligé d’en ajouter plus à leur misère. Oui, Tibéria était de celle à se soucier du sort des gens, même les plus pauvres et les plus misérables. Il faudra s’y faire. En attendant de pouvoir faire changer leur tenu, la jeune noble évita soigneusement de les regarder et se concentra plutôt sur Arichis qui s’était approché pour l’accueillir. Il lui offrit un baisemain comme c’était l’usage et Tibéria s’inclina.

— Monsieur le vicomte.

Elle reconnut sa tante déjà installée à la table et qui observait la scène avec un sourire énigmatique dont elle seule avait le secret. Pour elle, sa mission était accomplie. Sa nièce était arrivée en un seul morceau à Arichis. Il ne restait plus qu’à célébrer le mariage et à manifester publiquement sa prétention au trône ducale. Avec le vieux renard et ses vassaux pour l’appuyer, ce n’était plus que des formalités. Elle pouvait difficilement être plus satisfaite quoique l’inexpérience de la jeune femme pouvait éventuellement nuire. Tibéria essaya d’ignorer le regard d’Octavia posé sur elle pour plutôt regarder Arichis.

— Vraiment? Il me tarde d’entendre vos idées bien que, je dois l’avouer, j’ai également quelques propositions à faire pour la cérémonie et les festivités qui vont suivre. En fait, il y a quelques points que je voudrais éclaircir avant d’aller plus loin.

Évidemment, si Tibéria devait se marier, elle voulait que la cérémonie soit à la hauteur de ce qu’elle désirait. Elle ne s’attendait pas à quelque chose de particulièrement extravagant, mais elle ne voulait pas que ce soit fait dans la précipitation. De plus, comme sa vie allait être liée à cet homme, elle voulait être certaine qu’ils soient sur la même longueur d’onde.

— Je t’en pris, Tibéria, ce n’est pas le temps de l’ennuyer avec tes histoires de gamines. Prenons au moins le temps de manger.

Tibéria foudroya sa tante du regard. Elle n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, même par sa tante. Sous ses airs de douces jeunes femmes, elle avait du caractère.

— À ce que je sache, vous avez conclu cette entente entre vous, mais je peux encore la briser même si ça implique un retour définitif à Thaar. Je n’ai pas l’intention de le faire, mais j’aimerais au moins que l’on m’écoute. Il y a quelques conditions auxquels je tiens particulièrement et elles ne me semblent pas du tout déraisonnables. Je laisse monsieur le vicomte en juger lui-même.

On avait déposé devant la jeune femme une coupe remplie d’un vin aux arômes envoutants. Tibéria y trempa ses lèvres. Il n’était pas convenable pour une jeune femme de boire à outrance, mais elle ne voulait pas déplaire au vicomte en refusant ses attentions.

— Ce vin est absolument délicieux. Donc je disais avoir quelques conditions par rapport à cet arrangement qui nous unira bientôt. Voulez-vous en parler maintenant ou partagez-vous l’avis de ma tante en préférant attendre après le repas?

Octavia regarda sa nièce en haussant un sourcil. Elle savait que Margot avait un tempérament de feu. Sa sœur Tibéria avait toujours semblé plus effacée à côté d’elle, comme une étoile cachée par l’éclat du soleil. Jamais elle n’avait démontré autant d’assurance et de véhémence en s’exprimant. Peut-être s’était-elle trompée en disant que la gamine sera facile à contrôler? Après tout, elle faisait aussi de la famille et toutes les femmes de cette lignée étaient réputées pour leur caractère.

Par préparatifs du mariage, Arichis sous-entendait les nobles qui seront invités et les discours qui seront prononcés. Quant aux festivités et au cérémonial, il avait des gens pour s’en occuper sous l’œil attentif de sa sœur. Si Tibéria voulait y mettre son grain de sel, il ne l’en empêcherait pas. Octavia tacla sa nièce qui la menaça de pouvoir rompre les accords ce qui fit sourire l’Anoszia qui n’en croyait pas un mot. La jeune femme avait l’opportunité de devenir duchesse et n’avait pas un mot à dire quant aux décisions de sa tante qui serait tout à fait capable de la trainer poings et jambes liés jusqu’au Temple pour célébrer le mariage. Mais même si jamais celle-ci par un quelconque miracle arrivait à s’enfuir, elle se verrait tout simplement remplacer par Paulla ou Antonia. L’opportunité offerte par la déchéance de Kahina était trop belle pour la laisser être gâcher par les caprices d’une jeune fille. Mais Tibéria les rassura en précisant que ce n’était pas ce qu’elle comptait faire.

« Evitons de nous chamailler à ma table. Nous avons toute la soirée pour cela. » Ironisa-t-il tandis qu’on servait du vin.

Il était curieux d’entendre les conditions de la demoiselle. Il se doutait qu’elle devait se sentir en position de faiblesse, être l’outil de sa tante pour retrouver leur situation d’antan au sein du duché et qu’elle essaierait de changer cela afin d’être traiter comme une paire et non une inférieure. Ce qui était compréhensible. Elle avait été amenée à Ydril dans la précipitation sans avoir eu son mot à dire sur ses volontés, toute sa vie elle avait été la victime des choix d’autrui. Balloter de Soltariel à Thaar, puis de Thaar à Velmone. Toutefois Arichis lui offrait l’aubaine d’échapper à un tragique destin où de sœur de duchesse elle aurait fini par être l’épouse ou la concubine d’un prince qui l’aurait exposé dans son harem estreventin.

« Parlons-en dès à présent, maintenant que vous avez mis le sujet sur le tapis on ne peut l’ignorer sous peine de passer un mauvais dîner. »

Des esclaves apportèrent des plateaux de charcuterie auxquels Arichis goûta entre deux gorgées de vin tandis qu’Octavia calée dans son siège picotait ici et là.

« Toutefois avant de vous entendre sachez que notre entreprise ne sera pas aisée. Nous avons de nombreux ennemis qui tenteront de manœuvrer contre nous. Pour préparer votre arrivée, j’ai dû faire des compromis avec les grands du duché mais rien n’est encore acquis. Nous aurons besoin de votre bonne volonté Tibéria pour que cela fonctionne, et pour cela j’espère que vous nous ferez confiance à Octavia et moi car rappelez-le-vous, nous partageons les même intérêts. »

A sa place, Arichis ne leur aurait pas du tout accordé sa confiance. Mais il n’exagérait pas sur le besoin de la bonne volonté de la pucelle. Ils auront besoin d’elle pour l’exposer devant les nobles, pour grappiller de la sympathie chez les plus influençables et mener des négociations lorsqu’une présence masculine n’était pas appropriée.

« Je vous écoute. »

Tibéria n’avait aucunement l’intention de se chamailler à la table d’Arichis, mais elle voulait qu’on l’entende que sa tante soit d’accord ou non. De toute façon, elle savait pertinemment que peu importe ce qu’elle allait dire, cette femme était capable de la livrer pieds et poings liés devant l’autel. Qu’elle laisse au moins sa nièce s’exprimer et lui laisser l’illusion qu’elle a au moins un peu de contrôle sur cette situation dans laquelle on l’avait plongé sans lui demander son avis. Arichis consentit à l’écouter dès maintenant alors qu’elle avait soulevé la question, mais il précisa que même s’ils parvenaient à s’entendre, leur entreprise sera loin d’être facile et rien n’était garanti. Ils avaient besoin de sa collaboration et Tibéria devait leur faire confiance.

— Voilà de bonnes paroles qui sortent de la bouche d’Anoszia! Écoute-le, ma petite et mange. C’est vraiment délicieux!

Des esclaves avaient apporté des plateaux de charcuteries qu’ils avaient déposés sur la table. Il y avait beaucoup de nourriture pour seulement trois personnes. Une telle abondance la mettait en appétit. Elle s’aventura à picorer un peu, savourant les saveurs exquises qui enchantaient son palais. Toutefois, Tibéria n’avait pas oublié ce qu’elle avait en tête.

— Je sais tout ça. Ne pensez pas que je suis une idiote qui se contente de suivre sans dire un mot. Je sais parfaitement que l’entreprise dans laquelle nous sommes tous lancés ne sera pas facile. Il y aura certainement de l’opposition et probablement même des manigances. Il est clair que vous profitez également de cette situation, monsieur le vicomte. Je suis l’une des héritières légitimes à la couronne de Soltariel, mais en m’épousant, vous serez également duc. Peu de gens peuvent se vanter de faire un mariage aussi avantageux.

Elle n’avait pas parlé dans le but de manquer de respect, mais simplement pour exposer un fait qui n’échapperait pas aux autres. Cette fulgurante ascension sociale ne se ferait pas sans heurts. Tibéria but une autre gorgée de vin comme si elle cherchait à se donner du courage. Pourtant, elle ne semblait pas du tout décontenancée, mais plutôt sure d’elle-même.

— En fait, ma condition la plus importante concerne mes sœurs Paulla et Antonia. Je veux qu’elles reviennent toutes les deux sur la Péninsule où elles retourneront sur le domaine où nous avons grandi jusqu’à ce qu’elles soient toutes les deux mariés. Évidemment, elles ne manqueront de rien et auront droit à des alliances tout à fait convenables.

Octavia laissa échapper un petit rire.

— Cette condition venait déjà avec l’entente de base, ma chère. Je n’allais certainement pas te sortir de ce trou à rat qu’est Thaar pour y laisser mes deux autres nièces. Je suis déjà en train de préparer leur retour. Pour ce qui est des alliances, j’ai déjà ferré quelques gros poissons. Ta tante préférée n’a pas perdu son temps.

Tibéria haussa les sourcils, un peu surpris.

— Ah bon… tant mieux alors. C’est déjà quelque chose de moins à m’inquiéter. Il me tarde de les voir et elles seront présentes pour le mariage, évidemment.

— Tu as ma parole, elles y seront.

Du coup, Tibéria semblait réellement ravie à l’idée que la situation allait également s’améliorer pour ses sœurs. Elle était tellement inquiète en les laissant derrière là-bas, dans une ville aux mœurs tellement différentes de celle de la Péninsule. Quel avenir auraient-elles eu là-bas? Tibéria n’osait même pas l’imaginer.

— Maintenant que je suis rassuré sur ce point, il y a autre chose que je tiens à mettre au clair. Je ne suis pas ici pour jouer la potiche de service.

Tibéria avait bien appuyé sur chacun des mots en regardant tour à tour Arichis et sa tante Octavia qui faillit s’étrangler avec son vin. Elle ne s’attendait pas à ce que sa nièce bien élevée et avec des manières irréprochables utilise un tel vocabulaire. À vrai dire, elle aimait ça! Tibéria ignora sa réaction et reprit.

— On m’a arraché de ma maison sans me donner de raison pour m’envoyer à Thaar. Puis, je rentre un jour dans la villa où je demeurais avec mes sœurs pour y trouver ma tante ordonnant aux esclaves de remballer mes affaires toujours sans me dire pourquoi. Je suis jeune, je le sais. Vous avez nettement plus d’expérience que moi pour manœuvrer dans ce jeu tordu que peut être la politique de nos jours. Toutefois, je ne suis pas une idiote. Je peux apprendre… Je vais apprendre avec votre aide. Je ne peux pas être duchesse sans vos appuis et vous ne pouvez pas devenir duc sans moi. Si nous devons nous marier, alors autant former une équipe. Je ne suis pas comme Margot, je tiens à le spécifier. Je désapprouve fortement son comportement. Elle reste ma sœur, mais je sais qu’elle cherchera à me nuire sinon à me tuer dès qu’elle saura que j’essaie d’usurper sa place. Il n’y a plus de liens de sang qui tiennent dans ce cas. Je ne veux pas qu’on la traque, mais si elle se manifeste et qu’elle tente quoi que ce soit… Alors elle subira une fois de plus les conséquences de ses gestes et je serai inflexible.

La jeune femme porta une fois de plus la coupe à ses lèvres. Elle avait la bouche sèche à force de parler, mais elle n’avait pas fini encore. Il restait un dernier point à soulever.

— Dernière chose, mais non la moindre : avoir le duché de Soltariel ne sera pas l’occasion de partir en guerre contre tout ce qui bouge. Je sais bien que ça ne dépend pas entièrement de nous et qu’on aura certainement à répondre à des conflits. Toutefois, la Péninsule est actuellement sens dessus dessous. Les nobles se tapent mutuellement sur la tête. Les paysans voient se succéder sur leurs lopins de terre les armées les unes après les autres. Bientôt, les campagnes vont se déserter et il n’y aura plus rien à réclamer. Non… Il faut de la stabilité, un pouvoir fort et c’est ce que nous ferons, c’est compris?

Tibéria avait l’impression d’avoir martelé ses conditions les unes après les autres et craignait maintenant de passer pour une idiote. Toutefois, donner l’impression de douter de ses propres paroles n’allait pas l’aider. Non, elle croyait en ce qu’elle venait de dire. Elle défendait ses valeurs et il n’était pas question de plier, peu importe ce qu’en dira Arichis d’Anoszia!

Malgré sa jeunesse et son inexpérience des affaires politiques du duché, Tibéria n’avait pas la langue dans sa poche. Elle ne manqua pas de rappeler à Arichis les avantages qu’il tirerait de ce mariage et qu’il avait tout autant besoin d’elle que lui d’elle. Elle n’avait pas tort, son ambition étant de se faire couronner de la couronne des Soltariel et elle était la seule à le lui permettre. La sous-estimer aurait été une erreur, le duché avait déjà prouvé par le passé qu’il recelait de femmes prêtes à tout pour parvenir à leurs fins et Arichis ne souhaitait pas en être témoin une nouvelle fois. Il l’écouta donc sans donner de l’importance au ton utilisé.

« Oh vous savez, à présent que la péninsule est déchiré nous avons des gens qui se proclament duc sans en avoir le droit, comme Nimmio de Velteroc au Médian. Mais effectivement, en nous mariant, nous partagerons la Couronne des Ducs. »

Lorsqu’elle exposa sa condition la plus importante, le régent fût soulagé bien que son faciès ne laissait retranscrire aucune émotion. Le retour de sa famille était sous-entendu dans les accords du mariage bien entendu. Au sud il n’y avait pas meilleur partisans ou ennemis que les personnes avec qui le sang était partagé. Octavia accueillit la condition exposée avec un rire avant de répondre et permettre à Arichis de sourire.

« A propos de cela, votre retour ouvrira l’appétit de vassaux voraces qui ne vous soutiendront que contre un bon mariage. Vos sœurs vont tout de suite être très courtisées, certaines demandes seront à gentiment écarter mais à d’autres il ne nous sera pas possible de dire non. Je pense, Octavia me contredira sans doute pas, aux grandes familles Ponitii, Corellii et Courtaval qui se sont déjà par le passé liés à votre famille. »

Tous avaient leurs rôles à jouer dans la Course qui se déroulait, Arichis avait courtisé les cabales, les compagnies marchandes et c’était aux Berontii à présent de traiter avec les grands vassaux récalcitrants. Tibéria continua dans sa lancée, elle voulait vraiment mettre les choses au claire ce qui arracha à nouveau un sourire au patriarche. Lui non plus ne souhaitait pas qu’elle pas serve de potiche de services. En devenant son épouse, elle devenait une Anoszia. Il attendait d’elle à ce qu’elle soit à l’image de sa famille. Une Dragonne.

Il l’écouta, elle se montra humble en reconnaissant son ignorance quant aux domaines du pouvoir. Il allait lui apprendre, elle pouvait comptait sur lui pour cela. Contrairement aux Maldi, il souhaitait poser une nouvelle dynastie sur le trône du Soleil-Blanc, une dynastie qui perdurerait sur des centaines d’années. Tout comme à Ydril, il souhaitait laisser une empreinte, que tous se souviennent de son héritage et pour cela il avait besoin d’une femme forte à ses côtés. Tibéria étant encore jeune, il pouvait lui inculquer ses principes, la modeler à son image espérait-il. Elle se révéla intraitable quant au sort de Margot, ce qui le rassura. Il la laissa continuer sur un laïus à propos des guerres auquel il ne pouvait pas être en désaccord. Les guerres étaient mauvaises pour les affaires au sud, personne ne les appréciait et elles ralentissaient la vie.

« Vous avez Tibéria du sang Berontii et Soltarii, une femme du pays. Vous serez prise pour tout à part une potiche pour reprendre vos mots. N’ayez crainte, notre pouvoir sera fort et nous régnerons ensemble sur le duché. Vous avez tout autant à apprendre de moi que moi de vous. Il ne le pensait pas Margot ne sera pas traquée, elle est de votre famille. Mais je suis ravi d’entendre que vous prenez sa menace au sérieux. Elle a joué au jeu du Soleil et a perdu, à elle d’avancer à présent. Il marqua une légère pose. Que savez-vous des guerres ? Question rhétorique mais il marqua une pause. Par ici, nous ne provoquons pas les guerres. Nous ne sommes pas des guerriers ou des conquérants. Nous préférons l’or à l’acier. Notre pouvoir sera fort, toutefois si on nous menace ou menace les nôtres nous serons dans l’obligation d’apporter une réponse adéquate. Notre peuple a rarement souffert des armées, et notre principale préoccupation sera d’éviter la famine de l’hiver. J’ai déjà prit quelques dispositions, nous pourrions en reparler plus tard lorsque vous siégerai sur le trône. »

La noblesse d’Ydril avait été mise au courant des ambitions de son régent, les rumeurs commençaient à atteindre les bourgades du comté mais le banquet allait être l’occasion de les faire taire et de présenter au duché tout entier celle qui deviendra leur duchesse. Des coursiers avaient d’ors et déjà été dépêchés pour en informer les grands patriciens et durant l’ennéade à venir, ils seront nombreux à débarquer au palais anoszia. Arichis avait déjà réussi à avoir le soutien des cabales et des marchands, ce qui représentait déjà une proportion importante de la noblesse soltarii mais il espérait qu’en proposant une Berontii en mariage, cela lui vaudra le soutien des Ponitii, une importante famille.

L’Anoszia était d’ailleurs surpris de se mettre d’accord avec Octavia aussi facilement. Peut-être était-ce parce ce qu’ils souhaitaient atteindre le même objectif. Il trouvait toutefois cela surprenant, Octavia n’était pas connu pour être aussi conciliante. Arichis observa Tibéria qui picorait dans les assiettes avant qu’elle ne lui réponde au sujet de la guerre. Elle lui révéla avoir déjà croisée des drows à Thaar, l’ydrilote également en avait déjà vu quelques uns par le passé. Quant au Nord de la péninsule, il avait en ce moment même son neveu Francesco qui négociait avec les seigneurs qui avaient repoussés les puysards.

« Effectivement, Serramire a réussi à repousser les drows et a fêté la victoire en début de mois. Sainte-Berthilde bafouent les droits de son roi et le Médian est rébellion. La guerre est partout mis à part sur nos terres, rassurez-vous ma dame. »

Le sujet de la conversation changea très rapidement. Octavia lança une pique à laquelle Tibéria faillit s’étrangler. Elle notifia la tenue légère des esclaves qui sembla offusquer sa nièce. Les esclaves dont le trafic faisait actuellement la fortune des Anoszia avaient été choisis puis habillé afin de participer au décor du dîner. Ils étaient là pour le plaisir des yeux, afin de montrer tout le faste dont pouvait se permettre le maitre des lieux. Leurs corps huilés, les courbes affriolantes et les minois nettoyés étaient là pour le spectacle. La conversation dériva aussitôt après sur les garde-robes. Tibéria se plaignit de la disparition de la sienne et Octavia se montra avare de lui en offrir une nouvelle. Arichis ne fit plus très attention à la conversation, mâchouillant plutôt une cuisse de coquelet. Après une bouchée, il daigna enfin répondre.

« Je ferais venir un tailleur de Langehack. Ma belle-fille, la duchesse, vous en offrira sans doute quelques unes pour le mariage. Notre argent se doit d’être réserver à l’entreprise que nous menons actuellement. »

Si jamais les choses se compliquaient, ils auront besoin de souverains pour payer des hommes armés pour menacer directement leurs opposants. De sous pour soudoyer quelques seigneurs récalcitrants ou pour de la main d’œuvre lorsque le moment viendra d’hisser des bannières sur les châteaux.

« En parlant de Langehack. Comme vous le savez, mon fils en est le duc et il est hors de question pour vous de prétendre au trône ducal des Sephren même si vous en êtes l’héritière légitime. Sommes-nous d’accord ? »

Arichis avait parlé calmement, mais son intonation était dure et son regard tout aussi sévère. Les futilités vestimentaires ne l’intéressaient pas, il jurerait entendre l’une de ses maitresses d’ailleurs. Il avait de plus important chat à fouetter et profiterait de ce dîner pour mettre tout à plat avec la prochaine Dame Anoszia.

Tibéria était très embarrassée par le comportement de sa tante au point d’avoir envie de quitter la table pour se réfugier dans ses appartements. Ce n’était pas son intention de ramener la question de sa garde-robe déficiente pendant le repas devant le vicomte, mais la conversation avait dévié sur le sujet. En fait, sa tante prenait un malin plaisir à la mettre dans une position inconfortable. C’était si flagrant que la jeune femme se demandait si elle n’était pas en train de la tester. Tibéria sera amenée dans un avenir rapproché à faire face à des situations beaucoup plus tendues qui lui demanderont de garder son calme et de faire preuve de beaucoup de diplomatie. Si elle perdait son sang froid devant si peu, il y aurait de quoi être inquiet pour la suite des choses. On avait reproché à sa sœur son tempérament de feu. Ils ne seraient pas bien avancés si la sœur avait exactement les mêmes défauts. Octavia poussa l’audace jusqu’à impliquer le vicomte dans l’achat de nouveaux vêtements en prétextant qu’il serait le premier à en profiter. Cette femme était tellement radine! C’est elle en plus qui contrôle désormais la fortune des Berontii après que la famille ait été bannie. L’argent devait lui sortir par les yeux, mais elle refusait de payer quelques tenus à sa nièce! Tibéria ouvrit la bouche pour dire quelque chose quand Arichis se décida à intervenir enfin. Il acceptait de faire venir un tailleur du Langehack en disant que sa belle-fille, détentrice du titre de duchesse, allait probablement lui offrir quelques tenues comme cadeau de mariage. C’était une gentille attention de sa part, surtout que rien ne l’obligeait à le faire. Toutefois, du même souffle, il en profita pour la mettre en garde. Bien que Tibéria soit également l’héritière légitime du trône ducal des Sephren, il lui était absolument interdit de manifester ses prétentions. En gros, elle ne devait pas nuire à l’ascension de son fils. Bien qu’il ait parlé très calmement, le ton de sa voix était dur et sans appel. Tibéria allait faire ce qu’on lui disait de faire et rien de plus. Elle commençait à trouver la situation vraiment insultante. Elle avait humblement admis son manque d’expérience dès le début de cette conversation, mais ce n’était pas une raison pour la tenir en laisse comme si elle était incapable de faire preuve de bon sens. Tibéria sentait qu’elle allait perdre son calme. Elle inspira profondément tout en regardant le vicomte. Elle n’avait pas changé d’avis sur ce qu’elle attendait de cette union, mais elle espérait un peu plus de coopération de la part. Surtout, qu’il soit moins condescendant avec elle.

— Monsieur le vicomte, la tâche s’annonce déjà suffisamment ardue avec seulement le duché de Soltariel. Ça ne serait pas très sage de ma part que d’éparpiller mon énergie à gauche et à droite. De plus, loin de moi l’idée de nuire à l’ascension sociale toute récente de votre fils. Rappelez-moi de le féliciter lorsque nous nous verrons. Une union aussi avantageuse n’est pas donnée à tout le monde. Quoi que j’y pense… vous êtes son père, après tout.

Elle ponctua sa phrase d’un sourire et continua à manger comme si de rien n’était. À ses côtés, Octavia avait du mal à garder son sérieux. Sa nièce n’avait pas la langue dans sa poche… Arichis devra la prendre au sérieux. Tibéria n’avait pas l’intention de lui nuire, mais elle n’allait pas se laisser manipuler ni intimider. C’était facile de la sous-estimer et c’était une grave erreur de le faire. En même temps, il était toujours possible que de tourner cette situation à son avantage.

Arichis ne la quitta pas des yeux, elle s’était vexée bien qu’il trouvait qu’il n’y avait pas de quoi. Mais ils étaient tous suderon à cette table, ils étaient connu pour leur susceptibilité. Son inspiration n’était pas discrète et le ton avec lequel elle se prononça n’était pas surprenant. Arichis l’écouta calmement, se retenant de sourire à ses mots qui se voulaient cinglant par politesse. Il n’était pas là pour se moquer d’elle ni pour se l’aliéner. Tibéria lui lança même une petite pique à la fin comme pour lui rappeler qu’il avait plus qu’elle à gagner dans cette union.

« C’était juste pour que l’on se mette d’accord. »

Se défendit l’Anoszia sur un ton beaucoup plus détaché. Il était content de la réponse qu’elle lui avait donnée. Oschide avait bien des défauts mais il restait son fils, Méliane portait ses enfants et durant son court séjour à Langehack il avait noué des liens qu’il espérait être durable avec sa belle-fille. Il repensa à ce qu’un noble langecin avait dit à l’un de ses voisins à portée d’oreille du régent « en continuant sur sa lancée, le vieux dragon risquerait bien de finir en père du royaume. » Il ne se trompait pas, Arichis d’Alonna jusqu’à Ydril avait semé sa semence un peu partout. Parfois à son insu comme avec la baronne du septentrion.

« Mais assez parler de tout cela, profitons plutôt de ce qui reste du dîner. »

Et doux dieu, il en restait beaucoup. On apporta un cochon de lait, des faisans, des huitres-argent et bien entendu du poisson dont un espadon. Arichis goûtait à tout, échanger quelques mots avec Octavia uniquement. Lorsqu’ils eurent mangé à leur fin, le vicomte s’excusa auprès des dames et se retira vers ses appartements. Octavia logeait au palais également et Tibéria connaissait sa chambre depuis plusieurs ennéades maintenant. La tante toutefois rencontra l’un de ses hommes à l’orée du jardin pour le charger d’aller récupérer ses deux autres nièces laissaient derrière à Thaar.

Arichis ne se souvenait pas d’Antonia ou de Paulla. Si Tibéria n’avait pas coopéré avec lui, il aurait sans doute épousé l’une ou l’autre de ses deux dernières sœurs pour arriver à ses fins. Se marier à une adolescente, si adolescence il existait, ne le dérangeait pas. Il avait ses maitresses, il avait ses habitudes, et plus important : ses ambitions.