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 [Ranimer les cendres] Portes ouvertes

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Dun Eyr
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Dun Eyr


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MessageSujet: [Ranimer les cendres] Portes ouvertes   [Ranimer les cendres] Portes ouvertes I_icon_minitimeDim 4 Déc 2016 - 23:07

Oglicos de la première ennéade de Favriüs, An 9 du XIème Cycle

      Les portes d’Almia, qui avaient été si longtemps closes, se trouvaient à présent ouvertes en grand. Leurs montants d’airain encadraient comme deux mâchoires une grande trouée sombre, qui annonçait la plongée vers les premiers niveaux. C’était un carré noir découpé dans le gris des montagnes, et bientôt le blanc, comme l’hiver prochain promettait le retour des grandes neiges. Il n’y avait pas même un vent d’automne, ce jour-là, pour décoiffer les Nains qui entraient dans Almia ou bien en sortaient, dans une agitation inhabituelle. La fourmilière almienne se préparait pour la guerre. Depuis les profondeurs, une première centaine des soldats du Père se mettait en marche, vers l’Ouest et la Nérania. Lorsqu’ils émergèrent des doubles portes, le soleil du matin cristallisa sa lumière crue sur les peintures de guerre, dont les guerriers s’étaient badigeonné la face. Ils avaient trempé leurs doigts épais dans le sang rouge des ours, et ils y avaient mêlé les os pilés des Almiens morts avant eux.

      A vingt pas des portes, Dun Eyr observait tout cela sans un mot. A ses côtés se tenait une Naine, le visage labouré par les batailles, l’œil assombri. Elle tiqua lorsque le Prophète leva, machinalement, le lourd Marteau du Père, et qu’en voyant le Morgagrund brandi, les guerriers rugirent de délectation.

      « Il y a dix ans, tu rêvais de lever une armée et de marcher contre tout le reste de notre peuple, Dun Eyr ?

      – Non, Brienna »
, grogna le Prophète, et il laissa mollement retomber son marteau. Le pas pesant des soldats s’éloignait déjà sur leur gauche, vers l’Ouest, comme ils descendaient les sentiers de l’Almion. « Il y a dix ans, Kirgan était encore debout, avec un roi sur son trône. » Et il ajouta : « Il y a dix ans, j’avais toutes mes dents. » Le Prophète tordit sa bouche et il découvrit ses gencives fracassées ; son visage cabossé par les batailles se fendait d’un faible rictus.

      « Et eux ? » reprit Brienna, d’une voix lourde. « Ils pensaient un jour être chassés d’Almia, comme des étrangers ? » Elle dirigeait à nouveau son regard vers les portes ouvertes de la cité, d’où était sortie la centaine de soldats. A présent, des profondeurs émergeait une poignée de Nains à la mine fatiguée. Ils étaient cinq ou six, tirant et poussant deux carrioles, chargées de toutes sortes d’objets. L’un des Nains aperçut Dun Eyr à vingt pas devant lui, et détourna les yeux furtivement.

      « Ils avaient abandonné leurs cités de l’Ouest », fit Brienna, « pour livrer bataille dans la Nérania, et rejoindre Almia. Et maintenant, tu les remets sur la route.

      – Almia leur laisse le choix »
, répondit Dun Eyr. « Ils sont libres de repartir, comme de rester. Certains restent ; ils vont se battre … –

      – Contre leur propre clan ? »
coupa Brienna. « Combien, Dun Eyr, oseront trahir leurs cités et défendre Almia ?

      – Eh bien, qu’ils disparaissent ! »
tonna soudain le Prophète avec humeur. « Qu’ils retournent à Thanor, à Lante, dans les Frimas s’ils le veulent ! Qu’ils aillent même mourir chez le vieil Hardrek ! Que Mogar les emporte tous. »

      Brienna dévisagea rapidement Dun Eyr, qui garda la tête droite et soutint son regard. Puis, presque pour se justifier, le Prophète laissa tomber dans un sifflement : « Tu sais que ce n’est pas le départ de ces étrangers qui m’inquiète.

      – Ah ! »
grimaça Brienna, et un sourire sinistre s’étala sur ses joues balafrées. « Alors toi aussi, Prophète, tu as vu que même les Almiens s’agitaient … » Dun Eyr la regarda sans répondre. Oui, il avait entendu, dans les galeries de la cité, les renâclements des Nains d’Almia, à l’idée de cette guerre folle contre le Zagazorn tout entier. « Même les Prêtres du Père », rajouta Brienna, « hésitent à partir en campagne avec l’armée. Mogar n’a jamais commandé à ses enfants de s’entre-tuer, Dun Eyr.

      – Et ce ne sera jamais son commandement »
, confirma le Prophète, d’une voix presque douce.

      Ses yeux avaient quitté les portes d’Almia. Ils avaient dévié vers l’Est, vers les montagnes encore mystérieuses qui corsetaient le Nivor, dont on devinait que le delta s’élargissait quelque part, là-bas, entre les pins, sous les nuages. On voyait des forêts aux ombres énigmatiques, d’où s’échappaient, parfois, les échos de quelques cris de bêtes. Dun Eyr suivit la course folle d’un oiseau, qui zigzagua entre les cimes, disparut soudain derrière l’une d’elles, et ne refit plus surface.

      « L’avenir de notre race est à l’Est », soupira Dun Eyr, « dans le Nivor, avec ses terres dangereuses, et ses bêtes prodigieuses, et son océan qu’on dit couvert de glaces… A l’Ouest, ce sont des querelles entre survivants du Cycle passé. »

      Brienna resta interloquée, devant cette étrange déclaration. Puis elle dit, incrédule : « Tu ne veux plus mener la guerre ? »

      L’ombre, qui s’était posée un instant au fond des prunelles de Dun Eyr, fut soudain chassée par un éclat dur et décidé. « Je briserai le vieil Hardrek », gronda le Prophète entre ses dents cassées, « lui, son fils, leur clan Poing-de-Fer, et toutes les cités qui le rallieront, s’il le faut ; et je purifierai le Kirgion, comme le Père l’a voulu. Mais », ajouta-t-il après une seconde, « je ne peux pas exiger des Almiens – de tous les Almiens – qu’ils fassent la même promesse. Ceux qui refusent une guerre entre Nains, tu dois leur offrir d’autres combats.

      – C’est cela que tu attends de moi, Dun Eyr ? »
demanda Brienna d’une voix calme.

      « Oui », répondit le Prophète. « Conduis-les dans le Nivor, ceux qui ne veulent pas mourir dans les mains d’autres Nains. A l’Est, là-bas, à l’embouchure du fleuve, ils auront une vie loin de nos guerres – une vie rude, sous les assauts des bêtes, au bord des eaux gelées ; mais une vie digne de Nains. »

      Brienna opina du chef, puis elle dit encore : « Le Nivor est dangereux, Dun Eyr. Ils ne seront pas nombreux à aller s’établir là-bas. Et ceux qui ne veulent mourir, ni à l’Est, ni à l’Ouest ?

      – Peu importe »
, répliqua Dun Eyr avec indifférence. « Qu’ils partent avec les étrangers, qu’ils aillent s’abriter derrière d’autres murs. D’ailleurs, je crois que cela a déjà commencé. » Et il ajouta pour Brienna, dans un demi-sourire entendu : « Il n’y a jamais eu ici autant de forgerons de Thanor ou de Lante, que depuis qu’ils ont le droit de quitter librement la vallée … »

      Dun Eyr ramena son regard sur les portes d’Almia, d’où une nouvelle grappe de quelques Nains étrangers émergeait, lourdement chargés, pour reprendre la route de l’Ouest. Le Prophète leva un poing en l’air, en guise de salut. Les Nains, apercevant cela, pressèrent le pas, comme s’ils craignaient d’être rattrapés et foudroyés par une mauvaise magie de Mogar.

      Les regards interloqués de Dun Eyr et de Brienna se croisèrent ; et, pour une fois, l’Almion fut couvert ce jour-là par les échos du gros rire de deux Nains hilares.
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