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 Une plume dans le sucre [Solo]

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Cléophas d'Angleroy
Ancien
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Cléophas d'Angleroy


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MessageSujet: Une plume dans le sucre [Solo]    Une plume - Une plume dans le sucre [Solo]  I_icon_minitimeVen 23 Juin 2017 - 14:37


- Qu’est-ce qu’on attend ?
- Le Prince.
- Il arrive quand ?
- Il arrivera quand il arrivera.
- Ce qui signifie ?
- Quand il arrivera.
- Vous n’avez pas vraiment l’air pressé.
- Ecoute petit, tu peux te presser tant que tu le désires, ça ne le fera pas venir plus vite.
- Mais qu’est-ce qu’il a de plus urgent à faire ?
- Il y a toujours plus urgent à faire…

La salle se retourna avec stupeur. Ils découvrirent Lévantique, planté là depuis presque autant de temps qu’eux, ils ne l’avaient seulement pas remarqué. Le Petit Consistoire se réunissait une fois par semaine, à l’invitation du Prince. Ce jour, l’ordre brusquement retourné fit que le Consistoire convoqua Cléophas pour un Silence extraordinaire. De toute évidence, n’aimant pas les évènements de dernière minute, il prit le temps de régler ses nombreuses affaires extérieures, la plupart desquelles auraient pu être déléguées à des subalternes –et le Palais n’en manquait pas- laissant les membres du Consistoire attendre son arrivée aussi sagement que possible. Les uns lisaient, les autres dormaient, d’autres discutaient de choses profanes mais le jeune Apoéparque des Trois-Ports, un homme d’à peine trente ans, roux comme un renard et beau comme un soulier neuf, trépignait d’impatience. Et pour cause, c’est lui qui alla convaincre un à un les membres du Consistoire de convoquer ce Silence et plus le temps passait, plus il se sentait baisser dans l’estime de ses compères. Ce qu’il ne savait pas en revanche, c’est qu’ils ne l’estimaient pas tout court – pour la plupart des vieillards issus de la vieille garde mervaloise, voyant d’un mauvais œil l’arrivée inopinée de ce jeune opportuniste, arrivée qu’il ne devait qu’à la bonté du Prince dont les desseins sont aussi obscurs que le fondement d’un ânon.

- Qu’est-ce que vous faites là ?
- C’est à moi que vous posez cette question, sire Annès ?
- Vous voyez quelqu’un d’autre ?
- Une dizaine de personnes que vous pouvez voir, une douzaine d’autres que vous ne pouvez pas.
- Hein –

L’Eparque de Merval prit Annès par le bras et lui dit à l’oreille :

- Asseyez-vous et calmez-vous avant de tout ruiner.
- Mais je –
- Faites ce que je vous dis ou vous ne tiendrez pas un an ici.

Le rouquin obtempéra, non sans envoyer un regard qu’il voulut méprisant –il ne l’était pas- à Lévantique, lequel lui retourna un sourire on ne peut plus glaçant –il l’était. Cléophas débarqua dans la salle quelques minutes après, discutant de sujets profanes avec un Hespérion à moitié endormi. Le Prince se plaça en bout de table, passa sur le cérémonial habituel et s’assit pour entrer dans le vif du sujet, non sans adresser ses salutations cordiales aux hommes qui l’encadraient.

- Pardonnez-moi, mes frères, j’ai été retenu par une affaire épineuse.

En réalité, cela faisait quinze minutes que Cléophas se reposait sur un fauteuil de l’autre côté de la porte après s’être fait une entorse en se prenant les pieds dans sa tunique.

- L’heure doit être grave, messeigneurs, pour que vous ayez décidé de vous réunir d’urgence. Alors dites-moi ce qui nécessite notre présence à tous et la mienne de surcroît.

L’Apoéparque prit la parole et dit, sérieux à en faire pâlir un buste de marbre :

- Je crois que mes frères seront d’accord pour me laisser prendre la parole ?


Ils ne dirent rien.

- Je prendrai cela pour un oui. Si mes frères et moi avons désiré la tenue de ce Silence extraordinaire, Serafein, c’est car des circonstances exceptionnelles l’exigent. Depuis quelques semaines, une vague de crimes d’une violence rare secoue l’Éparchie.
- Des crimes ?  
- Oui, Serafein.
- Quels crimes ?
- D’une violence rare.
- J’avais compris la première fois. Soyez plus spécifique, seigneur Annès.  
- Cela a commencé il y a quelques semaines avec la découverte un matin du corps d’un jeune homme nu, égorgé et pendu sous la halle aux épices. La garde m’a prévenu, nous avons descendu le corps et procédé à une enquête.
- Pour quelles conclusions ?
- Nous avons privilégié l’hypothèse d’un suicide.

Cléophas parut perplexe.

Hm…continuez.
- La chose s’est corsée lorsque nous avons retrouvé le lendemain un autre corps, de l’autre côté de l’Éparchie.
- Il n’y a rien de surprenant à ce que des gens meurent, sire Annès.
- Je sais, Serafein, mais encore une fois, il s’agissait d’un jeune homme, énucléé celui-là, pendu au mât d’une galère. Nous avons là-aussi pensé à un suicide.
- Hespérion ?
- Oui, Serafein ?
- Rappelez-moi de congédier tous ceux qui travaillent pour l’Apoéparque.
- Oui, Serafein.
- Continuez, sire Annès.
- Nous avons suspecté une vendetta avec le troisième cadavre.
- Qu’avait-il de spécial ?
- Rien, mais ça commençait à faire beaucoup en trois jours. Toujours suivant un même schéma : de jeunes hommes, nus, pendus, tantôt égorgés, éventrés, énucléés. Certains ont eu les mains coupées, d’autres ont eu les lèvres cousues et…d’autres parties aussi…
- Lesquelles ?
- C’est indélicat, Serafein.
- Nous ne sommes pas ici pour être délicats. Je veux connaître tous les détails de cette affaire.  
- Le rectum, Serafein. Certains ont eu le rectum…cousu.
- A tout prendre, je trouve qu’il faut une certaine délicatesse pour faire cela…
- Oh ça…

C’était encore Lévantique qui s’humectait la lèvre inférieure, trahissant une certaine forme de délectation sordide. Les têtes se retournèrent. Ils le virent. Il y eut un silence gêné que Cléophas brisa en se raclant la gorge et en poursuivant.

- Délicat... pardon, vendetta ou pas, l’Éparchie est dotée de suffisamment de moyens pour endiguer cette menace seule. Sans compter qu’elle ne vise apparemment que de jeunes hommes…on est bien loin des pâtés de maisons incendiés, des civils pris dans des batailles rangées au milieu des étals des halles. Il faut prendre le cas au sérieux, de toute évidence, mais je vous avoue que j’ai du mal à comprendre la tenue de ce Silence. Ce genre d’affaires est le lot de votre Éparchie, seigneur Annès, vous le saviez en acceptant votre nomination à sa tête.
- Oui mais –
- Mais quoi ?
- Mais elle déborde des limites de l’Éparchie, Serafein et commence à se répandre dans la ville.
- Pardon ?
- Elle est incontrôlable. Les citoyens ne se sentent plus en sécurité, ils ne fréquentent plus les tavernes la nuit, les bordels encore moins. On dénombre près de trente cadavres sur autant de jours, l’Éparchie entière est quadrillée de sang et ce sont maintenant les quartiers de la ville basse qui sont visés.
- Trente jours vous dites ?
- Oui, Serafein.
- Et en trente jours vous n’avez pas réussi à trouver le responsable de ce chaos ?
- C’est pour cela que je suis ici, Serafein. Nous manquons de moyens. Je n’ai pas assez d’hommes pour veiller les cadavres, les bordels, les rues et s’occuper de retrouver les responsables.
- Vous avez demandé l’aide aux corporations ?
- Ils ont mis leurs milices personnelles à notre disposition il y a quelques semaines ce qui nous a permis de concentrer nos efforts sur l’enquête.
- Et ?
- Rien de concluant, Serafein. Qui qu’il soit, le meurtrier ne laisse aucune trace, aucun indice permettant de l’identifier.
- Vous avez interrogé les civils ?
- Ils refusent de parler. Dès qu’on aborde le sujet ils se ferment, disent tous qu’ils n’en savent rien, qu’ils n’étaient pas au courant des meurtres…de toute évidence quelque chose se trame et je ne sais pas quoi.
- Vous êtes perspicace, seigneur Annès.
- Merci, Serafein.
- Ce n’était pas…un –
- Pardon ?
- Je n’ai rien dit. Et donc vous dites que les meurtres touchent maintenant le territoire de la ville ?
- C’est cela, Serafein. Si nous ne faisons rien, nous risquons de nous retrouver avec des meurtres quotidiens, plus nombreux, dans toute la capitale.
- Je vois…et qu’attendez-vous de moi au juste ?
- Nous avons besoin de plus d’hommes, Serafein.
- Plus de soldats n’y changeront rien, Annès. Si vous n’avez pas su l’endiguer aux Ports, vous ne saurez pas plus l’endiguer sur la capitale entière.
- Ils dissuaderont peut-être les meurtriers d’agir. Mais ce n’est pas le plus important. Ce qu’il nous faut, surtout, ce sont les compétences des services de la ville. Nos tribunaux savent traiter des affaires de commerce et de morale mais au-delà, ils sont incompétents. Cela ne ressemble à rien de ce que nous avons connu, loin des vendettas habituelles. C’est une affaire plus macabre, plus sinistre et nous n’avons pas les ressources humaines ou judiciaires pour mener l’enquête. Nous n’avons qu’un curateur pour gérer toutes les enquêtes de l’Éparchie, Serafein et le pauvre homme est dépassé ! Nous avons besoin des services de la capitale, sans ça nous serons condamnés à attendre que tous les éphèbes de la ville aient été égorgés.
- Je peux accorder à l’Éparchie une juridiction exceptionnelle sur la capitale pour que vous puissiez bénéficier de leurs ressources mais cela ne sert de rien si le seigneur Nicodème n’est pas disposé à travailler avec vous.
- Je le suis, Serafein.
- Parfait. Qu’il soit retenu et consigné que de ce jour et pour les deux ennéades à venir, l’Éparchie de Merval sera placée sous la juridiction de l’Apoéparque des Trois-Ports, Annès de la maison de Sigine. Je vous donnerai quelques frumentaires et le Grand Pappias aura ordre de vous prêter quelques membres de la Vigie. De vous à moi sire Annès, vous avez intérêt à mettre cette affaire au clair d’ici deux ennéades sans quoi vous vous retrouverez à gratter les fresques du Sacré Collège. Est-ce clair ?
- Oui, Serafein.
- Bien. Si personne n’a rien à ajouter, je pense que nous pouvons en finir là.


Alors que le Prince s’apprêtait à quitter la salle, le Grand Mystique –et énigmatique- Lévantique objecta.

- Attendez. Je ne suis pas habitué de ce genre d’affaires –il l’était-  mais vous êtes certain de n’avoir rien trouvé sur les cadavres ?
- Rien, Lévantique.
- Du tout ? Pas même une trace d’encre ?
- Rien je vous dis.
- Quel vengeur vengerait sans signer ? Quel tyran voudrait inspirer la terreur sans la revendiquer ?
- Celui-là ?
- Je conçois que vous soyez légèrement hébété par l’hiver, sire Annès mais réfléchissez. Ca ne tient pas. De jeunes hommes, nus, pendus…votre criminel veut faire passer un message à quelqu’un. Il doit l’avoir signé. Autrement c’est l’œuvre d’un sodomite maniaque et fétichiste et dans ce cas, je suis certain que le Logothète du Drome pourra vous indiquer quelques noms.

Le seigneur Philaretos était en effet connu pour son amour invétéré des jeunes hommes et pour la variété de ses pratiques sexuelles. Quoique la bougrerie fût considérée comme immorale et répressible en Merval, le Palais fermait les yeux sur les vices d’un de ses plus talentueux serviteurs. On ne s’étonnait guère désormais de ce qu’il préférait organiser des processions et cérémonies fastueuses, lesquelles nécessitaient un nombre plus grand de faux-eunuques –l’eunuquat ne se pratiquait plus depuis plusieurs siècles à Merval mais le protocole requérait toujours de jeunes hommes glabres qui avaient l’apparence d’eunuques sans en avoir les attributs.

- Maintenant que vous le dites…
- Oui ?
- Il y a bien quelque chose qui m’a interpellé lorsque nous avons inspecté le corps ce matin…Il avait une plume enfoncée dans le…enfin...dans…ce qui est assez étrange puisque on y trouve rarement des plumes.
- Là encore Philaretos pourra vous étonner.
- Il ne s’agissait pas du rectum. Il avait une plume enfoncée dans le sexe.
- Criminel et artiste.
- Je dirais plutôt criminel et dérangé.
- L’un n’empêche pas l’autre. Sire Annès ?
- Oui ?
- Avez-vous trouvé des plumes sur les cadavres ?
- En y repensant, oui.
- Et vous n’avez pas pensé que ce serait un indice ?
- Nous étions dans un port. Des plumes de mouette il y en a partout. Rarement dans le fion certes mais –
- Attendez, taisez-vous. De mouette vous dites ?
- Oui.
- Et votre corps ce matin, il avait une plume de mouette dans le phallus ?
- Oui, oui sans doute. Je ne suis pas ornithologue mais ce devait être ça.
- Pourquoi ?

Lévantique s’enfonça dans son siège, affichant un sourire niais. Il regarda un à un les membres du Consistoire, définitivement peu au fait de ce qui se passait dans son esprit. Le mage jubilait mais comme beaucoup le savaient désormais, ses sourires cachaient toujours quelque maléfice.

- Mes amis – ils ne l’étaient pas- je crois savoir qui est votre meurtrier dérangé.
- Quoi ?
- Qui ?
- Comment vous savez ça ? Non, on s’en fiche de ça. Qui ?
- Tout porte à croire qu’il s’agit de Moumou, la Reine des Mouettes…
- Moumou, la Reine des -
- C’est une blague ? Si c’est une blague, Lévantique, elle est de mauvais goût. Je n’ai pas le temps pour ce genre de pantalonnade
–il l’avait.
- Ce n’est pas une blague, Serafein. La plume, les jeunes hommes. C’est la signature de Moumou, la Reine des Mouettes, une criminelle qui a essaimé les Ports il y a près de trente ans déjà.
- Eh bien si on sait qui c’est, il suffit d’aller la chercher !
- Le seul problème, sire Annès, est qu’elle est introuvable. Personne ne l’a jamais vue, personne ne l’a jamais entendue, personne ne sait qui elle est, ni où elle est.
- Et comment savez-vous tout cela, Lévantique ?
- J’ai mes contacts dans les bas-fonds, Serafein.
- Et vous ne savez pas où elle est ?
- Non, Serafein
–c’était un mensonge.
- En tout cas, seigneurs Annès, Nicodème, vous avez maintenant un nom. La plèbe ne connaît pas vos visages alors vous descendrez dans les tavernes et les lupanars, vous me trouverez cette Reine des Goélands –
- Des Mouettes.
- Qu’importe ! Vous me la rapporterez en personne que je voie de mes yeux le visage de celle qui verse le sang de mes enfants.
- Bien, Serafein.
- La Silence est levé. Allez en paix !
- Et vous aussi !

La coterie se dispersa, Lévantique s’éclipsa et ne restèrent plus que les seigneurs Nicodème et Annès. Le plus jeune et plus roux des deux dit à l’autre, rouge d’inquiétude.

- Il va falloir que l’on aille dans les bordels ?
- C’est cela, oui.
- Ah…mais ce n’est pas contre notre éthique de serviteurs du Palais ou –
- Allons, ne faites pas le pudibond. Ce ne sera pas la première fois que vous foutrez les pieds dans un bar à putains.
- Ah, ah ça non ! Haha !


C’était aussi un mensonge.
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