Le deal à ne pas rater :
Cartes Pokémon 151 : où trouver le coffret Collection Alakazam-ex ?
Voir le deal

 

 L'heure des comptes [Aymeric]

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
Roderik de Wenden
Ancien
Ancien
Roderik de Wenden


Nombre de messages : 1133
Âge : 33
Date d'inscription : 25/12/2014

Personnage
:.: MANUSCRIT :.:
Âge :  27 ans (né en 982)
Taille
:
Niveau Magique : Non-Initié.
L'heure des comptes [Aymeric] Empty
MessageSujet: L'heure des comptes [Aymeric]   L'heure des comptes [Aymeric] I_icon_minitimeDim 27 Mai 2018 - 21:31


En la dixième année du onzième cycle,
Quatrième ennéade de Verimios - premier mois d'été,
Le premier jour,
A l'issue du Concile de Diantra

Un flegme inhabituel habitait Roderik, quelques minutes à peine après le Concile. On l’aurait imaginé atterré, en colère ou tout simplement déçu, mais le visage égal du Grand Chancelier ne dépeignait aucun de ces sentiments. En fait, il ne semblait rien éprouver du tout. Dans les couloirs du Palais des Dômes, il marchait aux côtés du nouveau Régent, précédé et suivi d’hommes arborant la livrée au Baudrier d’Argent. Une heure plus tôt, Roderik briguait encore la fonction suprême ; à présent, il suivait paisiblement Aymeric de Brochant.

Ce dernier avait, au fil des années, tenu bien des rôles dans l’imaginaire du jeune Chancelier, qui l’avait d’abord tenu en haute estime pendant la guerre d’Oësgardie ; à l’époque, Brochant était à ses yeux l’incarnation du preux et un exemple à suivre. Roderik le traitait alors avec le plus grand respect et se trouvait même intimidé en sa présence. L’icône s’était depuis abîmée ; la question de la propriété royale de Sainte-Berthilde avait révélé leurs divergences, et Roderik s’était finalement trouvé un nouveau mentor, un prince du sud, Cléophas d’Angleroy. Il avait dès lors servi le trône en qualité de Grand Chancelier, se plaçant au second rang dans le gouvernement de Sa Majesté ; puis Cléophas avait disparu, et Roderik s’était mis à voler de ses propres ailes, jusqu’à s’imaginer commander aux destinées du royaume. Jusqu’à ce jour. Le Concile l’avait rappelé à la réalité, et il s’était finalement effacé devant Brochant ; telle une maîtresse un peu volage, il revenait à ses premières amours après la désillusion d’un moment de liberté mal exploité.

Il n’éprouvait pas de déception, pourtant. Tout au plus un sentiment de résignation. Peut-être était-ce le manque de sommeil qui émoussait ses sens, mais pas seulement. Fataliste, il comprenait à présent que ce Concile n’était que l’aboutissement de ce que préparait Brochant dès avant la reconquête du Médian, peut-être même avant encore ; les campagnes qu’il avait menées comme marquis puis Sénéchal lui avaient tracé une voie pavé d’or vers la Régence. Le roi Bohémond ne régnerait pas avant longtemps, et une nouvelle ère s’ouvrait pour le royaume de Diantra : celle de Serramire. S’il n’était pas dupe quant aux ambitions de Brochant, Roderik se gardait pourtant d’en accabler l’homme ; quand bien même les prouesses et les réussites de Brochant servaient une ambition, mieux valait que ce soit lui qu’un autre. Qu’il se fusse agi d’un arriviste lâche comme Franco di Celini, d’un tourne-casaque hypocrite comme Niklaus d’Altenberg ou d’un serpent Anoszia, et c’eut été la ruine du royaume. Contrairement à tous ceux-là, Brochant, lui, n’avait jamais manqué à l’honneur ou à ses devoirs féodaux.

Plaise à Néera que cela dure.

Si le calme régnait dans l’esprit de Roderik, il était tout autant le maître à l’extérieur, alors qu’un profond silence régnait entre les coursives du palais. Brochant n’avait pas encore pris la parole ; Roderik, quant à lui, hésitait sur la manière de rompre cet oppressant silence. Il ne savait que trop les non-dits et les ressentiments qui pouvaient exister entre eux ; Brochant lui reprocherait-il d’avoir tenté de jouer cavalier seul ? Roderik n’avait pourtant trahi nulle parole ni alliance, car Brochant ne l’avait jamais associé à ses manœuvres, mais qui pouvait se targuer de pouvoir sonder la pensée du marquis de Serramire ?

Finalement, il rompit le silence de la plus succincte des manières.

« Et maintenant ? »
Revenir en haut Aller en bas
Aymeric de Brochant
Humain
Aymeric de Brochant


Nombre de messages : 714
Âge : 32
Date d'inscription : 22/02/2014

Personnage
:.: MANUSCRIT :.:
Âge : 35 ans
Taille
: 6 pieds
Niveau Magique : Non-Initié.
L'heure des comptes [Aymeric] Empty
MessageSujet: Re: L'heure des comptes [Aymeric]   L'heure des comptes [Aymeric] I_icon_minitimeDim 27 Mai 2018 - 22:28


L'interruption du Concile avait laissé place à une étonnante sérénité - à moins que cela n'ait été du au vide ambiant qui régnait dans le Palais des Dômes, que les années avaient vidé de ses occupants. Adonc, c'était une étrange procession que formaient le marquis nouvellement fait régent, accompagné de son compère et de quelques gardes. À vrai dire, même la maigre maisonnée de Bohémond prenait des airs d'ambassade singulières, tandis qu'elles avançaient dans le palais laissé à l'abandon. N'étaient-ils pas semblables aux pauvres hères qu'on disait parfois voir traverser les antiques ruines nisétiennes, à la fois triomphants, seuls dans ce lieu abandonné de tous, et si petits aux pieds des gargantuesques vestiges ? Aymeric aurait été bien en mal de répondre - il n'avait, du reste, jamais foutu les pieds à Nisétis.

Ce fut Roderik qui brisa en premier ce curieux silence. À la sortie du Concile, Aymeric l'avait mandé ; quoiqu'il gardât encore en bouche une certaine amertume, le régent ne se faisait guère d'illusions quant à la nécessité de composer avec son voisin arétan. Il avait, du reste, presque d'ors et déjà pardonné au Chancelier sa tentative de le doubler - après tout, à aucun moment les hommes ne s'étaient accordés sur un plan, et si jadis le marquis avait joui d'un ascendant naturel sur son voisin, les années avaient estompé celui-ci. En se mettant en avant, Roderik, qui plus est, venait de canaliser sur lui-même le feu suderon, laissant un intervalle bienvenu au marquis - qui ne s'était pressé d'en profiter.

Adonc, Roderik avait été le sacrifice nécessaire, et même, à son insu, volontaire, à l'avènement d'Aymeric ; ce dernier lui devait bien quelque remerciement. « Nous sauvons le Royaume, Roderik! lança-t-il gaillardement, comme s'il s'agissait d'une bagatelle, mais avant cela, nous sauvons votre cul. » Peu de temps après, les deux hommes pénétraient dans une petite salle, dont on avait jugé qu'elle se tenait suffisamment loin pour se prémunir des curieux. Là se tenait Jaljen, le valet du marquis, qui voyait le visage ravi de son maître, s'empressa de sortir un vieux vin de Hautval.

« J'ai d'ors et déjà envoyé quelques hommes chercher Dame Angelina, entama le marquis tandis qu'on leur remettait à chacun un ciboire, elle sera menée en lieu sûre, loin des regards de ces damnés Langecins. Leur réquisitoire vous compromet, cher ami, et moi aussi par là même ; adonc, dites moi la vérité : est-elle vraiment celle qu'elle prétend être ? »

Revenir en haut Aller en bas
Roderik de Wenden
Ancien
Ancien
Roderik de Wenden


Nombre de messages : 1133
Âge : 33
Date d'inscription : 25/12/2014

Personnage
:.: MANUSCRIT :.:
Âge :  27 ans (né en 982)
Taille
:
Niveau Magique : Non-Initié.
L'heure des comptes [Aymeric] Empty
MessageSujet: Re: L'heure des comptes [Aymeric]   L'heure des comptes [Aymeric] I_icon_minitimeDim 27 Mai 2018 - 22:33

Pris dans les griffes du Régent, Roderik ne balança pas longtemps. Lui fallait-il confesser sa petite irrégularité ? Il aurait pu persister dans le mensonge, mais il savait qu'il ne bernerait pas Aymeric ; le Régent était trop fin pour se laisser abuser.

« La Dame Angelina qui se trouvait avec nous m'était bien plus sympathique que l'autre, mais je confesse que non, Messire ; ce n'était point la vraie. »

Fuyant le regard du Régent, Roderik alla noyer l'aveu de sa faute dans une gorgée de vin. S'il avait fait rapidement le deuil de ses ambitions, il n'en menait présentement pas large. Tout à l'heure déjà, il lui avait fallu remettre son sort entre les mains d'Aymeric ; à présent il le faisait de nouveau, et ne savait quel usage ferait le Régent de cette information. Mais avait-il vraiment le choix ? Le sort en est jeté, se dit Roderik, et après avoir bu de sa coupe, il résolut de se confier plus avant :

« Lorsque je me suis rendu à Soltariel, Dame Angelina - la vraie - croupissait dans une geôle sur ordre de sa duchesse de cousine. Elle avait refusé, pour d'inconcevables raisons, de fournir des troupes de son domaine de Solaria. Par égard pour son rang, j'ai demandé qu'elle soit placée dans une résidence surveillée au lieu de l'infâme cellule où on l'avait mise ; elle a récompensé cette bienveillance en prenant la fuite quelques jours après. » Il hocha la tête, la mine sombre. « Le sort de cette femme m'indifférait. C'est une originale, amoureuse du petit peuple, aussi prompte à donner des leçons qu'elle est incapable de les suivre. Elle a même commis l'erreur, en prenant la fuite, de laisser derrière elle une lettre qu'elle n'a pas pris la peine de dater. Alors j'ai tiré parti de la situation. Parce qu'il me fallait pour ce Concile un représentant de Soltariel qui fut inoffensif, et que je n'ai foi en aucun des serpents qui entourent la duchesse, j'ai dissimulé sa fuite, fait croire qu'on la tenait dans quelque lieu tenu secret, et travesti une comédienne en Dame Angelina. Nul n'aurait dû voir la supercherie : à Diantra, c'est à peine si l'on se souvenait qui était Dame Angelina. Sitôt le Concile achevé, j'aurais fait courir à Soltariel le bruit qu'elle avait prit la fuite pour échapper à la vindicte de sa cousine, et produit sa lettre comme preuve ; nul ne s'en serait soucié. » Il haussa les épaules. « Je n'en tire nulle fierté, mais je n'ai pas honte non plus. J'ai usurpé l'identité d'une femme mauvaise et indigne. Jamais je ne me le serais permis avec une autre. Voyez donc, Aymeric, voyez qui a flairé la supercherie et qui s'en est offusqué : les Langecins. Là où les traîtres se découvrent un sens de la loyauté, c'est pour défendre d'autres traîtres. »
Revenir en haut Aller en bas
Aymeric de Brochant
Humain
Aymeric de Brochant


Nombre de messages : 714
Âge : 32
Date d'inscription : 22/02/2014

Personnage
:.: MANUSCRIT :.:
Âge : 35 ans
Taille
: 6 pieds
Niveau Magique : Non-Initié.
L'heure des comptes [Aymeric] Empty
MessageSujet: Re: L'heure des comptes [Aymeric]   L'heure des comptes [Aymeric] I_icon_minitimeLun 28 Mai 2018 - 17:00


Le marquis s'était certes attendu à une réponse honnête ; il reçut néanmoins un plaidoyer complet. Les incriminations des Langecins avaient à l'évidence fait leur œuvre, et le Chancelier semblait résolu à vouloir professer sa bonne foi. De celle-ci, du reste, Aymeric ne se souciait guère. Si la cause l'avait préoccupé, il ne s'était jamais préoccupé des moyens employés par Roderik pour briguer la Régence - quant au sort d'une excentrique suderone, c'était là une bagatelle. « Là, là, tranquillisez vous! lança-t-il en balayant l'air du revers de la main, je ne vous juge pas, cher ami. Vous avez fait ce qui vous a semblé juste, chose qui ne l'était aux yeux des Langecins. Ce n'est pas si surprenant, après tout. »

Portant à son tour sa coupe aux lèvres, Aymeric avala une lampée au goût de victoire. « Votre marionnette sera tenue au secret ; mes hommes en assureront la garde, le temps que tout ceci ne retombe. » Ce serait par là même le moyen de garder quelque levier sur Roderik. Quoiqu'il fut devenu Régent, Aymeric ne doutait pas de la propension de ce dernier à mener sa barque seul - Godfroy n'avait-il après tout manqué d'en faire les frais ? « Les Langecins finiront bien par se lasser de cette bagatelle ; il y a du reste, d'autres chats plus importants à fouetter. Le Royaume va à veau-l'eau, cher ami : ce conseil nous l'a montré une fois de plus. Des traîtres notoires prétendent parler à voix égale avec des hommes de notre trempe ; plus que le Roy, les intérêts de chacun président aux destinées du Royaume. Cela doit cesser. J'entends ramener un semblant de justice à la Péninsule, et je compte sur vous, cher ami, pour m'y aider. »

Revenir en haut Aller en bas
Roderik de Wenden
Ancien
Ancien
Roderik de Wenden


Nombre de messages : 1133
Âge : 33
Date d'inscription : 25/12/2014

Personnage
:.: MANUSCRIT :.:
Âge :  27 ans (né en 982)
Taille
:
Niveau Magique : Non-Initié.
L'heure des comptes [Aymeric] Empty
MessageSujet: Re: L'heure des comptes [Aymeric]   L'heure des comptes [Aymeric] I_icon_minitimeLun 28 Mai 2018 - 18:13


Roderik releva la tête ; son visage empreint de regret s'était figé dans une expression de surprise. Il avait imaginé au mieux qu'Aymeric le renverrait dans son comté, et que le secret partagé assurerait le Régent que l'Arétan se tiendrait bien sage ; au lieu de quoi Aymeric réclamait son aide. Entendait-il le confirmer dans ses fonctions de Grand Chancelier, afin que Roderik tienne auprès de lui les fonctions qu'il avait exercées auprès de Cléophas ? Cela ne se peut, songeait Roderik, persuadé qu'il était qu'Aymeric nommerait à cette charge un personnage de son proche entourage, un homme en qui il puisse entièrement se fier. D'un autre côté, en conservant Roderik à cette charge, Aymeric envoyait un message rassurant à l'ensemble de la péninsule : il démontrait qu'il pouvait gouverner avec tous, et non uniquement ses familiers. L'image d'un Régent rassembleur apaiserait les craintes de ceux qui le voyaient déjà confisquer le pouvoir. Il éviterait par la même occasion de s'aliéner l'entourage de Roderik, qui avait réuni autour de lui les anciens partisans de Cléophas.
Et puis, en dépit de quelques divergences très occasionnelles, ne partageaient-ils pas la même vision de ce que devait être le royaume ?

« Je vous aiderai », déclara-t-il, non seulement parce qu'il n'avait peut-être pas beaucoup le choix, mais aussi parce qu'il lui tenait à coeur de continuer à servir un roi pour-lequel il œuvrait depuis plus d'un an. Bohémond lui était plus proche que le fils qu'il ne connaissait toujours pas ; et bien que le petit roi, pour sa part, ne considérât visiblement pas Roderik comme un subtitut de père, ce dernier gardait intacte l'affection inconditionnelle qu'il vouait au monarque. « Les domaines royaux regorgent de parasites qui bafouent les préceptes de la chevalerie, tenant leur place de quelque odieux marchandage ; même nos temples sont gangrénés par un clergé corrompu, dont l'élite a collaboré plus que de raison avec les rebelles. Le déclin des grandes familles a éveillé l'appétit cupide de tous ceux qui veulent en profiter pour s'élever. Chacun guette le bien de son voisin et cherche à grossir son patrimoine, oubliant que c'est la naissance et non l'intrigue qui doit fonder la fortune des uns et des autres. » Il ne releva pas le fait que la naissance ne prédisposait ni Aymeric à devenir marquis, ni lui-même à devenir comte ; mais aucun des deux n'avait forcé son destin, pas vrai ? La chose leur était tombée dessus, parce qu'ils étaient méritants. « Eussé-je été à votre place, Aymeric, ma priorité aurait été de mettre bon ordre à tout cela ; la Régence est vôtre, et je vous la laisse bien volontiers, pourvu que mon vœu se réalise : que la péninsule soit lavée de la souillure de l'infâmie et que soient restaurées et défendues les traditions qui firent du royaume ce qu'il était à ses grandes heures. »
Revenir en haut Aller en bas
Aymeric de Brochant
Humain
Aymeric de Brochant


Nombre de messages : 714
Âge : 32
Date d'inscription : 22/02/2014

Personnage
:.: MANUSCRIT :.:
Âge : 35 ans
Taille
: 6 pieds
Niveau Magique : Non-Initié.
L'heure des comptes [Aymeric] Empty
MessageSujet: Re: L'heure des comptes [Aymeric]   L'heure des comptes [Aymeric] I_icon_minitimeLun 28 Mai 2018 - 20:34


« J'y aspire mêmement, sinon plus encore, et puisque vous m'offrez votre aide, mon ami, je vous demande de faire ce que vous auriez fait, fussiez vous à ma place. Vous qui avez servi le Roy en tant que son Chancelier, vous l'avez bien servi ; continuez donc cela. » Le marquis vida son verre, le posant derechef avant d'entamer les cent pas. Le calme succédant au Concile devait de s'estomper, et après une première bataille victorieuse, l'homme se trouvait de nouveau disposer de monter à l'assaut. Son esprit s'agitait ; Aymeric s'apprêta à entamer une longue diatribe, mais se ravisa.

« Je souhaite... reprit-il peu de temps après, les mots s'étant correctement agencés à son goût, je veux que vous meniez à bien le procès de ces traîtres, Roderik. Votre zèle est connu de tous ; faites en montre une fois de plus. Trop nombreux sont les rebelles à avoir échappé à une juste punition : d'aucun se sont enfuis, d'autres ont joui de la même clémence qu'ils n'avaient que trop oublié lors des Champs-Pourpres. Mettez un terme à cela ; je les veux rassemblés, jugés. Point seulement ceux qui ont mené la rébellion, mais ceux qui l'ont toléré aussi. Altenberg, Fallers, Palarme, cette canaille qui s'empressa de courtiser l'occupant, et qui ne regagna la férule royale qu'avec le sens du vent. Par les Cinq, je les honnis! Ces pleutres qui ont troqué le sens de l'honneur pour le sens de la fuite, rappelons leur ce que cela veut dire que d'être fidèle. Le procès devra prendra lieu après l'hommage! Que chacun y assiste et réalise que la justice du Roy est rétablie. »

Le marquis affectait la frénésie, désireux que son commensal s'imprègne de ce juste zèle. L'enjeu était de taille, car en quelques jours, la duchesse de Soltariel ne tarderait guère à arriver, ce serait un conséquent tribunal à orchestrer. Cependant, le Régent avait bon espoir dans les talents de son Chancelier, tant il est vrai que l'homme sage se plait à prouver son mérite, l'homme brave à faire montre de son courage, l'ambitieux à saisir l'occasion opportune, et le fou à ne pas redouter la mort. Or Roderik était tout à la fois sage, brave, ambitieux et un peu fou.

« Que les titres ne vous arrêtent, mon ami, car il n'est nul qui soit soustrait à la justice du Roy. Ceux qui devant les avanies, devant l'avancée des traîtres, ont fait le dos rond, ceux là doivent en apprendre la dure leçon. Et puisque nous payâmes par le sang notre loyauté au Roy, ceux à qui les armes font peur et que le combat répugne devront le payer de leur or, tant il est vrai que par la couardise, notre Sire a perdu beaucoup. » Le marquis marqua un temps d'arrêt, comme s'il tâchait de se remémorer d'autres griefs. « Je veux également, puisque c'est vous qui l'avez initié, que vous instruisiez le procès des ducs de Soltariel. Ne lésinez pas sur les limiers, cher ami, quant à cette sinistre histoire de ponts ; je gage que Kelbourg sera ravi d'enquester pour vous ; il est un peu dogue lui-même. » De ce molosse, le marquis eût ardemment désiré se débarrasser. La place d'un chien fou demeurait aux frontières du Royaume, à aboyer sur les sauvages, à leur montrer les crocs ; point à la capitale. Néanmoins l'irgence requérait l'exception ; cela en expurgerait du reste la cité des rois.

« Ne tergiversez pas, soyez sans hésitation, lança-t-il à son compère en guise d'ultime conseil, et, ah, oui! Notre Sire emporta-t-il avec lui en exil son bourreau ? »

Revenir en haut Aller en bas
Roderik de Wenden
Ancien
Ancien
Roderik de Wenden


Nombre de messages : 1133
Âge : 33
Date d'inscription : 25/12/2014

Personnage
:.: MANUSCRIT :.:
Âge :  27 ans (né en 982)
Taille
:
Niveau Magique : Non-Initié.
L'heure des comptes [Aymeric] Empty
MessageSujet: Re: L'heure des comptes [Aymeric]   L'heure des comptes [Aymeric] I_icon_minitimeLun 28 Mai 2018 - 22:07


Le discours galvanisateur du marquis produisit ses effets. Séduit par cette quête de justice à laquelle on le conviait, Roderik hocha la tête, buvant les paroles d'Aymeric, et accessoirement quelques gorgées de vin qui achevèrent d'émousser ses dernières réserves. L'idée d'un procès était on ne peut plus légitime ; les domaines royaux étaient restés morcelés plus de deux ans sous les principats des despotes rebelles, et tous ceux qui auraient pu et dû agir avaient préféré récolter leur part du gâteau royal. On ne pouvait laisser impunie une telle infamie, et pourtant ! Pourtant, Roderik avait fait miroiter à certains d'entre eux l'éventualité d'un pardon. Il avait dû en user notamment auprès de Niklaus d'Altenberg, le plus influent des baronnets royants, pour le convaincre de restituer à Bohémond ce qu'il avait usurpé. A l'époque, le premier souci de Roderik était d'écourter la guerre et de ramener au plus vite le roi à Diantra. Il l'avait vite regretté, constatant que Niklaus d'Altenberg ne faisait nullement honorable et ne se sentait aucunement coupable. Pire, cet olibrius avait continué de clamer sa probité avec la plus criante des mauvaises fois, allant même jusqu'à réclamer un siège au conseil du roi, ce même roi qu'il était censé servir et qu'il avait volé. Eh bien soit ; l'Altenberg et ses suppôts feront face à leurs responsabilités, et c'est très bien ainsi, considéra Roderik, le regard plongé au fond de sa coupe. Quel que soit le sort des autres tels Fallers et Palarme, l'Altenberg ne pourrait y échapper ; il était la tête pensante de cette coterie de collabos, et tous les membres corrompus de l'administration royale lui mangeaient dans la main. Lorsqu'il s'était autoproclamé duc du Garnaad sur les terres du roi, ils avaient suivi ; et lorsqu'il avait jugé bon de rendre ses terres au roi pour sauver sa peau, ils avaient suivi. Si une tête devait tomber, il fallait que cela soit la sienne ; mais alors elle ne serait certes pas la seule. Il faudrait sans doute purger les domaines royaux de tous ses obligés. La vermine serait éliminée, et alors on repartirait sur des bases saines, confiant l'administration des propriétés royales à des baillis plus consciencieux de leurs devoirs et moins soucieux de grossir leur propre patrimoine.

Juger l'Altenberg était chose aisée, et ne prêtait plus guère à conséquence désormais que la capacité de nuisance de ce dernier se trouvait amoindrie. Ce serait tout autre chose que de juger une duchesse. Comprenant que de son enquête dépendrait le sort de Tibéria, Roderik réprima une grimace. La détresse de la jeune femme le touchait, car il la savait fragile et malheureuse ; vraisemblablement folle, également, à en juger par le comportement qu'elle avait eu lors de leur dernière rencontre. La duchesse perdait la boule, mais était-elle coupable ou innocente, Roderik n'en savait rien. Et il lui incombait désormais de trouver la réponse. Outre son inaction face à la prise de Marcalm par Altiom et ses sbires, les faits reprochés à Tibéria étaient jusque là des griefs internes à Soltariel, mais cette fameuse histoire de ponts constituait une véritable agression du duché contre la couronne ; si elle était coupable, de près ou de loin, Roderik serait forcé de se montrer intraitable. Il réfléchissait aux modalités pratiques et aux innombrables complications qui découleraient immanquablement de la tenue de ce procès de grande envergure, quand Aymeric évoqua la question du bourreau. Sans trop savoir pourquoi, Roderik eut la vision fugitive de la tête de Tibéria sur un billot.

« Il est à croire que Sa Majesté ait eu davantage de nourrices que de bourreaux pendant son exil ; le privilège de mettre à mort ses ennemis était laissé à la discrétion de ses protecteurs successifs. Je vais faire le nécessaire pour trouver quelqu'un de qualifié ; je suis certain que nous ne manquerons pas de candidats. » Il songea un bref instant à Thibaud de Kelbourg, dont le marquis parlait un peu plus tôt. L'homme avait tout le sinistre qui seyait à un bourreau, mais Roderik ne proposa pas l'idée au Régent ; fallait-il imposer comme dernière vision, aux rebelles voués à la mort, le faciès macabre du seigneur de Kelbourg ? Roderik n'était pas si cruel. « Quand pensez-vous que pourra se tenir l'hommage à Sa Majesté, Aymeric ? Ce procès sera le plus grand que l'on ait vu de mémoire d'homme et plus encore ; mais quoiqu'il arrive, il me faudra l'instruire dans les délais les plus brefs, car une autre infamie requiert de la couronne une réponse appropriée : Ydril est aux mains d'un rebelle soutenu par un roi-mercenaire estréventin. Je gage que notre principal ennemi, pour tous nos projets, sera le temps. »
Revenir en haut Aller en bas
Aymeric de Brochant
Humain
Aymeric de Brochant


Nombre de messages : 714
Âge : 32
Date d'inscription : 22/02/2014

Personnage
:.: MANUSCRIT :.:
Âge : 35 ans
Taille
: 6 pieds
Niveau Magique : Non-Initié.
L'heure des comptes [Aymeric] Empty
MessageSujet: Re: L'heure des comptes [Aymeric]   L'heure des comptes [Aymeric] I_icon_minitimeLun 28 Mai 2018 - 22:49


« À chaque crime son jugement, et à chaque guerre son tribunal des vainqueurs, Roderik », répondit aussitôt le marquis, non sans s'imaginer son sort si Nimmio avait bel et bien triomphé, que la maison royale ne soit pas celle d'Ivrey mais de Velteroc. On l'eut assurément traité de traître, d'ami des faux rois, de collusion avec le fils d'un bâtard fratricide - c'était la rumeur, après tout. Gagner la guerre offrait de décider qui était juste et qui ne l'était pas ; plût aux Cinq que le marquis demeure longtemps encore, non dans le bon camp, mais dans le camp des vainqueurs.

« Dès lors que les marquis et les ducs du Royaume auront plié le genou devant Bohémond, j'entends mener la guerre sur les terres ydrilotes et arracher ce dernier sarment de sédition à la Péninsule. De tout les puissants, seule Tibéria manque à l'appel - mais je ne doute que vous ayez cru bien faire en l'écartant de Diantra. La route n'est guère longue jusqu'à Soltariel ; on enverra quelque oisel, et s'il le faut, quelque escorte. » Si ramener la duchesse jusqu'à la cité aux cinq-cent-soixante-quinze tours semblait être une bagatelle, Roderik venait cependant de pointer un travers certains aux plans du nouveau Régent. « Si tant est qu'Ydril soit esseulée, la position n'en est pas moins forte, d'autant plus que les rebelles n'y ont jamais été inquiétés. Je ne saurais demander à nos compères nordiens de me suivre une fois de plus, et l'armée du Roy n'est que l'ombre d'elle-même. À mon grand regret, il me faut bien admettre que pour chasser Altiom-sans-terre, nous devrons compter en partie sur les troupes suderones. »

C'était un crève-cœur pour le marquis, que de devoir admettre une chose pareille. Au delà du mépris pour ces poudrés méridionaux, c'était surtout le constat de faiblesse qui l'ulcérait. Rares étaient ceux à égaler les nordiens à la guerre, pourtant, pour ménager ceux-ci, il faudrait se contenter de suppléants médiocres. L'avanie sévissait d'autant plus que ces branquignols ne manqueraient pas de rappeler, longtemps après, une dette supposément due à leur tout aussi supposée bravoure, là où eussent-ils été doués de quelque entendement ou de quelque courage, les ladres auraient chassé l'envahisseur estréventin dès le premier pied posé sur la grève.

« Le procès de Tibéria peut attendre, trancha Aymeric. Le temps vous donnera manière à étriller vos doutes et fortifier vos certitudes. Quant aux Soltarii, je gage qu'ils tenteront de briller au combat, si tant est qu'il le puissent, pour chercher notre faveur. Contre un ennemi commun, l'agitation s'estompera un temps, et après... ma foi, la justice parlera à travers votre bouche. » C'était, quelque part, la même recette que celle qu'il avait appliqué pour mater les rebelles du Médian ; et n'avait-elle pas fonctionné ? Parbleu, ô que si.

Revenir en haut Aller en bas
Roderik de Wenden
Ancien
Ancien
Roderik de Wenden


Nombre de messages : 1133
Âge : 33
Date d'inscription : 25/12/2014

Personnage
:.: MANUSCRIT :.:
Âge :  27 ans (né en 982)
Taille
:
Niveau Magique : Non-Initié.
L'heure des comptes [Aymeric] Empty
MessageSujet: Re: L'heure des comptes [Aymeric]   L'heure des comptes [Aymeric] I_icon_minitimeLun 28 Mai 2018 - 23:33


Roderik prit le temps de mûrir la décision du Régent. Tibéria venait vraisemblablement de s'offrir un sursis bienvenu - encore qu'elle lui avait confié vouloir être fixée au plus vite sur son sort, quel qu'il soit. La chose déplairait vraisemblablement aux signataires de la Magna Carta, mais il n'appartenait pas à une poignée de seigneurs aux penchants rebelles de contester la réponse royale. Tout ce petit monde allait devoir s'entendre contre l'ennemi commun, comme le Nord l'avait fait devant le Drow : partisans et ennemis de Tibéria feraient front commun face à l'Estréventin, et reprendraient leur querelle sitôt terrassée l'armée d'Altiom. Alors, une fois la guerre d'Ydril achevée, l'on ferait les comptes et l'on pointerait les torts de chacun, tout comme l'on s'apprêtait à le faire pour la guerre du Médian. Roderik acquiesça ; Aymeric ne lui demandait certes pas son avis, mais il était manifestement d'accord.

« En ce cas, je vais réunir ce jour même mes archivistes et tous les clercs de la Chancellerie, afin que l'on se mette, si l'on peut dire, sur le pied de guerre. L'hommage à notre roi sera une belle fête, assurément. Un événement dont l'on parlera longtemps - et pour certains, le dernier auquel il sera donné d'assister. » Pas un sourire n'accompagna cette remarque en apparence cynique ; le Chancelier était on ne peut plus sérieux. « S'agissant des armées suderonnes... voilà plus d'un mois que le duché s'y prépare et rassemble vivres, chevaux et matériel. Dans chaque cité, bourg et village, l'ordre a été donné aux contingents de se tenir prêts à partir début Karfias. Soit dans six ennéades. Pour l'heure, un contingent de guerriers brandois de Papincourt, ainsi qu'un détachement de cavaliers eraçons envoyé par le duc Renaud, sont déjà regroupés aux abords de la cité ducale. Cela devrait tenir Altiom à distance, d'autant qu'il ne peut plus guère compter sur un renfort issu de Naelis ; la mer Olienne est désormais sous notre contrôle, grâce à la clairvoyance du Vice-Amiral Francesco di Castigliani, qui a superbement pallié l'incompétence de Celini. Altiom ne peut désormais rien faire d'autre qu'attendre, retranché derrière ses murs, que vous veniez lui faire rendre gorge. Je gage que cette guerre-là, même le sud ne saurait la perdre, Aymeric. »
Revenir en haut Aller en bas
Aymeric de Brochant
Humain
Aymeric de Brochant


Nombre de messages : 714
Âge : 32
Date d'inscription : 22/02/2014

Personnage
:.: MANUSCRIT :.:
Âge : 35 ans
Taille
: 6 pieds
Niveau Magique : Non-Initié.
L'heure des comptes [Aymeric] Empty
MessageSujet: Re: L'heure des comptes [Aymeric]   L'heure des comptes [Aymeric] I_icon_minitimeJeu 5 Juil 2018 - 19:35


« Les Cinq puissent vous entendre, Roderik », répondit laconiquement le marquis. Aymeric avait religieusement écouté l'exposé de son compère ; l'homme n'avait-il après tout pas passé près d'un mois à planifier d'ors et déjà la revanche du Roy dans ses vassalités méridionales ? Ce n'était, qui plus est, pas n'importe quel homme! À mesure que Roderik détaillait les préparatifs, le Régent maudit un peu plus son précédent patron, l'ineffable Cléophas. Que n'avait-on gâché le potentiel d'un seigneur si gaillard, en l'affublant de clercs, en le lestant de vélin ? L'Arétan était fait pour la rapine et la guerre, point pour les papelards!

« Le Roy vous est grandement reconnaissant pour tout ce que vous avez fait, et continuerez, je n'en doute pas, à faire pour lui, lança Aymeric en posant une main sur l'épaule du Chancelier, mais tout cela, je gage que vous le savez, et avez du le répéter, du reste, à qui voulais l'entendre. Non, Roderik : je vous suis reconnaissant. Pour tout ceci, et plus encore : j'ai autrefois maudis votre cabale puis votre abandon, mais ne peux qu'admettre aujourd'hui le bien que vous avez causé à travers eux. » C'était, du reste, dur à confesser. « Peut-être, peut-être avez vous pu faire ici plus grande chose qu'au Nord ; je persiste à croire que non, mais ma rancœur est dissipée. »

Alors qu'il s'apprêtait à poursuivre sa tirade, aspirant l'air précédant sa phrase suivante, Aymeric s'interrompit. Il tapota affablement sur l'épaule de son compère ; poursuivre la louange eût été plus une flatterie qu'autre chose, et leur temps à tout deux était désormais fort précieux - ils n'étaient après tout que la tête du Royaume.

Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





L'heure des comptes [Aymeric] Empty
MessageSujet: Re: L'heure des comptes [Aymeric]   L'heure des comptes [Aymeric] I_icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
L'heure des comptes [Aymeric]
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Et ensuite ? [Aymeric]
» Les derniers [Aymeric]
» Avec vue sur mer [Aymeric]
» Une rencontre. Un espoir. | Aymeric
» Invitation | Aymeric de Brochant

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Miradelphia :: PÉNINSULE :: Diantra :: Palais Royal-
Sauter vers: