Les premières Serres de l'épopée - Uriel & Estiam

Yriaë cligne longuement des yeux, luttant pour aller contre l’orgueil. Alors c’était ainsi. Qu’Uriel refuse d’Entendre, elle s’y était attendu. Qu’Uriel et Eowald reprennent leur chemin sans rien avoir appris, elle s’y était attendu. Voir sa parole bafouée, et la vie de celui qu’elle aime menacée, elle ne l’avait pas anticipé. Elle avait sous-estimé l’aveuglement de celle dissimulant ses yeux derrière un masque.

Mais il était hors de question que tu paies cette erreur de ta vie.

La druidesse fit un pas en arrière, puis deux, la mine réprobatrice, mais que pouvait-elle faire d’autre ? Il ne servait plus à rien de parler.

- Alors c’est ça une Gardienne de l’Œuvre ? Vous protégez l'Anaëh de vous-même, c'est ça ?

Les poings de la druidesse se serrent à la réplique de l’ingrat, et ses yeux se baissent vers le sol, non pas avec l’attitude d’une elfe vexée, mais dans un profond dépit. Ils t’ont épargné une fois, elle sait que si elle obtempère ils ne te prendront pas la vie maintenant. Mais elle craint pour les leurs de vie, car ignares, ils ne veulent pas apprendre, et confus ils ne veulent pas comprendre.

- Un jour, vous prendrez le temps de réfléchir. Et peut-être que vous comprendrez.

Lorsque la druidesse disparut sous la canopée, c’était en emportant avec elle une grande question.
Si les deux Taledhels avaient été jugés dignes par La Mère, de fouler les Terres Mortelles ; étais-ce parce qu’ils avaient les ressources pour leur survivre… ou parce qu’ils appartenaient à ce monde ?

Une fois que ses oreilles et ses sens magiques lui confirmèrent avec la même certitude formelle que la druidesse s'était éloignée d'au moins une centaine de mètres, Uriel tomba à genoux. Eowald se porta à sa hauteur en une seconde pour l'aider à se relever.

- Je tiendrais le temps qu'il faudra. " l'interrompit-elle avant qu'il ouvre la bouche. " Mais il faut faut détruire son armure. Cette chose le poussait à nous attaquer. Elle avait une sorte de... de conscience propre. "

Il n'en fallut pas beaucoup plus pour que l'Aigle brandisse sa masse pour réduire l'armure en éclats de bois.

- Il faudrait peut-être aller siffler nos monture
- Je ne sais pas siffler, mais Orna répondra si vous utilisez ça. " posant son arc sur le sol, elle tira un petit sifflet de sa sacoche pour le donner à son comparse... et se justifia face à son sourire goguenard. " Il porte plus loin que la voix."
- C'est une évidence. " le regard de l'Aigle se posa sur l'homme inconscient. "Mais qu'est-ce qu'on fait de lui ? "
- C'est un mage dangereux et sa magie est très puissante mais il ne tombe sous le couperet d'aucun de mes vœux pouvant justifier une mise à mort immédiate. Les Anciens de mon ordre détermineront son sort. Je dois le ramener à Alëandir.
- Tu veux dire qu'on va revenir sur nos pas ?
- Nous n'avons pas le choix.
-Comme nous étions obligé de prendre un guide Noss pour traverser l'Annon. " railla-t-il en se redressant. " Je connais un camp d'Aigle sur les bords de l'Uraal, il devrait y avoir pas mal de mages. Puisque nous sommes allé presque plein Sud, on devrait y être avant la nuit. Tu pourrais le leur confier.

Après quelques instants de silence, Uriel répondit simplement " Nous avons besoin des montures. " ramassa son arc et fit en chancelant les quelques pas qui les séparaient du Noss pour s'agenouiller près de lui. Eowald n'insista pas outre mesure et finit par s'engager entre les arbres, prenant garde à repérer son chemin pour ne pas se retrouver comme une vieille pomme avec deux chevaux et zéro compagnon de route.

Uriel sortit de sa sacoche de ceinture le rouleau de corde de rechange pour son arc, fit rouler le Noss sur le côté et saucissonna les mains de se dernier derrière son dos. Un coup de couteau. Elle répéta l’opération sur ses chevilles et au-dessus de ses rotules mais ne prit pas la peine de le bâillonner. Ils avaient vu que sa magie n'avait rien à voir avec de quelconques incantations ou formule. Lorsqu'il avait cessé de bouger, ses marionnettes s'étaient figées elles-aussi... Enfin elle espérait très sincèrement que ce serait toujours le cas parce qu'actuellement, elle n'avait rien sous la main pour le bâillonner efficacement.

Une fois l'elfe hors d'état de nuire, elle se mit péniblement en tailleur, vérifia ses flèche, son arc et se plia en avant pour respirer à grandes lampées. D'une main tremblante, elle arracha le masque de sa figure et le laissa tomber sur ses genoux, emportant quelques cheveux dans l'opération. Le bas de ses paupières étaient empoissées de sang et son front luisait d'une sueur froide qui la faisait frissonner. Elle n'avait pas d'eau sur elle... Il faudrait faire sans. Du bout des ongles, elle se débarrassa d'un maximum de sang et essuya l'intérieur de son masque. Ses doigts étaient de plus en plus tremblants. Sa vision trouble malgré ses efforts. Elle tenait à peine éveillé. Luttant pour continuer à surveiller le Noss au cas ou il se réveille.

L'attente fut interminable mais elle avait encore les yeux ouvert et son masque était remis en place lorsqu'Eowald revint avec deux canassons déjà fourbus d'avoir galopé pour échapper à un dangereux dragon. Pour éviter de surcharger la monture plus frêle de l'Aigle, le Noss fut balancer et attacher sur le dos d'Orsa. Uriel prit place juste derrière lui, dodelinant de la tête dès les premiers mètres.

Eowald fit donc à son idée et le petit groupe descendit vers l'Uraal.

Tes paupières sont lourdes et ta bouche pâteuse. Tes muscles sont douloureux et tes articulations comme encrassées. Tu  sens encore dans tes chairs les restes des arcanes qui t’ont traversé. Tu t’es battu. Et si les choses se sont passé ne serait-ce qu’un peu comme à Yutar tu as même livré une difficile bataille. Mais contre qui ?
Tu roules les épaules, étire tes flancs, mais les gesticulations ne te permettent que de comprendre le désespoir de ta situation. Pieds et poings liés, tu sais maintenant que ceux que tu as affrontés sont tes frères. Alors qui d’autre ? Qui d’autre qu’Uriel et Eowald ? Et tu as perdu. Tu souris, hésitant entre la déception de ta défaite, et le bonheur, sachant ce qui les attendait de savoir ton duo de confrères à-même de venir à bout de toi… du moins de l’opposition que tu auras bien voulu présenter à ce moment-là. Fort est à penser que si tu t’étais autant donné là que durant ton duel contre Nakor, soit tes adversaires y auraient perdu la vie, soit ils auraient jugé plus sage de te retirer la tienne.

En attendant, te voilà nu comme un ver, et saucissonné comme un animal destiné à la broche.
Tu as connu plus glorieux comme situation.

- Hey tu attires l’attention de l’elfe le plus proche Est-ce que je pourrais au moins avoir droit à…

Tes yeux guident les siens entre tes jambes, et c’est finalement d’entre vous l’Aigle le plus gêné. Certainement l'éducation des Lin'Serindë, dont la forte utilisation de tatouages rituels rendait le rapport au corps moins pudique. Sûrement étais-ce là les fruits d'un long travail fait sur toi-même autrefois, pour accepter ton corps tel qu'il était devenu, refait par une hygiène de vie dictée par Velicënor. Peut-être y avait-il là aussi un peu d'un complexe phallique, dont tu avais la chance de te trouver du bon côté - au grand malheur de tes épouses - rapporté d'Ithri'Vaan... mais pour autant que tu sois fier de ta virilité, te retrouver à la fois nu et en position de faiblesse restait une atteinte à ta fierté.

Le fameux camps d'Aigle était bien plus une place de camping sur la rive qu'un véritable camp en dur, mais Uriel était trop épuisée pour faire la différence. Elle n'avait même pas pu descendre de selle seule et s'était laissé rouler dans une couverture et poser dans un coin comme une poupée de chiffon. Les montures avaient été déchargées de leurs bagages et Eowald expliqua la situation à ses frères d'arme avec un sérieux qui ne lui ressemblait que peu. Loethwil fut dignement ficelé et remis à la garde de l'élite de l'armée elfique... Qui fut bien embêter quand la première réflexion du captif leur signifia que ses valseuses auraient apprécié un peu d'intimité.

- Hmmm... Oui." répondit plus ou moins stoïquement la recrue qui était venue parfaire son entrainement d'Aigle et ne s'attendait pas franchement à devoir s'occuper d'un mage puissant aux tendances psychotiques - de ce que leur avait dit le livreur.

Prévenant ses collègues, il revêti le prisonnier avec la traditionnelle technique de la toge-sac-à-patate en nouant les coins d'un drap sur l'épaule du prisonnier à la manière d'une bretelle rudimentaire, nouant les deux autres coins et ajoutant une à mis hauteur pour fermer le côté.

- Restez tranquil et vous serez bien traiter. " lança un autre Aigle. " Demain, nous partirons pour Alëandir où tu répondras de tes actes. "

Du moins ce serait le but qu'ils chercheraient à atteindre en emmenant à travers bois un mage Noss dont les alliés ne devaient pas être bien loin. Avec eux, ils emporteraient un message signé de la main d'Uriel pour informer son ordre de ce qu'elle avait vu et vécu.