[La cité perdue] Le renouveau.

Harald attendait les différents Thanes à l’ancienne caserne de Molgrunn, dans l’ancien poste de commandement. Il était ému. Dans la caserne demeuraient encore des étendards à moitiés détruits par l’humidité et le temps passé. On trouvait les débris de vieux vélins, des pièces d’armures, des sièges laissés dans des positions témoignant qu’ici, il y a des cycles, quelque chose avait prit par surprise les Nains qui siégeaient dans cette pièce. Les premières investigations menées par l’Elfe et par les Dawis qui étaient depuis deux ennéades déjà au sein de la cité, permirent d’établir que la présence de l’abomination à l’entrée de la cité fut la cause de la disparition des Nains de Molgrunn. Et de plus, les cadavres retrouvés témoignent de l’acharnement des soldats et des runistes dans leurs tentatives de destruction de la menace. Dans un dernier baroud, ils condamnèrent la cité, emprisonnant la créature jusqu’à-ce que, des cycles après, un Nain et une Drow ne viennent venger les défunts de Molgrunn. Aujourd’hui, le terreau fertile que représente cette cité devait être semé, afin que, de nouveau, les Nains puisse peupler ces terres et reprendre ce qui leur appartenait et qui fut sauvagement arraché.

Les uns après les autres, les Thanes arrivaient. Bâtisseurs, bûcherons, chasseurs, guerriers, même quelques runistes, entrèrent au compte-goutte dans la bâtisse de l’état-major. Au début, aucune parole ne fut échangée. Tous contemplaient l’endroit, scrutant les vélins, les tablettes, les étendards, les lances, les restes de ce qui devait être des plans, des installations tactiques. L’histoire c’était arrêtée en une fraction de seconde, et elle avait repris aujourd’hui, après des cycles à attendre que des Dawis viennent repeupler les lieux. Il était temps de se mettre se mettre au travail, et de s’atteler au renouveau de la cité.

- Gazanundi. Commença Hongard Main-Cornue, Thane du clan éponyme maîtrisant l’art du bucheronnage. Le Vallon est une zone riche et densément boisée. Nous n’manquerons pas de bois pour nous chauffer, ni en-dessous ni au-dessus. Néanmoins il ne faut pas que la cité et le Vallon compte plus de 150 à 200 Dawis, autrement, nous utiliserons plus de bois que le Vallon ne peut en produire. Nous prônons un bucheronnage sur la durée, afin que les cheminées et les forges puissent brûler toute l’année que le père fait. Et enfin, Gazanundi, puisque nous ne pourrons pas tous vivre au-dessous, il faudrait construire des demeures en pierre pour les habitants du Vallon. Hongard avait terminé, et Harald prit note en son esprit des indications et des revendications. Il était un meneur, certes, mais l’agriculture et l’exploitation de ressources naturelles n’étaient pas son point fort. Un peu d’aide serait la bienvenue.

- Ip, Harald Barbe-Sanglante. Reprit Bölg « Œil-De-Lynx », Thane du clan Piste-Sentier, un clan de chasseur après qu’Harald lui ait donné la parole. D’la même manière qu’Hongard l’a dit, le Vallon possède une faune bien développée, mais les neiges éternelles rendent difficiles la chasse et la reconstitution des réserves de proies. D’la même manière, faudra éviter de trop chasser, où le Vallon risque de s’retrouvé déserté d’ici qu’que années ! Par contre, y a d’la place pour des champignonnières en sous-sol, et donc, d’quoi nourrir d’la panse ! On f’ra l’nécessaire Gazanundi, parole d’honneur !

- Ip, Gazanundi, mon rapport sera aussi concis qu’mes frères. Commença Dwolin Main-De-Pierre, Thane du clan du même nom et fier bâtisseur. L’avantage d’construire une cité souterraine dans les monts, c’est qu’la pierre, y en à, à foison ! Pas b’soin d’l’économiser ! Par contre, j’me dois d’vous faire part d’l’état des roches. C’est qu’y a beaucoup d’granit, c’parfait pour la construction, mais y s’trouve surtout au Nord-Est du Vallon, faudra creuser et créer des ch’mins aménagés pour ram’ner les pierres. Sinon, l’reste est fait d’grès mi-cassé, c’pas mal non plus. Pour les plans, y a qu’que architectes qui pourront tout préparer comme y faut. Mais y parait qu’des Grobis rodent toujours dans les escaliers d’la cité, faudra assurer la sécurité des barbes qui travaillent pour qu’tout s’passe bien. On s’débrouille avec des marteaux et des gourdins, mais on est meilleur avec des burins et d’la pierre.

Si Harald voulait des informations, il en avait reçu une grande quantité. Il fallait composer avec beaucoup de paramètres et faire preuve d’un esprit critique et d’initiative afin que les travaux puissent, non seulement démarrer, mais aussi se dérouler sans encombre et ne pas connaître trop de difficultés. Il avait besoin d’une solution, et de conseils. Il se souvint alors de la présence de Brynhild, jeune Thane du clan guerrier des Odomars. Et bien sûr, il y avait l’Elfe à l’origine de toute cette expédition. Il allait avoir besoin d’elles.

T’sisra s’en revenait de L'Étude des Sages, on lui avait indiqué l’ancienne caserne et elle s’était pressée de la rejoindre. Pénétrant dans le bâtiment, elle se fit tout d’abord discrète puisque les thanes corroboraient leurs décisions. Ils étaient d’éminents spécialistes chacun dans leur domaine, ils connaissaient la pierre et le bois, la maçonnerie et l’architecture, étaient capable d’estimer tant les besoins que les objectifs. Et si en cours de route il fallait les ajuster, nul doute qu’ils trouveraient des solutions. La réputation des dawis quant aux constructions qu’ils se révélaient capables d’entreprendre était connue par delà les frontières du Zagazorn.

- Si je puis me permettre de rebondir sur vos dires, se permit-elle d’intervenir en désignent Dwolin d’un geste de la main, les gobelins présents dans le grand escalier des Hauteurs des Habitations ne sont qu’une petite dizaine et ne représentent pas une menace très importante. Ce qui m’inquiète d’autant plus reste l’extérieur de la cité, confia-t-elle en portant son attention sur Harald, là-dehors, dans ces montagnes vivent des berserkers et des animaux aussi sauvages que dangereux. Tant que nous serons dans la cité, nous ne craindrons rien. Mais pour les voyageurs, c’est une autre histoire.

S’approchant un peu plus afin de rejoindre la table de discussion, la noiraude reprit tout aussi posément.

- Je ne sais rien de l’excavation, de l’architecture et encore moins de la gestion des ressources d’un environnement naturel. En revanche, je connais l’art de la guerre et je sais reconnaître un avant-poste ou une cité qui se doit d’établir une chaine de ravitaillement au plus vite. Si nous voulons tenir cette position, dans cette région hostile, ce devrait être l’un de nos premiers objectifs. Je peux aider des cognards à apprendre à utiliser des tsis, cela nous permettra d’avancer vite, d’engager des escarmouches aussi rapidement que nous pourrons nous en extraire et nous repositionner dans un endroit favorable. Expliqua-t-elle aux uns et aux autres. À mon sens, une expédition pour rejoindre le Sentier des Cols et baliser une voie est une priorité. Il faut que des nains établissent cette chaîne de ravitaillement et veillent à la protéger. Si vous savez à qui confier cette mission, je me porte volontaire pour l’accompagner et me placer sous son commandement.

Assurer la pérennité de la cité et de ses colons était d’une importance capitale, ça elle n’en démoderait pas. La noiraude ne pouvait pas se permettre que l’expédition tourne court après tant d’efforts, après avoir affronté tant de dangers, après avoir tant souffert.

- Si nous devions affronter d’autres dangers, je serai capable de soigner les blessés directement sur le champ de bataille comme je pourrais me battre en première ligne.

Tout les thanes avaient été appelé dans l’ancien poste de commandement de Molgrunn. L’endroit rendait toujours mal à l’aise la naine. Après tout les meubles, bien que rongé par le temps et l’humidité, étaient resté en place, en pagaille, comme lors de leur dernière utilisation. La vie revenant dans la cité permettrait de remettre de l’ordre dans les souvenirs des lieux.
Brynhild espérait que les choses avancent pour elle et ses barbes. Deux énnéades qu’elle attendait de l’action. Mise a part quelques grobis par ci par là, il n’y avait pas eut de réelle menace dans la cité perdue.

Chacun des Thanes firent leur rapport et exposèrent de nouvelles idées pour exploiter le potentiel de la cité sans endommagé les alentours en chassant trop, ou l’en coupant trop d’arbre. La politique était à l’exploitation raisonnable de la faune et la flore afin d’en dégager des bénéfices à long terme. Ainsi en régulant le nombre de dawis dans la cité, l’on pourrait gérer le renouveau des lieux.

Tout cela étaient fort intéressant, mais la naine voulait en découdre. Elle attendait que l’on parle enfin de son domaine de compétence, trancher des ennemis. Quand soudain l’elfe noire prit la parole du fond de la pièce.


- … Tant que nous serons dans la cité, nous ne craindrons rien. Mais pour les voyageurs, c’est une autre histoire.

Les Berzerkers étaient une menace non négligeable. Il fallait en effet s’en préoccuper et rapidement. Ils n’étaient pas spécialement organisé, mais c’était justement de là que venait le danger. Ils étaient intrépides, sans peur et prêt à tout.
Enfin de l’action. Il fallait qu’elle se porte volontaire! Elle attendit la fin de son discours et se leva.

- Je me porte volontaire. Je vois déjà la dizaine de barbe que je pourrais emmener avec moi, trois, quatre recrue à qui les vents des neiges éternelles permettraient d’enlever la brume de la stupidité.

La Thane se tourna vers Harald afin de continuer son discours.

- De plus, je me suis intéressée aux … tsis -je crois- et c’est un système assez ingénieux dont j’aimerai faire l’expérience sur le terrain. Cette expédition est dans tout les cas une bonne idée en matière de fortification des routes, d’exploration des lieux, de jalonnage des passages mais aussi pour faire comprendre aux Berzerks que les dawis sont de retour chez eux et qu’ils vont en découdre s’ils cherchent à nous renifler le joufflu! On ferait d’une pierre deux coup en marquant la montagne pour des Dawis qui viendrait construire de manière plus pérenne la montée, ainsi que de créer des auberges tout le long de la montée.

La naine observait l’assemblée, attendant la décision de la Barbe Sanglante.

Les Thanes étaient tous des experts dans leurs domaines. Reconquérir une cité relevait du domaine militaire, et Harald, ainsi que d’autres Thanes comme Brynhild, étaient les experts dans ce domaine-ci. Ils étaient parvenus à détruire les Berserkers sur le chemin, à protéger la cohorte de Nains, et à protéger celles et ceux qui s’étaient établis dans et en dehors de la cité le temps que la Grande Porte soit reconstruite. Dorénavant, c’était aux autres Thanes de faire valoir leurs expertises et leurs maîtrises. Et leurs avis ne tardèrent pas.

La nécessité de réaliser rapidement une route de ravitaillement sécurisée et jalonnée apparut rapidement dans l’esprit de Harald, idée confortée par les propos des Thanes et par la réponse crue mais nécessaire de l’Elfe Noire. En son cœur, et en son esprit, Harald s’apprêtait déjà à imaginer la future mission qu’il allait donner aux volontaires. Redescendre le sentier de la montagne n’allait pas être chosée aisée, ça non. Il allait y avoir beaucoup d’embuches, et sans doute des pertes Naines. La noiraude avait beau vouloir former les soldats aux maniements des « T’sis », ces derniers ne maîtriseraient pas cette technologie avant des ennéades, et nul doute que des accidents pourraient arriver.

Harald fut surprit par le volontariat de Brynhild Odomar. Il connaissait légèrement cette jeune Thane, de vue principalement, mais avait pu voir au cours de la traversée l’étendue de son courage et sa soif de combats. Si elle n’était pas Thane d’un clan, nul doute qu’elle ferait une digne « Brise-Os » et que Harald pourrait lui reluquer le joufflu. Cependant, sa position de Thane à elle, et de Gazanundi à lui, demandaient une certaine rigueur et un respect sans faille. Mieux valait ne pas heurter l’honneur d’un Nain, ou d’une Naine. Et encore moins cette Naine-là.

Il grommela quelque peu, alors que la salle du conseil retombait dans un lourd silence. Tous attendaient la décision de la « Barbe-Sanglante ». Il était habitué à cette position. Ancien sergent, ancien capitaine de régiment, ancien Ongaraz, et maintenant Gazanundi, il avait passé toute sa vie à prendre des décisions pour son clan et pour ses cognards. Et depuis l’an 12, il gérait également tout le Lörn et le Brissalion. Les conseils, les prise de décisions, étaient monnaie courante, et il s’était habitué à cet exercice.

Son esprit soupesait le pour et le contre. D’une part, il voulait pacifier la cité. Quelques Grobis, ce n’était pas un danger en soit. Un Nanillon pourrait s’en défaire – ou peu s’en faut. Mais la cité comprenait plusieurs runistes. En comparaison, les runistes ne formaient, pour le moment, que 10 ou 15% des effectifs. Mais depuis le Voile, posséder autant de Runistes aux spécialités diverses en un même endroit, au même instant, était un trésor qu’il fallait protéger. Tous étaient détenteurs d’un savoir perdu avec la Gransalle de Kirgan. Aussi fallait-il les protéger. Harald ne souffrirait d’aucune perte. Si un Grobis chanceux réussissait à transpercer un maître Runiste sans le faire exprès, cette perte serait bien trop conséquente pour Harald, et par extension, pour la cité elle-même. Le noir de jais de son armure, associé à la faible luminosité des lieux, faisait contraste avec son visage à la peau pâle. Finalement, il prit la parole.

- Merrrci, fierrs Dawis, pourrr votrre aide et vos conseils. Il apparraît qu’une rroute de rravitaillement est vitale pourr la cité. Cependant, il faut prrotéger un autrrre bien vital pour la cité, mais également pour notrrre nation : la savoirr de nos Rrrunistes. Brrynhild ! Il prononça son nom avec une intonation toute autoritaire. Avec l’aide de la Drrow, détrruisez les Grrobis, afin que nos Rrruniste et nos Dawis puissent êtrrre en sécurrrité. Puis, prrrenez vos meilleurrs guerrriers. Vous avez trrois jourrs pour sécurriser la cité, et vous entrrainer avec les T’sis. Ensuite, vous rrréaliserrez le jalonnerrrez la rrroute verrs Molgrrun, vous déciderrez de l’implantation d’un forrtin, et vous rretourrnerrez à Kirrrrgan, pourr que les trravaux de sécurrisation et de forrtification de la rroute puissent enfin commencer. La surrvie de la cité est entrrre vos pognes ! Barrrrrrruk !

Il avait appuyé ce dernier mot, les « r » roulant longuement sous sa langue, alors qu’il baissa légèrement la tête et plaça son poing droit sur sa poitrine gauche, en signe de respect. La mission était donnée, et Brynhild et T’sisra, devaient maintenant s’y atteler.

Les ordres furent donnés, la noirelfe opina du chef puis jeta un œil à la thane des Odomar. Elle s’était portée volontaire à peine entrée dans la pièce. Alors, soit elle tenait à ne pas rester dans la cité, soit elle s’ennuyait ferme et cherchait à se trouver quelque chose à faire.
Dans les deux cas, la situation lui allait très bien, aussi la noiraude s’approcha de Brynhild.

- Les gobelins sont retranchés dans l’escalier Ouest, ils ne sont qu’une poignée. Ce ne devrait pas être trop problématique de nous en défaire. Fit la daedhel avec confiance. Et dès que ce sera terminé, je vous montrerai comment se déplacer avec les tsis. Nous en avons un peu plus d’une douzaine de paires au total.

Se tournant à nouveau vers Harald et les spécialistes de la maçonnerie, elle reprit :

- En haut de cet escalier, la sortie est effondrée. La dégager risque d’être une tâche ardue, mais… Bon. Chaque chose en son temps. Conclut-elle en faisant volte-face vers Brynhild. Thane, je suis à vos ordres.

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