La dernière chance.

Durant la huitième ennéade de verimios 17 : XI.
Le lendemain du retour du Katrian à Thaar.

Azzelio n’était jamais venu dans les Soieries. Déjà parce que le quartier ne l’intéressait guère mais et puis surtout parce qu’il était bien trop loin des flots à son goût. En réalité le capitaine ne connaissait de Thaar que les docks ou presque, ce qu’il connaissait du reste de la cité était négligeable. Il n’avait jamais pris le temps de s’intéresser à quoi que ce soit qui puisse l’éloigner de l’olienne. Plusieurs années auparavant il aurait souri en se disant qu’il connaissait davantage les eaux qui séparait cette grande ville de Sybrondil, son lieu de naissance, que sa propre épouse. Si c’était toujours le cas, cela ne l’amusait plus maintenant et il ne s’en vantait plus auprès de son équipage. A quoi bon ? Devait-il réellement en être fier ? Il avait arrêté de se poser ces questions-là également et à la place il avait lentement commencé à s’intéressé à Thaar. C’était bien pour ça qu’il se trouvait aujourd’hui dans le quartier riche de cette dernière.

En effet auparavant il aurait simplement attendu sur les docks, probablement au Kalkana, que Lilyanna vienne mais maintenant il n’avait plus peur de la corruption morale d’une ville qui vénérait ouvertement Arcam ; peut-être était-ce parce que, justement, il en avait fait les frais. Une question de plus qu’il ne préférait pas se poser. A la place il déambulait dans les rues observant les habitations, ce qui ne manqua pas d’attirer l’attention des gardes de diverses demeures qui lui firent comprendre de rapidement passer son chemin s’il ne voulait pas avoir d’ennui. Après avoir arpenté ce riche quartier plus longtemps qu’il ne le voulait, les habitations commençaient à toutes se ressembler bien que leurs divers propriétaires aient tenté de milles façon de se démarquer de leurs voisins. Cependant il finit bien par trouver la villa qu’il cherchait.

Une villa qui était différente des autres de bien des façons. Il fallait dire que si la prêtresse n’avait pas un goût certain pour l’immobilier en bon état, au moins ses descriptions étaient… passables. Personne ne se trouvait à l’entrée pour l’empêcher de pénétrer dans le jardin abandonné qui menait jusqu’aux portes. Cela dit les portes en question étaient plus une métaphore qu’autre chose car ce qu’il en restait était au sol. Il posa un pied timide dans la maison abandonnée et il se rendit compte que le grand salon vide, ou presque, résonnait ; ainsi le crissement produit lorsqu’il marcha sur un éclat de verre et qui bougea rapidement son pied, faisant frotter ledit éclat contre le parquet, fut aisément audible dans le reste de la villa. Azzelio entendit une des bruits de pas peu de temps après et fut accueilli par une Lilyanna le regarda depuis le haut d’escaliers.

« Bienvenu dans mon humble demeure, capitaine. » D’un geste elle embrassa le salon dévasté. « Je dois dire que je t’attendais plus tôt, vous avez fait bon voyage ? »
« Ça va, disons qu’on a fait un détours. »
« Je vois, aller viens, faut qu’on parle. » Azzelio hocha la tête et s’en alla rejoindre Lilyanna.
« Tu sais que c’est un très mauvais choix de mots pour attirer un homme ? » L’hybride leva les yeux au ciel alors que le capitaine montait les marches pour la rejoindre. « Tu as de la chance que je t’aime bien. »
« Pas plus que ta femme j’espère. »
« Bien sûr que non. »

La nécromancienne l’amena dans ce qui fut jadis un bureau. En réalité s’en était toujours un, pour peu qu’on aime le désordre et les échardes de bois. Lilyanna releva un fauteuil pour s’asseoir.

« Je t’en pries, fait comme chez toi. »
« C’est… intéressant comme choix, le bureau brisé, coupé en deux. » Azzelio tira un peu une étagère renversée pour s’asseoir dessus.
« Disons que j’expérimente un peu. » En voyant que l’humain reniflait l’air elle sourit. « C’est l’odeur de mort que tu cherches ? » Il hocha la tête alors que son interlocutrice croisait ses jambes.
« On ne peut rien te cacher. »
« Oh que si, toi par contre, non. Cela dit tu ne trouveras rien. »
« T’es pas là depuis longtemps hein? » La remarque la fit rire.
« Non en effet, un peu moins de trois ennéades pour être précise. »
« Et à qui tu l’as volé? »
« Mais à personne voyons, c’est la demeure de Khosro. »
« Ça explique l’état. Le gamin est là ? »
« Il est dans sa chambre, il travaille. »
« J’imagine que tu ne m’a pas demandé de venir pour parler déco. »
« Non, c’est vrai. J’ai besoin de ton aide. »
« Je t’écoute. »
« Comme tu as pu le voir en arrivant, la villa est en ruine et... »
« Laisses moi deviner : t’as besoin de l’équipage, et des fonds, du Katrian ? »
« Peut-être... »
« J’aimerais beaucoup t’aider, Lilyanna, mais qu’est-ce qu’on a à y gagner ? Je ne peux pas penser qu’à moi. » L’intéressé se leva et fit quelques pas dans ce qui fut un bureau, les bras dans le dos, suivit du regard par le capitaine.
« Un endroit où rester à Thaar. »
« Va falloir faire mieux que ça. Pourquoi tu ne vas pas voir les contacts des parents du gamin ? »
« Tu penses bien que j’ai essayé, Azzelio, mais c’est comme s’ils n’avaient jamais entendu parlé de lui ou de sa famille… pour ceux qui daignent répondre. Est-ce que je peux te demander une faveur ? »
« Je peux pas me permettre de remettre le lieu en état, pas même pour tes beaux yeux. »
« Je veux monter une expédition, je te demande juste de protéger la villa. »
« C’est pas contre toi Lily… disons que pour le moment tes expéditions n’ont fait que me coûter de l’argent et je les ai financées parce qu’elle ne me retenaient pas à terre. »
« Cette fois c’est diff... »
« C’est ce que tu m’as déjà dit la dernière fois et ça a été exactement la même chose. »
« Cette fois je vais à Nisétis, je trouverais bien de quoi te rembourser ce que je te dois et même plus. »
« Si tu reviens. »
« Je te demande deux ennéades. Si je ne suis pas revenu début karfïas la villa est à toi. »
« T’as vu l’état dans lequel elle est? »
« Ça reste une villa dans les soieries. » Un silence pesant s’installa durant près de deux minutes alors qu’Azzelio hésitait. « Ne me force pas à te supplier. »
« Tu as dix-huit jours, deux ennéades, pas un de plus. »