Ce n’est peut-être pas qu’un au revoir…

Elenwënas, IIe ennéades du mois de Karfias, An XVIII, Cycle XI
Le Port, Thaar

L’excitation était palpable chez les enfants Irohivrah. C’était le jour qu’ils retournaient finalement en Oesgard. Le jour qu’ils retournaient finalement voir leur père! Depuis qu’ils avaient appris la nouvelle, les jeunes Irohivrah ne purent s’empêcher de cacher leur enthousiaste. Lukas & Loghan avaient bien hâte de reprendre leurs cours d’escrime tandis que la discrète Alvyna avait bien hâte de continuer ses leçons de noble dame avec sa tante. Ulric revint rapidement vers eux, «Le navire a été fouillé, il est sécurisé. Qui plus est, vos instructions ont été suivies quant aux appartements.» Maralina hocha la tête avant de faire un demi-sourire à l’elfe. S’accroupissant vers ses enfants, cette dernière tendit doucement les bras, cela ne prit qu’une seconde avant que les trois marmots lui sautent dans les bras en riant. Elle les serra contre elle, allant même jusqu’à déposer sa tête sur celle de la petite Alvyna; «Vous allez me manquer.» Ce fut Lukas qui souffla, se détachant un peu de sa mère avant de l’observer de ces grandes prunelles émeraude; «Mais Maman, on part en vacances pour quelques ennéades! Tu vas venir nous rejoindre bientôt hein? » Se voulant le plus rassurante possible, elle lui fit un sourire avant de caresser doucement sa joue. «Oui que de longues vacances ! Je vous rejoins dès que possible. » Inutile de leur dire qu’elle n’avait aucune idée de quand elle les reverrait ou de si elle les reverrait. La situation était si critique que pour une fois, elle ne savait pas si ses actions étaient réellement les bonnes. «Tu es un grand garçon, Lukas. Prends soin de ton frère et de ta sœur. » Lukas bomba son torse, heureux que sa mère lui ait confié une tâche aussi importante.


Maralina lâcha le petit groupe, tentant de s’occuper d’un enfant à la fois. Si Loghan semblait un peu inquiet, il écouta attentivement les instructions de sa mère, lui promettant qu’il serait aussi bon que les chevaliers à l’épée. Même la discrète Alvyna lui promit de devenir une dame, non sans demander  l’affection de sa mère. Une fois les au revoir faits, les gouvernantes – encadré par quelques miliciens, entrainèrent les enfants sur le bateau. Les aidant à embarquer sur le navire. Lukas s’assura que les deux cadets soient montés à bord – car oui, le rôle d’aîné protecteur était très important – dirigeant l’opération qui semblait si capitale. Une fois qu’il eut l’impression que les deux autres soient en sécurité, il se retourna vers sa mère en lui faisant un sourire fier. Puis, il avança d’un pas vers la barrière, avant de s’arrêter net pour se retourner vers sa mère. Il la regarda, le visage soudain inquiet, avant de se précipiter en courant vers cette dernière pour lui donner un dernier calin – ce que la Vaanie ne lui refusa point.  Ce fut Ulric qui place sa main sur l’épaule du garçon, lui faisant comprendre que c’est le moment de partir. La Princesse lâcha doucement son garçon avant de lui sourire, en replaçant doucement une mèche de ses cheveux. Qu’est qu’il pouvait ressembler à son père celui-là!


« T’n’inquiètes pas Maman! Je vais m’occuper de Loghan et Alvyna! Tu vas voir tu vas être fière. »


Maralina ne put s’empêcher de sourire devant la répartie de son fils. «Je le suis déjà.» Elle l’attira à elle pour l’embrasser sur le fond, en le relâchant doucement. «Allez va retrouver les autres.» Lukas fit une moue avant de rétorquer;


« Un dernier calin? » Maralina l’attira à elle pour lui faire une dernière étreinte avant de le laisser partir. Lukas se retourna et partit rejoindre sa gouvernante et les autres enfants. Maralina referma doucement les mains, comme si elle regrettait de l’avoir laissé partir, avant de se redresser. Ulric lui fit un salut, avant de se retourner pour aller rejoindre les enfants.


Elle agrippa le bras d’Ulric, l’arrêtant dans son mouvement. L’elfe s’arrêta net avant de se retourner vers la Princesse Marchande. « Tu pars avec la chair de ma chair, Ulric. » Elle s’arrêta un moment sentant sa voix se briser, alors que ses prunelles azurées suivirent ses enfants qui montaient à bord du navire, un énorme sourire aux lèvres. Lukas chahutait avec Loghan comme à son habitude, tandis qu’Alvyna suivait d’un pas léger ses deux frères. Une fois qu’ils furent à l’intérieur à bord, la Princesse sembla les chercher du regard. Elle lâcha finalement le commandant de sa milice, retournant son regard vers ce dernier. Pour une fois, elle ne put cacher son expression. C’était bien de la peur qu’on pouvait lire, cette horrible peur dévastatrice qui semblait plus contagieuse que la peste. Ulric ne perdit pas une seconde, dégainant son épée avant de poser la pointe sur le sol s’agenouillant devant la Princesse Marchande. « Maralina, je te jure sur ma vie que je les protègerais. Je suis plus inquiet pour toi que pour eux. » Maralina hocha rapidement la tête alors que son regard retournait sur le navire, cherchant des yeux sa marmaille. «Va les rejoindre. » Le commandant ne perdit pas une seule seconde et embarqua sur le navire, suivi de quelques hommes supplémentaires, après tout, la traversée était dangereuse. Les marins se mirent à relever la barrière, et commencèrent à relever l’ancre. Maralina fit un pas vers le navire, cherchant ses enfants du regard, l’air inquiet. Ce ne fut que lorsque l’ancre fut totalement relevée et que le navire commença finalement à avancer qu’elle les vit. Accoudés sur la rambarde, Alvyna dans les bras d’Ulric, les trois enfants se mirent à agiter leurs mains, l’air enthousiaste.


« Au revoir Maman!! »
« Au revoir Mamaaaaa! »


Alvyna, elle, ne se contenta que de lui envoyer un sourire avant d’agiter la main à son tour. Maralina leur fit un sourire, en agitant sa main à son tour, alors que le navire s’éloignait, emportant avec elle la chair de sa chair. «Au revoir mes amours…» murmura-t-elle, luttant pour camoufler son inquiétude. La Princesse Marchande resta sur le quai pendant plusieurs longues minutes, suivant du regard le navire qui emportait les êtres qui avaient le plus de valeurs a ses yeux. Elle les savait en sécurité, elle avait confiance en Ulric, mais son cœur de mère n’était jamais totalement à l’aise lorsqu’ils étaient loin d’elle. Au bout d’une heure, Tristan s’approcha de la Princesse Marchande. Le soleil commençait doucement à se coucher, et cela faisait déjà plusieurs minutes que le navire avait disparu de l’horizon. «Princesse, le soleil se couche, nous devrions retourner au Palais. » Maralina, le regard toujours fixé à l’horizon, l’air inquiet ne répondit pas tout de suite. Elle tentait de ravaler sa peine, de la cacher au plus profond d’elle-même. «Ai-je pris la bonne décision, Tristan? » Le rouquin s’arrêta net, ne sachant pas trop comment réagir. Ce n’était pas la première fois qu’il voyait la Princesse ainsi, et sincèrement ces enfants étaient les seuls qui réussissaient à atteindre la Vaanie. «Ils sont en danger ici. Nous ne savons pas ce qui va se passer à Naélis. Vous devez les protéger à tout prix.» Il s’arrêta un moment, tentant de trouver les mots qu’ils fallaient, et continua; « Ils sont en sureté avec Ulric. Il n’y a pas de meilleur combattant en Ithri’Vaan. » Maralina acquiesçait, avant de murmurer; « Allons-y. » Elle se retourna rapidement, faisant quelques pas pour quitter le quai, avant de s’arrêter sec. La demie-elfe retourna la tête pour s’assurer que le navire n’était plus en vue avant de se retourner vers ses miliciens. Son visage devint à nouveau de marbre, mais elle ne pouvait tromper Tristan. Il savait comment la mère était meurtrie, mais elle faisait cela pour leur bien. Elle ne pouvait les laisser à Thaar avec le jeu qui se jouait.  « Rentrons. Nous partons demain à l’aube. » Dit-elle en embarquant sur la selle de son destrier.  

¤¤¤ Musique d’ambiance  ¤¤¤

Oglicos, IIe ennéades du mois de Karfias, An XVIII, Cycle XI
Palais Irohivrah, Les Soieries, Thaar

Le soleil venait à peine de se lever sur Thaar, les rayons commençaient tout doucement à illuminer les toits du port. La ville, toujours endormie, était étrangement calme. Et pendant ce temps tout s’activait dans le Palais Irohivrah. Les miliciens mettaient leurs armures, s’assuraient que les vivres et le nécessaire de campement soient prêts. Tout devait être vérifié, contrôler, rien ne devait leur échapper.


Maralina releva doucement son bras droit alors que la petite naine se mit à serrer de toute ses forces sur le lacet pour refermer sa robe, avant de répéter le même manège de l’autre côté. La robe, particulièrement couvrante pour Maralina était faite d’un taffetas de soie noire. Un col remontait bien haut, couvrant la majorité de ses épaules, mais le décolleté plongeant ne laissait cachait aucunement les atouts de la Princesse de la Chair. Les épaules, recouvertes par le même tissu, étaient couvertes de broderies argentées. Le tout était tenu fermement par une ceinture de cuir autour de sa taille fine. Royna déplaça doucement les boucles sur l’épaule de la Princesse Marchande avant de lui tendre un pendentif bien spécial. Maralina l’attrapa rapidement avant de l’accrocher à son cou, bien en évidence. Elle savait que ce porte-bonheur pourrait lui être bien utile… La porte s’ouvrit rapidement alors qu’un rouquin en armure et armé jusqu’aux dents entra dans la pièce.


«Vous êtes prête, Votre Altesse? »


Maralina se retourna vers Tristan, l’air particulièrement sobre pour une fois. «Autant qu’on puisse l’être dans cette situation. » Elle était nerveuse, et qui aurait pu la blâmé? Elle n’allait pas assister à une partie de plaisir, elle allait à la guerre. Elle allait observer les conséquences de ces actes. Certes, elle était derrière le sabotage des convois drows, et ce n’était pas le seul tour qu’elle aurait planifié. L’aide de Marzaban avait été très appréciée pour la suite des choses, mais elle savait qu’elle se trouvait dans une position des plus délicates. «Tout est prêt?» Tristan aquiscat rapidement de la tête; «Oui, trentes miliciens et un convoi avec tout le nécessaire pour le voyage. Votre destrier est déjà scellé et nous sommes prêts à partir.» Maralina acquiesçait avant de lui répondre; «Parfait, je serais là dans quelques minutes. Laissez-moi. » Tristan sortit rapidement de ses appartements bientôt suivis par Royna, fermant la porte derrière elle. La Princesse Marchande s’avança doucement vers les grandes portes qui menèrent à un balcon et les ouvrit. L’air froid entra dans la pièce, faisant virevolter ses longues boucles brunes, alors que quelques flocons vinrent s’effondrer sur le marbre blanc. Elle alla rapidement sur le balcon, avant de déposer ses mains gantées sur la rambarde, observant le paysage qui se dressait devant elle. Son regard sembla se remplir de détermination. Bien consciente du rôle qu’elle avait à combler. Bien consciente que ses actions auraient des répercussions non seulement sur elle et Uldal’Rhiz, mais sur la principauté au grand complet. Elle ne pouvait pas se tromper, et elle n’avait surtout pas le droit à l’erreur. Fermant les yeux un moment, elle expira doucement avant de les rouvrir une nouvelle fois, embrassant du regard le soleil qui réveillait doucement la ville de son sommeil si paisible.


« C’est le moment… » murmura-t-elle pour elle-même, avant de retourner dans ses appartements. Elle referma les portes vitrées derrière elle et se dirigea rapidement vers la sortie. Posant sa main sur la poignée, elle jeta un dernier regard vers le manteau de la cheminée, là où, un portrait de ses enfants ornait le marbre. Ils semblaient tous si paisibles, si heureux, comme inconscient du danger à l’horizon.  Elle sentit soudainement son corps se réchauffer, embrassant cette sensation, elle sortit rapidement de ses appartements en se dirigeant vers l’entrée de son palais, mais fut rapidement accueillie par Khaled qui l’attendait, l’air nerveux, au bout du couloir.


«Je sais que je l’ai déjà dit, mais je ne crois pas que cela soit une bonne idée. »
«Malheureusement, ce n’est pas à toi de prendre cette décision. Irais-tu à l’encontre de mes décisions? »
«Non… Non… Jamais je ne ferais une telle chose. » Dit-il d’un air de plus en plus nerveux.
«Je suis la meilleure personne pour accomplir cette tâche. Mais alliées le savent. Ne te mets pas au travers d’un plan aussi dangereux.»
Khaled s’arrêta soudainement, attrapant les épaules de la Princesse d’Uldal’Rhiz. «Fais attention à toi, Maralina. Je t’ai vu grandir, je t’ai vu t’épanouir en tant que femme d’affaires et en tant que mère. Je te fais confiance, mais promets-moi de revenir aussitôt que possible. »


Maralina lui fit un léger sourire, avant de caresser doucement le doigt de celui qui avait toujours été son bras droit. «Ne t’inquiète pas Khaled, cette fois-ci j’ai la plus grande des motivations pour revenir. J’ai des gens qui dépendent de moi. » Elle se détacha de l’elfe avant de sortir rapidement de son palais. Elle descendit une à une les marches qui menaient au petit groupe d’homme préparé avant de rejoindre son destrier. Tristan tint fermement les rênes alors que la Princesse se hissa sur la selle, sans aide.  Jetant un regard à ses hommes. Si certains cachaient assez bien leurs émotions, le mouvement de leurs doigts ne cachait rien au hasard. Tous savaient où ils allaient. Leur rôle était simple; protéger à tout prix la Princesse d’Uldal’Rhiz. Tous étaient au courant des innombrables plans si quelques choses échouaient et que la situation dégénérait. Ils étaient tous habitués à protéger la demie-elfe, mais le faire sur un champ de bataille était une autre paire de manches. « Vous êtes prêts? » demanda la Vaanie, déplaçant son regard sur les nombreux hommes qui se dédiaient à la protégée. Tous acquiescèrent d’un air vif et sans attendre plus longtemps, la Vaanie se mit en route. Il y avait près de trois jours de trajet  à faire avant d’arriver à Elram. Elle se doutait pertinemment que le fortin ne résisterait pas longtemps, ce qui était en soi dommage. Maralina se souvenait très bien de sa rencontre avec Glenn Hereon, et avait réellement apprécié le roi. Jamais elle n’aurait souhaité de mal à ce dernier, malheureusement la mort l’appela beaucoup trop vite…  Cela ne prit que quelques minutes pour que le groupe rejoigne la grande muraille de Thaar et quitte finalement la cité. Le trajet s’annonçait long, mais ce qui en sortirait serait probablement très bénéfique. Si seulement tout allait selon le plan…