Arrachées pour défendre

Neuvième ennéade de Verimios,
An Vingt du Cycle XI,
Quartier des fontaines d’Alëandir.

L’Aigle tenait le paquet serré contre son plastron de cuir. Enroulées dans le fin tramage d’une toile de jute, les deux cornes annelées de la nymphe corrompue étaient, avec la prise de conscience de l’influence et des pouvoirs du Sorcier Nécromant, le seul butin qu’ils avaient pu rapporter de la forêt viciée. D’environ deux un pied de long chacune, elles s’étendaient depuis leur base brisée se ramifiant comme les bois d’un cerf. Précieuses pour leurs propriétés relatives à la stabilisation des flux, les cornes d’Ailinis étaient prisées pour leurs propriétés relatives à la stabilisations des Flux, mais elles constituaient un matériau extrêmement rare. Jamais chassées par les Citadins, les Nymphes avaient été particulièrement affectées par les guerres d’invasions des fils de Calimenthar s’étaient retranchées au plus loin des cités taledhelles.

S’il avait un temps envisagé de les confier aux alchimistes travaillant avec les mages de l’Académie, Árólindë avait finalement choisi de les remettre aux forgerons. Ce qu’ils en feraient lui importait peu. Ils iraient de toute façon chercher l’aide dont ils auraient besoin. Mais s’il perdait la vie sous les frondaisons du Linoïn perdu, au moins aurait-il légué un moyen précieux pour combattre les ennemis de l’Œuvre entre les mains les plus à mêmes d’en réaliser le potentiel martial.

Dans le matin du lendemain de son arrivée dans la Citée Blanche, le Lieutenant foulait donc de nouveaux les pavés du Telüime. L’aube faisait scintiller à nouveau l’eau des canaux, qui coulait paresseusement jusqu’à la Rêveuse. La quiétude du remous des fontaines n’était troublé que par les elfes les plus matinaux, flânant ou s’affairant dans les ateliers du quartier. Marchant à pas rapides, Aigle avait revêtu sa cuirasse et portait une cape brune frappée de l’emblème de l’armée royale, brochée à l’épaule droite par une fibule de bronze aux ailes d’aigle déployées.

Il aperçu finalement l’atelier qu’il recherchait. Coiffé des cheminées de ses fourneaux, le bruit des soufflets et les tintements des marteaux contre le métal y prenait le pas sur le ruissellement des canaux. Árólindë y pénétra, prenant plaisir à retrouver la chaleur pénétrante et les fragrances d’acier et de charbon. Un fils, qui devait être considéré petit même pour des critères ornedhels, s’approcha de lui, sa tenaille dans la main gauche et essuyant la droite sur le devant de son tablier.

« – Je cherche le Tamin Dolan. »

L’apprenti acquiesça et disparu dans les entrailles de l’atelier, d’où émanaient les lueurs des foyers incandescents.

Le tintement du métal réticent ployant lentement sous le marteau se tut, brièvement remplacé par celui des outils déposés. Dans le crissement de la pierre glissant contre la pierre, une porte se s’ouvrit par le sol dans la paroi qui séparait la forge de l’entrée. Le Maître-Forgeron se présenta derrière et avança à la rencontre du Lieutenant, qui lui adressa un salut rigoureux.

« – Heureux de te voir également, Tamin Dolan. Je ne te retiendrai pas longtemps. »

S’il était physiquement plus Ornedhel que Taledhel il affichait une grandeur que n’aurait pu singer un elfe des clans. Dans l’austérité de son caractère, confinant à l’aridité, Árólindë trouvait les signes d’une solitude avec laquelle il était familier. C’était cette empathie – et l’habileté exceptionnelle de ce Façonneur de métal qui le plaçait parmi les maîtres les plus reconnus de son Art – qui l’avait convaincu de lui apporter le butin obtenu d’Aduram.

L’Aigle lui présenta le paquet et écarta le jute, dévoilant les deux cornes à la forme irrégulière semblable celle à des bois de corvidés, brisées à leur base.

« – Des cornes d’Ailinis. Mêmes arrachées à une Nymphe morte depuis longtemps, elles devraient avoir conservé leurs propriétés... Elles sont à toi, si tu les veux. Fais-en ce que tu veux. Je ne peux pas te demander de l’utiliser pour me forger une pièce car je suis pris par le temps avant mon départ. Mais, s’il te plaît, si je n’en reviens pas, accorde en une à celui à qui échouera ma charge. Cela le fera peut-être réussir là où j’aurais failli… »