Pour le meilleur et pour le pire... [Jena]

Non mais pour qui se prenait-il ? Lui parler ainsi….à elle ! Il était hors de question qu’elle se laisse ainsi accuser à tord et qu’il passe ses nerfs sur elle. Maintenant qu’ils avaient regagné leur chambre et que Clarys s’était rapidement esquivée, ils étaient en tête à tête. Mais absolument rien de romantique. En ce moment tout romantisme s’était envolé sous la sévérité des paroles de Hanegard. Jena fulminait. Lui faire honte de la sorte. Devant le Baron de Missède en plus. Il n’avait absolument rien dans la tête ou quoi ?
Elle était enceinte jusqu’au cou et malgré une frustration sexuelle évidente, elle n’aurait pas pu se jeter sur le premier venu. Elle était enceinte bon sang !
Jena tournait le dos à Hanegard tandis qu’elle défaisait les attaches de sa robe. Le corset de celle-ci était lacé sur sa poitrine aussi n’avait-elle besoin de personne pour se dévêtir. Lorsque la lourde robe eut glissée à ses pieds, elle se tourna en passant une robe de chambre sur son long jupon blanc.

- Mon comportement ? Éclata-t-elle à son tour. Quel comportement ? De nous deux c’est toi qui devrait avoir le plus honte de te présenter au bal de demain.

La coupe était pleine, il ne fallait pas non plus pousser le bouchon trop loin. Elle voulait bien être une épouse compréhensive, aimante et respectueuse, mais lorsqu’on la traitait presque de dévergondée il ne fallait pas s’attendre à ce qu’elle en rigole. Et puis après la scène qu’il lui avait faite dans le jardin et les mots qu’il avait prononcé à l’encontre du Baron il y avait de quoi avoir honte. Viktor de Missède était Baron….ce n’était pas un gentil nobliau sans nom et sans le sou.

- Et ne vient pas me parler de dignité, tu sembles bien mal placé pour me donner des leçons à ce sujet.

Qu’elle hurle, elle s’en fichait. Que leurs voisins de chambre les entendent, elle s’en moquait. Elle n’était pas du genre à élever la voix mais là….LA ! Il était vraiment allé trop loin. Surtout qu’elle ne comprenait pas quelle mouche l’avait piqué. A grand pas, elle s’approcha de sa coiffeuse et retira rageusement les épingles qui retenaient ses cheveux. Sa brosse à la main elle commença à démêler tout ça avant de renoncer. Elle était trop énervée pour s’occuper de sa tignasse. Ca attendrait. Faisant à nouveau face à son mari, Jena le menaça avec sa brosse (c’est une arme redoutable entre les mains d’une femme…vous l’ignoriez ?!!).

- Et ne me crie plus jamais dessus ! Je ne suis pas l’un de tes lieutenants moi.

Assez comique comme ordre venant d’une femme qui était justement en train de crier sur son mari. Mais par tous les dieux elle n’avait rien fait de mal ! Elle s’était juste extasiée des coups que lui donnait son enfant. D’ailleurs il ne cessait de bouger maintenant, il ne devait pas apprécier de voir ses parents s’engueuler comme deux poissonniers….et bien il devrait attendre que l’orage passe!

Ah tu le prends comme ca en plus ? Alors là, alors là ! Non mais… c’est… vous vous rendez compte, je n’arrive même pas à l’exprimer tellement je suis outré par son comportement. « Putain tu le prends comme ca con, awouais ? », comme dirait une charmante toulousaine. Ben ouais, elle le prend comme ca la donzelle, elle osait élever la voie contre son seigneur et maître au lieu d’implorer son pardon.

Bon, Hanegard, lui, ne sait pas où est Toulouse, ni que le cassoulet y est meilleur qu’à Castelnaudary, et encore moins que leur équipe de rugby y gagne plus de championnats que le stade français. Donc il mit cela de côté, prit son souffle et rugit :

Tu es ma femme par les dieux ! Et je suis en droit d’attendre de ta part un comportement digne et correct !

Non mais quoi sans blague, elle pensait s’envoyer en l’air avec un godelureau, fusse un baron, sans que son époux n’intervienne ? Et maintenant, madame le prend de haut. Madame ne veut pas qu’on lui crie dessus, madame s’estime en droit de donner des leçons de morale. Et en plus si elle savait à quel point elle est ridicule avec sa brosse brandie comme une flamberge ! Il y aurait eu matière à en rire dans un autre moment.

Commençant à déboutonner son pourpoint, non sans mal car il était énervé et que les boutons résistaient… saletés… merdeuh… ah ca y est… donc, commençant à déboutonner son pourpoint, le régent continua :

Alors tu feras ce que je t’ordonne et sans rouspéter ! Et oui je suis bien placé pour parler de dignité, moi au moins je sais ce que c’est !

Et vlan, deuxième bordée et sous la flottaison en plus !

Comme on dit : la moutarde était en train de lui monter au nez ! Il continuait à lui crier dessus et en plus il lui rappelait de façon assez désagréable qu’elle était sa femme. Pour le coup, elle ne voyait pas bien comment l’oublier avec le bébé qui s’en donnait à cœur joie dans son ventre. S’il y avait une prière qu’elle voulait voir exaucée concernant son enfant à naitre, c’était qu’il ne soit surtout pas aussi buté et borné que son père. Par les cinq il commençait sérieusement à l’énerver. Et puis pourquoi lui reprochait-il de ne pas avoir un comportement digne et correct. C’était quand même un comble pour quelqu’un qui venait de s’égosiller sur un Baron et qui maintenant passait ses nerfs sur sa femme.

- En quoi n’ai-je pas eu un comportement DIGNE ET CORRECT ? Pour quelqu’un qui a passé sa soirée à se jeter sur de la nourriture et à crier sur un Baron….en comparaison je me trouve du politesse et d’une dignité exemplaire.

Le voir s’énerver sur son pourpoint était un véritable plaisir pour la jeune femme. Elle était presque sur le point d’éclater de rire lorsque son tendre et adorable mari rajouta la phrase de trop. Il lui ordonnait quoi? Non mais pour qui la prenait-il ? Certes elle était sa femme mais lorsqu’elle se faisait crier dessus elle préférait qu’il y ait une raison valable! C’était tout de même ahurissant qu’il fulmine à ce point.
Se tournant vers son époux, Jena n’affichait plus son visage angélique et souriant. Bien au contraire. Elle avait presque des envies de meurtre. Sa brosse qu’elle tenait fermement dans ses mains traversa la pièce et vint percuter le crâne du soit disant régent d’Alonna.

- JE N’AI AUCUN ORDRE A RECEVOIR DE TOI ! hurla-t-elle. Tu es peut-être mon mari mais tu n’as pas le droit de me traiter aussi injustement. ET JE ROUSPÈTE SI J’EN AI ENVIE.

Jena sentit un nouveau coup dans son ventre, plus fort et plus douloureux. Et pour ne pas montrer ce petit instant de faiblesse elle fit volte face et s’approcha de son lit à grand pas. Elle n’avait qu’une hâte, s’allonger, s’endormir et attendre le lendemain matin. Elle était trop énervée et pour le moment elle avait besoin d’un peu de repos pour ne pas continuer à hurler.

- Ta femme, marmonna-t-elle en s’asseyant sur le bord du lit en grimaçant légèrement, TA femme…Je n’aime vraiment pas l’être lorsque tu me parles ainsi.

Poussant un long soupir Jena tourna son regard vers Hanegard, il pouvait y lire toute la colère qui l’habitait. Et elle n’était pas prête de se calmer s’il continuait à la prendre pour son second. Et quelque chose lui disait que ce n’était pas encore la fin du round. Tout comme elle, Hanegard avait sa fierté…

Vous ne vous attendiez pas à ce que notre héros sans peur et sans reproche reste sans réagir fasse aux assauts de la cruelle non ? Et ben je vous rassure…

Crier sur un baron ? Tu appelles ca un baron ? Ce satyre qui cherchait à t’attirer derrière une haie ? Je les connais, les vipères lubriques de son genre, ca commence par une main sur le ventre et ca se termine par un étranglement en bonne et due forme !

Un peu incohérent comme discours pour qui ne connaissait pas le passé d’Hanegard, dont la première femme avait été violée puis tuée. Bien que depuis qu’il ait rencontré Jena ses vieux démons aient cessés de le tourmenter, le mal couvait toujours sous la surface et s’était réveillé ce soir là. Et dans ce genre de cas, lorsqu’Hanegard craignait pour la sécurité de Jena, il n’était plus dans son état normal.

Mais enfin que croyait-elle aussi ? Le petit jeu de ce soi disant baron était évident, il tentait juste d’amadouer sa proie avant d’abuser d’elle. Et bien sur elle avait donné droit dans le piège cette gourde ! Heureusement qu’il avait été là pour arrêter la tragédie avant que cela ne tourne mal.

Toujours furieux, le régent décida toutefois de quitter momentanément le champ de bataille, tant qu’il restait sur le succès d’un dernier assaut, le temps de rameuter ses réserves pour une nouvelle charge. Il se replia donc sur des positions préparées à l’avance, c’est-à-dire dans le petit salon adjacent à leur chambre. S’affalant dans un fauteuil fasse à la cheminée, il resta un long moment à maugréer contre les femmes légères.

Lorsque la porte de la chambre se referma sur Jena, laissant Hanegard seul dans le salon, il eut le loisir de réfléchir. De toute façon il ne pouvait faire que cela, hein ? Elle semblait s’être calmé la première et lui avait envoyé une froide bordée juste sous la flottaison. Lui rappeler Tarkel et Tinfar, c’était vraiment bas comme coup ca ! Et le pire, elle jouait à la bonne épouse obéissante pour lui couper tous ses arguments.

Bon c’était assez vrai, mais vous n’êtes pas obligé de me le rappeler, merci ! Déjà que je ame pour trouver un moyen de sortir la tête haute de cette dispute…

Pardon ?

Ah oui j’oubliais…

Ce n’est jamais l’homme qui sort la tête haute… c’est lui qui doit s’excuser… la stabilité du couple l’exige.

C’est pô juste !

Pardon ?

Y’a pas de justices ?

Bon ben allons-y alors…

Une heure passa… une deuxième (oui, je vous fais la version abrégée). Le régent ne bougeait pas plus qu’une statue, perdu dans ses pensées. En analysant froidement la situation, il se rendait compte qu’il avait mal interprété le geste du baron de Missède. Si Jena l’avait vraiment invité à sentir bouger le bébé, rien d’étonnant à ce qu’il l’ait fait, il s’agissait d’un geste purement anodin et sans aucune arrière pensée.

Merde, mais qu’avait-il fait ? Sa réaction pouvait passer pour celle d’un rustre sans éducation… ce que de fait il était… ben oui, il n’était pas né avec une cuillère en argent entre les fesses. Dans la bouche pardon. Se levant, il voulu s’envoyer un petit coup dans le gosier pour se donner du courage mais se dit que s’il arrivait avec une haleine de taverne, sa plaidoirie allait être encore plus difficile.

Allez, courage !

Rentrant dans la chambre, le régent vint s’asseoir au bord du lit où reposait Jena, qui ne dormait pas, fixant le plafond de ses yeux grands ouverts. A voix basse, sur un ton contrit, il murmura :

Je suis désolé Jena.

Par super hein comme début ? Ben oui, je sais, mais que voulez vous, j’improvise…

Je me suis comporté comme un rustre. Lorsque je vous ai vu, j’ai arrêté de réfléchir et je suis bien conscient du fait que je t’ai fait honte devant le baron.

Une fois allongée dans son lit, Jena pensa que le sommeil l’emporterait bien vite et que lorsqu’elle se réveillerait elle se rendrait compte que tout cela n’était qu’un horrible cauchemar. Sauf que voilà….le sommeil ne vint pas ! Et ça l’énerva davantage ! Savoir que sa brute épaisse de mari se trouvait la pièce à côté et qu’il n’avait pas dit un mot depuis leur dispute lui irritait les nerfs au plus haut point. Comment pouvait-on être aussi borné ? Et comment oserait-elle se représenter devant le Baron de Missède après ça… ? D’autant plus qu’elle ignorait tout de ce qui s’était passé entre son mari et Viktor. Elle espérait seulement qu’il ne l’ait pas assommé et abandonné dans un coin du jardin.
Combien de temps était-elle restée à regarder fixement le plafond ? Une minutes ? Une heure ? Peut-être deux ?
Aucune idée.

Cependant lorsqu’elle sentit le lit bouger à côté d’elle, elle avait l’impression de ne pas avoir attendu plus d’une seconde entre le moment où elle avait quitté le petit salon et celui où elle avait reposé les yeux sur lui.
Il lui fallut quelques secondes pour habituer son regard au petit picotement désagréable qu’elle ressentait, cela faisait trop longtemps qu’elle avait les yeux ouverts.
Et voilà qu’il venait faire son Mea Culpa….au début elle faillit lui répondre sèchement, l’envoyer promener quoi ! Mais face à sa petite mine désolée elle se sentit fléchir.

- Toi quand tu arrêtes de réfléchir….tu ne fais pas semblant, murmura-t-elle en détournant le regard.

Mohamed Ali en était à son troisième round, et son ventre commençait vraiment à lui faire mal. Mais ce qui lui faisait encore plus mal c’était cette fichue dispute. La première fois que son bébé avait donné des coups, Hanegard n’était pas là et elle n’avait pu partager sa joie qu’avec Clarys….la deuxième fois, elle était avec Viktor de Missède…Elle n’avait partagé ce moment avec son époux que pendant leur dispute et elle trouvait ça d’une stupidité affligeante. Se redressant lentement, Jena glissa sur le lit pour se rapprocher un peu plus d’Hanegard. Malgré la colère qu’elle ressentait toujours, elle fut capable de lui adresser un sourire avant de poser sa tête contre son torse.

Un moment de silence. Elle voulait juste se retrouver dans ses bras un moment. Seulement apprécier son étreinte après cette longue et horrible journée. Lorsqu’elle se sentit un peu mieux, elle releva la tête et déposa un baiser sur les lèvres de son époux. Une sorte de ‘j’accepte tes excuses…..mais fait gaffe à toi la prochaine fois’. Elle était tellement bien dans ses bras qu’elle n’avait pas envie de bouger pour l’instant, à l’inverser d’une troisième petite personne qui s’en donnait à cœur joie.

- Je crois qu’il n’aime pas quand on se dispute….Et moi non plus je n’aime pas ça.

Elle venait de baisser ses yeux vers son ventre et en grimaçant légèrement de douleur. Pour la deuxième fois de la soirée, elle posa la main d’Hanegard sur son ventre, à l’endroit où elle sentait les petits coups. Au bout de quelques minutes, les coups se calmèrent et Jena laissa échapper un soupir de soulagement.

Jena blottie au creux de ses bras, Hanegard se dit pour la millième fois de la soirée qu’il faudrait qu’il arrête de penser avec ses poings à chaque fois que quelqu’un s’approchait d’elle. Elle était assez grande pour se défendre, surtout maintenant. Penaud, il murmura :

Pauvre baron, je m’excuserai auprès de lui, le coup a du lui retourner l’estomac.

Petit rire… il fallait admettre que la situation en devenait presque cocasse à tête reposée. Un peu comme ces gags d’acteurs qui donnaient des spectacles comiques sur de petites estrades montées au milieu des villages.

Jena l’interrompit lorsque le bébé recommença sa séance de punching-ball. Lui posant la main sur son ventre, elle le laissa sentir les coups, signe de la vie qui se développait, signe du fruit de leur amour.

Les deux époux restèrent tendrement enlacés, leur colère oubliée. Ne dit on pas que l’amour surmonte toutes les épreuves ?